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CHAPITRE 1 : Méthodologie de recherche

I. Le positionnement de la recherche

1. Le cadre épistémologique

Présenter son projet de recherche dans un cadre, c’est définir l’épistémologie de sa recherche. Dans ce contexte, le chercheur va expliciter les choix en les justifiant, ce qui est déterminant pour la clarté du projet et de sa compréhension (Lavarde, 2008). Piaget propose une définition de l’épistémologie qui semble faire consensus : l’épistémologie est « l’étude de la constitution des connaissances valables » (1967, p. 6). En outre, l’épistémologie fait référence à la théorie des connaissances, indique comment le chercheur acquière des connaissances et explique la relation entre le chercheur et le sujet de recherche (Schweizer, Del Rio Carral & Santiago-Delafosse, 2020). La posture épistémologique influe sur la manière dont les chercheurs conçoivent leur projet de recherche et doit être le préalable de toute démarche scientifique (Guba & Lincoln, 1994). Deux paradigmes de recherches sont à distinguer : le paradigme objectiviste/positiviste et le paradigme compréhensif/constructiviste (Sockeel & Anceaux, 2002, cité par Schweizer et al., 2020).

Le paradigme positiviste se fonde sur trois éléments (Guba & Lincoln, 1994, Bosisio & Santiago-Delefosse, 2014). Dans un premier temps, la neutralité du chercheur est fondamentale dans le but d’obtenir des informations précises et fiables des sujets et il se doit de minimiser les influences. Le deuxième élément concerne l’observation des faits qui génère des lois stables de cause à effet. Ce phénomène est avéré lorsque les résultats sont reproductibles et irréfutables (Bosisio & Santiago-Delefosse, 2014). Enfin, le chercheur est désintéressé et tente de rester objectif, il se situe en dehors du sujet étudié. Cette posture positiviste suggère que le sujet reste l’expert (Santiago-Delefosse & Del Rio Carral, 2017).

Dans le paradigme constructiviste, le chercheur considère que la réalité est le résultat d’une co-construction des acteurs (Guba & Lincoln, 1994). L’intérêt est de comprendre comment la réalité fonctionne avec pour objectif d’interpréter le sens des expériences construites par chaque individu. Dans ce cadre, la connaissance est engendrée par la construction et il existe une dépendance du chercheur envers son sujet d’études dont il fondera des hypothèses pour comprendre cette réalité (Santiago-Delefosse & Del Rio Carral, 2017).

Dans ce contexte, les partisans de l’un et de l’autre paradigme ont longtemps considéré leurs approches comme opposées sur la manière dont les chercheurs acquièrent des connaissances (Santiago-Delefosse & Del Rio Carral, 2017). Au milieu des années 90, il devenait important pour de nombreux chercheurs de distinguer l’approche qualitative de l’approche quantitative en deux fondements épistémologiques distincts : le positivisme/réalisme et le constructivisme/interprétivisme. La recherche quantitative était associée à des paradigmes positivistes/réalistes et la recherche qualitative est associée à des épistémologies constructivistes/interprétivistes. Pendant longtemps, certains chercheurs considéraient que la combinaison de ces deux méthodes ne pouvait être valable car elles

En lien avec ce débat épistémologique, des chercheurs en méthodes mixtes se sont ancrés dans le pragmatisme en tant que fondement épistémologique. Ce paradigme est né dans les années 1800 grâce à des philosophes tels que Charles Sanders Peirce (1839-1914) et John Dewey (1859-1952). Cette perspective encourage les chercheurs à choisir l’ensemble des méthodes qui répondent le mieux à leurs questions (Tedddlie & Tashakkori, 2009). L’approche pragmatique se concentre ainsi sur les applications sociales de la recherche. En psychologie, cela implique de se concentrer sur l’impact de la recherche sur des résultats tels que le bien-être, la santé mentale (Schweizer et al., 2020) ou encore l’épanouissement. Ensuite, cette approche tend à exclure le dualisme subjectif-objectif. Enfin, elle tend à concevoir le savoir comme étant à la fois enracinée dans le monde et construit (Tedddlie & Tashakkori, 2009).

En prenant en compte le débat positiviste-constructiviste, nous considérons que le pragmatisme constitue une alternative.

2. De l’épistémologie aux méthodes

Le paradigme pragmatique permet de combiner différentes méthodes afin d’offrir des points de vue complémentaires : « L’approche des méthodes mixtes est celle dans laquelle le chercheur fonde ses prétentions philosophiques sur un champ pragmatique. » (Creswell, 2003, p. 19).

Nous présentons ci-dessous une synthèse des méthodes à partir du choix du paradigme (Creswell, 2003 ; Saunders, Lewis & Thornhil, 2009) :

Tableau 3 : De l’épistémologie aux méthodes (d’après Creswell (2003) et Saunders et al. (2009))

Epistémologie Mode de

raisonnement

Stratégie d’enquête Méthodes

Positivisme Déductif expérimental Mesures quantitatives

Constructivisme Inductif Etude de cas, narratif, ethnographie, recherche-action

Mesures qualitatives

Pragmatisme Déductif, inductif, abductif

Mixte Mesures quantitatives

et qualitatives

Les approches quantitatives répondent aux questions de recherche qui nécessitent de tester des hypothèses, de mesurer et d’évaluer les relations entre des variables afin de produire des connaissances statistiquement généralisables et significatives. Quant aux approches qualitatives, elles abordent des questions de recherche qui nécessitent de générer des hypothèses, de décrire des phénomènes et de les interpréter pour produire des connaissances contextualisées et particulières (Schweizer et al., 2020). Notre recherche nous incite à combiner ces deux types d’approches, qui se nomment : méthode mixte de recherche. Depuis la fin des années 90, cette méthode est reconnue pour combiner rigoureusement l’approche quantitative et qualitative afin de traiter des questions complexes (Schweizer et al., 2020).

Les méthodes mixtes prennent en considération le contexte et le sens que prennent certains phénomènes (Schoonemboom & Johnson, 2017, cité par Schweizer et al., 2020) dans l’objectif d’obtenir de nouveaux éclairages sur un concept ou sur des questions de recherches. Plano Clark et Ivankova (2016) identifient trois principaux types de dispositifs de méthodes mixtes qui permettent d’identifier le plan de recherche (Taguchi, 2018 cité par Schweizer et al., 2020) :

- Dispositif 1 (Design Convergent Parallèle) : « simultané Quan + Qual » qui compare et fusionne les résultats quantitatifs et qualitatifs dans le but d’offrir des résultats plus complets.

- Dispositif 2 (Design Séquentiel explicatif) : « séquentiel Quan  Qual » qui utilise les données qualitatives dans l’objectif d’expliquer ou de confirmer les résultats quantitatifs initiaux.

- Dispositif 3 (Design Séquentiel Exploratoire) : « séquentiel Qual  Quan » qui utilise les données quantitatives dans l’objectif de généraliser, tester ou confirmer les résultats qualitatifs initiaux.

Les méthodologies mixtes sont soumises à des procédures rigoureuses afin de respecter l’intégrité et la rigueur méthodologique (Taguchi, 2018). Ci-dessous, nous présentons notre plan de recherche. La méthode mixte peut être à dominante qualitative, ou quantitative ou mixte. Dans notre travail de recherche, elle sera à dominante quantitative. Le recueil des données se fera séparément et non simultanément. L’architecture de notre thèse s’apparentera au dispositif 2 : « Design Séquentiel Explicatif ». L’approche quantitative teste une ou des hypothèses et l’approche qualitative qui suivra permettra d’éclairer les mécanismes à l’œuvre dans les résultats obtenus au préalable. Dans ce plan de recherche, les données quantitatives sont analysées pour déterminer lequel de leurs aspects nécessitent un approfondissement qualitatif (Schweizer et al., 2020). Ensuite, les données qualitatives sont analysées afin de mettre en exergue des questions de recherche pour des recherches futures. Dans cette configuration, on tente de comprendre « le pourquoi ».

Enfin, comment nos données seront intégrées ? Nos données quantitatives et qualitatives seront discutées séparément selon une approche contigüe (European Research Council Scientific Council, 2018 cité par Schweizer et al., 2020). Néanmoins, les résultats qualitatifs compléteront les résultats quantitatifs.