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La banque commerciale dans le nouvel environnement bancaire

Le rythme de l’innovation, de la réglementation et des changements structurels sur les marchés financiers internationaux a connu une forte accélération ces dernières années. Le nouvel environnement se caractérise par la prolifération des activités hors bilan des banques commerciales et par la réorientation de flux de crédit considérables directement vers les marchés financiers, flux qui ne transitent plus par le système bancaire sous forme de prêts. L’expansion des nouveaux instruments financiers qui en résulte pose des problèmes non seulement sur le plan de la conduite de la politique monétaire, mais aussi sur celui de la gestion des banques internationales en impliquant des risques d’un degré inconnu et sans doute très élevé (56).

Trois des grands courants qui transforment les marchés financiers intéressent les banques commerciales :

i. La tendance à la « sécuritisation », c’est-à-dire au remplacement des prêts bancaires par des créances négociables ;

ii. L’importance croissante des activités hors bilan telles que les engagements de prêts, les swaps, les contrats à terme sur options, sur devises et sur taux d’intérêt, etc ; iii. L’intégration financière internationale.

Nous tenons à insister toutefois sur le fait que les instruments qui sont apparus dernièrement dans la jungle financière ne sont pas tous de vraies innovations. Certains, voire la plupart, ont déjà eu leur place dans « l'activité bancaire traditionnelle ». Ce qui surprend néanmoins, c'est le gonflement des opérations qui y sont liées.

Les récentes mutations subies par les marchés financiers sont dues à des causes diverses. L'évolution de l'inflation dans les années quatre-vingts et l'instabilité de plus en plus grande des taux de change figurent parmi les plus importantes. Ces facteurs ont accru les risques auxquels sont exposés les intermédiaires financiers qui n'ont pas réussi à maintenir un équilibre strict entre les avoirs et les engagements, du point de vue de leur durée et de leur composition en monnaie.

(56) – Franz Galliker, Président du Conseil d’Administration de la Société de Banque Suisse à Bâle, « Système Financier International », Economica, 1987, p. 117 et s.

Certains des instruments nouvellement créés, les contrats financiers à terme et les options par exemple, permettent de se protéger contre ces risques.

La multiplication des innovations financières s'explique également par la tendance à une politique anti-inflationniste qui s'est manifestée ces dernières années dans la plupart des pays occidentaux. Dans un grand nombre d'entre eux, les banques centrales ont relevé le niveau des réserves obligatoires afin de soutenir une politique monétaire restrictive. Les instruments hors bilan ont alors suscité l'intérêt, car ils offrent la possibilité de contourner cette mesure.

L'éclatement de la crise de l'endettement international est lui aussi à l'origine de certains changements survenus sur les marchés internationaux des capitaux. En effet, pour des banques commerciales très engagées dans un certain nombre de pays du tiers monde fortement endettés, la qualité des actifs bancaires s'est détériorée. L'augmentation des risques latents dans le secteur bancaire s'est reflété, entre autres, dans le déclassement dont la plupart des banques commerciales ont fait l'objet. Aux Etats-Unis, par exemple, il ne restait plus en 1985 qu'une banque cotée AAA sur les neuf qui l'étaient encore en 1980. Cette évolution a incité le public et les investisseurs-institutionnels à diversifier leurs portefeuilles et à préférer aux dépôts bancaires les papiers commerciaux émis par des sociétés jouissant d'un excellent crédit. Nous mentionnerons encore ici l'émergence d'une nouvelle technologie de la communication et de l'informatique qui a entraîné une très nette diminution des coûts des transactions et de l'information sur les marchés financiers.

L'interaction de ces forces et la tendance générale à assouplir, voire à abolir, les restrictions existant sur les marchés financiers dans le monde ont provoqué une explosion du nombre de nouveaux véhicules qui ont pour rôle de transférer les risques, d'accroître la liquidité, etc., rôle qui était jusqu'à une date récente l'apanage des banques. En outre, elles ont débouché sur une plus grande diffusion des informations sur les marchés financiers grâce à l'émission d'euro-papiers par des entreprises qui, il y a quelques-années encore, n'obtenaient des prêts que dans les salons anonymes des banques commerciales.

Nous évoluons donc dans un nouveau paysage financier, un nouvel environnement dans lequel chaque banque doit trouver sa place. Avec le rétrécissement des marges des commissions, honoraires et bénéfices de négoce, qui doivent rapporter plus que 50 % des recettes de la banque, le banquier d'aujourd'hui doit adopter une philosophie et faire preuve de connaissances bien différentes de celles de son homologue de jadis.

Plus l'activité bancaire devient une affaire de commissions, plus les cycles de produits raccourcissent et plus l'éventail des prestations que les banques doivent offrir s'étend. L'activité bancaire n'est protégée par aucun brevet. Les innovations, même les plus ingénieuses, sont copiées et font l'objet de raffinements supplémentaires dès qu'elles apparaissent sur le marché. Mesurés à l'échelle des efforts investis, les bénéfices tirés de la toute dernière innovation durent à peu près, dans le monde bancaire concurrentiel d'aujourd'hui, le temps qu'il faut à un alpiniste pour parcourir du regard l'horizon du haut du pic de 4 000 mètres qu'il vient d'escalader.

Aussi le lecteur de la presse financière découvre-t-il presque chaque jour de nouveaux animaux aux noms étrangers : TIGERS, CATS, ZEBRAS, obligations RABBIT, ainsi que RUFS, NIFS, etc.

Voilà donc ce que recouvre le « nouvel environnement bancaire ». Mais quels sont les avantages de ce nouveau type de monde bancaire et quels en sont les risques ?

Le comportement de la communauté bancaire procède moins cette fois d'une impulsion spontanée que d'une réaction à la situation économique et politique des années quatre-vingts.

Une grande partie des opérations nouvellement créées ne figurent pas, pour les raisons évoquées plus haut, dans le bilan des banques. Cela donne naissance à deux types de problèmes :

Plus ces opérations hors bilan prennent de l'importance, moins un bilan ordinaire révèle d'informations.

Il n'existe pas de méthode généralement reconnue pour l'évaluation des risques liés à la plupart de ces opérations, mais on sait que plusieurs de ces nouveaux instruments pris ensemble peuvent avoir un effet complexe sur les risques globaux encourus par une banque.

Le premier point crée une situation quelque peu ambiguë, car on assiste dans cet environnement en mutation, d'une part, à un accroissement des informations relatives aux nouvelles entreprises qui s'ouvrent au public et, de l'autre, à une réduction des renseignements concernant les banques. A propos du second point, la question est de savoir si la stabilité du système financier international a elle aussi été amoindrie par l'avènement des nouveaux instruments financiers.

Les emprunteurs de haut de gamme recourent de moins en moins au crédit bancaire traditionnel. Il est devenu bien meilleur marché pour eux, grâce à leur réputation et à la diminution du coût des transactions et de l'information, d'emprunter directement dans le public en émettant des titres placés sur le marché monétaire.

Le rôle de la banque se limite alors souvent à régler la transaction et à accorder le cas échéant une garantie de crédit, c'est-à-dire à déclarer qu'elle achètera les titres s'ils n'ont pu être placés en quantité suffisante sur le marché. Il s'agit quasiment d'une assurance qui peut facilement se traduire par une grande détérioration de l'actif du bilan des banques commerciales. Sans vouloir sembler trop pessimiste, nous dirons qu'il se peut qu'un tel processus s'apparente à un cercle vicieux. En effet, si les banques centrales ou autres autorités de contrôle n'interviennent pas, il risque de menacer la stabilité du système financier international puisqu'un nombre croissant d'entreprises parviennent à obtenir sur les marchés financiers des conditions encore plus intéressantes que les banques et que, par conséquent, la proportion des créances douteuses dans le bilan de certaines institutions financières ne cesse de croître.

Un autre facteur risque d'avoir des répercussions sur la solvabilité des banques et, par là, sur la stabilité du système financier dans son ensemble. Il s'agit du fait que la valeur de certaines des activités hors bilan dépend des fluctuations des taux de change et des taux d'intérêt. Chaque fois que ces taux varient la valeur de ces activités et le degré de risque suivent le mouvement. Les banques se voient alors dans l'obligation d'utiliser de plus en plus de modèles sur ordinateur pour évaluer le risque total encouru en tout temps ; cette opération est loin d'être superflue. De plus, il devient extrêmement difficile de déterminer le niveau des fonds propres nécessaires pour se protéger contre ces risques. Les observateurs de différents marchés ont l'impression que le prix de certains instruments est fixé si bas que les risques ne sont plus suffisamment bien couverts.

C'est la raison pour laquelle certains marchés financiers ne sont sans doute pas loin aujourd'hui d'une concurrence ruineuse.

Chaque jeu a ses règles. Celles-ci ne doivent pas être rigides, car cela inciterait à les tourner ; en fait, les règles de ce type ont été abolies ces dernières années. Mais la présence d'un arbitre prudent est souvent nécessaire pour atténuer les risques que courent les « joueurs ».

Nous allons donc passer au rôle des autorités financières sur ce nouvel échiquier des marchés financiers.

Paragraphe II