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Rôle du chargé d’affaires (127)

Une réflexion nécessaire sur l’organisation interne des deux acteurs

Encadré 5 Rôle du chargé d’affaires (127)

La dualité des approches transactionnelle et relationnelle s’exprime dans le quotidien des chargés d’affaires. Deux types de propos coexistent :

· Le chargé d’affaires exprime l’évolution du lien qui unit le banquier à son client. Ce lien, de concret, physique et contextualisé, devient abstrait c’est-à-dire lié à des critères techniques (ratios et outils perfectionnés d’analyse du risque). Les banques ont coupé dans leurs coûts, se sont concurrencées et se concurrencent sur les prix. Le chargé d’affaires doit être motivé à vendre des produits financiers. Le chargé d’affaires se perçoit alors comme un coût opérationnel et non un actif stratégique.

Suite de l’encadré 5

· Le chargé d’affaires voit, également, la relation comme un partenariat bénéfique tant pour la banque que pour l’entreprise… et s’il reconnaît que sa banque poursuit une logique de vente, il lui faut aussi « savoir voir les clients sans avoir rien à leur vendre, simplement pour écouter les clients », surtout les clients de long terme qui valorisent et recherchent un échange plus relationnel. La relation étant faite de « l’accumulation de petits détails », le chargé d’affaires est alors « le personnage clé, un intégrateur de métiers : c’est un interprète, c’est l’interface entre la banque et l’entreprise, c’est le pion essentiel du chef d’entreprise ».

Malgré ces efforts qui doivent se poursuivre, l’échec ou les conflits pouvant apparaître semblent provenir assez souvent des entreprises elles-mêmes. La critique facile à l’égard des banquiers sur leur frilosité ou leur cynisme cache souvent un manque d’anticipation et un comportement lui-même critiquable de la part des entreprises. La relation avec le banquier doit tout autant retenir l’attention que celle avec des fournisseurs ou même des clients. L’idée est ici d’amener les entreprises à construire un dispositif de gestion de la relation, afin de ne plus se trouver en situation d’infériorité en raison de l’asymétrie d’information et d’essayer de tirer parti d’une relation ainsi plus équilibrée.

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Encadré 6 – Mise en œuvre de la gestion de la relation bancaire :

l’exemple d’une PME française

(128).

Cette PME est présente sur un secteur d’activité extrêmement concurrentiel, un secteur à faible rentabilité et extrêmement consommateur d’investissements, le montant annuel approche les 2 millions d’euros. La situation actuelle de l’entreprise est sainte, sa trésorerie est positive après avoir été au bord de la faillite quelques années auparavant. L’entreprise a quatre banques et fait appel, s’il y a des besoins supplémentaires de financement, à divers organismes financiers.

Le problème : avoir accès aux produits et services bancaires chaque fois que nécessaire ; obtenir le financement des investissements projetés ou inattendus (rapidement) est ainsi déterminant.

(128) – Maque, « Les relations bancaires d’une entreprise : fonctionnement et organisation – une application à la PME », Thèse, opcit, p. 209.

Suite de l’encadré 6

L’objectif : créer et entretenir une relation de confiance et de partenariat avec les banques de l’entreprise.

La mise en œuvre : Trois des quatre relations bancaires remontent à plus de dix ans, dont celle avec la banque historique commencée dans les années 1950 ; la dernière approche les cinq années. La longévité des relations est recherchée.

La gestion de relations bancaires fait apparaître des normes de solidarité, de flexibilité et d’échanges extensifs d’informations :

La solidarité s’exprime dans la multibancarisation : l’entreprise partage ainsi volontairement les flux et les financements d’investissements entre ses banques, en tenant compte des demandes de celles-ci ; le dirigeant affirme, également, avoir fait des financements avec certaines de ses banques alors qu’un taux plus attractif lui était proposé (organisme financier extérieur), notamment en raison du soutien financier passé de ses banques ; la recherche du taux le plus bas n’est pas forcément systématique.

La flexibilité s’exprime également dans la multibancarité : l’entreprise choisit ainsi la banque avec laquelle certaines opérations, peu fréquentes, seront réalisées, en fonction du degré de souplesse perçu chez chacune d’elles. De même, l’entreprise modifie parfois son fonctionnement pendant les périodes de vacances des chargés d’affaires, périodes peu propices à la résolution de problèmes du fait de l’absence de l’interlocuteur privilégié. L’entreprise cherche à éviter tout conflit potentiel.

Le dirigeant communique également énormément avec ses banques, quantitativement et qualitativement : il affirme ainsi que les relations bancaires sont « une affaire d’hommes », le rôle du chargé d’affaires est essentiel ; la communication est régulière tout au long de l’année avec un moment fort au moment de la clôture des comptes et de la présentation des investissements et de l’activité de l’année à venir.

L’existence d’un tel dispositif permet de définir des bases explicites de discussion et de négociation conduisant ainsi à vraiment professionnaliser la relation. Si les grandes entreprises disposent de directions financières très structurées capables de négocier avec les établissements financiers, il n’en va pas de même pour les PME. Dans ce cas, la relation est surtout interpersonnelle entre le dirigeant et son banquier.

Trop souvent le premier est en situation d’infériorité par manque de préparation à cette « confrontation » et il n’a pas tous les arguments pour convaincre le financeur de le suivre dans son projet. On peut mettre en avant ici la notion de « bancabilité » qui consiste à présenter les projets selon des normes et avec un niveau d’information qui les rend acceptables par la banque. Ce travail sur la « bancabilité » d’un dossier suppose une préparation en amont de sa présentation :

· Mieux connaître les contraintes de fonctionnement d’un établissement et son processus de décision : beaucoup de dirigeants d’entreprises les ignorent et/ou ne comprennent pas très bien les raisons du niveau des taux qui leur sont proposés. De même, ils ne connaissent pas le cadre réglementaire auquel les banques sont soumises et qui conditionnent bien souvent leur offre. L’idée ici n’est pas de leur trouver des circonstances atténuantes mais, comme dans toute relation commerciale voulant évoluer vers des partenariats privilégiés, il faut bien comprendre les contraintes structurelles qui pèsent sur le processus de « production ». De leur côté, les banquiers devraient davantage expliquer au cours de la discussion la nature exacte de ces contraintes.

· Mieux maîtriser le contenu de ses projets : le banquier, lorsqu’il analyse un projet, va le faire selon un ensemble de critères quantitatifs et qualitatifs que le dirigeant doit connaître pour pouvoir y répondre. Ce qui compte, c’est moins la justesse des prévisions (chiffre d’affaires, coûts…) que la présence effective de documents prévisionnels établis selon des hypothèses sérieuses sur lesquelles on pourra avoir une vraie discussion. L’observation des dossiers de demande de financement de la part des petites structures, en particulier lors des phases de création, montre une très grande pauvreté en la matière. On retrouve bien ici la situation d’asymétrie informationnelle qui ne permet pas au banquier d’évaluer correctement le risque qu’il va prendre. Le dirigeant doit donc s’organiser avec ses équipes pour produire de tels documents.

· Mieux appréhender les aspects humains et relationnels : parmi les critères qualitatifs faisant partie du processus de décision, il ne faut pas sous-estimer la dimension interindividuelle entre le dirigeant et le banquier. Souvent, alors que les aspects quantitatives et formels ne posent pas de problèmes, le comportement, l’attitude du dirigeant, comme d’ailleurs celle du banquier en charge du dossier, aboutissent à des incompatibilités et à des décisions négatives. Tout autant que le projet, le porteur du projet doit être suffisamment convaincant pour augmenter ses chances d’obtenir un financement.

Conclusion.

La contribution du volet bancaire de la politique financière à la création de valeur de l’entreprise doit donc s’appréhender tout autant au niveau des aspects financiers traditionnels (taux, garanties, facturation…) qu’au niveau des aspects organisationnels de mise en œuvre de la relation. La professionnalisation de la relation passe par la construction d’un dispositif interne de gestion de cette relation, en termes de construction de l’information à délivrer au banquier, de fréquence des contacts à l’initiative du dirigeant, des modalités de ces contacts et de leur préparation. Seule une réelle organisation est de nature à réduire les asymétries d’information et les risques d’opportunisme qui en découlent. Pour un dirigeant souhaitant s’inscrire dans une logique plus coopérative, tout en se laissant le droit de faire jouer la concurrence entre les établissements, une prise de conscience de l’utilité d’un tel dispositif paraît nécessaire.

Chapitre III