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Les nouveaux produits financiers

Dans un contexte financier instable ou plus risqué, caractérisé par la déréglementation et une compétition globale accrue, les années 1980 ont vu naître une multitude de nouveaux instruments et techniques financiers. Nombre de ces instruments ont été conçus pour tourner ou réduire l'intervention des autorités fiscales, monétaires ou de surveillance. Certains ont vu le jour en réponse au désir exprimé par les diverses parties (créanciers, emprunteurs, investisseurs, assureurs etc.) d'éviter certains dangers internes tels que la fixation de taux d'intérêts, d'échéances, de parités ou d'autres conditions immuables.

Des montages financiers complexes ont conduit à des permutations variées de ces conditions afin d'ouvrir aux parties concernées la possibilité de se soustraire à des contraintes non désirées.

D'une façon générale, les nouveaux produits et techniques financiers se répartissent en deux grandes catégories :

· Les produits et techniques visant à « déficeler » les risques, c'est-à-dire à séparer les risques découlant de l'insolvabilité de la clientèle des risques inhérents au marché (instabilité des taux d'intérêt ou des taux de change, incidence de l'inflation), et à les redistribuer entre les parties aux contrats ;

· Les produits et techniques visant à améliorer la liquidité de certains instruments ou institutions.

Malgré leur ingéniosité, ces innovations sont facilement imitables dans des marchés financiers ouverts, transparents et hautement concurrentiels. Les banquiers soutiennent fréquemment qu'une concurrence agressive, voire ruineuse, a privé les novateurs des profits que leur permettaient d'escompter leurs investissements en talent et en ressource ainsi que les risques encourus. Certains espèrent cependant que le lancement de nouveaux produits, doublés d'une stratégie de subvention initiale de quelques-uns de ces produits devraient conduire éventuellement à une augmentation du volume des affaires auprès de la clientèle ciblée, cette dernière étant essentiellement composée des grands tenors.

Les produits financiers étant caractérisés par un taux d'obsolescence rapide, les banquiers susceptibles de réussir seront ceux qui sauront :

· Détecter avant leurs concurrents les nouveaux besoins et les nouvelles occasions ; · Réagir sans tarder en offrant des produits adaptés.

La floraison des produits financiers nouveaux dans les années 80 a été diversement caractérisée par des expressions non moins fleuries : « une jungle financière », « l'hystérie de l'innovation », ou encore « un songe creux ». Redoutant les risques considérables que pouvaient présenter les innovations dans ce domaine, les responsables des banques ont conseillé aux intéressés de ne pas renoncer aux avantages éprouvés des produits connus pour se lancer dans des territoires inexplorés et des produits de qualité incertaine. Certes, de nouveaux instruments financiers vont sans doute continuer à proliférer.

Aussi est-il important que les banquiers soient conscients des risques qu'ils encourent et prennent soin de les limiter à raison de leurs fonds propres.

Certains de ces nouveaux instruments ont permis de couvrir les risques (opérations de « hedging »). D'autres instruments, en revanche ont multiplié la complexité et les incertitudes relatives à l'étendue des risques encourus par les diverses parties prenantes.

On ne sait pas, par exemple, jusqu'à quel point les banques qui s'engagent à garantir certaines facilités, telles que des accords de confirmation, peuvent honorer leurs engagements lorsque les liquidités du marché tarissent ou lorsque l'instabilité des taux d'intérêt ou de taux de change prend des proportions excessives. Il devient dès lors impératif que les institutions financières se conforment à des règles de prudence dans le cadre d'un système soumis à surveillance.

Les innovations financières sont essentiellement le fait de banquiers d'investissements et de banquiers d'affaires, connus pour leurs talents d'entrepreneur et d'ingénierie financière, ainsi que pour leur habileté à conclure des montages complexes. Les banquiers commerciaux, au contraire, intermédiaires traditionnels entre déposants et emprunteurs, seraient plus enclins à la modération. Cette distinction s'est toutefois estompée dans le temps, dans la mesure où ces deux catégories de banquiers fournissent actuellement et en concurrence des produits comparables sur les marchés financiers internationaux.

Les banquiers commerciaux ont reconnu la valeur d'une approche conservatrice ou prudente. Dans ce cas, ils se fondent sur les expériences faites avec des produits avérés et s'en prévalent pour leurs opérations à venir. Deux préoccupations fondamentales les guident : la diversification des risques et la connaissance du client. Les banquiers se sont également rendu compte qu'ils ne peuvent, à eux seuls, proposer la gamme complète des produits financiers. A long terme, le processus d'élimination de certains produits s'effectuera en fonction des expériences négatives qu'auront faites les institutions ou les concurrents concernés.

Jusqu'à présent, la poussée novatrice s'est produite sur la courbe descendante du cycle de taux d'intérêts et sur la courbe ascendante du cycle de la croissance économique. C'est à l'épreuve du temps que l'on saura lesquelles de ces innovations seront durables et lesquelles auront été éphémères.

Paragraphe III

La globalisation.

De nos jours, et avec une interpénétration croissante des marchés financiers, les divers services financiers se définissent de moins en moins en fonction de leur caractère national ou étranger. Si ces lignes de démarcation financière se sont aujourd'hui estompées, c'est en grande partie sous l'influence de la technologie, du démantèlement des mesures restrictives et du développement du savoir-faire.

On reconnait, généralement, que la possibilité de pratiquer à l'étranger des activités interdites dans le cadre des juridictions nationales a agi comme un stimulant à l'expansion des activités internationales de plusieurs banques. C'est ainsi que les contraintes légales imposées à l'extension géographique et à la diversification des activités bancaires aux Etats-Unis a poussé certaines grandes banques américaines à évoluer vers une globalisation croissante.

L'intégration du système financier à l'échelle globale facilite une transmission plus rapide des facteurs de changement. Le processus de globalisation ne va pas sans une augmentation des risques (prêts à des pays en développement ou autres risques inhérents au marché). On remarquera tout particulièrement parmi ces derniers une instabilité accrue des cours de change et des taux d'intérêts. La transmission des variations d'ordre économique et non-économique, qu'elle provienne de facteurs nationaux ou extra-nationaux, est, pour une bonne part, à l'origine de cette incertitude et de cette instabilité financière accrue.

Quelques grandes institutions financières continuent, malgré la nature globale de leurs opérations, d'insister sur leur identité d'origine, souvent afin de souligner certains attributs de force économique ou de sécurité et afin de différencier leurs services de ceux de leurs concurrents. Plus encore, un pays d’origine donné peut fort bien véhiculer l'image de certains avantages particuliers, tels que la stabilité économique, la fiabilité, l'efficacité, la neutralité, le soutien des autorités monétaires nationales en période de crise ou d'autres caractéristiques particulièrement appréciées découlant de l’appartenance au pays en question.

Paragraphe IV

La polyvalence.

Les institutions financières présentent des stades extrêmement différents de spécialisation ou de diversification.

Dans certains pays, ce sont les dispositions législatives qui régissent la répartition entre activités bancaires dites d'investissement (essentiellement les garanties, les montages financiers et placements de valeurs) et activités bancaires commerciales (acceptation de dépôts et opérations de crédit). Telle est, par exemple, la portée de la Loi Glass-Steagall aux Etats-Unis (1933) et de son équivalent japonais, hérité de l'occupation militaire américaine de l'après-deuxième guerre mondiale.

Dans d'autres pays la spécialisation est le fruit d'une longue tradition, comme ce fut par exemple le cas au Royaume-Uni. Les banques d'affaires du Royaume-Uni ont ainsi pu se spécialiser dans des activités hors bilan (telles qu'émissions de titres, opérations de garantie, fusions et acquisitions, conseils financiers, etc.). Le cadre légal ne les a cependant pas empêchées de se livrer à des activités bancaires commerciales (notamment aux activités de crédit) contrairement aux banques d'investissement au Japon et aux Etats-Unis, leurs homologues.

Dans d'autres pays, les banques n'ont pas été empêchées, par la loi ou la coutume, de fournir un large éventail de services financiers. Tel est le cas, en particulier, des « banques universelles » d'Europe continentale.

Les années 1980 ont vu se dessiner une nette tendance à la multiplication des services financiers et des services connexes, offerts « sous un seul toit », notamment auprès de ce qu'on appelle les institutions financières polyvalentes. Lorsque la législation nationale interdit la prolifération de services financiers sous l'égide d'une seule institution, les banques s'orientent vers des marchés internationaux où elles sont exemptes de telles restrictions. Très rares sont cependant les institutions qui peuvent véritablement offrir toute la gamme des produits financiers à toutes sortes de clients. Le facteur le plus limitatif est la possibilité pour une seule institution, d'accéder à tous les talents nécessaires en matière d'organisation et d'expertise. C'est ainsi que, contrairement aux « polyvalentes », certaines institutions ont délibérément opté pour une approche spécialisée, ciblée sur un créneau de produits bien précis. Pour ces dernières, il importe avant tout de faire bon usage des talents et ressources dont elles disposent en quantité limitée.

La délimitation du cadre de l'activité bancaire est un problème fréquemment débattu. Conscients des contraintes imposées à leurs institutions par leurs disponibilités en savoir-faire, en aptitude à la gestion ou au contrôle des activités, les responsables de banques ont fréquemment préféré éviter la diversification et l'expansion dans des activités non bancaires, telles que le commerce de matières premières, l'assurance, le tourisme, etc. En revanche, les « non-banques » (compagnies d'assurance, sociétés financières, entreprises industrielles ou commerciales ou entreprises diversifiées) ont réussi, elles, à faire une percée dans les services bancaires. Les banquiers traditionnels, tout en acceptant cette concurrence nouvelle, tiennent à ce que les « non-banquiers » soient soumis aux mêmes obligations qu'eux et soient tenus de respecter les mêmes réglementations (en matière de politique monétaire et de crédit, de garantie de dépôts, de règles de sécurité, de licences, de surveillance, etc.) que celles qui s'appliquent aux activités bancaires traditionnelles.

Les responsables des grands conglomérats financiers soutiennent vivement le principe de la déréglementation. Les milieux bancaires traditionnels voient notamment d'un mauvais œil, parmi les nouveaux venus du secteur financier, les compagnies d'assurances mutuelles américaines, qui n'ont pas à rendre de comptes à leurs actionnaires et disposent d'énormes réserves financières, dépassant souvent les 100 milliards de dollars, et qui peuvent exercer une pression considérable sur les marchés financiers. Selon d'autres banquiers, les institutions non bancaires sont moins sensibles que les banques traditionnelles à la nécessité de gagner et de mériter la confiance de leur clientèle.

Les nouveaux géants transnationaux des services financiers ne trouvent donc pas tous leur origine dans les banques commerciales traditionnelles. Les non-banquiers considèrent leur expansion comme une réaction nécessaire aux activités des banquiers les plus agressifs qui ont étiré les limites de leurs activités.

Conclusion.

L’engouement pour les innovations, qui a gagné une partie des activités bancaires, doit faire place à une analyse rationnelle empreinte de scepticisme. L’approvisionnement et le guidage des flux monétaires et de capitaux est une chose trop sérieuse pour la laisser à une « imagination sans bornes ». Euphorie et enthousiasme n’ont pas leur place là où la concurrence crée constamment de nouvelles variantes de prestations toujours plus audacieuses sur des marchés de moins en moins contrôlés.

La stratégie bancaire, à savoir la doctrine de management bancaire au sens large – contrairement au management bancaire opérationnel et au marketing bancaire ( « tactique ») -, fixe des principes que les stratèges de la banque sont tenus d’observer. La première obligation est

d’utiliser prudemment, judicieusement et avec le sens des responsabilités les valeurs, pouvoirs et instruments confiés à la banque. La justesse des mesures et la proportionnalité des obligations mutuelles font partie des principes fondamentaux du banquier sérieux. Le sens pour une relation équilibrée entre chances et risques caractérise l’éthique professionnelle bancaire. La spéculation est l’ennemi juré d’une réputation solide et durable. Respecter les limites imparties est rarement spectaculaire, mais tout autant indispensable pour créer et assurer la fiabilité.

Le banquier qui aura mérité cette distinction professionnelle, ne se ravalera pas au rang de pur négociant vendant des produits changeants sur des marchés en pleine mutation. La meilleure garantie de stratégie bancaire optimale demeurera « le banquier bien formé », expérimenté et ouvert, assumant son rôle d’intermédiaire avec autant de responsabilités pour les fonds qui lui sont

confiés que pour ceux qu’il gagne pour la banque. Sa profession exige, non seulement, l’intelligence et les connaissances, mais également un sens prononcé des responsabilités pour l’économie et la politique.

Chapitre I

La Stratégie d’industrialisation du processus de production