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Sensibilité des structures d'écoulement aux paramètres

2.1 Ecoulement monophasique en conduit coudé

2.1.2 Sensibilité des structures d'écoulement aux paramètres

Les applications industrielles peuvent présenter des dimensions importantes et des nombres de Reynolds élevés, ce qui rend difficile la reproduction du cas réel dans des ba ncs expérimentaux et rend des calculs de dynamique des fluides (CFD) trop coûteux. C'est pour- quoi des travaux ont ensuite été consacrés à une analyse de sensibilité des structures d’écou- lement en fonction de ces paramètres, de façon à déterminer si les cas d'études peuvent être reproduits à échelle réduite. Iwamoto et al. (16) ont effectué des essais sur un banc à échelle 1/10 du JSFR et vérifient que les résultats, comparés avec des mesures réalisées sur l'objet

Figure 2.2 - Structures oscillantes formées au passage d'une courbe serrée, à savoir, la séparation sur l'intrados, une zone de frottement au-dessus de la première et les tourbillons de Dean. Adapté de

d'étude, sont extrapolables, permettant ainsi l'utilisation d'une méthode basée sur l'analogie. Des études comme celle de Takamura et al. (17) montrent qu'il est possible de trouver des gammes de nombres de Reynolds pour lesquelles les caractéristique de l’écoulement ne sont pas modifiées de façon significative. Les auteurs se servent de la PIV pour obtenir jusqu’à 500 champs de vitesse par seconde en section de sortie d'un coude à 90° pour des nombres de Reynolds variant entre 3 x 105 et 8 x 105. Les mêmes structures de l'écoulement sont

retrouvées, présentant les mêmes fréquences caractéristiques pour différents nombres de Reynolds.

Les fréquences caractéristiques sont représentées par un nombre sans dimension, le nombre de Strouhal, calculé en fonction du diamètre interne du conduit et de la vitesse débitante, comme suit :

𝑆𝑡 = 𝑓𝐷 𝑈⁄ 0 (2.1)

Takamura et al. (17) identifient trois structures oscillatoires différentes : 1) la zone de séparation, qui oscille dans la direction de l’écoulement à St ~1.0 ; 2) le lâché tourbillonnaire, issue de la séparation et qui est convecté vers l’aval du coude à St ~ 0.5 et 3) l'écoulement secondaire de Dean, à St ~ 0.5. Les spectres de fluctuation des vitesses montrent que cette troisième structure serait dominante par rapport aux deux autres.

Afin d’étudier l’influence des conditions d’écoulement amont sur la formation des structures cohérentes au passage de la courbure, Barbara (18) a entrepris une campagne exhaustive de mesures dans un coude à 90° et rapport de courbure 𝑅𝑐= 1.5𝐷, pour un nombre de Reynolds 𝑅𝑒 = 105. Dans sa thèse, l’auteur a mené des expériences où il réalise des visualisations de l’écoulement en aval du coude, des mesures de vitesse par Anémomé- trie Doppler Laser (ADV) ainsi que des simulations numériques. Dans un premier temps, les mesures ont été effectuées pour une configuration d’écoulement amont pleinement dé- veloppé, pour être comparées ensuite aux résultats obtenus lorsqu’une rotation centrée et différentes dissymétries sont imposées à l’écoulement amont. Dans la configuration pleine- ment développée, l’auteur a caractérisé en détails la formation de l’écoulement secondaire sur la courbure et sa convection axiale ainsi que son battement en basses fréquences. Lors- que l’écoulement amont a été modifié pour prendre en compte la rotation et la dissymétrie, le comportement dynamique des tourbillons de Dean était affecté et, en certains cas, une des structures rotatives était favorisée au détriment de l’autre. Il est intéressant de remar- quer que la perte de charge associée au passage dans le coude peut être réduite avec l’im- position d’une rotation à l’écoulement amont, par rapport à la configuration pleinement développée.

Pour évaluer l'influence du rayon de courbure du coude, Ono et al. (19) ont fait des mesures PIV sur deux coudes différents : un coude à rayon de courbure identique au diamètre interne

(𝑅

𝑐

= 1D

), le « petit coude », et un deuxième coude à rayon

𝑅

𝑐

= 1.5D

, le « grand coude ». La PIV 2D-2C (où les deux composantes de vitesse sont mesurées sur

un plan) est réalisée sur le plan horizontal de la courbe (plan I sur la Figure 2.3) pour cap- turer la séparation. La Stéréo-PIV, technique qui permet aussi de mesurer la vitesse axiale, est réalisée sur trois plans transversaux situés en aval du coude.

La séparation dans le petit coude est continue, avec écoulement inversé et point de recollement qui oscille dans la direction de l'écoulement. Sur le grand coude la séparation est intermittente et sans écoulement inversé ; elle présente aussi un caractère oscillatoire mais se situe plus en amont par rapport à la séparation sur le petit coude. Les auteurs re- marquent que le lâché tourbillonnaire issu de cette région de recirculation sur l'intrados du coude interagit avec les tourbillons de Dean.

Ce comportement est compatible avec ce que présente Yamano et al. (20). L'auteur met en place 124 capteurs de pression en amont, en aval et sur un coude à 90° ; en parallèle, une simulation de l’écoulement et de son champ de pression est effectuée à l’aide d’un modèle de turbulence instationnaire basée sur les équations de Navier -Stokes moyennées et connu comme U-RANS (Unsteady Reynolds-Averaged Navier-Stokes). Les auteurs compa- rent ces mesures de pression pariétale avec la réponse calculée. La région de l'intrados où

Figure 2.3 - Plans PIV mesurés par Ono et al. (19) pour le grand coude (

𝑅

𝑐=1.5D). Les plans II, III et IV sont situés, respectivement, à 0D, 0.25D et 0.5D en aval du coude.

Figure 2.4 - Mouvements en grandes échelles mises en évidence à partir de la corrélation de la vitesse fluctuante en amont du coude. Extrait de Sakakiara et Machida (24).

la séparation a lieu présente le niveau le plus important de fluctuation de pression et un pic à St ~ 0.5 est observé sur les spectres. Sur la région en aval du coude, un pic à St ~ 1.0 est aussi observé et son niveau est comparable à celui à moitié de sa fréquence, qui est toujours présent. Concernant l'approche numérique, les auteurs défendent l’utilisation d'un modèle U-RANS au détriment de la méthode LES (Large-Eddy Simulation), qui résout les grandes échelles de la turbulence et modélise les petites.

Une méthode LES a été utilisée par Eguchi et al. (21) dans le but d'évaluer l'influence du profil de vitesse à l'entrée du coude. Les calculs LES ici sont comparés avec des calculs directs (DNS, Direct Numerical Simulation) et validés, démontrant l'applicabi- lité de ce type de modèle de turbulence pour des études d'interaction fluide -structure sur le coude. On observe que la séparation sur l'intrados du coude est influencée par le profil de vitesse en amont. Le plus épaisse est la couche limite à l'entrée (écoulement plus déve- loppé), plus petite sera la zone de recirculation sur l'intrados.

Plus récemment, Duta et Nandi (22) ont étudié l’influence du rayon de courbure et du nombre de Reynolds sur l’écoulement en aval du coude. A partir d’un modèle de turbulence du type 𝜅 − 𝜖, des calculs stationnaires (RANS) sont réalisés pour des rayons de courbure variant de 𝑅𝑐 = 1 à 𝑅𝑐 = 5D et des nombres de Reynolds compris entre 0.1 et 1 x 105. La topologie de l’écoulement en sortie de la courbe, mesurée à partir de la vitesse

tangentielle, dépend très peu du nombre de Reynolds. Si d’une part les structures oscilla- toires formées au passage du coude ne sont pas fortement liées au nombre de Reynolds, de forts indices semblent confirmer qu’elles dépendent des conditions d’entrée (écoulement amont), comme proposé initialement par Tunstall et Harvey (12).

Dans le but d’étudier le rapport entre les propriétés turbulentes de l'écoulement amont et le phénomène de Swirl-Switching, Vester et al. (23) introduisent un nid d'abeille en amont du coude. Les auteurs observent que l'introduction de ce redresseur retarde la formation de l'écoulement secondaire, ce qui engendre une atténuation importante des ni- veaux de fluctuation de vitesse azimutale. A partir de mesures PIV, Sakakibara et Machida (24) utilisent l’Estimation Stochastique Linéaire (LSE) pour mettre en évidence la corréla- tion entre l’écoulement en amont de la courbe et l’oscillation du point de stagnation en aval.

Figure 2.5 - Plans mesurés par Vester et al. (23), rouge, et par Hellstrom et al. (28), vert (I-1D, II-2D, III-3D, IV-5D, V-12D et VI-18D).

En effet, les corrélations du champ de vitesse font apparaître de grandes structures d’écou- lement amont qui semblent être en phase avec le comportement oscillatoire de l’écoulement aval (Figure 2.4).

Des structures très allongées sont retrouvées dans des écoulements internes turbu- lents développés. Guala et al. (25) identifient des structures dont les longueurs caractéris- tiques peuvent atteindre 8 fois le diamètre du conduit, pour des nombres de Reynolds de l’ordre de 105. Ces structures sont très actives et énergétiques, puisqu’elles contribuent avec

environ la moitié de l’énergie cinétique turbulente de l’écoulement aval. La Décomposition Orthogonale aux Valeurs Propres (POD) réalisée sur des champs PIV permet à Liu et al. (26) de situer ces mouvements à grandes échelles (VLSM) dans la sous -couche logarith- mique de la couche de mélange. Hellstrom et al. (27) appliquent la POD sur des champs des vitesses tridimensionnels en conduit circulaire obtenus par Stéreo -PIV et démontrent que les 4 modes POD les plus énergétiques suffisent pour restituer les VLSM. La forme et la taille de ces structures ne semblent pas très sensibles au nombre de Reynolds.

Le mécanisme qui relierait ces structures retrouvées en amont aux structures os- cillantes développées en aval de la courbe n’est cependant pas encore très clair. Tunstall et Harvey (12) avaient suggéré que la séparation serait à l’origine de l’oscillation des Tour- billons de Dean ; néanmoins, ce mouvement oscillatoire existe aussi dans les cas des courbes à des rayons de courbure plus grands, où la séparation n’a pas lieu, comme le fait remarquer Vester et al (23). Hellström et al (28) ont tenté d’expliquer ce lien à partir de mesures PIV résolues dans le temps (TR-PIV) de sections transversales situées loin en aval de la courbe (Figure 2.5). L’analyse des modes POD indique que le swirl-switching est caractérisé par la suppression d’une des cellules du type Dean par l’autre. Cette suppression ne serait donc pas liée nécessairement à l’existence de la séparation sur l’intrados, mais d’une instabilité présente à ce niveau. Pour plus de détails sur l’écoulement en entrée de coude et les longueurs caractéristiques de ses structures turbulentes, le lecteur est invité à consulter les travaux de Yao et Berger (29).