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sauterelle comestible, Ruspolia differens Développement et récolte

2. rôle des insectes

2.2 L’entomoPhagIe dans Le monde

2.3.5 sauterelle comestible, Ruspolia differens Développement et récolte

La sauterelle comestible (Ruspolia differens), officiellement connue sous le nom de Homorocoryphus nitidulus vicinus, est une sauterelle aux longues antennes appartenant à la famille des Tettigoniidae. C’est une source commune de nourriture dans de nombreuses régions d’Afrique de l’Est et du Sud. Dans la région du lac Victoria, en Afrique de

l’Est, où ces sauterelles sont connues sous le nom de «nsenene», elles constituent une part majeure de la culture alimentaire (Kinyuru, Kenji et Muhoho, 2010). Le groupe ethnique Bahaya dans le district de Bukoba en Tanzanie considère les sauterelles comme une friandise. En Ouganda, les nsenene sont traditionnellement récoltés par les femmes et les enfants.

Les œufs de sauterelles – qui sont pondus en groupes sur les tiges des herbes – ne se développent pas par temps sec. Les pluies déclenchent le développement qui prend environ quatre semaines (McCrae, 1982). Les larves et les adultes se nourrissent des anthères et des graines d’herbes telles que le riz, le millet, le sorgho et le maïs. Généralement, les sauterelles sont récoltées sur ces plantes pendant la journée (Mors, 1958).

«Okulinga ensenene» signifie que les Bahayas (en Tanzanie) sortent de leurs cases tôt le matin pour chercher les nsenene dans les champs. Lorsqu’ils les trouvent, ils crient fortement pour annoncer au village où les nsenene se sont posés – dans les bananeraies ou dans les champs, ou encore sur les collines. Jeunes et vieux, et plus particulièrement femmes et enfants, sortent alors pour les récolter. Les sauterelles sont récoltées partout où elles s’abattent et les propriétaires des bananeraies, par exemple, ne peuvent pas empêcher les intrus de venir récolter les nsenene. Lors des récoltes, tout terrain est considéré en libre accès.

De nos jours, la multiplication des sources de lumière artificielle a permis de récolter les sauterelles relativement facilement la nuit. Les récolteurs professionnels peuvent utiliser des sources puissantes de lumière artificielle pour capturer les sauterelles, alors que les femmes et les enfants y contribuent en utilisant l’éclairage public (van Huis, 2003b). Certains récolteurs se voient même facturer par les compagnies d’électricité (170 dollars EU par mois) pour la fourniture constante d’électricité pendant la nuit (Agea et al., 2008). Toute rupture de l’approvisionnement électrique peut gravement affecter les revenus de la récolte des sauterelles comestibles (Encadré 2.13).

Commerce

En Ouganda, une étude de marché de Ruspolia nitidula dans les districts de Kampala et de Makaka, a montré que, étant un mets recherché, 1 kg de sauterelles atteignait sur le marché local des prix de 40 pour cent supérieurs à ceux de 1 kg de viande de bœuf (Agea et al., 2008). Cette étude, qui comportait des entretiens avec 70 commerçants

Encadré 2.13

Les coupures de courant électrique nuisent au commerce des sauterelles comestibles en ouganda

Le rationnement énergétique est une pratique courante en Ouganda, et certaines familles de Kampala subissent des coupures d’électricité durant plus de 48 heures. ceci a compliqué la vie de nombreux récolteurs et vendeurs ougandais de sauterelles.

Julius Kafeero, un récolteur de sauterelles de Kampala, la capitale de l’Ouganda, dit que la lumière électrique est vitale pour son activité. Le manque de fiabilité de l’approvi-sionnement électrique l’a obligé, ainsi que plusieurs autres récolteurs, à se tourner vers des sources alternatives d’énergie comme les groupes électrogènes.

Malgré leurs prix croissants, les sauterelles frites demeurent une friandise recherchée en Ouganda. Juliet nakalyango, une vendeuse au marché nakasero, dit que ses clients lui achètent toujours des sauterelles bien que les prix aient doublé, une cuillérée de sauterelles coûant environ 0,40 € (0,50 dollars EU), alors que la dernière saison le même montant per-mettait d’en obtenir une pleine tasse.

Source: Gitta, 2012.

et 70 consommateurs, a montré que les détaillants achetaient les trois quarts de leur approvisionnement à des grossistes, et se procuraient le reste directement aux récolteurs.

De plus, la majorité des commerçants indiquait que le commerce de R. nitidula était concentré le long des routes et/ou dans les aires de service sur les autoroutes. Bien que ce soient les hommes qui dominaient le secteur, les femmes contribuaient également à la récolte. Le prix de gros des sauterelles était d’environ 0,56 dollar EU le kg, alors que le prix de détail était cinq fois plus élevé (2,80 dollars EU). En moyenne, avec la vente de R. nitidula, les commerçants ont généré un revenu de plus de 200 dollars EU par saison. Cependant, parmi les aspects qui limitent la vente de R. nitidula, il faut signaler la disponibilité saisonnière de l’insecte et sa faible durée de conservation.

Autres espèces de sauterelles

Au Japon, la récolte des sauterelles (principalement Oxya yezoensis) est liée à la récolte du riz. La récolte a lieu le matin, lorsque les sauterelles sont humides de rosée. Les sauterelles sont maintenues vivantes pendant une nuit après la récolte afin qu’elles se purgent de leurs excréments. Le jour suivant, elles sont frites ou bouillies et les pattes sont arrachées car elles ne sont pas comestibles. Après séchage au soleil, les sauterelles sont cuisinées dans de la sauce de soja et du sucre. Elles sont mangées en automne comme accompagnement ou comme amuse-gueule. Certains les conservent jusqu’à une année.

Toutefois, la récolte et la consommation de sauterelles ont décliné ces dernières années (Nonaka, 2009).

Les sauterelles de rizière sont consommées dans la plupart des pays asiatiques. En Corée, elles étaient couramment consommées en accompagnement, en ingrédient de la gamelle du midi et comme amuse-gueule. La consommation de sauterelles de rizière a décliné durant les années 60 et 70 du fait de l’utilisation accrue d’insecticides. En 1981, les règles autorisant l’utilisation des insecticides ont été assouplies et les agriculteurs ont commencé à en utiliser moins, ce qui a permis aux populations de sauterelles de croître. La diminution de l’utilisation d’insecticides et le souhait de certains Coréens de consommer du riz sans pesticide ont conduit au développement de la riziculture biologique à Chahwang Myun. Ceci était économiquement viable car le rendement des rizières non traitées était identique à celui des rizières traitées, et le riz biologique se vendait à un prix plus élevé. En 1989, la Coopérative agricole de Chahwang Myun, qui à l’origine, achetait, moulait et vendait du riz, s’est mise à acheter aux agriculteurs-récolteurs des sauterelles séchées au soleil. Il y avait trois espèces. Oxya velox était l’espèce la plus commune (de couleur jaune-vert et de 27 à 37 mm de longueur, on la trouve au Japon, en Chine, dans la péninsule coréenne et sur l’île de Taïwan), avec 84,5 pour cent du total, suivie par Oxya sinuosa, 14,8 pour cent et Acrida lata, moins de 1 pour cent. En 1991 et 1992, la Coopérative de Chahwang Myun a continué à acheter et vendre de grandes quantités de sauterelles tandis que de nombreuses personnes allaient en acheter directement aux agriculteurs (Pemberton, 1994).

Il y a quarante ans une pullulation de criquet de Bombay (Patanga succinta) a eu lieu dans les cultures de maïs en Thaïlande. L’aspersion d’insecticides par voie aérienne fut un échec et une campagne de promotion de la consommation du criquet de Bombay a été lancée entre 1978 et 1981. Les criquets étaient frits, incorporés dans des biscuits, et fermentés pour constituer une sauce de cuisson. De nos jours, le criquet (frit) est l’un des insectes comestibles les plus renommés et les plus populaires en Thaïlande, et cette espèce n’est plus considérée comme un problème majeur pour l’agriculture. Certains agriculteurs cultivent même du maïs pour nourrir les insectes, plutôt que pour le récolter et le vendre (Hanboonsong, 2010).

La commercialisation des sauterelles dépend fortement de la région. En République démocratique populaire lao, les sauterelles (Caelifera spp.) sont plus consommées que les fourmis tisserandes, le deuxième insecte le plus vendu sur le marché (Boulidam, 2010).

De nombreuses espèces de sauterelles sont récoltées pour la consommation familiale lors

du défrichage des champs pour la plantation du riz. La cuisson est simple: les sauterelles sont légèrement salées, bouillies dans un peu d’eau puis mijotées jusqu’à évaporation totale de l’eau. Parfois, on les fait sauter, les plus grosses étant frites jusqu’à ce qu’elles soient croustillantes, tout comme des crevettes frites. Elles peuvent être également grillées.

Habituellement, les sauterelles sont servies comme un simple plat sans accompagnement de légumes ni de viande (Chung, 2010).

Au Mexique, les sauterelles (Sphenarium purpurascens), connues habituellement sous le nom de chapulines, sont une forme populaire de denrée alimentaire de rue. Bien que généralement disponibles sur des étals informels et dans les petits restaurants de la ville, les sauterelles sont maintenant, parmi d’autres insectes, au menu de restaurants plus chers, et des sauterelles séchées et conditionnées peuvent être achetées dans les boutiques gastronomiques (Ramos Elorduy, 2009).

2.4 PrInCIPaux ProduIts Issus des InseCtes

De nombreux produits fournis par les abeilles – dont, entre autres, le miel, la propolis et la cire – sont connus du public et abondamment traités par Bradbear (2009). Tout le monde sait que le tissu de soie est obtenu du ver à soie. Cependant, le grand public connaît moins la foule d’autres produits issus des insectes, dont beaucoup se retrouvent dans la plupart des placards de cuisine, sous forme de médicaments ou d’autres produits domestiques. Le carmin, par exemple, aussi appelé «rouge de cochenille», est une teinture rouge extraite de cochenilles, typiquement utilisée pour colorer les produits alimentaires et comme teinture pour les textiles et les produits pharmaceutiques. Malgré son utilisation largement répandue et son approbation par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (United States Food and Drug Administration), le carmin a fait récemment l’objet de controverses, caricaturant les clients d’une chaîne connue de cafés qui utilisait ce produit dans ses boissons (Encadré 2.14). Les chrysalides du ver à soie sont un mets très recherché en Asie (voir la section 2.4.2). Le lerp (voir la section 2.4.3) et une foule d’huiles comestibles extraites des punaises pentatomidés (voir la section 2.4.4) sont d’autres produits d’usage courant, issus des insectes.

Encadré 2.14

utilisation controversée du carmin de cochenille

début 2012, une controverse s’est développée autour de la boisson à la fraise Frappucino® de la Compagnie de café Starbucks, après que le célèbre conglomérat international du café ait admis que la couleur rose de sa boisson était due à un extrait de carmin fabriqué à partir de cochenilles déshydratées.

Avant d’utiliser du carmin de cochenille, Starbucks avait utilisé des additifs synthétiques et venait d’opter pour l’utilisation de moyens plus naturels de coloration (Leung, 2012).

Lorsque ceci a été porté à l’attention d’un groupe végan7 aux états-Unis, la controverse s’est propagée comme une traînée de poudre au travers de blogs et de forums sur Internet, puis dans les médias nord-américains.

Dans un commentaire à l’adresse des consommateurs, le président de Starbucks États-Unis annonçait qu’en réponse aux réactions des consommateurs relatives à l’utilisation de carmin de cochenille dans certains de ses produits, la compagnie utiliserait dorénavant un colorant à base de tomate (Burrows, 2012). aux états-Unis et au canada, l’utilisation du carmin de cochenille est autorisée par leurs agences respectives des produits alimentaires et médicamenteux (Santé Canada, 2006; USFDA, 2009).

7 Le régime végane exclut la consommation de tout animal et de tout produit issu d’un animal, y compris les insectes.

2.4.1 Carmin

Le carmin est une teinture rouge obtenue initialement de Dactylopius coccus et qui est utilisée dans les industries alimentaires, textiles et pharmaceutiques. L’insecte vit sur le cactus Opuntia ficus-indica, qui est cultivé pour son fruit connu sous le nom de figue de Barbarie. Les îles Canaries, le Chili, l’Équateur, le Pérou et l’État plurinational de Bolivie sont les plus gros producteurs de carmin de cochenille. Entre 2000 et 2006, la production mondiale a été multipliée plus de 2,5 fois en raison de la demande du fait de l’intérêt croissant de l’industrie alimentaire pour les colorants naturels (pour des produits tels que les yaourts à la fraise de Campari et Danone). En 2006, la production nationale du Pérou a atteint 2 300 tonnes (85 pour cent de la production mondiale), avec une valeur à l’exportation de 39,6 millions de dollars EU. Les plus grands importateurs de carmin sont le Brésil, le Danemark, la France, l’Allemagne et les États-Unis. Au Pérou, les autres produits issus du carmin de cochenille comprennent la laque carmin (12,9 millions de dollars EU), l’extrait de cochenille séché (3,65 millions de dollars EU) et l’acide carminique (2,03 millions de dollars EU) (Torres, 2008).

En plus de ses utilisations dans l’industrie alimentaire, la production de carmin de cochenille a procuré une multitude de bénéfices sociaux aux Péruviens, parmi lesquels les emplois ne sont pas les moindres. De plus, cette production a été saluée pour ses bénéfices environnementaux, tels que la plantation de la plante hôte des cochenilles, le cactus Opuntia ficus-indica, qui protège les espaces ouverts contre l’érosion, régénère la fertilité des sols pour l’agriculture et capture une quantité significative de carbone atmosphérique.