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L’histoire de l’école proculienne débute avec son premier membre et fondateur présumé, Marcus Antistius Labeon, né au milieu du Ier siècle av. C. et mort entre 10 et 21 après

J.-870 Gaius, Institutes, 3.74-76.

871 Peter Stein, « The two schools of jurists in the early roman Hight-Empire », The Cambridge Law Journal, 31, 1972, p. 8-31

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C.872. Appartenant à la gens plébéienne des Antistia, et plus précisément à la branche des Antistii Labeoes873, il est le fils du juriste et homme politique tardo-républicain Pacuvius Antistius Labeon874. Ce dernier, disciple de Servius Sulpicius Rufus875, fut un proche de Brutus876 et est plus largement considéré comme l’un des 23 conspirateurs877 à l’origine de l’assassinat de Jules César durant les ides de Mars de l’an 44 avant J.-C.878. Revenons à présent à Antistius Labeo, sur lequel de nombreuses sources nous renseignent. Appartenant à la noblesse plébéienne, l’on apprend par Pomponius que Labeo a suivi le sillage de son père, puisqu’il se forme à la science juridique au contact du juriste C. Trebatius Testa879 et qu’il défend en cette période de Haut-Empire les anciens principes républicains880. De l’Enchiridion, nous apprenons aussi qu’il est réformateur en matière législative881. Retraçons à présent la carrière publique d’Antistius Labeo. Ce dernier s’élève au rang sénatorial882 et gravit les échelons du cursus honorum jusqu’à devenir préteur883. Sa grande habileté en matière de lois884 et sa culture encyclopédique885 sont largement relatées, mais en dépit de ses talents, Labeon ne semble pas avoir été consul et sa carrière publique parait s’être figée au prétorat. Contrairement à son grand rival Capiton, qu’il devance largement en matière de maitrise du droit, il ne fut jamais élevé à cette charge886. Pourquoi donc ? Sans doute en raison de son tempérament

872 Alfred Pernice, Marcus Antistius Labeon. Romisches Privatrecht im ersten Jahrhundert der Kaiserzeit, Buchhandlung des Waisenhauses, 1873 ; Berger, Ibid., p. 536 ; Théo Mayer-Maly, « M. Antistius Labeon», Der kleine Pauly, I, 1964, p. 405 ; Wolgang Kunkel, Herkunft und soziale Stellung der römischen Juristen, Böhlau, 1967, p. 114 ; Christiane Kohlhaas, Die

Oberlieferung der libri Posteriores des Antistius Labeon, Pfaffenweiler, 1986, p. 9-19 ; Javier Paricio, « Labeon : Zwei

rechtshistorische Episoden aus den Anfangen des Prinzipats », SZ, 117, 2000, p. 432-444. 873 Tessa Leesen, Gaius meets Cicero. Law and Rhetoric in the School Controversies, Brill, 2010.

874 Pomponius, D. 1.2.2.4. Voir, Aldo Schiavone, Ius. L’invention du droit en occident, Belin, 2011, p. 423. 875 Ibid, p. 423-424

876 Appien, Histoire romaine, IV, 135

877 Sur les conspirateurs, voir, David F. Epstein, « Caesar's Personal Enemies on the Ides of March », Latomus, 46-3, 1987, p. 566-570. Par ailleurs, Appien d’Alexandrie, Histoire romaine, IV, 135 nous apprend que suite à la déroute des césaricides et plus précisément après la mort de Brutus en 42 avant J.C., Pacuvius Antistius Labeon demande à son esclave de l’égorger. A cet égard, voir aussi Plutarque, Vie de Brutus, 12.

878 Barry Strauet, The death of Caesar: the story of history's most famous assassination, Simon & Schuster, 2015 ; Gérard Walter, César, Albin Michel, 1947.

879 Sur ce juriste du Ier siècle avant notre ère, nous disposons de nombreuses informations. Entre autres, la correspondance qu’il entretient avec Cicéron (Cicéron, Ad Familiares, VIII). Nous savons en outre qu’il est le dédicataire principal des Topica de Cicéron que ce dernier écrivit pour initier Trebatius à ce sujet (Pierre Grimal, Cicéron, Fayard, 1986, p. 334 ; Paul Sonnet, Trebatius Testa, Neuenhahn, 1932).

880 Pomponius, D. 1.2.2.47 ; Tacite, Annales, III, 75 881 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XIII, 12, 1-4.

882 En 18 avant. J.-C., il devient membre d’une commission pour reconstituer le Sénat, voir Dion Cassius, Histoire romaine, LIV, 15 et Suétone, Vie d’Auguste, LIV, 2.

883 Tacite, Annales, III, 75.

884 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XIII, 10, 1 : « Dans une lettre d'Attéius Capiton, nous lisons que Labeon Antistius posséda une instruction profonde sur les lois, sur les mœurs du peuple romain et sur le droit civil (…) ».

885 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XIII, 10, 1 : « Labeon Antistius fit une étude toute particulière du droit civil, sur lequel il donna de fréquentes consultations. Il n'ignorait pas toutefois les autres arts ; il avait même pénétré profondément dans les études sur la grammaire, la dialectique et la littérature ancienne la plus élevée. Il connaissait parfaitement le sens et l'origine des mots latins, ce qui lui était d'un très grand secours pour résoudre la plupart des difficultés de la science du droit ». Voir aussi Pomponius, D. 1.2.2.47 : « (…) Labeon avait plus de confiance dans son génie et dans les connaissances qu'il avait acquises : car il avait étudié tous les ouvrages de philosophie, et il chercha à innover plusieurs choses ».

886 Tacite, Annales, III, 75 : « Car le même siècle vit briller ces deux ornements de la paix : mais Labeon, d'une liberté inflexible, avait une renommée plus populaire ; Capito, habile courtisan, était plus avant dans la faveur du maître ». Tacite fait sans équivoque primer Labeon sur Capito : isdem artibus praecellentem.

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fougueux887 et de son inimitié avec l’empereur Auguste888. Après cette probable déconvenue, Labeon se consacre au droit. Pomponius rapporte en effet que Antistius Labeo consacra la moitié de son temps à la schola proculienne et l’autre à l’écriture d’ouvrages juridiques : « Il avait divisé son année de manière qu'il était six mois à Rome avec ses disciples, et six mois à la campagne, où il composait ses ouvrages889 ». Nous devons à Labeon un grand nombre d’ouvrages - 400 rouleaux manuscrits890 - desquels émergent particulièrement ses Pithana, qui marquent une étape fondamentale dans la constitution du droit en science, des commentaires sur la Loi des XII Tables et sur l’édit du préteur, un traité de droit pontifical, des Responsa, et des Epistulae.

À Marcus Antistius Labeon succède Marcus Cocceius Nerva, mieux connu sous le nom de Nerva Pater891. Né en l’an 5 avant notre ère et mort en 33, Nerva Pater fait partie de la gens plébéienne Cocceia originaire d’Ombrie892, qui se distinguera en 96, lorsque l’un de ses membres, Marcus Cocceius Nerva, devient empereur893. Nerva Pater est le fils de Marcus Cocceius Nerva894, un homme politique proche de Marc-Antoine895, proquaestor pro praetore en 41 avant J.-C.896, proconsul d’Asie en -38897, consul en 36 avant notre ère898 et membre du collège pontifical des Quidecemviri sacris faciundis en 31 avant J.-C. Il connaitra l’honneur, en 29 avant notre ère, de se voir - ainsi que sa famille - élevé au rang de patricien : in familiam

patriciam adligere899. Nerva Pater fut consul suffectus en 21 ou 22 après J.-C. et curator

aquarum à partir de l’an 24900. De sa formation en tant que juriste, nous ne savons rien, hormis

887 Horace dans ses Satires, (Horace, Satires, I, 3) le prend comme référentiel pour évoquer la folie. Dans le même sens, Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XIII, 12 évoque un épisode au cours duquel Labeon se distingue par sa rébellion : « Dans une lettre d'Attéius Capiton, nous lisons que Labeon Antistius (…) poussait, l'amour de la liberté jusqu'à la licence, jusqu'à la folie ; croirait-on qu'au moment où le divin Auguste régnait sur la République, il n'y avait à ses yeux d'autres règles que les lois réputées comme justes et saintes dans l'antique jurisprudence des Romains ! ». Il rapporte ensuite la réponse de ce même Labeon au Viateur que les tribuns du peuple lui avaient envoyé pour le citer devant leur tribunal : « Une femme, dit-il, ayant porté plainte aux tribuns contre Labeon, ces magistrats lui envoyèrent Gallianus pour le sommer de venir répondre aux accusations de cette femme. Il dit au Viateur de retourner vers les tribuns et de leur répondre qu'ils n'avaient le droit de citer ni lui ni personne, parce que, d'après les coutumes anciennes, les tribuns du peuple avaient le droit d'appréhension, et non de citation ; qu'ils pouvaient donc le faire saisir, mais non le citer ».

888 Tacite, Annales, III, 75, compare Labeon à Capito proche de l’empereur. Si le second fut consul, le premier pourtant plus doué pour l’auteur des Annales ne fut jamais élevé à ce poste pour des raisons politiques : « (…) mais Labeon, d'une liberté inflexible, avait une renommée plus populaire ; Capito, habile courtisan, était plus avant dans la faveur du maître. L'un ne parvint qu'à la préture, et cette injustice accrut sa considération ; l'autre fut consul, et l'opinion jalouse s'en vengea par la haine ». Pour Suétone au contraire, l’audace de labeon ne fut pas la cause d’un conflit avec Auguste : « Lors de la nomination des sénateurs, Antistius Labeon avait choisi le triumvir Lépide, autrefois l'ennemi d'Auguste, et alors exilé. Le prince lui demanda s'il n'en connaissait pas de plus digne. Labeon répondit que "chacun avait son avis," et aucun d'eux n'eut à se repentir ou de sa franchise ou de son audace ». Dans le même sens, Pomponius, Enchiridion, D. 1.2.2.47, estime que le consulat fut proposé à Labeon qui le refusa : « Labeon refusa le consulat qui lui était offert par Auguste (…) ».

889 Pomponius, D. 1.2.2.47 890 Pomponius, D. 1.2.2.47

891 Pomponius, D. 1.2.2.48. Voir sur Nerva Pater : Adolf Berger, « Encyclopedic Dictionary of Roman Law », Transactions of

the American Philosophical Society, 43, 1953, p. 595 ; Rudolf Hanslik, « Cocceius », Der kleine Pauly, I, 1964, p. 1236 ;

Kunkel, Ibid., p. 120 ; Herbert Felix Jolowicz, Historical Introduction to the Study of Roman Law, Cambridge University Press, 3rd edn., 1972, p. 382.

892 Ronald Syme, The Roman Revolution, Oxford University Press, 1939, p. 200. 893 On notera que l’empereur Nerva est le petit-fils du juriste Marcus Cocceius Nerva.

894 On notera que dans la gens Cocceia, le cognomen Marcus est fréquemment utilisé. Sur les 23 mâles de cette gens qu’on a pu recenser, on relève à neuf reprises le même cognomen.

895 Syme, Ibid.

896 Thomas Robert Shannon Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, The American philological association, II, 1952, p. 372.

897 Horace, Saturnales, I, 5, 28.

898 Dion Cassius, Histoire romaine, XLVIII, 54. 899 Broughton, Ibid., p. 427

900 Tacite, Annales, IV, 28. M. Cocceius Nerva (Pater), n’est pas issu de l’ancienne noblesse, mais tout de même d’une noblesse éprouvée de troisième génération. En plus de Caesari familiarissimus, Tacitus lui prête les attributs de cui legum peritia et

omnis divini humanique iuris sciens. Voir Detlef Liebs, « Rechtsschulen und Rechtsunterricht im Prinzipat », ANRW, 2.15,

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une remarque de Tacite sur sa profonde connaissance du droit901. Sur sa carrière académique et ses travaux, peu de choses ; tout juste peut-on relever quelques citations de lui par des juristes postérieurs, sans que l’on connaisse le nom de ses œuvres. Enfin, nous pouvons remarquer, grâce à Tacite et Dion Cassius, que Nerva Pater faisait partie des intimes de l’empereur Tibère902. Cette précision relativise la thèse de certains romanistes qui pensent que les Proculiens se distinguaient par leur défiance à l’égard du pouvoir impérial903. Nerva Pater se suicida en 33, après avoir accompagné Tibère en campagne et à Capri904.

À la suite de Nerva Pater, Proculus prit la tête de l’école proculienne et lui laissa son nom905. Proculus est un juriste mystérieux, puisqu’à l’instar de Gaius, nous ne connaissons que son cognomen et le fait qu’il a vécu au Ier siècle après J.-C.906. Seules des suppositions peuvent être faites à son endroit907. C’est ainsi que Kunkel l’imagine être Cn. Acerronius Proculus908, tandis que Richard Bauman et Tony Honoré pensent qu’il s’agit de Sempronius Proculus909. Fréquemment cité par des juristes postérieurs, quelques passages de son Epistulae nous sont parvenus. À la lecture de l’Enchiridion, nous apprenons que Proculus, bien que son autorité soit supérieure, n’a pas assuré seul la direction de l’école proculienne : « A Nerva succéda Proculus, qui eut pour contemporains Nerva le fils, et un second Longinus, qui était de l'ordre des chevaliers, et qui parvint à la préture. Mais Proculus eut une plus grande réputation et plus d'autorité910 ». Les romanistes se sont opposés sur ce point ; certains tendent à penser - en interprétant le passage susmentionné de Pomponius de manière littérale - qu’un triumvirat a dirigé la schola proculienne911. D’autres chercheurs estiment que Proculus a assuré seul la direction de la secta et que la volonté de Pomponius était simplement de citer deux juristes proculiens actifs à l’époque de Proculus, dont les identités pouvaient être confondues avec celles d’autres iurisconsulti cités précédemment912. Le premier juriste associé à Proculus, Nerva Filius, est le fils de Marcus Cocceius Nerva et le père de l’empereur Nerva913. Nous ne savons rien de Nerva Filius, hormis le fait qu’il fut consul suffectus en 40 après notre ère (5 avant

J.-901 Tacite, Annales, VI, 26, 1. Notons que tacite met l’accent sur la maitrise du droit civil et pontifical par Nerva Pater. 902 Pomponius, D. 1.2.2.48 ; Tacite, Annales, VI, 26, 1 : « (…) Coccéius Nerva, ami inséparable du prince (…) ».

903 Nous reviendrons sur cette théorie qui ne prend appui que sur l’attitude pro-républicaine et hostile à l’Empire de Labeon. 904 Tacite, Annales, IV, 58, 1 ; Dion Cassius, Histoire romaine, LVIII, 21, 4. La raison de son suicide est nébuleuse. Si l’on suit Tacite et Dion Cassius, ce serait pour préserver son honneur alors qu’il sentait que Tibère était en train de se pervertir politiquement.

905 Pomponius, D. 1.2.2.52. Sur Proculus, lire : Berger, Ibid., p. 653 ; Tony Honoré, « Proculus », TR, 30, 1962, p. 472-497 ; Kunkel, 1967, Ibid., p. 123-129 ; Christoph Krampe, Proculi Epistulae. Eine frühklassische Juristenschrift, Karlsruhe, 1970, p. 1-9 ; Jolowicz, 1972, Ibid., p. 382 ; Dieter Medicus, « Proculus », Der Kleine Pauly: Lexikon der Antike in fünf Bänden, 4, 1972, p. 1150.

906 On fixera la période de 12 à l’an 2 avant notre ère comme termius ante quem et l’année 66 comme terminus post quem. Comme le relève Detlef Liebs, « Rechtsschulen und Rechtsunterricht im Prinzipat », ANRW, 2.15, 1976, p. 197-286, Proculus reste inconnu des non-juristes.

907 Pomponius disait de lui : « sed Proculi auctoritas (comme un juriste) maior (comme Nerva Filius et Longinus) fuit. Nam etiam plurimum potuit ». Cette tournure revient à nouveau chez Caelius Sabinus pour l’époque de Vespasien. Comme Caelius était consul suffectus (du 30 Avril au 30 Juin 69 AD). Kunkel, 1967, Ibid., p. 131, suppose que Proculus fut également consul. 908 Kunkel, Ibid., p. 123-129.

909 Richard Bauman, Lawyers and Politics in the Early Roman Empire. A Study of Relations between the Roman Jurists and

the Emperors from Augustus to Hadrian, Beck, 1989, p. 121 ; Honoré, 1962, Ibid., p. 473-482.

910 Pomponius, D. 1.2.2.52. L’expression : « Sed Proculi auctoritas maior fuit, nam etiam plurimum potuit », et plus spécifiquement les mots : « nam etiam plurimum potuit » semblent indiquer que la supériorité de Proculus sur Nerva Filius et Longinus s’explique par le fait que seul lui a atteint le consulat. En effet, selon Kunkel, 1967, Ibid., p. 123-124, cette formulation ne se retrouve que pour des personnalités romaines ayant exercé la charge de consul. Contra, voir : Honoré, 1962, Ibid., p. 489-490 ; Krampe, Ibid., p. 5-6. Peut-être que la supériorité de Proculus est intellectuelle ou alors est-il fait référence à sa plus grande expérience.

911 Bernhard Kübler, « Rechtsschulen », RE, 2-1, 1914, p. 380.

912 Jan-Willem Tellegen, « Gaius Cassius and the schola Cassiana in Pliny’s Letter VII 24.8 », SZ, 105, 1988, p. 286. Pomponius cite Nerva Filius pour rendre clair le fait que le second dirigeant de l’école proculienne était Nerva Pater. En ce qui concerne le « second Longinus », il ne doit pas être amalgamé avec C. Cassius Longinus.

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C. – 33 après J.-C..)914. Quant à Longinus, Kunkel relève qu’il était de rang équestre et qu’il a gravi le cursus honorum jusqu’à devenir préteur915. De lui, il est impossible d’en savoir plus ; nous ne connaissons que son cognomen.

Lucius Plotius Pegasus prend la suite de Proculus à la tête de l’école proculienne916. Nous disposons de peu d’informations à son sujet. Dans la Scholia 23 de la Satire 4 de Juvénal, nous apprenons qu’il était issu d’un milieu modeste : son père, Marcus Plotius Paulus fut

trierarchus, c’est-à-dire capitaine de la marine, et lui donna comme cognomen le nom de son

bateau, le Pégase917. De la même source, nous savons que Pegasus était très instruit en matière de droit, qu’il fut gouverneur de plusieurs provinces, préfet de Rome et enfin qu’il était un partisan de Vespasien. Ces informations doivent être prises avec précaution. En effet, les

Scholies de Juvénal sont des sources secondaires et certaines de leurs informations ne sont

confirmées nulle part, semblant n’être que de pures suppositions. Il faut également se garder de trop précipitamment associer Lucius Plotius Pegasus à l’auteur des deux Senatus Consultes pégasiens, connus sous l’intitulé Pegaso et Pusione consulibus918. C’est en convoquant d’autres sources que nous pouvons acquérir quelques certitudes. Ainsi, par l’Enchiridion, nous avons la confirmation que Pegasius fut préfet urbi à Rome sous Vespasien919. De même, la quatrième Satire de Juvénal atteste que Lucius Plotius Pegasus était très versé dans la loi, qu’il fut sénateur et praefectus urbi sous Domitien920. De l’œuvre académique de Pegasus, rien ne subsiste, en-dehors de quelques réflexions citées par des juristes postérieurs921.

Après Pegasus, Pegasius Celsus, connu sous le nom de Celsius Pater, fut à la tête de l’école proculienne922. Nous n’avons presque aucune information le concernant et seules des présomptions peuvent être dégagées. En premier lieu, la prestigieuse carrière de son fils, Celsius

Filius, nous incite à penser que Celsius Pater n’était pas de basse extraction923. Ensuite, un passage de Celsius Filius rapporté par le Digeste nous incline à penser que Celsius Pater fut membre du consilium du consul Publius Ducenius Verus pour un cas particulier : « j'ai entendu dire à mon père qu'étant au conseil du consul Ducénus-Vérus, son avis l'avait emporté dans la décision de la causa suivante : Otacilius-Catuius avait institué sa fille héritière pour le tout ; il avait légué à son affranchi une somme de cent, et il l'avait chargé de donner cette somme à sa concubine ; l'affranchi étoit mort du vivant du testateur, en sorte que le legs qui lui avait été fait étoit demeuré à la fille héritière. Mon père étoit d'avis que la fille héritière devait donner le fidéicommis à la concubine de son père924 ».

914 Leesen, Ibid, p. 3-5. 915 Kunkel, Ibid., p. 131. 916 Pomponius, D. 1.2.2.53.

917 Scholia 23 à la Satire IV de Juvénal : « Pégase, fils d'un triérarque, c'est-à-dire, d'un capitaine de gaieté, prit son nom du vaisseau que commandait son père et qui s'appelait Pégase. C'était un des plus fameux jurisconsultes de son temps ; il avait déjà gouverné quelques provinces, quand la guerre civile éclata entre Vitellius et Vespasien. Pégase embrassa le parti de ce dernier, qui le nomma préfet de Rome ».

918 Gaius, Institutes, 1.31 ; 2.254 ; 3.64. 919 Pomponius, D. 1.2.2.52.

920 Juvénal, Satires, IV : « Au conseil aussitôt qu'on mande le Sénat. Triste fruit d'un commerce inégal et funeste ! Sur le front de ces grands, que le prince déteste, La crainte pour jamais a fixé la pâleur. Pégase le premier, à ce cri du licteur « Magistrats, accourez, le maître vous l'ordonne, ». Pégase prend sa toge et vole au pied du trône. Elu fermier du prince (et d'un peuple avili. Les préfets sont-ils donc autre chose aujourd’hui ?) Pégase néanmoins avait l’âme sensible ? Il était de nos lois l'oracle incorruptible (…) ».

921 Leesen, Ibid., p. 343 et s. 922 Pomponius, D. 1.2.2.53. 923 Kunkel, Ibid., p. 137-138. 924 Celsius, D. 31.29.pr.

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Publius Iuventius Celsus Titus Aufidius Hoenius Severianus succède à son père comme directeur de l’école proculienne925. En cela, il est associé à L. Neratius Priscus926. Celsius Filius est né en 67 et est mort en 130927. Proche de l’empereur Hadrien, dont il fut membre du

consilium928, il gravit les échelons du cursus honorum. D’abord préteur en 106 ou 107 après J.-C.929, il devint gouverneur de Thrace entre 107 et 113, consul à deux reprises930 et enfin proconsul d’Asie931. De Celse Filius, nous ne possédons plus les œuvres ; seules quelques déclarations concises ont survécu, pour la plupart issues de ses ouvrages principaux : un Digeste en 39 livres, des Epistulae, des Commentarii et plusieurs recueils de Quaestiones. On peut citer son adage le plus célèbre : ius est ars boni et aequi932.

Celsius Filius a mené l’école proculienne conjointement avec son collègue, Lucius Neratius Priscus933. Ce dernier a vécu aux Ier et IIe siècle après notre ère, et se démarque par une carrière politique brillante934. Issu de la gens plébéienne des Neratii, Priscus vient d’une famille dont les membres se sont distingués socialement. En effet, son père et son frère sont consul suffect935 et son propre fils deviendra tribun de la plèbe, légat en Pannonie et enfin consul