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Découverte de l’École Freinet de Vence

1.3.13 Le Logement de fonction

Le logement de fonction est voisin de l’ancienne école [Photo. 1.31, p. 98], derrière le Potager, en repartant vers le centre du domaine de l’École. Il respecte bien sûr le style de l’École et sa configuration suggère qu’il fut éga-lement l’objet d’extensions et de réaménagements successifs. Il possède une valeur historique mais ce n’est pas tant cela qui en fait une atypie. D’abord, le fait qu’existe encore un logement peut être vu comme une atypie étant donné que depuis le passage au statut de Professeurs des Écoles, les ensei-gnants du primaire n’ont plus droit au logement de fonction. Mais même si cela n’était pas le cas, si les enseignants pouvaient, voire devaient disposer d’un tel logement, on pourrait se demander s’il n’y aurait pas quelque aty-pie à chercher ici. Bien sûr, elle ne serait pas à chercher dans le logement lui-même puisque d’autres Écoles pourraient en avoir. Je crois plutôt que ce qui fait l’atypie, ce qui explique sa présence actuelle malgré l’absence lé-gale d’obligation, c’est le rapport que l’École exige des enseignants vis-à-vis de leur engagement professionnel. Autrement dit, l’atypie du logement de fonction, pour partie implicite, réside dans l’expression de l’engagement fort et même total que cette École exige de ses enseignants. Ainsi, ce logement, contrairement à ceux qui ont pu exister auparavant, n’est pas extérieur à l’École ; il y est parfaitement intégré. Si le logement de fonction n’est donc pas lui-même une atypie, sa présence en ces lieux prend une dimension dif-férente de celle d’un même logement dans une école ordinaire : on comprend qu’il n’est pas (seulement là) par obligation (aujourd’hui désuète) de fournir un logement à la directrice de l’École, mais bien plutôt parce que l’École est un lieu de vie, un lieu qui nécessite d’être en permanence habité par un ou une responsable pédagogique de l’établissement43. En somme, il s’agit d’une

43. Cette obligation légale n’étant aujourd’hui plus valable et la directrice actuelle dis-posant déjà d’un logement, c’est aujourd’hui la secrétaire de l’École qui y habite. Elle est ainsi, avec le gardien et sa femme, cuisinière, la troisième personne non enseignante travaillant à l’École y habitant.

Photo. 1.31 –Le logement de fonction, à proximité du premier bâtiment de l’École, du Bungalow et de la Piscine.

atypie au sens où la fonction de ce bâtiment correspond parfaitement à la manière singulière dont fonctionne l’École et ce, depuis toujours.

Elle est certainement moins manifeste que celles dont j’ai pu parler jusqu’à présent mais elle n’en reste pas moins une atypie du fait que, loin d’être extérieure, étrangère à l’École (comme peut l’être un local abandonné dans une école ou un logement de fonction qui en serait extérieur), elle en fait complètement partie. L’ôter, ce serait amputer l’École d’une partie de son histoire, ce qui n’est pas le cas des logements de fonctions ordinaires qui ont pu disparaître sans que l’école ordinaire ne s’en trouve profondément modifiée.

1.3. UNE VISITE DE L’ÉCOLE 99

1.3.14 La Grotte

Notre élève a maintenant fait le tour de l’École : immédiatement après le logement de fonction se trouve le Bungalow d’Élise. Il se retrouve donc sur la place goudronnée dont j’ai déjà parlé. Il doit maintenant choisir l’un des nombreux chemins menant à l’École et regagner sa classe avant que le Président ne commence les critères ! Il y a cependant un dernier endroit qu’il n’a pas pu visiter faute d’autorisation : la Grotte. Celle-ci se situe quelques mètres derrière les barrières d’enceinte, sur le versant Est de l’École, le versant boisé non habité au fond duquel se trouve la Cagne. La Grotte [Photo. 1.32, p. 100] est en réalité une cavité artificielle creusé par un élève de l’École à même la roche. Celle-ci est en effet très friable à cet endroit et se transforme en sable si elle est frottée avec un simple bâton. Elle aurait pu servir de carrière de sable pour la construction de l’École mais l’histoire veut que, durant l’occupation, Freinet, alors interné dans un camp, ait demandé à un élève de l’école de creuser un abri car il craignait que l’École ne soit victime de bombardements. Cet élève a donc creusé une petite grotte à même la roche friable du coteau. Celle sera ensuite agrandie par l’activité des élèves après la guerre. Aujourd’hui, la Grotte est le terrain de jeu des élèves de la classe des Petits qui, amenés par l’enseignante et l’ATSEM, viennent y prendre un petit goûter, tous les matins (sauf par temps trop mauvais) vers 10h00. Ils jouent ensuite autour de la Grotte, les uns grimpant sur des rochers, les autres continuant à élargir la cavité, d’autres encore se promenant et se cachant dans les fourrés [Photo. 2.16, p. 135]. Ils sont alors en pleine nature puisqu’à flan de coteau, dans une espace non aménagé. Nous retrouvons là, une fois de plus, la pensée des Freinet, souhaitant voir s’épanouir en pleine nature les enfants dont ils ont la charge, afin qu’ils puissent y trouver l’ensemble des ressources à partir desquelles exercer leurs capacités motrices et intellectuelles. Il n’est pas la peine de trop y insister pour comprendre que la Grotte est bien une atypie. Il suffirait d’ailleurs de se demander combien y a-t-il d’École disposant d’une grotte en pleine nature pour comprendre le caractère singulier auquel on a affaire ici.

1.3. UNE VISITE DE L’ÉCOLE 101