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CHAPITRE 1 : Les fondements théoriques du mal-être au travail au bien-être au travail

I. Les fondements théoriques du mal-être au travail

3. La santé au travail : d’une approche pathogénique à l’ouverture salutogénique

Définir la santé n’est pas si simple. Pendant longtemps, le terme de santé n’était utilisé que par les médecins et le domaine médical qui considéraient l’être humain comme un être biologique. La vocation du médecin est de se concentrer sur les éléments perturbateurs – les maladies – et de trouver des remèdes afin de guérir ou de stabiliser l’état de santé du patient. Cette approche reste le fondement d’une conception biomédicale de la santé qui vise à privilégier une orientation pathogène de la santé (Antonovsky, 1987). Conception qui est toujours dominante dans le milieu du soin. En s’appuyant sur ce constat, la médecine est davantage en capacité de définir le concept de maladie plutôt que celui de la santé puisque définir la santé par l’absence de maladie semble assez réducteur (Dejours, 2016).

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique d’ailleurs une première limite à cette conception : la santé ne peut être réduite exclusivement à l’ordre biologique, elle implique aussi bien l’ordre psychique et social. À ce titre, le domaine du travail permet de rassembler et d’articuler les dimensions de la santé au travers de certains processus impliqués par la construction et la défense de la santé (Dejours, 2016). Sortir de cette dimension négative (uniquement basée sur la maladie) semble primordial et les sciences humaines et sociales tentent d’apporter leur contribution en bâtissant une problématique positive de la santé.

Le travail peut donc être perçu comme un opérateur de santé et Christophe Dejours (2016) évoque le processus de réappropriation comme élément favorable. « Il s’agit d’un processus grâce auquel les contraintes du travail ne sont pas seulement subies passivement, mais font l’objet d’une stratégie par laquelle le sujet réussit à se servir du travail pour s’accomplir soi-même ; c’est-à-dire à utiliser cette condition initiale de contrainte pour se transformer soi-même et continuer ainsi à bâtir son identité ». (Dejours, 2016, p.206).

En lien avec ces éléments, quelle définition avons-nous de la santé au travail ? L’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’OMS ont proposé en 1995 la définition suivante : « L’objectif de la santé au travail est de promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions ; prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de travail ; les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé ; placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques ; en somme, adapter le travail à l’homme et chaque homme à sa tâche. ». Cet élément se rapproche davantage d’une ambition ou d’un programme plutôt que d’une définition. Différentes avancées ont permis de mettre en avant la santé au travail. En effet, des lois et des aspects plus réglementaires ont émergé afin de répondre à certaines préoccupations :

- L’obligation de la médecine du travail instaurée par la loi du 28 juillet 1942

- La santé au travail est une obligation des employeurs (code du travail Article L4121-1, modifié par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 — art. 61)

- La loi dite de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (rendant obligatoire une approche pluridisciplinaire de la santé de l’Homme au travail avec l’intégration de

Depuis les années 1990, de nouvelles pathologies au travail apparaissent et prennent de l’ampleur : les troubles musculo-squelettiques (TMS), le stress au travail, l’épuisement professionnel. Face à ce constat, des entreprises mènent des actions de prévention concernant les risques psychosociaux (obligation de les transcrire dans le document unique d’évaluation des risques professionnels) néanmoins cela reste délicat pour bon nombre d’entreprises et employeurs dont ils sont bien souvent parties prenantes autour d’un sujet sur lequel ils ne se sentent pas toujours concernés à titre individuel (Lechat, 2014). Promouvoir la santé au travail est donc un véritable enjeu économique et social. Ainsi, historiquement, le courant pathogène de la santé s’intéresse davantage à la médecine curative et à la médecine préventive qu’à la promotion de la santé (Raffin, 2018).

Un second courant existe, promu par Antonovsky dans l’ouvrage « Health, stress, and coping » (1979). L’auteur présente le modèle salutogénique de la santé en s’inspirant de la définition de l’OMS de 1946. L’auteur constate que face à certains évènements de vie difficile des personnes maintiennent un niveau de santé convenable mais pour quelles raisons ? Selon lui, ces personnes doivent disposer de certains atouts, qu’il nomme « ressources généralisées de résistances » permettant d’empêcher les facteurs de risque (Antonovsky, 1987). Dans la lignée de Jahoda (1958), il développera ses recherches sur les déterminants positifs de la santé mentale et aboutira à un modèle : « le sens de la cohérence » qui mesure l’orientation positive qu’à une personne sur sa propre vie (Antonovsky, 1987, p.19). Ce concept de salutogénèse s’est développé et des chercheurs ont rassemblé vingt-cinq déterminants jouant un rôle protecteur pour la santé (Lindström & Eriksson, 2010).

Figure 2 : « Le parapluie salutogénique »4

Ce courant a permis de faire évoluer la psychologie qui s’est souvent restreinte à l’étude des « quatre D » : Damage, Disease, Disorder, Dysfunction (Baker & Schaufeli, 2008). D’ailleurs, Seligman (2002, p. 4), souligne que la « psychologie n’est pas seulement l’étude des maladies, des faiblesses, et des effets néfastes ; elle est aussi l’étude des forces et des vertus ». Cette approche permet de compléter – sous un aspect plus positif – les déterminants de la santé au travail. Par conséquent, de nombreuses recherches portent sur la relation entre la santé des salariés et leurs conditions de travail. Nombreux éléments amènent des préconisations sur l’Organisation du travail et renvoient implicitement et parfois explicitement au rôle du dirigeant d’entreprise dans la prévention. Cependant, peu de recherches ont abouti à l’étude de la santé au travail et au bien-être des dirigeants d’entreprises.