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Dans cette transition, les banques vont de plus en plus traiter ces instruments qu'elles-mêmes ou d'autres banques créent et distribuent. Ces opérations vont doter de liquidité l'instrument et donc, non seulement profiteront à l'investisseur client de la banque, mais aideront également la banque à fixer le prix des nouveaux instruments qu'elle crée. Les banques qui veulent être au service des émetteurs comme des investisseurs tendront aussi à être « dealers ».

Cela nécessitera un changement dans l'état d'esprit de nombreux banquiers qui ont épousé la thèse qu'un prêt, une fois fait, est bon jusqu'à preuve du contraire et doit donc être inscrit au pair plutôt que coté selon le marché. Tant qu'il n'y avait pas de marché pour les prêts, cette opinion était peut-être raisonnable, mais maintenant qu'il y a un marché, elle devient moins défendable et si l'on continue à s'y tenir, elle risque d'empêcher les banques commerciales d'adopter une perspective tournée vers l'avenir, nécessaire pour réussir dans la nouvelle finance.

La gestion est un autre service que les banques offrent aux investisseurs. Aujourd'hui, les banques acquièrent des actifs financiers, non pour leur propre compte, mais pour celui des investisseurs. Néanmoins, les actifs financiers traditionnels des banques vont se déverser sur les marchés national et international, et les investisseurs institutionnels, avec leurs gérants professionnels, banques et non banques, assumeront le risque et récolteront les fruits de ces actifs financiers transformés en titres.

Les banques peuvent aussi améliorer la qualité des actifs financiers, qu'elles les créent ou pas. Au travers de crédits financiers ou d'autres formes d'assurance, les banques peuvent accroître la qualité du crédit ou extraire le risque inhérent aux taux d'intérêt et/ou de change des actifs financiers.

Les banques peuvent ensuite conserver ce risque en investissant dans des actifs dont le rendement n'est pas lié aux risques assurés (31).

Pour alternative, les banques peuvent vendre les risques extraits des nouveaux instruments, qui peuvent être vendus à des investisseurs différents (32).

Cette amélioration du risque « déficèle » l'actif financier qui répond ainsi le mieux aux besoins de l'émetteur en quête d'instruments financiers distincts qui correspondent de façon plus précise aux préférences des investisseurs. Les banques vont conserver ces risques qu'elles ont pour spécialité d'analyser. Aujourd'hui, les grandes banques sont déjà profondément engagées dans ce processus d’accroissement du risque par les lettres de crédit, l'assurance du crédit, les swaps sur les taux d'intérêt et de change, les puts, calls et options (33).

Enfin, les banques vont assurer tous les services ayant trait aux actifs financiers qu'elles les détiennent ou qu'elles les vendent. Elles recueilleront les intérêts et le capital des émetteurs et verseront les bénéfices aux investisseurs. Elles agiront en tant que fiduciaires ou « trustees » dans les émissions importantes et contrôleront que l'émetteur respecte et applique les conditions données aux détenteurs d'obligations. Elles effectueront le transfert d'émissions d'un propriétaire à un autre.

En d'autres termes, les banques traiteront les transactions. Elles devront suivre de près ce que leurs clients doivent et possèdent. Cette fonction de comptable nous ramène au rôle traditionnel des banques qui gèrent le système des paiements. Aucune transaction financière n'est jugée complète avant que le droit de propriété n'ait été transféré du vendeur à l'acheteur et que le paiement n'ait passé de l'acheteur au vendeur , à ce moment-là, l'acheteur a un droit de propriété complet et incontesté sur son investissement et le vendeur dispose de fonds « sonnants et trébuchants », c'est-à-dire utilisables immédiatement et indiscutablement.

(31) – Par exemple l'A.M.B.A.C. assure les obligations de municipalités en cas de suspension de paiement et investit les primes reçues dans des titres du gouvernement fédéral et de sociétés, plutôt que dans des titres de municipalités.

(32) – Par exemple, dans un swap sur les taux d'intérêt, la banque assure une partie contre une hausse des taux et l'autre contre une baisse des taux.

(33) – Par exemple, les banques fournissent des lettres de crédit de réserve ou « stand by » qui soutiennent les émissions de papiers commerciaux par des sociétés ou de bons à court terme de municipalités, Elles offrent aussi une protection pour les taux d'intérêt et les taux de change grâce aux swaps, aux futures et aux techniques de « hedging ». Enfin, elles investissent dans des compagnies d'assurances et de garantie financière, telles que la Municipal Bond Insurance Association (M.B.I.A.), la Financial Guarantee Insurance Corporation ou l'American Municipal Bond Assurance Corporation (A.M.B.A.C.). A Citicorp, ces types de dettes, l'assurance de liquidité, les garanties financières et « l'intermédiation » des actifs représentaient $ 238 millions de bénéfices en 1985 ou $ 35 millions de plus que les bénéfices provenant des prêts de base (Citicorp, Rapport Annuel 1985, p. 24).

On peut prendre l'exemple de la vente d'un billet de loterie (un « investissement » plutôt risqué) contre liquidités. Le transfert de l'investissement et le paiement se passent simultanément.

Mais ces transferts et paiements simultanés ne sont pas toujours commodes ou même possibles. Le transfert de l'investissement peut précéder le paiement ou vice versa. Là, apparaît le risque, connu techniquement sous l'appellation de risque de la contrepartie, qu'une des parties à une transaction financière ne fasse pas ce que l'on attend d'elle. Par exemple, le transfert a lieu, mais le paiement n'est pas effectué et, jusqu'à ce que le paiement soit reçu, le vendeur fait crédit à l'acheteur.

Le système traditionnel de chèque basé sur le papier, utilisé aux Etats-Unis, fonctionne essentiellement sur ce principe. Si un américain achète un costume et qu’il le paye avec un chèque, le magasin lui octroie un crédit jusqu'à ce que le chèque soit encaissé. Il peut le faire dans sa ville natale, mais peu de commerçants à Cleveland, Tucson ou Hong Kong accepteront son chèque et le laisseront emporter le costume. Le risque est tout simplement trop grand. Il peut être un faussaire ; Il peut suspendre le payement ou Il n'a peut-être pas l'argent sur son compte.

Ainsi les banques, en raison de leur image fondamentale universelle de sécurité et de solidité, ont fait fonctionner le système de paiements. Elles le font en assumant le risque de crédit présent dans toute transaction financière. Un chèque garanti par une banque, un chèque de voyages émis par une banque, un crédit irrévocable à un compte bancaire, sont des instruments généralement reconnus par le public comme équivalents de liquidités et sont donc acceptés en tant que paiement. Pourtant, dans tous les cas, le public a été d'accord d'accepter le crédit de la banque comme une compensation satisfaisante pour transférer un actif ou rendre un service. Même si certaines institutions non bancaires ont obtenu le même degré d'acceptation et de crédibilité auprès du public, elles sont peu nombreuses et l'on peut s'attendre à ce que les banques, directement ou par les services publics qu'elles posséderont ou feront fonctionner, continueront à être le facteur prédominant dans le système global des paiements.

Cela nous ramène au point de départ. Comment les banques vont-elles gérer le dilemme : ajuster leur tradition de sécurité et de solidité à un environnement changeant ?

Les grandes banques continueront à être les principaux opérateurs dans le système global des paiements, mais elles choisiront peut-être de le faire par le truchement de sociétés de services publics, possédées en commun, analogues à C. F. D. E. L. ou à la Depository Trust Company, plutôt qu’au travers des banques elles-mêmes.

Quoi qu’il en soit, les opérateurs du système des paiements, que le système continue à être géré par les banques en tant qu'institutions ou par une société de service public créée par les « utilisateurs » du système (qu'il s'agisse de banques commerciales, de banques d'investissement, de compagnies d'assurances et/ou de sociétés de courtage) mettront davantage l'accent sur les contrôles du risque de la contrepartie, dangereux pour le système (34).

Les grandes banques ne vont plus jouer leur rôle traditionnel de principaux créateurs, de distributeurs, dealers et gérants de ces actifs.

En fonction de cette tendance, des changements comptables et réglementaires vont suivre, qui tendront à fixer le prix des actifs financiers selon la cotation du marché plutôt que selon la valeur au pair ; ils réduiront la fonction des provisions pour pertes sur dettes ; et ils capitaliseront les banques sur la base de l'évaluation du marché, de leurs diverses fonctions ou activités plutôt que sur celle de formules réglementaires préétablies. C’est pourquoi, les dirigeants des banques d’aujourd’hui devraient relever ce défi.

Section V