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Fiche n°02 Niveau : 3 ème année Licence L.M.D

1. Quelles sont les finalités de l’écriture autobiographique ?

2.3 Sartre et l’Existentialisme :

Le terme d’ « existentialisme » devint courant grâce au philosophe français qui l’avait appliqué à sa propre philosophie et qui devint la figure de proue d’un mouvement existentialiste en France, appelé à connaitre un retentissement international au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

La philosophie de Sartre, explicitement athée et pessimiste, affirmait que l’homme a besoin de donner un fondement rationnel à sa vie mais qu’il est incapable de réaliser cette

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Ophélie Ruch, Fiche de lecture « Les Mots » de Jean-Paul Sartre. Repéré à : Le petit littéraire.fr, consulté le 1502/2020. https://www.lepetitlitteraire.fr/analyses-litteraires/jean-paul-sartre/les-mots/analyse- du-livre#_more_content

condition. Aussi la vie humaine est-elle à ses yeux une « futile passion ». Néanmoins, Sartre soulignait que l’existentialisme est une forme d’humanisme, et il mettait fortement l’accent sur la liberté de l’homme, sur ses choix et sa responsabilité. Par ailleurs, il tenta de concilier ses conceptions existentialistes avec l’analyse marxiste de la société et de l’histoire.

Phase 2 Analyse de l’extrait

II. Passer les photocopies du texte.

III. Lecture / Correction et mise en commun en cours dialogué :

1. Présentation de l’auteur1

Jean-Paul Sartre

Ecrivain et intellectuel français

 Né en 1905 à Paris

 Décédé en 1980 à Saint-Hilaire

 Quelques-unes de ses œuvres : - La Nausée, 1938

- Huis clos 1944

- L’existentialisme est un humanisme, 1946

Jean-Paul Sartre est u écrivain et philosophe français né en 1905 à Paris et mort en 1980. Célébré au même temps que rejeté pour sa pensée existentialiste, il est l’auteur de plusieurs essais comme l’Etre et le Néant ou L’existentialisme est un humanisme. Il a également écrit de nombreux textes littéraires dans lesquels se déploient avec force sa philosophie et sa définition de la littérature. En 1964, il refuse le prix Nobel de la littérature et publie Les Mots, un récit autobiographique sur sa

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Ophélie Ruch, Fiche de lecture « Les Mots » de Jean-Paul Sartre. Repéré à : Le petit littéraire.fr, consulté le 1702/2020.

jeunesse.

2. Présentation du livre dont on a extrait notre texte support :1

Les mots

Le récit d’une vocation

Les mots est l’autobiographie de Jean-Paul Sartre publiée en 1964 qui vient en quelques sorte clore sa carrière d’écrivain. Il y fait le récit fidèle de son enfance, de 4 à 11 ans, et développe les thèmes classiques du genre : parents, premières expériences, connaissance de soi. Le récit est structuré en deux parties, d’une longueur équivalente : « Lire », [d’où est extrait ce passage proposé à l’analyse] et « Ecrire ». Sartre articule son existence autour de la rencontre avec les mots, d’abord dans la lecture, ensuite dans l’écriture : il place ainsi sa vocation d’écrivain comme le résultat logique d’une expérience particulière.

Ce récit d’enfance est déterminant pour comprendre l’œuvre et la vie de l’écrivain. il s’agit à la fois d’un ouvrage d’explication et de conclusion, qui en ce sens représente un élément déterminant dans l’œuvre prolixe et protéiforme de l’auteur.

3. Texte support :

« Ma vérité, mon caractère et mon nom étaient aux mains des adultes; j'avais appris à me voir par leurs yeux; j'étais un enfant, ce monstre qu'ils fabriquent avec leurs regrets. Absents, ils laissaient derrière eux leur regard, mêlé à la lumière; je courais, je sautais à travers ce regard qui me conservait ma nature de petit-fils modèle, qui continuait à m'offrir mes jouets et l'univers. Dans mon joli bocal, dans mon âme, mes pensées tournaient, chacun pouvait suivre leur manège: pas un coin d'ombre. Pourtant, sans mots, sans forme ni consistance, diluée

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dans cette innocente transparence, une transparente certitude gâchait tout: j'étais un imposteur. Comment jouer la comédie sans savoir qu'on la joue? Elles se dénonçaient d'elles-mêmes, les claires apparences ensoleillées qui composaient mon personnage: par un défaut d'être que je ne pouvais ni tout à fait comprendre ni cesser de ressentir. Je me tournais vers les grandes personnes, je leur demandais de garantir mes mérites: c'était m'enfoncer dans l'imposture. Condamné à plaire, je me donnais des grâces qui se fanaient sur l'heure; je traînais partout ma fausse bonhomie, mon importance désœuvrée, à l'affût d'une chance nouvelle: je croyais la saisir, je me jetais dans une attitude et j'y retrouvais l'inconsistance que je voulais fuir. Mon grand-père somnolait, enveloppé dans son plaid; sous sa moustache broussailleuse, j'apercevais la nudité rose de ses lèvres, c'était insupportable: heureusement, ses lunettes glissaient, je me précipitais pour les ramasser. Il s'éveillait, m'enlevait dans ses bras, nous filions notre grande scène d'amour: ce n'était plus ce que j'avais voulu. Qu'avais-je voulu? J'oubliais tout, je faisais mon nid dans les buissons de sa barbe. J'entrais à la cuisine, je déclarais que je voulais secouer la salade; c'étaient des cris, des fous rires: « Non, mon chéri, pas comme ça! Serre bien fort ta petite main: voilà! Marie, aidez-le! Mais c'est qu'il fait ça très bien. » J'étais un faux enfant, je tenais un faux panier à salade; je sentais mes actes se changer en gestes. La Comédie me dérobait le monde et les hommes: je ne voyais que des rôles et des accessoires; servant par bouffonnerie les entreprises des adultes, comment eussé-je pris au sérieux leurs soucis? Je me prêtais à leurs desseins avec un empressement vertueux qui me retenait de partager leurs fins. Étranger aux besoins, aux espoirs, aux plaisirs de l'espèce, je me dilapidais froidement pour la séduire; elle était mon public, une rampe de feu me séparait d'elle, me rejetait dans un exil orgueilleux qui tournait vite à l'angoisse. »

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Jean-Paul SARTRE, Les Mots, 1964, pp. 70-72.

4. Analyse du texte support :

L’objectif de notre analyse est de montrer, sur le plan de la forme seulement, les caractéristiques de l’écriture autobiographique adaptées dans ce texte. Pour cela notre analyse va procéder successivement à identifier ce texte, à partir de sa structure, de sa focalisation, de son cadre temporel, de sa grammaire et enfin de sa tonalité.

Dans sa totalité, ce texte représente le discours de l’auteur- personnage qui domine le récit anecdotique dont il se sert pour illustrer l’analyse critique de son enfance ; ce que Sartre exprime dans la phrase suivante :

« j’étais un faux enfant, je tenais un faux panier à salade ; je sentais mes actes se changer en gestes » ou encore « je me tournais vers les grandes personnes, je leur demandais de garantir mes mérites : c’était m’enfoncer dans l’imposture ».

Au plan de sa composition, ce texte n’obéit à aucun découpage méthodique. Il se compose d’un seul et unique paragraphe. Nous pouvons toutefois isoler la dernière phrase qui énonce le thème de l’ « exil ».

Pour ce faire, l’énonciation est accomplie à la première personne du singulier. En effet, ce « Je » du récit autobiographique dessine non seulement l’auteur mais aussi le narrateur et le héros. Ces trois instances renvoient cependant à différents moments de la narration qui permettent à l’auteur- narrateur d’énoncer un point de vue critique sur les évènements relatifs à son enfance. Par exemple l’anecdote de « La salade » se réfère au temps de l’histoire, tandis que l’interprétation qui en ai proposée : « La comédie me dérobait le monde et les hommes » référer au temps du récit c’est-à-dire le moment où le narrateur

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est devenu adulte.

Pour montrer la subjectivité du discours dominant dans ce texte, nous pouvons relever plusieurs verbes à connotation péjorative, employés à des fins manipulatrices de la tromperie familiale :

« Une transparente certitude gâchait tout », « elles se dénonçaient d’elles-mêmes », « c’était m’enfoncer dans l’imposture », « des grâces qui se fanaient sur leur », « je trainais partout ma forme bonhomie », « je me dilapidais froidement ».

Quant à la répartition des pronoms de ce même texte, elle obéit à un principe récurrent qui oppose le « je », c’est-à-dire le monde de l’enfant, aux « Ils », « Eux », « Leurs », c’est-à-dire le monde des adultes. Notons que, même si ces deux mondes n’existent que l’un par rapport à l’autre, ils sont figés d’après le texte et condamnés au malentendu :

« Étranger aux besoins, aux espoirs, aux plaisirs de l'espèce, je me dilapidais froidement pour la séduire; elle était mon public, une rampe de feu me séparait d'elle, me rejetait dans un exil orgueilleux qui tournait vite à l'angoisse. »

Au plan de la construction temporelle, le temps dominant est l’imparfait de l’indicatif à valeur répétitive. Cet emploi marque la rengaine d’un rituel familial dans le passé d’une enfance envisagée dans sa globalité, sans repères chronologiques par Sartre. Seuls, deux verbes conjugués au présent de l’indicatif prennent une valeur de vérité générale :

« j’étais un enfant, ce monstre qu’ils fabriquent avec leurs regrets », « Comment jouer la comédie sans savoir qu’on la joue ? »

Au plan syntaxique, nous relevons deux interrogations rhétoriques :

« Comment jouer la comédie sans savoir qu’on la joue ? »

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Nous continuons notre démarche didactique, ci- dessous, en présentant le troisième et le dernier texte que nous avons choisi du livre de Ismail Kadare « Avril brisé, 1978 ».

 « Comment eussé-je pris au sérieux leurs soucis ? » Ces deux questions montrent le but analytique et démonstratif du texte. Ce qui explique les nombreuses expressions empreintes d’ironie qui montrent le regard sans complaisance ni émotion de Sartre adulte envers l’enfant qu’il était :

« Dans mon joli bocal », « Condamné à plaire, je me donnais des grâces qui se fanaient sur l’heure », « ma fausse bonhomie », « mon importance désœuvrée », « servant par bouffonnerie les entreprises des adultes ». Aussi, cet accent ironique va de pair avec la vision analytique de Sartre, qui considère l’écriture autobiographique de son point de vue dénonciateur.

Phase 3 Bilan