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La pratique du docere respondendo comme mode d’apprentissage du droit d’apprentissage du droit

PREMIÈRE PARTIE : Les transmissions du savoir juridique durant le Haut-Empire

A) La pratique du docere respondendo comme mode d’apprentissage du droit d’apprentissage du droit

Notre démarche consistera à prouver que à Rome également, durant la période impériale, la transmission du savoir juridique ne se cantonnait pas aux écoles de droit. Effectivement, au cours de l’Empire, en dehors de son enseignement académique et spécialisé, le droit est diffusé par d’autres moyens, incidents, indirects, insoupçonnés. Durant le haut-Empire, les sources directes ne nous renseignement d’ailleurs que sur ces façon « adulterines » de transmettre le droit. C’est à découvrir ces modes alternatifs d’éducation juridique que nous allons à présent nous employer. Il ne sera pas nécessaire de chercher très longtemps, puisque ces moyens de diffuser le droit durant le haut-Empire sont les mêmes que ceux qui existaient déjà sous la République. Il s’agit de la pratique perfectionnée du docere respondendo (A) mais aussi de la transmission d’un savoir juridique élémentaire au sein des écoles de rhétorique (B).

A) La pratique du docere respondendo comme mode

d’apprentissage du droit

Continuité de l’enseignement familial, puis scolaire du droit, le docere respondendo consiste pour un jeune homme à se placer dans le sillage d’un juriste reconnu afin de se former par son exemple, en l’observant donner ses responsa. Se résumant initialement à l’audire, le

docere respondendo sera perfectionné à la toute fin de la République par Servius Sulpicius

Rufus. S’affranchissant du modèle maître-apprenti, l’enseignement juridique s’effectue désormais dans des classes de plusieurs élèves, selon la triple modalité de l’audire, de l’instruere et de l’instituere.

C’est tout d’abord au sein de la domus que l’enfant reçoit les bases de son éducation. Traditionnellement, jusqu’à l’âge de raison354 et comme en pays hellène, c’est la mère – et à défaut, la nourrice355 – qui éduque son enfant356. Par la suite, et dans le cas du jeune garçon, le

pater familias prend le relais de son épouse, et ce jusqu’à ses seize ans, lorsqu’il reçoit sa toge

virile357. L’instruction est principalement morale, les parents initiant leur progéniture au mos

maiorum358. Ainsi, transmet-on à l’infans le goût romain pour la gravitas, la fides, la pietas, la

Rachel Vanneuville, « Le droit saisi par son enseignement. Présentation du dossier », Droit et société, 83, 2013/1, p. 7-16 ; Rachel Vanneuville, « La formation contemporaine des avocats : aiguillon d'une recomposition de l'enseignement du droit en France ? », Droit et société, 83, 2013/1, p. 67-82 ; Biland, Ibid., p. 49-65 ; Christophe Jamin, « L’enseignement du droit à Science Po : Autour de la polemique suscitée par l’Arrêté du 21 Mars 2007 », Jurisprudence. Revue critique, 2010, p. 125-136 ; Christophe Jamin, La cuisine du droit. L’École de droit de Sciences Po : une expérimentation française, Lextenso éditions, 2012 ; Liora Israël, « Le droit sans l’université », La Vie des idées, 27 Mai 2013 ; Lucie Fian, « Enseigner la pratique interdisciplinaire, Du carcan de l'enseignement du droit vers une éducation juridique », Table ronde : échanges et comparaisons

franco-québécoises – UMR de droit comparé de Paris, (27-28 juin 2014) ; Jean-Philippe Ferreira, « L’enseignement du droit,

apanage des facultés de droit ? », L’enseignement du droit : Journée d’étude des jeunes chercheurs, Institut d’Etudes de droit

Public (28 novembre 2014), Faculté Jean Monnet – Université Paris-Sud.

354 Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, 2. Le monde romain, Seuil, 1948, p. 15-16.

355 Le recours à la nourrice en lieu et place de la mère est très critiqué. A cet égard, voir par exemple, Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XII, 22. Sur ce sujet, lire, Véronique Dasen, « Des nourrices grecques à Rome ? », Paedagogica Historica, 46-6, 2010, p. 701-702.

356 Marrou, Ibid., p. 16. 357 Ibid., p. 17.

358 Cicéron, De Republica, V, 1 : « la force de Rome repose sur ses vieilles mœurs autant que sur la force de ses fils » « moribus

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majestas ou encore la virtus359. Est également perceptible le souci de communiquer aux jeunes générations le souvenir des ancêtres qu’ils devront imiter à l’égal des héros, le dévouement total à la communauté, et le sens de la justice.

En sus de l’éducation familiale, et pour parfaire leur apprentissage, les jeunes Romains devaient, dans leur septième année, quitter la domus360 pour prendre le chemin de l’école. Influencé par la Grèce, le système éducatif romain comporte trois paliers, « trois degrés successifs d’enseignement » dira Henri-Irénée Marrou : l’école primaire, l’enseignement secondaire et les études supérieures361.

L’enfant commence sa scolarité à partir de l’âge de sept ans, auprès d’un instituteur (magister ludi litterearii, primuus magister, litterator) qui se borne à enseigner la lecture, l’écriture et le calcul à ses élèves. Le droit n’est toutefois pas absent de cette formation primaire. En effet, relevons que, selon le témoignage de Cicéron, les enfants apprenaient à lire et à écrire en se servant comme modèle de la Loi des XII Tables : « Il n’est pas nécessaire d’insister enfin sur la place qu’occupait dans cet ensemble la science juridique. (…) Dès l’enfance, on apprenait par cœur le texte de la Loi des XII Tables362». Plutarque, dans sa Vie de Caton l’ancien, rapporte la même chose363. Pourtant, si cette pratique était en vigueur durant la jeunesse de Cicéron (environ 95 avant J.-C.), il semble que vers la fin de la vie de l’Arpinate (51 avant J.-C.), la

recitatio des XII Tables soit tombée en désuétude : « Vous connaissez la suite ; car dans notre

enfance, nous apprenions comme un poème qu'on récite par cœur la Loi des XII Tables, qu'aujourd'hui, personne n'apprend plus364 ».

Après quatre à cinq années d’études primaires, l’élève quitte la pergula du litterator pour débuter son éducation secondaire auprès d’un grammairien (le grammaticus). Assisté d’un auxiliaire (subdottor/proscholus), le grammaticus transmet à son public les secrets de la grammaire latine et initie ses auditeurs aux richesses des auteurs classiques (essentiellement Virgile, Cicéron, Terence et Salluste). Au travers des œuvres commentées, le but du

grammaticus est de faire de chacun des jeunes gens qui peuplent sa classe des savants, des

adultes polymathes365. Tantôt évoque-t-on le droit naturel ou le concept de régime mixte au détour d’un passage du De Res Publica, tantôt la mythologie grecque au cours d’une étude de l’Enéide ou encore la géographie de la Numidie après lecture de la Guerre du Jugurtha. Le droit est particulièrement mis en avant, comme le note Albert Harrent : « Dès l’école du

359 Plutarque parle du soin avec lequel Caton éduque son fils. Caton « désirait (en) faire un chef d’œuvre, en le formant et composant au moule de la parfaite vertu ». En outre, l’éducation mettait en avant les vertus paysannes (frugalité, austérité, travail, désintéressement). Rapporté par Marrou, Ibid., p. 11-27.

360 Il nous faut mentionner une exception qu’est le préceptorat privé.

361 Marrou, Ibid., p. 63 : « (…) les écoles romaines, qu’il s’agisse de leur cadre, de leur programme, de leurs méthodes, ne font qu’imiter les écoles hellénistiques : l’adaptation au milieu linguistique latin n’entraîne pas de modifications profondes dans la pédagogie. (…) A Rome donc, comme en pays de langue grecque, il y a trois degrés successifs d’enseignement, auxquels correspondent, normalement , trois types d’écoles confiés à trois maîtres spécialisés ; à sept ans , l’enfant entre à l’école primaire, qu’il quitte vers onze ou douze pour celle du grammaticus ; à l’âge où il reçoit la toge virile, dès quinze ans quelquefois, il passe chez le rhéteur : les études supérieures durent normalement jusqu’aux environs de vingt ans, quoiqu’elles puissent se prolonger au-delà ».

362 Cicéron, de Legibus, II, 59. A cet égard, Marrou, Ibid., p. 26. 363 Plutarque, Vie de Caton l’ancien, XX, 4.

364 Cicéron, De legibus, II, 23.

365 Dès que le sens le permet (ici avec le mot Troiae), le professeur double ce commentaire littéral d’une explication non plus des mots mais des choses, tout « ce que raconte » le texte étudié. Toute la littérature latine, épanouie dans le cadre de cette civilisation hellénistique, est affectée de ce que nous nous plaisons à appeler le « complexe de culture ». Le bon grammairien était celui qui est capable « de dire qui était la nourrice d’Anchise, le nom et la patrie de la marâtre d’Anchemolus, combien Acète vécut d’années et combien d’urnes de vin de Sicile il donna aux Phrygiens ». La mythologie, l’histoire, la géographie, toutes les sciences étaient mises à contribution. L’homme vraiment culdvé n’est pas seulement un « lettré » mais aussi un érudit.

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grammairien, l’enfant acquérait les notions juridiques élémentaires nécessaires pour comprendre les orateurs366 ».

Une fois son éducation secondaire achevée auprès du grammairien, le jeune garçon pouvait poursuivre son cursus éducatif par des études supérieures. Comme nous le verrons en détail, la rhétorique monoplise pratiquement l’enseignement supérieur romain et l’enseignement de cette matière comporte une part non néligeable de connaissances juridiques. Le docere respondendo, consistant pour un jeune homme à se placer dans le sillage d’un juriste reconnu afin de se former par son exemple, est le premier moyen d’assimiler des connaissances juridiques à être apparu à Rome (si l’on excepte l’apprentissage familial puis scolaire du droit, qui, comme nous l’avons vu, est très rudimentaire).

La transmission du droit qui s’effectuait dans ce cadre ne répondait sans doute pas à une organisation élaborée. En effet, le droit n’étant ni conçu comme une technique ni comme une science qui s’apprenait dans les livres mais comme un ars qui s’acquerrait directement par l’exemple de celui qui le pratiquait367. Sous la République, le droit n’est pas encore une technique accaparée par le pouvoir mais relève de la spéculation. L’élève « se forme sur le tas », suit son maître au forum et apprends des réponses qu’il apporte aux particuliers qui l’interrogent. Enseignement et jurisprudence sont ainsi intimement liés. Comme le relève Alfonso Agudo Ruiz, il y a en l’espèce un lien étroit entre le respondere et le docere. C’est pourquoi, pour désigner l’apprentissage du droit par l’observation de la pratique d’un juriste déjà établi, on parlera de docere respondendo368. C’est parce que les apprentis juristes de cette époque assimilaient le droit par l’audire, l’écoute de leur maitre, qu’on les appelle auditores.

Dans les premières phases de l’histoire romaine, le docere respondendo n’existait pas. En effet, durant la période monarchique (753 avant J.C. – 509 avant J.C.) et jusqu’au Ve siècle avant notre ère, le collège des pontifes, c’est-à-dire l’ordre ecclésiastique romain, en tant que dépositaire des traditions romaines, disposait d’un monopole en matière de connaissance, d'interprétation, d'adaptation et d'application du droit privé369. En conséquence, il n’y avait pas la possibilité de transmettre une science juridique qui n’était connue que des seuls prêtres. Dans l’Enchiridion, Pomponius fait remonter la naissance de la jurisprudence aux temps troublés du début de la République et, plus précisément, au moment de la rédaction des XII Tables. Ce monument juridique datant de 451 avant J.C. lève le voile sur le droit en le mettant par écrit et en en faisant par la même la publicité370. Selon l’Enchiridion, les pontifes préservent toutefois leur domination sur la sphère juridique, légitimée par leurs charismes sacrés, jusqu’au IVe

366 Albert Harrent, Les écoles d’Antioche : essai sur le savoir et l'enseignement en Orient au IVe siècle, Thorin et fils, 1898, p. 163.

367 Jolowicz, Ibid., p. 97 : « That some jurists were also active as teachers has already been mentioned incidentally. Generally, this teaching was confined, in republican times, to the admission of young men to consultations and to the discussions which accompanied them, and some preparation was provideed by a knowledge of the XII Tables, which in Cicero’s boyhood were still regularly taught at school. It is presumably to the presence at consultations that Pomponius is referring when he speaks of one jurist as having been the auditor of another. Regular lecturing by professional teachers did not exist until the Empire ». 368 Agudo Ruiz, Ibid., p. 32.

369 D. 1.2.2.6 : « La connaissance de toutes ces lois et le droit d’interpréter les actions appartenait au collège de pontifes, c’était parmi eux qu’était choisi celui qui, chaque année, devait rendre la justice aux citoyens. Le peuple conserva près de 100 ans cet usage ». Sur ce point lire : Dieter Norr, « Pomponius oder Zum Geschichtsverstandnis der romischen Juristen », in Hildegard Temporini (dir.), Aufstieg und Niedergang der Romischen Welt, II-15, 1997, p. 497 et s. ; Mario Bretone, Techniche e Ideologie

dei Giuristi romani, 1984, p. 209 et s. ; Federico D’Ippolito, I giuristi e la citta. Ricerche sulla Giurisprudenza romana della repubblica, Edizioni scientifiche italiane, 1978, p. 25 et s. ; Dieter Norr, « I giuristi romani : tradizionalismo o progresso ?

Riflessioni su un problema inesttamente impostato », BIDR, 84, p. 9 et s. ; Mario Talamanca, « Per le storie della Giurisprudenza romana », BIDR, 80, 1977, p. 261 et s.

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siècle371. En effet, si les règles de droit ont été rendues publiques, les prêtres romains disposent toujours d’un monopole en matière de formulation (jusqu’au milieu de la république le droit romain est très formaliste et nécessite pour être appliqué le respect d’une gestuelle précise et la récitation de formules ancestrales), d’interprétation du ius et de connaissance du calendrier judicaire (les Romains divisait l’année en jour fastes, pendant lesquels l’activité humaine y compris judicaire était permise et néfastes, c’est-à-dire consacrées aux dieux). A la fin du IVe siècle, la sécularisation du droit se poursuit avec un événement fondamental : la divulgation des formules judicaires et du calendrier pontifical par Cnaeus Flavius372 et, par là même, la création du ius flavianum373. Il s’agissait, pour le célèbre affranchi, de compléter l’office de la Loi des XII Tables, qui avait levé le voile sur le fond du droit, en en révélant cette fois-ci la forme374.

La divulgation des formules et du calendrier permet selon Carlo Augusto Cannata, à une jurisprudence séculière d’éclore375, et dans le même mouvement, va ouvrir la voie aux juristes laïcs (iurisconsulti376), qui se sont mis à rendre des avis (responsa) lorsqu’ils étaient consultés par des particuliers sur des questions de droit privé. Appartenant le plus souvent à la nobilitas, ces derniers pratiquent le conseil juridique377. Pour être plus précis, citons Cicéron, qui énumère les trois verbes décrivant avec exactitude l’activité des iurisconsulti, c’est-à-dire Respondere378,

371 Federico Fernando de Bujan, Derecho Publico Romano, Iustel, p. 103 et s. Voir encore Paolo Frezza, Corso di storia del

Diritto romano, Bernardi, 1968, p. 365.

372 D. 1.2.2.7.

373 C’est la naissance de la littérature juridique qui débute donc avec le genre le plus simple : celui des collections de formules. Le ius flavianum (II, 5) sera diffusé jusqu’à la fin du IIIe siècle avant J.C. puis remplacé par le ius Aelianum.

374 D. 1.2.2.7.

375 Cannata, Ibid., p. 29.

376 Le terme de iurisconsulti est réservé aux juristes laïcs donnant des avis entant qu’experts du droit. Quant à l’activité juridique des pontifes, on parle de pontifex respondit. Agudo Ruiz, Ibid., p. 30-37 ; Cannata, Ibid., p. 27 : « Le nom de iurisconsulti, fait allusion à cette activité. Naturellement, les juristes laïques n’étaient consultés, au début, que par des particuliers en droit privé. Le droit sacré (ius sacrum) continua d’être le monopole des prêtres. Le droit public fut géré surtout par les magistrats et les sénateurs ».

377 A cet égard, voir Olga Tellegen-Couperus, A Short History of Roman Law, Routledge, 2002, p. 94-95 ; Paulo Ferreira da Cunha, Droit et récit, Presses Universitaires de Laval, 2003, p. 139-140 ; Herbert Felix Jolowicz, Historical Introduction to

the Study of Roman Law, Cambridge University Press, 1972, p. 95-96 ; Arthur Schiller, Roman Law : Mechanisms of Development, Walter de Gruyter, 1978, p. 272-368.

378 Jolowicz, Ibid., p. 95-96 : « Of these activities, respondere is the most important. It means giving advice in the sense in which lawyers use that word, i.e. especially advice as to what the law is, and such advice might be given either to a private individual, as with our ‘ opinions ’ of counsel, or to a judge who was trying a case, for it must be remembered that the judges (iudices) at Rome were not, like our judges, professional lawyers, but laymen, more like our jurymen, except that they generally sat singly and belonged to the wealthier classes of the community. Such a judge, if in doubt as to a point of law, might very well wish to ask the opinion of a jurisconsult, and would be almost certain to follow the opinion when he got it, though, during the republic, there was no compulsion to do so. It might also happen that a litigant had taken the opinion of a jurisconsult and gave evidence of this opinion before the judge who was trying his case. The result was that these opinions were, in effect, very much like decisions, and, though Roman law did not attach any binding force to precedent, the opinions of the jurists helped to mould the law in a manner not entirely different from that in which judgments mould English law. From the beginning of the Empire the importance of responsa as a source of law was to become much greater, but they were already among the sources during the republic. As a rule, no doubt, responsa were given for an actual case, whether one which led to litigation or not, but this was not necessary. A purely hypothetical case might be raised, for instance, by a pupil, discussed and decided by the jurist, and, since there was in any event no formality, the influence of the decision might be equal to that of one given on real facts. That discussions in the circle of a jurist did take place is evidenced by Cicero, but whether the curious phrase disputatio fori used as a synonym for interpretation i.e. for the law created in this way, has any connexion with this practice is uncertain. Under respondere in its widest sense can also be included advice given to magistrates in connexion with their légal duties, for the magistrates, though as public men they would have some knowledge of law, were only exceptionally experts. Especially in the highly important work of drawing up their edicts they must have been assisted by jurists, so that the edictal law, as well as the civil law proper, is in fact largely the work of the prudential ». Voir aussi Agudo Ruiz, Ibid., p. 30-31.

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Cavere379, Agere380 : « Sin autem quaereretur, quisnam jurisconsultus vere nominaretur ; eum dicerem, qui legum, et consuetudinis ejus, qua privati in civitate uterentur, et ad respondendum, et ad agendum, et ad cavendum, peritus esset ; et ex eo genere Sex. Aelium, M. Manilium, P. Mucium nominarem381 ». Lorsque le juriste intervient avant ou au cours d’une action judiciaire en répondant par le biais de responsa aux questionnements d’un particulier, on parle de cavere. Lorsque les responsa du iurisconsultus sont énoncées, une fois l’action accomplie, on parle de

respondere. Leur rôle est de faire comprendre au justiciable les effets de la décision judiciaire

rendue. Enfin, l’agere consiste à prêter une assistance juridique pendant un procès382. On notera que le droit sacré continue dans le même temps d’être le monopole des pontifes et le droit public, celui des magistrats et des sénateurs.

Le IIe siècle avant notre ère constitue un tournant pour le droit. C’est à ce moment, quelques décennies après l’annexion définitive de la Grèce par Rome en 146 avant J.-C., que l’influence de la culture hellène, et en particulier de la philosophie, est notable dans l’ensemble des domaines du savoir383. Ainsi, le passage d’un droit purement casuistique à une organisation scientifique de la matière est souvent vu par la doctrine comme la conséquence de la diffusion des idées grecques à Rome384. À titre d’illustration, la figure de Cicéron, chez qui la preuve de la pénétration de la philosophie hellène, et en particulier de la didactique, n’est plus à faire, le montre. Sa volonté de mettre le droit en ars385 (in artem redigere) est certainement la résultante

379 Jolowicz, Ibid., p. 96 : « Of the other jurisprudential activities mentioned by Cicero, cavere means the drafting of legal forms for contracts, wills and other transactions where expert help was needed. Perhaps we should include under it what Cicero elsewhere calls acribere, the formulation of written documents, but it must be remembered that many important transactions,