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Découverte de l’École Freinet de Vence

1.3.7 Le Secrétariat et Salle de peinture

Face au Bungalow, de l’autre côté de la « cour », se trouve le premier bâtiment de l’École construit par les Freinet. Doté d’un étage et d’un toit-terrasse comme celui de l’École, il sert aujourd’hui de secrétariat (bureau de la gestionnaire) et de salle pour la garderie (ouverte après les cours pour les enfants dont les parents ne sont pas immédiatement disponibles pour venir les chercher) au rez-de-chaussée, et de Salle de peinture à l’étage (salle spécialement équipée de grandes tables que les élèves des classes des Moyens et des Grands utilisent lorsqu’ils sont en atelier peinture [Photo. 1.17, p. 72]). On accède au premier étage par une sorte de passerelle éloignée de quelque mètres du bâtiment lui-même [Photo. 1.18, p. 73].

En 1934, lorsque l’École ouvre sans autorisation, ce bâtiment n’existe pas

29. L’École est ainsi dans une forme de « jumelage » avec l’école Keyanomori, école d’inspiration bouddhiste, située à Sayama. Des contacts existent également avec l’univer-sité Humboldt de Berlin, des enseignants polonais. . .

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Photo. 1.15 – Seule surface largement goudronnée de l’École. Au fond un autre chemin menant à l’École. Si on prend à travers les arbres à gauche, on rejoint le Théâtre.

Photo. 1.16 –Le bungalow d’Élise. À gauche, une plaque commémore le résistant tchèque Josef Fisera qui fit de l’École, abandonnée pendant de la Seconde Guerre mondiale, un refuge pour enfants. À droite, une fresque en terre cuite réalisée par les enfants de l’École.

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encore. L’année suivante, au moment de l’ouverture officielle, il abrite un dortoir pour les filles et une chambre pour le couple Freinet. Les garçons dorment plus loin, à l’étage de l’ancienne maison des Freinet qui accueillait les tous premiers enfants dès 1934. Célestin Freinet a installé son bureau au rez-de-chaussé. L’ancienne première cuisine occupe le sous-sol, un large trou au plafond signalant la présence passé d’un monte-plats. Aujourd’hui, une chaudière occupe les lieux. Il ne reste aucune trace des premières activités et seul un travail historique permettrait d’en retrouver les détails (Go et

Riondet à paraitre).

La salle de peinture à l’étage constitue-t-elle une atypie ? Les espaces dé-diés aux activités artistiques (peinture, sculpture, théâtre. . .) sont fréquentes dans les écoles. Mais à Vence, la salle constitue un véritable atelier d’artistes disposant de tout le matériel nécessaire : grandes tables, nombre impression-nant de teintes dégradées (camaïeux de jaune, de vert, de rouge, de bleu. . .), pinceaux divers, feuilles aux formats variés, etc. La salle de peinture n’est donc pas une salle dans laquelle on peut éventuellement peindre. Pour cette raison, il me semble qu’il s’agit là d’une véritable atypie puisque les écoles ordinaires n’ont habituellement pas de tels locaux. Cette atypie s’explique facilement par le fait que, comme le montrait déjà le Théâtre, l’École Freinet réserve une place très importante aux arts.

1.3.8 La Piscine

Si la salle de peinture est une atypie discrète, il en est une autre remar-quable à proximité : la Piscine de l’École [Photo. 1.19, p. 75]. Les classes des écoles ordinaires ne manquent pas d’inclure des séances de natation dans le programme d’éducation physique, et sportive et vont pour cela régulière-ment à la piscine. Elles ne disposent cependant jamais de leur propre bassin. Si donc l’école et la piscine ne s’excluent pas mutuellement, le rapport qui existe entre elles est un rapport « didactique », la piscine étant l’équipement indispensable pour mener à bien un objectif d’apprentissage particulier. On retrouve là ce qui était vrai du Poulailler et du Théâtre : quoique l’école ordinaire puisse parfois admettre ce genre d’équipement, elle ne le fait que

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Photo. 1.18 – Premier bâtiment de l’École construit par Freinet. C’est aujourd’hui le secrétariat. En bas à gauche, le Chêne de l’École encore jeune.

temporairement, y restant extérieure pour ne pas dire étrangère ; elle ne les intègre pas, ne les conserve pas. À l’École Freinet, il n’en va pas de même. D’abord parce que la Piscine est un élément architectural à part entière de

l’École. Ensuite parce que son usage diffère de celui que font les classes ordi-naires d’une piscine. En effet, le bassin de l’École n’a pas vocation à accueillir des séances de natation. Finalement très petite et peu profonde, la Piscine de l’École est l’analogue aquatique de la Forêt : un milieu « naturel » dans lequel les enfants peuvent faire l’expérience d’être dans l’eau, de ce que cela implique du point de vue musculaire, respiratoire, moteur. . . La présence de la Piscine et son usage s’explique historiquement, philosophiquement et

pédagogiquement.

Historiquement, il s’agit d’un ancien réservoir d’eau destiné à l’arrosage des cultures voisines. Voilà pourquoi ses dimensions sont assez modestes. Cela explique également pourquoi les barrières et toutes les protections actuelles n’apparaissent pas sur d’anciennes photographies de l’École : à l’époque, les

enfants ne se baignent pas dans une piscine mais dans un réservoir. Mais son premier usage historique doit être relié à la pensée philosophique initiale des Freinet. La pédagogie de l’École repose sur une base naturiste (Riondet 2013a). Celle-ci n’a pas grand chose à voir avec ce qu’aujourd’hui, on entend aujourd’hui par « naturisme », à savoir une sorte de synonyme de « nudisme ». De manière bien plus complexe, la philosophie des Freinet envisage l’École (cette école) comme un lieu de régénération du corpsvia certaines pratiques dites « naturistes », condition sine qua non d’une (re)préparation de l’esprit au travail et à l’effort intellectuel. C’est parce que le corps de l’élève sera débarrassé d’un certain nombre de maux, de troubles, qu’il sera alors mieux disposé à étudier et plus apte à fournir un travail de qualité (C. Freinet 1934). La Piscine joue un rôle dans cette idée puisqu’elle va permettre la réa-lisation d’une de ces nombreuses pratiques de santé : le choc froid. Tous les matins, de bonne heure, les pensionnaires de l’École devaient plonger dans l’eau froide du bassin pour en ressortir aussitôt. Cette pratique aujourd’hui abandonnée participe encore de la « légende » de l’École puisqu’il s’agit d’un des premiers souvenirs qu’évoquent volontiers les anciens pensionnaires et impressionne les élèves actuels lorsqu’ils présentent la Piscine aux visiteurs. Si cette pratique n’est plus en vigueur, il reste que la présence de la Piscine s’explique également par le besoin d’équipements nécessaires à certaines pra-tiques naturistes. Dernier aspect, le bassin répond finalement à un impératif

pédagogique de l’École : fournir aux enfants un milieu riche, concentrant la

plus grande diversité d’éléments naturels afin de rendre possibles de multiples et complexes expériences. L’élément naturel qu’est l’eau était initialement symbolisé (et l’est toujours en partie) par la Cagne, la rivière située au pied du coteau sur lequel se situe l’École. Mais son accès est relativement difficile et la présence d’une piscine permet de faciliter la rencontre des enfants avec le milieu aquatique. Bien sûr, pour des questions de sécurité toujours, le bas-sin n’est pas en accès libre. Par beau temps, elle peut être ouverte, sous la surveillance d’au moins un adulte. Outre sa présence et son usage, qui justi-fient déjà sa nature singulière, la Piscine présente une autre caractéristique déjà évoquée lorsqu’il s’agissait du Théâtre : un souci esthétique complète l’ouvrage. De magnifiques mosaïques figurent sur ses deux côtés les plus

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Photo. 1.19 –La piscine de l’École, découverte (photographie prise en mai 2014).

sibles. Ce sont de véritables fresques multicolores réalisées par les enfants et composées de petits carreaux de faïence et de terre cuite. Toutes rappellent, dans un style enfantin, la mer et le milieu aquatique : la mer, l’eau et les vagues bien sûr, dans de petits carreaux de différentes nuances de bleu, des dauphins et autres animaux marins en terre cuite, des sirènes à la chevelure couleur de feu [Photo. 1.20, p. 76], mélangeant ces deux matériaux. L’une d’elle porte même un collier en coquillages. Vie dans la nature, apprentis-sage via le milieu et esthétisme, ces trois piliers de la pédagogie de l’École se retrouvent une fois de plus condensés dans cette atypie qu’est la Piscine de l’École.

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