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CHAPITRE 2 : Recherches empiriques

6. Discussion de l’étude 2

Cette étude examine les facettes du modèle HEXACO (Ashton & Lee, 2004, 2009) afin de savoir si elles sont de meilleurs prédicteurs que les six grands facteurs du modèle. Nous avons ajouté le soutien organisationnel perçu afin de comprendre s’il était un prédicteur plus pertinent que les traits de la personnalité en ce qui concerne la satisfaction de vie professionnelle et

Les recherches antérieures ont montré l’association entre les facteurs « Emotionnalité », « Extraversion », « Conscienciosité » et la satisfaction de vie, hormis l’ « Honnêteté-Humilité » qui n’avait aucun rapport avec cette dernière (Aghababaei & Arji, 2014 ; Burtaverde, 2015). Nos résultats vont dans le sens des études antérieures puisque l’ « Emotionnalité » (r = -.17 ; p <.01), l’ « Extraversion » (r = .28 ; p <.01) et la « Conscienciosité » (r = .13 ; p <.05) sont corrélées faiblement avec la satisfaction de vie. En effet, plus les individus ont un score élevé sur l’échelle d’ « Emotionnalité », plus ils éprouvent de l’anxiété vis-à-vis des évènements de vie et moins elles arrivent à les apprécier. A contrario, les individus ayant un score élevé en « Extraversion » seront plus satisfaits de leur vie puisqu’ils ont tendance à être enthousiastes, énergiques et positifs face aux évènements de la vie. Pour ce qui concerne le caractère « Consciencieux », ce lien peut s’expliquer par le fait qu’un individu qui organise son temps, son environnement et s’engage dans des activités auxquelles il y trouve du sens se sentira plus satisfait de sa vie. De plus, le facteur « Agréabilité » a un lien faible et positif (r = .19 ; p <.05) avec la satisfaction de vie. Nos résultats montrent aussi que le facteur « Honnêteté-Humilité » et l’ « Ouverture » n’ont pas de liens significatifs avec cette dernière. Pour autant, dans nos analyses, l’ « Ouverture » est reconnue comme prédicteur de la satisfaction de vie ainsi que l’ « Emotionnalité », l’ « Extraversion » et l’ « Agréabilité ». Notons que de nombreuses facettes semblent être liées à la satisfaction de vie. La facette « vivacité » du facteur « Extraversion » a un lien faible avec la satisfaction de vie (r = .27 ; p <.01), reconnu comme prédicteur des facettes puisqu’elle explique à elle seule 2.3% de la variance totale. Toutefois, le soutien organisationnel perçu semble être un meilleur prédicteur puisqu’il explique à lui seul 4.3% de la variance totale.

Les recherches ont montré de façon constante l’association des facteurs du Big Five, entre le facteur « Névrosisme » et les affects négatifs et entre le facteur « Extraversion » et les affects positifs (Costa & McCrae, 1980 ; DeNeve & Cooper, 1998). Dans une revue de question, Yik et Russel (2001) affirment que le « Névrosisme » et l’ « Extraversion » sont les deux traits de personnalité les plus prédicteurs des affects momentanés. Ces résultats se confirment avec les facteurs HEXACO : « Emotionnalité » (r = .39 ; p <.05) et « Extraversion » (r = .30 ; p <.01). En effet, une personne se décrivant comme quelqu’un d’ « émotionnel » ressentira davantage d’inquiétude ou d’anxiété pour les autres, pour soi ou dans certaines situations. Elle sera donc plus encline à ressentir des émotions négatives qu’une personne ayant pour trait de personnalité l’ « Extraversion ». À savoir que les émotions négatives ne sont pas l’inverse des émotions positives, ni leurs absences, elles sont simplement d’une autre nature. De plus, les émotions positives impactent fortement sur l’organisation du travail car elles améliorent la motivation et la performance, diminuent les conflits entre collègues, et augmentent le comportement de citoyenneté (Shankland, 2014). Nos résultats montrent que le trait de personnalité « Conscienciosité » semble avoir le pouvoir prédictif le plus fort (β = .22 ; p <.05) envers les affects positifs tandis que l’ « Emotionnalité » est le plus pertinent (β = .36 ; p <.05) pour les affects négatifs. De plus, il semble que la facette « inquiétude » du facteur « Emotionnalité » à un pouvoir prédictif important sur les affects positifs (β = -.27 ; p <.05), expliquant à elle seule 9.6% de la variance totale. Par conséquent, plus un individu a une tendance à éprouver de la peur, à être sensible moins il aura tendance à ressentir d’émotions positives. Tandis que la facette « estime de soi » apparait comme ayant un fort pouvoir prédictif envers les émotions négatives expliquant à elle seule 12.3% de la variance totale et la facette « anxiété » (« Emotionnalité ») explique 12.6% de la variance totale.

L’association entre le modèle du Big Five et épanouissement psychologique a été démontré où les facteurs « Extraversion », « Consciencieux » et « Névrosisme » sont des prédicteurs satisfaisants (Villieux et al., 2016). Avec le modèle HEXACO, nos résultats vont dans le même sens. En effet, l’ « Extraversion » a un lien positif modéré (r = .45 ; p <.01) avec l’épanouissement psychologique général. La « Conscienciosité » est liée faiblement (r = .14 ; p <.05) et l’ « Emotionnalité » l’est négativement (r = -.18 ; p <.05).

Notre modèle de régression extrait comme prédicteur l’ « Extraversion » (β = .41 ; p <.05) et la « Conscienciosité » (β =.12 ; p <.05). A titre d’exemple, les individus qui mettent en œuvre des comportements d’aides voient leur niveau de bien-être augmenter (Shankland, 2014), en raison du sentiment de contrôle que cela amène (théorie de l’auto-détermination de Ryan &Deci, 2000), de l’amélioration de l’estime de soi et des réponses apportées à des besoins fondamentaux tels que la recherche de sens à la vie (Seligman, 2002) ou le sentiment d’être utile, développant ainsi l’épanouissement psychologique. Aussi nos résultats suggèrent que la facette « estime de soi » et « vivacité » (« Extraversion ») ont un lien modéré et positif (r = .43 ; p <.01). Toutefois, la facette « vivacité » explique à elle seule 16.1% de la variance totale tandis que l’ « estime de soi » n’explique que 5.4% de la variance totale. Nous pouvons noter que conceptuellement, l’estime de soi est une composante de l’épanouissement psychologique.

De plus, Butaverde (2015) montre que les facteurs HEXACO « Extraversion » et « Agréabilité » sont corrélés avec la satisfaction de vie professionnelle. Nos résultats montrent que seules l’ « Extraversion » et la « Conscienciosité », reconnues elles aussi comme les seuls prédicteurs (respectivement β = .18 ; .16 ; p <.05), sont corrélées faiblement (respectivement r = .24 et .16 ; p <.05) avec cette dernière. La facette « assiduité » semble avoir un fort pouvoir prédictif (β = .20 ; p <.05) expliquant à elle seule 4.1% de la variance totale. Nous observons que le soutien organisationnel perçu a le pouvoir prédictif le plus important (17.6% de la variance totale).

En effet, un individu qui perçoit un soutien organisationnel satisfaisant sera plus impliqué et plus engagé dans son activité puisqu’il se sentira valorisé par sa hiérarchie. Ainsi, pour que le travail soit source de bien-être, il faut qu’il y ait une certaine réciprocité entre l’individu et l’organisation dont il fait partie (Eisenberger & Rhoades, 2002).

Pour ce qui concerne l’épanouissement psychologique en milieu de travail, seules l’ « Extraversion » (r = .28 ; p <.01) et la « Conscienciosité » (r = .18 ; p <.05) montrent un lien faible positif avec cette variable. Ce sont les deux seuls traits reconnus comme prédicteurs (respectivement β = .24 ; .17 ; p <.05). Une réponse que nous pouvons apporter est qu’aujourd’hui « être consciencieux » dans les tâches que l’on effectue est valorisé socialement. Quelqu’un se présentant comme une personne assidue et organisée sera plus engagée dans sa tâche de travail, exprimera de l’intérêt dans ces activités lui permettant d’accroitre son sentiment de compétence (Diener et al., 2010). Si cela est concilié avec une certaine aisance et une estime de soi importante, la personne aura tendance à être plus optimiste quant à sa situation professionnelle et sera à la recherche de relations sociales perçues comme positives pour lui. Par ailleurs, Baker et Derks (2009) montrent dans leur revue que le niveau d’engagement des salariés est associé positivement à la performance et à la productivité (Harter et al., 2002), à une plus faible intention de quitter son emploi et à la réduction de l’absentéisme. En outre, les entreprises n’ont plus d’autres choix que de développer l’engagement au travail face à la lutte concurrentielle entre les organisations. Ainsi, dans nos analyses, l’ « Extraversion » et la « Conscienciosité » sont les deux seuls traits de personnalité reconnus comme prédicteur de la satisfaction de vie professionnelle, de l’épanouissement psychologique général et professionnel. Notons aussi que la facette « perfectionnisme » semble être un bon prédicteur expliquant 4.7% de la variance totale.

De plus, les résultats montrent que les facettes « vivacité » et « estime de soi » sont des prédicteurs assez pertinents de l’épanouissement psychologique. En effet, ces deux facettes se réfèrent entre autres à l’état de flow (Csikszentmihalyi, 1990) car l’individu se sent énergique, en pleine possession de ses moyens et soucieux de mener à bien son activité.

Ensuite, le soutien organisationnel perçu est reconnu comme la variable ayant le pouvoir prédictif le plus fort puisqu’il explique à lui seul 18.8% de la variance totale. Fredrickson et Losada (2005) (cité par Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014) ont montré qu’un comportement organisationnel positif (soutien verbal de la part de la hiérarchie par exemple) l’emporte sur un comportement organisationnel négatif. Les salariés se sentent plus épanouis, créatifs, engagés et investissent plus d’effort dans leur travail (Bakker & Derks, 2010).

Ainsi, nos résultats semblent aller dans le sens de ceux observés par Jovenin, Villieux et Sovet (2015) pour qui les traits de personnalité sont de meilleurs prédicteurs de la satisfaction de vie et de l’épanouissement psychologique général que de variables contextualisées au monde du travail. Le soutien organisationnel expliquant ici la plus grande part de variance lorsque l’épanouissement psychologique et la satisfaction de vie sont contextualisés à l’environnement professionnel. Pour autant, nos résultats montrent que le soutien organisationnel a aussi un pouvoir prédictif pour la satisfaction de vie et l’épanouissement psychologique général. Il serait donc intéressant d’utiliser des mesures de traits de personnalité contextualisées au monde du travail, afin d’observer s’ils sont de meilleurs prédicteurs des comportements au travail que les mesures générales. Même s’il ne faut pas réduire ces associations aux seuls traits de personnalité, car plusieurs déterminants peuvent intervenir comme les émotions, l’attitude ou la situation dans laquelle se trouve l’individu (Rolland, 2004 ; Villieux et al., 2016).

Bien que les résultats soient satisfaisants, nous sommes conscients que cette étude comporte des limites. Il est important de présenter ses limites afin de pouvoir proposer des améliorations à notre étude. Concernant le questionnaire, nous n’avons pas testé l’effet d’ordre du questionnaire. Il aurait été pertinent d’échanger l’ordre des outils pour éviter certains biais (« effet de contamination ») dans les réponses obtenues. Notre questionnaire a été transmis en version papier et en version numérique via les réseaux sociaux. 125 questionnaires n’ont pas pu être exploités avec pour raison principale un taux élevé de non-réponse. Il serait intéressant d’analyser les causes même si nous supposons qu’une grande part de la mortalité est due à la longueur du questionnaire. Cette limite n’est pas la seule concernant le questionnaire. Nos participants peuvent avoir répondu sous le biais de désirabilité sociale, c’est-à-dire que les répondants auraient tendance à répondre en se présentant sous un jour favorable (Rolland, 2004). Ensuite nous pouvons aborder les limites qui concernent la représentativité de l’échantillon. Notre échantillon n’est pas représentatif puisqu’il est assez restreint et les catégories socioprofessionnelles sont disparates. Il aurait été intéressant d’avoir un nombre conséquent de participants dans chaque catégorie socioprofessionnelle. Il aurait été intéressant de lier notre étude à une analyse qualitative afin d’obtenir des éléments de compréhension plus approfondis sur le fonctionnement psychologique positif. Et, afin de tester si le soutien organisationnel perçu a un rôle modérateur, une analyse de modération doit être menée.

Ainsi, des travaux complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les antécédents et conséquences de l’épanouissement en milieu de travail. De plus, la prise en compte des caractéristiques personnologiques permettrait de proposer des interventions, mieux ciblées et adaptées, visant à améliorer le bien-être des individus. Cette étude permet donc d’enrichir les recherches menées sur l’étude des liens entre personnalité et bien-être et montre l’importance d’une analyse hiérarchique de la personnalité afin d’obtenir une meilleure compréhension de ces relations.

III. Etude 3 : Profils personnologiques et épanouissement psychologique en milieu de