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2. rôle des insectes

2.2 L’entomoPhagIe dans Le monde

2.3.2 Charançon du palmier

«Larvae assate in deliciis habentur» [les larves frites sont délicieuses] d’après Linné, à propos de Rynchophorus spp., dans son ouvrage de 1758 Systema Naturae.

Les larves du charançon du palmier (Rynchophorus spp.) sont consommées en Asie (R. ferrugineus), en Afrique (R. phoenicis) et en Amérique latine (R. palmarum). Leur goût délicieux est dû, selon certains, au taux élevé de matières grasses (Fasoranti et Ajiboye, 1993). Sous les tropiques, l’insecte est présent toute l’année dans les zones où l’arbre hôte existe. Souvent, ces arbres hôtes sont des individus stressés; c’est-à-dire des arbres déjà attaqués par d’autres insectes, notamment par des scarabées rhinocéros (Oryctes spp.), ou saignés pour la production traditionnelle de vin de palme (Fasoranti et Ajiboye, 1993). Des palmiers tombés au sol peuvent être des sites de reproduction et héberger des centaines de larves; des palmiers peuvent être abattus uniquement dans ce but. Une telle pratique est fréquente chez les Indiens Yanomamö (Chagnon, 1983) et Jöti (Choo, Zent et Simpson, 2009) en Amazonie. Van Itterbeeck et van Huis (2012) ont

Encadré 2.10

Proverbes Yansi, république démocratique du Congo

«Les chenilles et la viande jouent le même rôle dans le corps humain.»

«comme aliment, les chenilles sont courantes dans le village, alors que la viande est rare.»

Source: Muyay, 1981.

noté que de nombreux peuples autochtones ont une excellente connaissance de l’écologie du charançon du palmier et peuvent accroître sa disponibilité et sa prévisibilité par des techniques de production naturelle améliorées. Des expériences dans des villages du Haut-Orénoque ont étudié les méthodes pour rendre la production de charançons du palmier plus soutenue que celle obtenue par l’abattage traditionnel des palmiers afin d’améliorer l’oviposition (la ponte des œufs) de R. palmarum et des autres charançons du palmier (Cerda et al., 2001).

Écologie

Les charançons du palmier attaquent les palmiers, parmi lesquels les plus importants sont le cocotier (Cocos nucifera), le dattier (Phoenix dactylifera), le sagoutier (Metroxylon sagou), le palmier à huile (Elaeis guineensis) et le raphia (Raphia spp.). Fasoranti et Ajiboye (1993) ont noté que chez le charançon africain du palmier, les adultes femelles pondaient quelques centaines d’œufs sur les jeunes feuilles ou directement sur le stipe (faux tronc) du palmier. Les larves du charançon creusent jusqu’au cœur du palmier et provoquent sa mort. La totalité du cycle biologique prend de 7 à 10 semaines. Une larve complètement dépliée mesure, en moyenne, 10,5 cm de long, 5,5 cm de large et pèse 6,7 g. Extraire les larves du stipe du palmier exige beaucoup de travail et n’est le plus souvent réalisé que par des hommes jeunes (Fasoranti et Ajiboye, 1993).

Détection des larves

En République démocratique du Congo, il est d’usage que les femmes détectent le meilleur moment pour la récolte des larves de charançon, de capricornes et de scarabées – que l’on trouve dans les stipes sur pied ou pourrissants de palmiers Elaeis, Raphia, Chamaerops et Cocos nucifera (Ghesquière, 1947) – en collant leur oreille contre le stipe des arbres et en écoutant le bruit fait par les larves en rongeant et creusant. Cette méthode est aussi utilisée au Cameroun pour récolter les larves du charançon du palmier (Rhynchophorus phoenicis) au stade de développement le plus approprié pour leur consommation (van Huis, 2003b). La même méthode a été observée en République centrafricaine (Roulon-Doko, 1998) et dans les Amériques (Ghesquière, 1947; Wolcott, 1933). En Italie, les contrôleurs sanitaires des forêts sont réputés pour avoir utilisé des dispositifs électroniques d’écoute pour détecter les infestations à un stade précoce du charançon rouge du palmier, car lorsque les symptômes des dégâts deviennent apparents, l’arbre est perdu (Encadré 2.11).

Consommation

Typiquement, les larves de charançon du palmier sont récoltées, lavées et frites pour la consommation (Fasoranti et Ajiboye, 1993). Il n’est pas nécessaire d’ajouter de l’huile

Encadré 2.11

Charançon asiatique du palmier

Le charançon rouge du palmier (Rynchophorus ferrugineus) est présent dans la plupart des pays asiatiques et au Proche-Orient. Il a atteint la Méditerranée avec un caractère invasif dans les années 80. En août 2009, il avait détruit plus de 13 000 palmiers dattiers en Sicile.

Le charançon s’est aussi répandu le long de la côte méditerranéenne et a envahi la péninsule italienne où il détruit les palmiers aussi loin vers le nord que Gênes. En Italie péninsulaire, ses destructions sont principalement limitées au palmier ornemental Phoenix canariensis. La méthode de lutte principale dans le pays et tout autour de la Méditerranée est l’utilisation systématique d’insecticides.

Source: Mormino, 2009.

car les larves ont une teneur élevée en matières grasses et exsudent de l’huile lors de la friture. Les condiments usuels sont des oignons, du poivre et du sel. Les larves sont aussi couramment grillées au barbecue.

Au Nigéria, les adultes déconseillent les enfants de manger des larves de charançon du palmier. On pense que c’est pour prévenir les enfants de tomber des palmiers; leur activité peut accroître à court terme le nombre de sites de production et le nombre de larves disponibles à la récolte, mais elle pourrait provoquer des dégâts irrémédiables à long terme sur les arbres hôtes (Fasoranti et Ajiboye, 1993). Protéger les palmiers est considéré essentiel par les communautés qui dépendent de ces arbres pour d’autres produits clefs comme l’huile de palme, les palmistes et le vin de palme.

2.3.3 termites

Dans le monde occidental, les termites sont généralement qualifiés de nuisibles et sont connus pour leur capacité à dévorer le bois. On dit que les dégâts provoqués par les termites coûtent plus d’un demi-milliard de dollars EU par an aux seuls Etats-Unis d’Amérique. Toutefois, les termites sont considérés comme un mets raffiné dans de nombreuses parties du monde. Ils sont consommés aussi bien en plat principal qu’en accompagnement, ainsi qu’en amuse-gueule après avoir été désailés, frits et séchés au soleil (Kinyuru et Njoroge, 2009).

Bien qu’ils soient souvent appelés «fourmis» ou «fourmis blanches», les termites n’appartiennent pas au même ordre que les fourmis; ils appartiennent à l’ordre des isoptères. Les termites comestibles, qui appartiennent typiquement à la famille des macrotermitidés (Macrotermitinae), sont généralement les individus ailés qui essaiment des termitières cathédrales peu après le début des premières pluies à la fin de la saison sèche (cet envol est appelé vol nuptial). Ces termites ailés sont les futurs rois et reines.

Ils sont comestibles, tout comme les soldats. Les termites sont connus pour construire de grands nids très élaborés; pour certaines espèces, ces nids peuvent atteindre 8 m de haut et un seul nid peut héberger jusqu’à 1 million d’individus comprenant des ouvriers, des soldats, un roi et une reine. On pense que la biomasse totale des termites dépasse celle de la totalité de l’humanité.

Les termites ne peuvent pas digérer la cellulose ni la lignine, aussi leur tube digestif contient des protozoaires et des bactéries symbiotiques qui digèrent la cellulose du bois. Les termites vivent des sous-produits de cette digestion et des corps mêmes de ces symbiotes. Par exemple, des espèces de macrotermitidés cultivent des champignons dans leur termitière qui brisent la cellulose et la lignine en molécules plus nutritives. Ces champignons font partie d’un système digestif extracorporel qui convertit la matière ligneuse indigeste des plantes en oligosaccharides de plus grande qualité et en un complexe de sucres plus facilement digestibles. Ainsi, les termites «sous-traitent» la digestion de la cellulose. Cette digestion est responsable de l’émission de 4 pour cent des GES mondiaux, sous forme de méthane (Sanderson, 1996).

Reine et soldats

Les reines des termites sont un mets particulièrement apprécié, souvent réservé aux grandes occasions (van Huis, 2003b). Leur valeur nutritionnelle est telle qu’en Ouganda et en Zambie elles sont données aux enfants sous-alimentés. Cependant, extraire les reines – qui sont capables de pondre 2 000 œufs par jour et qui mesurent jusqu’à 10 cm de diamètre – est très laborieux et leur prélèvement provoque la mort de colonies entières.

La consommation de soldats des plus grandes espèces de termites a été constatée en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en République bolivarienne du Venezuela et au Zimbabwe (Bequaert, 1921; Bergier, 1941; Owen, 1973;

Chavanduka, 1976; Roulon-Doko, 1998; Paoletti et al., 2003). Ils sont souvent frits ou pilés et incorporés dans des gâteaux. Parfois, par exemple en Ouganda, seules les têtes sont consommées (van Huis, 2003b). Les termites soldats ne peuvent être récoltés

qu’en petites quantités, et cette récolte est en général faite par les femmes et les enfants (Roulon-Doko, 1998). Contrairement aux formes ailées, les soldats peuvent être récoltés tout au long de l’année.

Récolte des termites

Il existe de nombreuses façons de récolter les termites ailés. En zones urbaines, ils sont piégés dans des récipients contenant de l’eau, près des sources de lumière qui les attirent.

En zones rurales, les termites ailés sont habituellement capturés près de la termitière cathédrale. Lorsqu’ils émergent – attirés par la lumière d’un fagot d’herbes enflammé – ils sont balayés dans un trou creusé à cette intention. Dans certaines régions de la République démocratique du Congo, les populations disposent des paniers renversés au-dessus des trous, de façon à ce que les termites qui s’accrochent au fond du panier tombent dans le trou lorsque les paniers sont secoués (Bergier, 1941). À la place de paniers, des structures faites de cannes d’herbe à éléphant recouvertes de feuilles de bananiers, de marantacées ou de couvertures, sont aussi utilisées pour recouvrir les trous (Bergier, 1941; Osmatson, 1951; Roulon-Doko, 1998). Toutes les issues d’évasion sont fermées afin que les termites soient obligés de sortir par une seule ouverture sur un des côtés de la structure, vers laquelle les termites sont attirés par la lumière du soleil, de la lune, d’une torche ou d’un feu. Un récipient est placé près de cette ouverture pour recueillir les termites (Harris, 1940; Bergier, 1941; Ogutu, 1986). Osmatson (1951) a décrit comment, en Ouganda, un réseau compliqué de tubes d’argile est assemblé au-dessus des trous d’émergence, conduisant à un récipient. Le battage continu et le tambourinement du sol (à l’imitation de la pluie) autour des termitières cathédrales déclenchent l’émergence de certaines espèces de termites (Owen, 1973; Ogutu, 1986; Roulon-Doko, 1998). Récemment, Ayieko et al. (2011) ont combiné la technologie moderne et les techniques traditionnelles pour récolter des termites (Encadré 2.12).

Consommation des termites et valeur nutritionnelle

Les termites sont riches en protéines, en acides gras et en divers micronutriments. Frits ou séchés, les termites contiennent de 32 à 38 pour cent de protéines (Tihon, 1946; Santos Oliveira et al., 1976; Nkouka, 1987). Les teneurs en acides gras essentiels comme l’acide

Encadré 2.12

Fusion des connaissances traditionnelles et des techniques modernes pour la récolte des termites au Kenya

au Kenya, une étude réalisée en collaboration avec le «Kenya Industrial development» a montré que la construction d’un simple piège lumineux avec récepteur, faciliterait la capture en masse de Macrotermes subhyalinus nommé «agaro» dans la région du lac Victoria et permettrait d’accroître la sécurité alimentaire des communautés pratiquant l’entomophagie.

L’étude proposait, afin de maximiser la récolte, de former les populations à la construction de pièges en utilisant les matériaux locaux directement disponibles. Elle a montré la nécessité de développer les connaissances sur les diverses espèces de termites. Par exemple, la com-préhension du mode d’émergence des termites «agaro» – en bref, identifier les termitières potentiellement actives – devrait permettre de maximiser les récoltes. Il serait également important de faire le point sur les changements des contextes environnementaux. La fusion de la science moderne et des méthodes traditionnelles est prometteuse, mais des recherches complémentaires sont nécessaires pour comprendre, entre autres problèmes, pourquoi de telles variations existent entre les récoltes.

Source: ayieko et al., 2011.

linoléique sont particulièrement élevées chez les espèces africaines à termitières érigées au-dessus du sol, Macrotermes bellicosus (34 pour cent) et M. subhyalinus (43 pour cent) (Santos Oliveira et al., 1976). En République bolivarienne du Venezuela, les soldats des espèces du genre Syntermes (p. ex. Syntermes aculeosus) sont connus pour leur haute valeur nutritionnelle. La teneur en protéines de cette espèce, 64 pour cent, est remarquable; le genre est aussi riche en acides aminés essentiels comme le tryptophane et en d’autres micronutriments comme le fer et le calcium.

Les termites sont généralement consommés frits, séchés au soleil ou fumés, mais en Ouganda, ils sont passés à la vapeur dans des feuilles de bananier. Pour sécher au soleil ou pour fumer les termites, ils doivent être tués au préalable, ébouillantés ou rôtis pendant quelques minutes (Silow, 1983). Parfois ils sont réduits en poudre au pilon dans un mortier et consommés avec du miel (Ogutu, 1986). Le peuple Azande et les Pygmées en République démocratique du Congo font frire la viande dans les résidus gras issus de ces termites (Bequaert, 1921; Bergier, 1941). Les Pygmées utilisent également cette huile pour traiter leur corps et leurs cheveux. L’huile de termite est extraite en pressant des termites séchés dans un tuyau (Costermans, 1955). Dans de nombreux villages et villes d’Afrique de l’Est, on peut acheter dans les marchés locaux, des termites séchés au soleil (Osmatson, 1951; Owen, 1973). Les termites séchés au soleil peuvent être réduits en poudre et mélangés à d’autres ingrédients alimentaires (Pearce, 1997) par cuisson, ébullition, cuisson à la vapeur, ou incorporés dans des crackers, des muffins, des saucisses, des pâtés en croûte (Kinyuru, Kenji et Njoroge, 2009; Ayieko, Oriamo et Nyambuga, 2010). Au Botswana, les femmes san récoltent les termites ailés Hodotermes mossambicus et les rôtissent dans des cendres chaudes et du sable (Nonaka, 1996).

Des termites pour nourrir les porcs, la volaille et les poissons

L’utilisation des termites pour nourrir les animaux a été observée dans plusieurs pays.

Au Burkina Faso, les termites sont récoltés grâce à des petites calebasses qui sont astucieusement remplies avec du vieux fumier humide, des noyaux de mangue et d’autres matières organiques, puis qui sont enterrées (van Huis, 1996). Trois ou quatre semaines plus tard, les calebasses sont déterrées et leur contenu – plein de termites – est donné à la volaille. De telles méthodes sont surtout importantes en fin de saison sèche lorsque la nourriture est rare (Iroko, 1982). Farina, Demey et Hardouin (1991) ont montré comment des termites sont donnés à des pintades et des poulets dans les villages du Togo avec des techniques comparables à celles en usage au Burkina Faso. Des termites ailés capturés lors de l’essaimage ont été donnés à des poulets bankiva en Inde ainsi qu’à des autruches dans des fermes d’élevage d’un bout à l’autre de l’Afrique (Pearce, 1997).

Champignons de termitières

En plus des termites, diverses espèces de champignons poussant sur les termitières sont régulièrement consommées dans de nombreux pays tropicaux. Les champignons récoltés dans la nature constituent des compléments alimentaires importants pour les populations locales et ont aussi un rôle dans les traditions culturelles. Dans de nombreuses régions d’Afrique, on trouve couramment des champignons au marché, et ils sont aussi conservés pour être consommés pendant la saison sèche froide (Parent et Thoen, 1977).

Au Nigéria, les guérisseurs traditionnels yoroubas utilisent de nombreuses espèces du genre Termitomyces (Lyophyllaceae) comme remèdes ou comme envoûtements. Ces champignons tiennent aussi leur place dans le folklore et les mythes (Oso, 1977).

Les champignons appartenant au genre Termitomyces s’élèvent directement des

«peignes» fongiques dans la termitière (Zoberi, 1973). Les noms locaux de ces cham-pignons sont souvent dérivés des noms locaux des termites. En Ouganda, par exemple, les nyoros appellent obunyanaka les champignons qui poussent sur les termitières des termites appelés enaka, alors que les champignons obunyantaike poussent sur les termitières des termites entaike. Les carpophores des espèces du genre Termitomyces sont

de grandes dimensions (jusqu’à 80 cm de diamètre), à l’exception de T. microcarpus qui ne font que de 0,5 à 2 cm de diamètre (Parent et Thoen, 1977); on trouve cette dernière espèce en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Sud (Skelton et Matanganyidze, 1981).