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CHAPITRE 2 : Recherches empiriques

1. Objectifs de recherche

Avec l’émergence de la psychologie positive, une volonté de développer un modèle plus inclusif intégrant différents indicateurs issus des approches eudémoniste et hédoniste est apparue (Biétry & Creusier 2013 ; Dagenais-Desmarais & Savoie, 2012). Diener s’inspire de ce modèle et enrichit sa conception tri-factorielle du bien-être subjectif en proposant le concept d’épanouissement psychologique (Diener et al., 2010). Afin d’évaluer l’épanouissement psychologique, Diener et al. (2010) ont créé la Flourishing Scale (FS). Cette échelle psychométrique repose sur différents éléments du capital psychologique et du capital social de la personne : le but, l’acceptation de soi, les compétences, la contribution sociale au bien-être d’autrui, l’engagement, l’estime de soi, l’optimisme et les relations sociales positives. Cependant, l’outil n’a pas été pensé pour une utilisation dans des contextes spécifiques.

Nous posons ainsi l’hypothèse que l’épanouissement psychologique qui présente un niveau de généralité élevé ne peut être appliqué tel quel à ce domaine spécifique qu’est le milieu professionnel. Il existe peu d’échelle permettant l’évaluation du concept d’épanouissement psychologique et aucune à notre connaissance ne permet de l’apprécier spécifiquement dans la sphère professionnelle auprès d’une population de salariés français. Il nous paraît alors important de disposer d’instruments psychométriques adaptés et répondant à des normes satisfaisantes en termes de validité et de fidélité de la mesure. Les trois études qui suivent ont ainsi pour objectif de développer une échelle : l’échelle d’épanouissement psychologique en milieu de travail (ÉÉPMT) permettant d’évaluer ce concept auprès de

2. Première partie de l’étude 1

L’objectif de cette première partie de l’étude 1 est d’adapter l’échelle d’épanouissement psychologique général au monde du travail, puis de tester sa structure factorielle et sa cohérence interne.

2.1. Méthode

La première phase est d’élaborer un outil de mesure de l’épanouissement psychologique en milieu de travail (ÉÉPMT) calqué sur l’échelle de l’épanouissement psychologique de Diener et al. (2010) validée et traduite en langue française par Villieux et al. (2016). Pour élaborer cet outil, nous nous sommes appuyés sur les énoncés originaux, ceux traduits en langue française par Villieux et al. (2016), en spécifiant le domaine professionnel dans chaque item. Par exemple, dans l’échelle originale, l’énoncé 1 : « Je mène une vie qui a un but et du sens » évolue en « Je mène une vie professionnelle qui a un but et du sens ». La consigne utilisée est semblable à celle de l’échelle générale tout comme le format de réponse qui reprend l’échelle de type Likert en sept points allant de : 1 (pas du tout d’accord) à 7 (tout à fait d’accord).

Un pré-test individuel a été réalisé auprès de 16 participants afin de vérifier l’intelligibilité des énoncés. Les participants étaient des travailleuses.eurs exerçant leurs activités dans divers environnements professionnels (bâtiment et travaux publics, industrie, commerce, éducation, etc.). Après la passation du questionnaire, les 16 répondants avaient, à l’aide de questions ouvertes, la possibilité de s’exprimer sur la clarté des énoncés. Ils étaient également invités oralement à faire part des éventuelles difficultés rencontrées lors du remplissage du questionnaire. Aucune difficulté de compréhension ni de réponse pour les différents énoncés n’a été signalée.

L’échantillon principal porte sur 363 (271 femmes et 92 hommes) salariés français (âge médian : 35 ans, étendue : 18-70 ans). Il est constitué d’employés (46%), de cadres et d’employés d’ordres professionnels supérieurs (28%), de salariés de professions intermédiaires (20%), d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise (4%) et d’ouvriers (3%). 54% des répondants ont plus de cinq ans d’ancienneté dans l’emploi occupé.

Le questionnaire (annexe 4) a été transmis via les réseaux sociaux et les données ont été recueillies anonymement. Tous les salariés se sont portés volontaires pour participer à cette recherche. Concernant le nettoyage de la base de données, les valeurs aberrantes ont été identifiées et traitées par les logiciels JASP 11.1 et SPSS 22. Les réponses étant obligatoires, nous disposions uniquement de questionnaires complets (13 questionnaires ont été écartés des analyses à cause d’erreurs de saisie).

2.2. Résultats

Le niveau moyen d’épanouissement de nos sujets est de 5.15 (SD = 1.29) sur une échelle en 7 points (tableau 4). L’item 5 obtient le score moyen le plus élevé (5.66) et la dispersion la plus faible (SD = 1.01). L’item 7 « Je suis optimiste quant à mon avenir professionnel » obtient le score moyen le plus faible en termes d’accord (4.77), et présente une dispersion plus importante (SD = 1.55). Les indices d’asymétrie des items sont tous globalement élevés, significatifs et négatifs ce qui suggère une anormalité dans la distribution et par conséquent une certaine similitude chez les participants dans leur tendance à répondre (tableau 4).

Tableau 4

Données descriptives par item de l’EEPP et matrice de corrélation inter-items pour l’étude 1

M SD Coefficient

d’asymétrie

saturation

1 2 3 4 5 6 7

1. Je mène une vie

professionnelle qui a un but et du sens

4.91 1.59 -.63 .69

2. Mes relations sociales au travail me soutiennent et sont enrichissantes

5.10 1.45 -.88 .61 .45

3. Je suis impliqué(e) et intéressé(e) par mes activités quotidiennes professionnelles

5.34 1.31 -1.10 .75 .57 .58

4. Je contribue activement au bonheur et au bien-être des autres au travail

5.22 1.20 -.51 .64 .37 .40 .45

5. Je suis compétent(e) et appliqué(e) dans les activités professionnelles qui sont importantes pour moi

5.66 1.01 -.80 .62 .37 .32 .51 .51

6. Je suis quelqu’un de « bien » qui a une « bonne » vie professionnelle

5,02 1.15 -.27 .64 .46 .31 .37 .44 .45

7. Je suis optimiste quant à mon

avenir professionnel 4.77 1.55 -.51 .63 .53 .37 .47 .29 .27 .50

8. Les gens me respectent dans

mon travail 5.20 1.11 -.56 .61 .37 .36 .39 .47 .40 .41 .44

Nos premières analyses portent sur la structure factorielle de l’échelle. La valeur du test de Kaiser-Myer-Olkin (KMO) à 0.85 est satisfaisante. Le test de sphéricité de Bartlett l’est également (χ228 = 1043.07, p < 0,001). L’analyse factorielle en axes principaux fait ressortir un seul facteur ayant une valeur propre supérieure à 1 (Kaiser, 1960) et expliquant 49.52 % de la variance totale (tableau 5). Les saturations des énoncés (cf. Tableau 4) sont élevées (de 0.61 à 0.75). Nous avons testé la cohérence interne de l’échelle à l’aide du coefficient ω (omega) de McDonald. Celui-ci est de 0.89 ce qui est satisfaisant au regard du seuil de 0.70 généralement admis (McDonald, 1985 cité par Béland, Cousineau & Loye 2017). Le coefficient Omega présente des estimations plus précises et il offre des conditions plus souples que l’alpha (Béland, Cousineau & Loye, 2017).

Tableau 5

Variance totale expliquée pour l’étude 1

Facteur Valeurs propres initiales Extraction Sommes des carrés des facteurs retenus

Somme des carrés des facteurs retenus pour la

rotation Total % de la variance % cumulés Total % de la variance % cumulés Total 1 3.96 49.52 49.52 3.45 43.19 43.19 3.03 2 .89 11.19 60.71 .44 5.55 48.74 2.81 3 .81 10.21 70.92 4 .64 8.00 78.93 5 .51 6.46 85.39 6 .45 5.71 91.11 7 .40 5.03 96.14 8 .30 3.85 100.00

Méthode d'extraction : Factorisation en axes principaux.

Le critère de Kaiser souffrant parfois d’un manque de précision (Hayton, Allen & Scarpello, 2004 cité par Matsunaga, 2010), nous nous sommes également appuyés sur le test NEST (Next Eigenvalue Sufficiency Tests, Achim, 2017) qui permet de mieux déterminer le nombre de facteurs communs. Les résultats de ce test indiquent la possibilité d’une structure en 3 facteurs. Toutefois, les résultats de l’analyse factorielle lorsque le nombre de facteurs imposés est fixé à trois ne sont pas satisfaisants en termes de distance des coefficients de saturation et posent également problème en termes d’interprétation (tableaux 6 et 7). En effet, pour 3 des 8 items, le coefficient de saturation le plus élevé n’est pas suffisamment éloigné du deuxième coefficient de saturation le plus élevé (seuil de distance généralement admis de .40 selon Matsunaga, 2010).

Tableau 6

Matrice factorielle pour l’étude 1 Facteur 1 2 3 EPMT3 .80 .07 -.45 EPMT1 .68 -.15 -.08 EPMT7 .68 -.52 .10 EPMT4 .65 .34 .19 EPMT6 .64 -.06 .28 EPMT5 .62 .29 .10 EPMT2 .61 .03 -.21 EPMT8 .60 .02 .19

Méthode d'extraction : Factorisation en axes principaux.

Sans rotation, nous constatons systématiquement des saturations plus élevées sur le facteur 1 pour l’ensemble des énoncés. En revanche des saturations supérieures à .30 apparaissent sur le facteur 2 pour les items 7 et 4 et sur le facteur 3 pour l’item 3. Après rotation oblique, nous constatons que l’énoncé 6 obtient la saturation la plus élevée sur le facteur 1. Cependant sa saturation sur le facteur 2 est supérieure à .30 et l’écart des saturations entre facteurs 1 et 2 est de seulement .20. Ensuite l’item 7 est le seul à obtenir une saturation très élevée (-.77) sur le facteur 2. À noter que nous avons retenu la méthode de rotation Oblimin avec normalisation de Kaiser puisque nous estimons que nos facteurs sont plus ou moins reliés entre eux (Matsunaga, 2010). La deuxième saturation la plus élevée apparaît sur l’item 6 (-.34) puis sur le 1 (-.32). L’écart entre la saturation de l’item 7 et celles des items 6 et 1 est important (> à .40). Enfin, pour les énoncés 6, 8 et 1, les écarts sont systématiquement inférieurs à .30. Pour l’énoncé 6, l’écart est de .20. Pour l’énoncé 8, l’écart est de .28. Pour l’énoncé 1, l’écart est de .09.

Tableau 7

Matrice des types pour l’étude 1 Facteur 1 2 3 EPMT4 .77 .11 -.04 EPMT5 .64 .10 -.14 EPMT6 .54 -.34 .07 EPMT8 .49 -.21 -.03 EPMT7 .00 -.77 -.19 EPMT3 -.02 .02 -.95 EPMT2 .11 -.06 -.54 EPMT1 .12 -.32 -.41

Méthode d'extraction : Factorisation en axes principaux.

Méthode de rotation : Oblimin avec normalisation de Kaiser.

En outre, dans une configuration à trois facteurs, le premier facteur rend compte d’un pourcentage de variance expliquée très supérieur aux deux autres (respectivement 11.19 % et 10.21 % pour le deuxième et le troisième facteur). Cette répartition de la variance va dans le sens de l’argumentation de Stout (1987) sur l’unidimensionnalité pratique. En effet, selon l’auteur, l’unidimensionnalité pratique repose sur un pourcentage de variance important exprimé presque exclusivement par le premier facteur. Ainsi, sur la base de ces éléments, nous pensons qu’une structure unidimensionnelle est ici la plus adaptée.

Ensuite, une analyse factorielle confirmatoire suivant les principes de modélisation en équations structurelles (Hooper, Coughlan & Mullen, 2008 ; Schermelleh-Engel, Moosbrugger & Müller, 2003) a ensuite été menée afin de tester le bon ajustement des données au modèle unifactoriel mis en évidence dans l’analyse factorielle précédente. Plusieurs indices ont été utilisés pour étudier l'adéquation des données au modèle.

Le Khi2 a été retenu comme premier indice d'ajustement absolu. Toutefois cet indice est sensible à la taille de l'échantillon, à la complexité du modèle ainsi qu'à la normalité des distributions (Bollen & Stine, 1992), aussi avons-nous examiné le Khi2 relatif (Khi2 / ddl) et le RMSEA (Root Mean Square Error Adjusted). En outre, les indices AGFI (Ajusted Goodness of Fit Index), CFI (Comparative Fit Index), TLI (Turcker Lewis Fit Index) ont été analysés pour leur complémentarité : alors que le TLI peut être biaisé par un modèle trop complexe, le CFI est moins sujet à variation selon la complexité du modèle mais peut être biaisé lorsque les relations entre variables sont faibles. Contrairement au Khi2 et à l'AGFI, ces indices sont moins sensibles à la taille de l'échantillon (Hooper et al., 2008). Un modèle est acceptable sur la base des critères suivants : le CFI est supérieur à .90 (Bentler, 1992), le RMSEA est inférieur à .08 (Browne & Cudeck, 1993), le TLI et l’AGFI sont supérieurs à .90 (Bentler & Bonett, 1980).

Les résultats de l’analyse utilisant l’estimation par maximum de vraisemblance montrent les valeurs suivantes : Khi2(15) = 33.97, p = 0.03 ; Khi2/dl = 2.26 ; RMSEA = 0.05 [0.33 ; 0.86] ; SRMR = 0.03 ; CFI = 0.98 ; AGFI = 0.94 et TLI = 0.96. Les différents indices retenus ici présentent des valeurs supérieures aux recommandations d’usage (Hu & Bentler, 1999). Nous pouvons conclure que la qualité d’ajustement de nos données au modèle unifactoriel est satisfaisante.

Figure 13 : Modélisation de l’épanouissement psychologique en milieu de travail (étude 1)

2.3. Discussion

Le but de cette première partie de l’étude 1 était d’élaborer une échelle d’épanouissement psychologique contextualisée au monde professionnel basée sur les travaux de Diener et al. (2010).

La structure factorielle de l’ÉÉPMT a été vérifiée grâce à plusieurs analyses factorielles (AFE et ACP) qui ont démontré l’unidimensionnalité de l’échelle, fournissant des preuves empiriques de sa bonne validité structurelle. Concernant cette partie, nous traiterons plus en détail certains éléments dans la partie discussion générale de cette étude. Nous suggérons aussi quelques pistes d’étude afin d’éprouver davantage la structure factorielle.

3. Deuxième partie de l’étude 1

La deuxième partie de l’étude poursuit l’objectif d’examiner la validité convergente de l’ÉÉPMT avec l’Échelle de Satisfaction de Vie Professionnelle (ESVP de Fouquereau & Rioux, 2002). Le recours à l’ESVP nous a paru pertinent puisque, dans la version américaine évaluant l’épanouissement psychologique global, Diener et al. (2010) ont utilisé l’échelle de satisfaction de vie SWLS (Satisfaction With Life Scale de Diener et al., 1985) pour tester la validité convergente de leur échelle. Notons que l’épanouissement psychologique apparaît plus englobant que le concept de satisfaction de vie qui correspond à la composante cognitive du bien-être subjectif. En effet, la satisfaction de vie se détermine par l’évaluation générale des conditions de vie d’un individu réalisée selon son système de valeurs et son propre point de vue (Rolland, 2000). Elle dépend notamment de la réalisation d’objectifs fixés par la personne elle-même (Voyer & Boyer, 2001). Selon Stones et Kozma (1980), la notion centrale de la satisfaction de vie est l’atteinte d’un certain nombre de désirs jugés significatifs. En outre, la satisfaction de vie repose davantage sur un état stable (Voyer & Boyer, 2001), c’est-à-dire que les résultats de son évaluation seraient généralement les mêmes si une seconde passation avait lieu six mois plus tard. Nous considérons que l’épanouissement psychologique se rapproche davantage du bien-être psychologique, lequel repose sur un état plus variable.

En effet, l’épanouissement psychologique présente des composantes de sociabilité (Voyer & Boyer, 2001) susceptibles de se modifier en fonction des évènements de vie rencontrés. Ainsi, les concepts d’épanouissement psychologique et de satisfaction de vie nous paraissent relativement proches mais néanmoins distincts, cela suffisamment pour ne pas être utilisés de manière interchangeable. Nous émettons ainsi l’hypothèse que l’épanouissement psychologique en milieu de travail devrait être corrélé fortement avec la satisfaction de vie professionnelle.

3.1. Méthode

118 femmes et 20 hommes participent à cette étude. L’âge médian est de 34 ans (min : 19 ans ; max : 70 ans). L’échantillon est constitué de cadres et d’employés d’ordres professionnels supérieurs (49%), d’employés (35%), de professions intermédiaires (12%) et d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise (4%). L’ancienneté dans le poste varie de 1 an à 41 ans (score médian = 4 ans).

L’ensemble des participants complète deux questionnaires : l’ESVP, puis l’ÉÉPMT. L’ESVP de Fouquereau et Rioux (2002) repose sur le même mode d’administration que la SWLS (Diener et al., 1985). Pour répondre, les participants doivent apprécier leur vie professionnelle actuelle en la comparant à la vie professionnelle qu’ils souhaiteraient avoir. Cette échelle comporte cinq énoncés auxquels les participants doivent répondre sur une échelle de Likert en 7 points allant de fortement en désaccord (1) à fortement en accord (7).

Le questionnaire a été transmis via les réseaux sociaux et les données ont été recueillies anonymement. Tous les salariés se sont portés volontaires pour participer à cette recherche. L’ensemble du processus a pris moins de 10 minutes à être complété. Nos analyses sont réalisées à l’aide des logiciels SPSS 22 et JASP 11.1. La procédure suivie est identique à la première partie de l’étude 1.

3.2. Résultats

Les résultats confirment notre hypothèse d’une validité convergente satisfaisante puisqu’une corrélation positive élevée est mise en évidence entre notre échelle d’épanouissement psychologique en milieu de travail et le test de satisfaction de vie professionnelle (r = .75, p < .01). Nous obtenons une corrélation un peu plus importante que celle observée dans la recherche menée par Diener et al. (2010) portant sur le lien entre satisfaction de vie générale et épanouissement psychologique général (r = .62, p < .01).

Cette corrélation suggère que les deux concepts sont, comme attendu, théoriquement assez proches, sans toutefois être exactement superposables (z(r1, r2) = 2.633, p < .01). Dans cette étude, les coefficients ω (omega) de McDonald sont de 0.83 et 0.89 respectivement pour l’ÉÉPMT et pour l’ESVP.

3.3. Discussion

Concernant l’examen de la validité convergente de l’ÉÉPMT, nous souhaitons inscrire cet outil dans la même démarche avec l’hypothèse d’une relation positive entre épanouissement psychologique professionnel et satisfaction de la vie professionnelle. Notons qu’à la différence de l’ESVP, les huit items de l’ÉÉPMT font référence à différents aspects de l’épanouissement. L’épanouissement psychologique professionnel semble ainsi avoir un lien fort avec la satisfaction de vie professionnelle. De plus, l’échelle l’ÉÉPMT reflète des notions évoquées précédemment telles que l’engagement au travail, les relations à autrui qui sont complémentaires pour favoriser la satisfaction de vie professionnelle.

4. Troisième partie de l’étude 1

4.1. Méthode

26 femmes et 16 hommes constituent notre échantillon. Ils sont issus de professions intermédiaires (42%), d’employés (29%) et de cadres et employés d’ordres professionnels supérieurs (29%). L’âge médian est de 29 ans (min = 22 ans ; max = 59 ans), avec une ancienneté professionnelle médiane de 3,5 ans (min = 0,5 ans ; max = 28 ans).

L’ÉÉPMT est administrée à deux moments, espacés de 4 semaines. Les participants, les mêmes les deux fois, n'avaient pas été prévenus d’une seconde passation. Afin d’assurer la concordance entre les deux passations, les participants ont généré un code (première et dernière lettre du prénom ; mois de naissance, les deux derniers chiffres de leur numéro de portable) lors de la première passation. Ils ignoraient que la passation au temps 2 (T2) serait la même que celle du temps 1 (T1), ce afin de réduire le risque de mémorisation. Ce code était redemandé lors de la seconde passation. Au temps T1, nous avons recueilli 143 questionnaires et seulement 66 questionnaires au temps T2. Parmi ces 66, seulement 42 étaient parfaitement appariés (codes exactement identiques en T1 et en T2). Tous les salariés se sont portés volontaires pour participer à cette recherche et les données ont été recueillies anonymement. Nos analyses sont réalisées à l’aide des logiciels SPSS 22 et JASP 11.1.

4.2. Résultats

L’analyse de cohérence interne fait apparaître des coefficients ω (omega) de McDonald satisfaisants pour la première comme pour la seconde passation (respectivement .77 et .78). Le coefficient de corrélation test-retest sur les scores globaux des deux passations est de .90, ce qui suggère une stabilité temporelle élevée.

4.3. Discussion

L’objectif de cette dernière étude était de tester la fidélité à travers la stabilité temporelle de l’ÉÉPMT. À partir des scores obtenus lors de deux passations à 4 semaines d’intervalle et sachant que le test-retest est un des meilleurs indices de fidélité (McCrae, Kurtz, Yamagata et Terracciano, 2011), nous pouvons soutenir que l’ÉÉPMT présente une bonne stabilité temporelle de l’échelle.

5. Discussion générale de l’étude 1

L’objectif de cette recherche était de proposer une échelle d’épanouissement psychologique adaptée au monde professionnel (ÉÉPMT) et de vérifier ses qualités psychométriques auprès de salariés français.

Concernant la structure factorielle de l’ÉÉPMT, nous constatons que celle-ci est bien unidimensionnelle. Ce résultat va dans le sens de l’étude originale de Diener et al. (2010) portant sur l’échelle d’épanouissement général et des travaux d’adaptation et de validation menés dans différents pays (Hone, Jarden, Schofield & Duncan, 2014 ; Silva & Caetano, 2013 ; Sumi, 2014 ; Villieux et al., 2016). Cependant, le test NEST (Achim, 2017) réalisé dans la première partie de l’étude met à jour une possible structure tri-factorielle. Cette structure alternative pourrait faire écho à une conceptualisation de la notion d’épanouissement psychologique professionnel en facettes telles que discuté en introduction. Même si la structure en trois facteurs est difficilement interprétable et pose problème notamment sur le plan des distances entre coefficients de saturations et de la validité pratique, il nous semble nécessaire de continuer à tester l’ÉÉPMT auprès d’autres échantillons afin de mettre à l’épreuve l’éventuelle structure en facette du concept d’épanouissement psychologique professionnel. En effet, cette échelle étant contextualisée au milieu de travail, nous pouvons

De par la spécificité et la diversité des environnements professionnels, d’autres facteurs ou facettes de l’épanouissement psychologique au travail pourraient coexister et mériteraient d’être évalués via l’ajout d’autres groupes d’énoncés. Une étude, que nous présenterons ultérieurement, tente d’approfondir le cadre conceptuel de l’épanouissement psychologique en milieu de travail. Cette étude, principalement qualitative, pourrait apporter un éclairage complémentaire.

La bonne cohérence interne (omega systématiquement supérieur à .75) de l’ÉÉPMT a été confirmée dans nos trois études. En outre, la validité est également satisfaisante au regard de la validité de convergence et la dernière étude met en avant la bonne stabilité temporelle de l’échelle. Concernant la validité convergente, nous obtenons un résultat qui permet de montrer que les deux concepts sont, comme attendu, théoriquement assez proches et que la validité convergente de l’ÉÉPMT peut être considérée comme satisfaisante. Ce niveau de corrélation indique ainsi une proximité conceptuelle mais pour autant, ces deux concepts ne sont pas superposables puisque leur part de variance commune se cantonne à 56%. Cette analyse apporte des informations complémentaires sur l’analyse du bien-être au travail et conforte l’idée selon laquelle le salarié et plus particulièrement la personne doit être prise en compte (Robert, 2007 ; Biétry & Creusier, 2013). Durant l’analyse de nos données, nous avons observé que les répondants obtenaient des scores plus élevés à l’échelle mesurant l’épanouissement psychologique professionnel, comparativement à la mesure de satisfaction de vie professionnelle. Nous supposons que les participants évalueraient plus positivement certains aspects de l’épanouissement psychologique, tels que l’engagement et les relations sociales plutôt que l’évaluation de leur satisfaction de vie professionnelle globale. Néanmoins, ce point reste à approfondir.

Selon Ilies, Aw et Pluut (2015), les salariés avec des niveaux élevés de satisfaction au travail ont tendance à être davantage heureux, impliqués dans leur travail et adoptent moins fréquemment de comportements contre-productifs. Ces salariés adoptent aussi plus souvent des comportements visant à développer le bien-être des autres, ceux qui sont sources, pour eux, d’accomplissement de soi et d’épanouissement (Shankland, 2014).

Ses premiers résultats exposent la pertinence d’avoir un outil contextualisé à