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Les cinq forces décrites (et peut-être d'autres encore que nous n’avions pu mettre en évidence) créent, la « nouvelle finance ». La nouvelle finance sera guidée par le client et non par le produit.

On pense traditionnellement que les banques commerciales sont (et aux Etats-Unis elles sont définies pour être) des institutions qui font des prêts commerciaux et acceptent des dépôts à vue. A l'avenir, néanmoins, les banques doivent devenir des sociétés qui servent des clients, qu'ils soient émetteurs ou investisseurs.

C'est pourquoi la nouvelle finance mettra davantage l'accent sur le fonctionnel que sur l'institutionnel. Les institutions, qu'elles s'intitulent banques commerciales, sociétés financières, entreprises de traitement de données, compagnies d'assurances, caisses d'épargne, sociétés commerciales ou banques d'investissement) se concentreront sur les fonctions ou activités où elles se sentent compétentes et grâce auxquelles elles peuvent réaliser un profit. Certaines grandes institutions (telles que Citicorp) vont se lancer dans une vaste gamme de fonctions pour une large variété de clients sur certains marchés ; d'autres tendront à se spécialiser dans un nombre limité de fonctions pour une base limitée de clients (25). Le résultat net de la nouvelle finance est que les lignes de démarcation traditionnelles et la réglementation ne seront plus valables. L'appellation générique de l'institution sera peu importante, les fonctions et leur exécution seront toutes importantes.

Que seront, très prochainement, ces fonctions ? D'une manière générale, l'intermédiaire financier va émettre, acquérir et détenir des actifs financiers pour investissement, mais, dorénavant, il va de plus en plus souscrire, distribuer, traiter, gérer, assurer et entretenir les actifs financiers. Ces fonctions permettront à l'intermédiaire d'être au service des émetteurs et des investisseurs et, dans le cas des actifs gardés jusqu'à échéance, d'assumer les risques que ni les émetteurs ni les investisseurs ne veulent supporter. Bien que ces fonctions soient interdépendantes, nous allons les examiner l'une après l'autre.

L'élaboration se réfère au travail de l'intermédiaire avec son client pour structurer un actif financier qui fournit au client, au coût minimum, des fonds sous une forme appropriée.

(25) - Par exemple J.P. Morgan & Co et Bankers Trust ont indiqué qu’elles allaient se spécialiser dans la banque d'affaires pour les grandes institutions et la clientèle privée fortunée.

Cela implique de fixer le prix de l'actif et d'obtenir les conditions adaptées et/ou une garantie pour contrôler le risque. A cet égard, les banques, par tradition, n'avaient qu'elles-mêmes et leurs emprunteurs à satisfaire ; les banques étaient les seules à investir dans les prêts qu'elles faisaient ou dans les titres qu'elles achetaient ; elles assumaient tout le risque avec les emprunteurs car devant opérer dans les limites de financement des actifs. Néanmoins, les banques vont de moins en moins détenir les actifs financiers qu'elles créent. Elles les vendront à d'autres investisseurs. Ainsi, les banques devront tenir compte des préférences des investisseurs au moment de créer de nouveaux actifs financiers.

Dans la mesure où un intermédiaire financier, banque ou non banque, décide d'acquérir et de détenir un actif financier qu'il crée, il devra bien évidemment obtenir des fonds pour effectuer cet investissement. Si l'intermédiaire est une compagnie d'assurances, elle se financera elle-même par les réserves et les capitaux accumulés par les primes nettes et le revenu des investissements. Si l'intermédiaire est une banque d'investissement, elle sera financée avec les avoirs en compte, les emprunts et les bénéfices non distribués. Si l'intermédiaire est une société financière, elle se financera par les emprunts et les bénéfices non distribués. Mais si l'intermédiaire est une banque, elle se financera essentiellement par les dépôts – des engagements de dettes non garantis, uniquement émis par des banques et des caisses d'épargne (26). Cette unique source de financement se sépare en deux types de dépôts, désignés de façon semblable, mais très différents.

La première source est celle des dépôts provenant des ménages et des consommateurs. Ces dépôts sont relativement modestes dans leur montant – importants lorsqu’on les ajoute – et très stables, en particulier parce qu'ils sont fréquemment soutenus par des garanties externes du gouvernement ou de l’industrie, implicites ou explicites.

Aux Etats-Unis, la plupart des dépôts de consommateurs sont explicitement garantis ou « assurés » par des agences du gouvernement fédéral jusqu'à $ 100 000 par personne et par banque.

Le lien étroit entre les possibilités des dépôts de consommateurs et la stabilité de leurs garanties sous-jacentes a récemment été démontré de façon spectaculaire par la « ruée » aux dépôts non garantis au niveau fédéral, dans les caisses d'épargne autorisées et garanties au niveau local par l'Etat dans l’Ohio et le Maryland en 1985.

(26) – Le total des dépôts dans les banques commerciales américaines et les caisses d'épargne s'élevait à fin 1985 à environ $ 2,8 trillions, Federal Reserve Bulletin, mai 1986, p. 36.

Les dépôts de consommateurs, garantis au niveau fédéral, sont la source essentielle de financement pour les quelques 14 000 petites banques américaines (27).

La deuxième source de financement des banques, portant la même désignation mais fondamentalement différente, est ce que l'on appelle les dépôts commerciaux ou « marché de l'argent ». Ces dépôts commerciaux sont des engagements de dettes en général importants, cotés, à court terme, négociables, non garantis et dus à d'autres banques, à des entreprises commerciales ou à des institutions gouvernementales (28).

Ils ne bénéficient généralement pas des garanties externes offertes aux dépôts de consommateurs. Cependant, la philosophie selon laquelle « certaines banques sont trop grandes pour faire faillite » qui a sous-tendu le sauvetage gouvernemental de la Continental Illinois Bank en 1984, laisse de plus en plus supposer à ceux qui sont engagés dans le débat politique que tous les dépôts dans les banques américaines, quels que soient leur dimension et leur emplacement, sont assurés de facto.

Néanmoins, en raison de la sophistication des déposants commerciaux et des ambiguïtés existant quant au “statut de jure” de leurs garanties externes, les dépôts commerciaux ont tendance à être une source de financement beaucoup plus volatile et sont beaucoup plus semblables au financement des papiers commerciaux qu'aux dépôts de consommateurs. Les dépôts commerciaux sont néanmoins la source prépondérante de financement pour les grandes banques internationales aux Etats-Unis (29).

En raison de la stabilité de leurs sources de financement et de l'accès relativement limité de leurs clients à d'autres sources de crédit et à d'autres services financiers, les petites banques tendent à créer des actifs financiers et à les détenir jusqu'à échéance. Traditionnellement, cela avait pour conséquence que les petites « community banks » bénéficiaient de rendements sur les actifs supérieurs à ceux des grandes banques, davantage assujetties à la concurrence.

(27) Les dépôts assurés représentent plus de 90 % du total dans les 14 000 petites banques locales ou « community bank » avec des dépôts de moins de $ 100 millions. En outre, par essence, tous les dépôts auprès des institutions assurées par la F.S.L.I.C. sont assurés, comme le sont pratiquement tous les dépôts auprès des caisses d'épargne mutuelles assurés par la F.D.I.C.

(28) – Le total des dépôts non assurés dans les banques américaines (y compris les dépôts non assurés dans les succursales de banques américaines à l'étranger) représentait $ 755 milliards à la mi-1985, soit environ 38 % de tous les dépôts auprès des banques commerciales américaines. Les neufs banques les plus grandes (dépôts dépassant $ 20 milliards) détenaient plus de 40 % de tous les dépôts non assurés.

(29) – Dans les neuf banques les plus grandes (dépôts dépassant $ 20 milliards), les dépôts non assurés représentent plus de 70 % de tous les dépôts.

En outre, du fait que les petites banques appartiennent à un petit nombre d'actionnaires, leurs propriétaires ont la possibilité d'agir en leur nom propre pour acquérir des banques dans plusieurs Etats, d'agir en tant qu'agents d'assurances ou de se lancer dans le commerce. Ces circonstances peuvent expliquer la vigueur avec laquelle les petites banques se sont toujours opposées à l'élimination des barrières bancaires entre Etats et leur relative indifférence face à l'obtention de pouvoirs accrus dans les services financiers (30). Aujourd'hui, cependant, les nouveaux concurrents et la déréglementation en matière de taux d'intérêt des dépôts, réduisent leur rentabilité ; ainsi, une grande partie de ces banques antérieurement protégées envisagent-elles plus favorablement l'activité bancaire s'étendant sur plusieurs Etats et des pouvoirs accrus afin d'augmenter la valeur de licence les autorisant à exercer les activités bancaires (« franchise values »).

En raison de la volatilité de leur financement par le biais des dépôts commerciaux et des papiers commerciaux, associée à l'accès immédiat de leurs clients les plus dignes de crédit aux autres sources de crédit et de services financiers, les grandes banques, tout en continuant à créer des actifs financiers, souhaitent de plus en plus transformer ces actifs en titres, c'est-à-dire les rendre aisément transférables à d'autres investisseurs. Cette tendance vers la « négociabilité » est accélérée par la demande accrue des investisseurs pour des rendements plus élevés sur les capitaux propres et les actifs, par la demande des responsables de la réglementation pour plus de capital et par la prise de conscience des clients que le financement direct auprès d'intermédiaires financiers non bancaires peut coûter beaucoup moins cher .

Cela nous amène à la distribution. Il s'agit du placement par l'intermédiaire d'actifs financiers transférables auprès d'autres investisseurs. Traditionnellement, les banques ne plaçaient qu'un seul type d'instrument auprès des investisseurs, à savoir leurs propres dépôts ; c'est pourquoi les banques étaient peu encouragées à se demander si l'instrument de dépôt trouverait sa place dans le portefeuille de l'investisseur. Cette attitude s'appliquait particulièrement aux dépôts de consommateurs pendant que les plafonds des taux d'intérêt de la « Regulation Q » étaient en vigueur. (Ils n'ont été progressivement éliminés qu'au début de 1980). En d'autres termes, les banques étaient dans une large mesure guidées par le produit et non par le client.

Pourtant, les banques devront de plus en plus être guidées par le client. C'est déjà le cas pour les grandes banques ; cela se produira bientôt pour les banques moyennes et finira par atteindre les petites banques.

(30) – Cf. Charles T. DOYLE, président de l'Independent Bankers Association of America, Témoignage sur les amendements en matière d'acquisitions en cas d'urgence d'institutions financières, présenté à la commission parlementaire sur les affaires bancaires, financières et urbaines, 1er Mai 1986.

Les concurrents non bancaires offrent déjà aux clients des dépôts et leur équivalent, les fonds de placements des liquidités, comme deux choix possibles dans une gamme plus vaste d'actifs financiers dans laquelle les clients peuvent investir. Cette offre globale invite les clients à comparer les dépôts avec d'autres actifs financiers, en termes de rendement, de risque et de liquidité. Il devient ainsi plus difficile de vendre des dépôts, et surtout de vendre seulement des dépôts. Nous dirons simplement que les banques vont devoir passer du rôle de receveur des dépôts à celui du grand magasin de l’investissement.

Sous-Section II