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La saga des Gobirawa : l’imaginaire au service de l’identité

Première partie : le Gobir dans sa base de l’Ayar

Version 1 : elle est recueillie par Palmer

2.4. La saga des Gobirawa : l’imaginaire au service de l’identité

Parmi les sources de l’histoire africaine, la tradition orale, particulièrement la légende, occupe une place de choix. Cette forme de littérature orale est un récit dans lequel les faits sont conservés et déformés par leurs auteurs. Au Gobir, les auteurs de cette imagination sont les dignitaires. Autrefois rejetée par certains milieux scientifiques, la légende est aujourd’hui, une véritable source pour les historiens car, elle véhicule d’importantes valeurs aussi bien politiques que socioculturelles. La principale source de l’histoire du Gobir et des Gobirawa demeure, incontestablement, ce genre littéraire. Il n’existe pratiquement aucune étude qui s’est penchée exclusivement sur l’imaginaire dans le Kasar Gobir (pays du Gobir). Une étude sur la saga des

Gobirawa, qui est donc une première, permettra de comprendre la particularité de ce peuple

tout au long de son histoire et les valeurs que toute cette littérature véhicule. La saga des Gobirawa est donc pleine de significations car expliquant l’histoire mouvementée de cet État

hausa.

2.4.1. L’origine commune des Etats hausa

La légende de Bayajidda est très connue dans le monde hausa (Labarun Hausawa da

Makwabtansu, 1978 : 2) ; (Hama, 1967 : 21-23) et (Urvoy, 1936 : 41-44). Elle affirme que le Gobir appartient au Hausa bakwai276 dont la fondation fut attribuée aux descendants de Bawo

Gari, lui-même fils de Bayajidda ou Abu Yazidu, fils d’Abdullahi, roi de Bagdad. Bayajidda

serait un musulman venu au Kasar hausa à la suite d’une guerre qui opposa son père et un païen du nom de Ziduwa277. Abu Yazid quitta, ainsi, Bagdad en compagnie d’une puissante armée. Il fit escale au Borno où il trouva qu’il était plus puissant que le Mai (roi). Il tenta ainsi de le tuer et de prendre le pouvoir. Informé, le roi du Borno lui donna sa fille, Magira en mariage. Ce geste était un signe d’une intégration de cet étranger dans le Borno. Ce mariage établit une certaine confiance entre les deux hommes au point où, à chaque fois que le souverain du Borno avait besoin d’une armée pour ses expéditions, il demandait à Bayajidda qui lui fournissait un contingent. Mais, après chaque mission, le contingent ne revenait pas chez Bayajidda jusqu’à ce que ce dernier se trouvât dépossédé de son armée ; il ne restait que deux de ses parents et lui même. D’ailleurs, l’un d’entre eux se retira au Bagirmi où il devint Sarki (roi) du pays. Lorsque le roi du Borno constata que ce ressortissant de Bagdad n’avait autour de

276 Ce sont Kano, Rano, Zazzau, Gobir, Katsina, Daura et Biram ta gabas.

277 Par contre Palmer que cite Urvoy affirme que Abu Yazidu se querella avec son père et avec le peuple de la ville de Bagdad (Urvoy, 1936 : 42). C’est donc à la suite de cette querelle que Abu Yazid quitta cette ville pour prendre la direction Ouest jusqu’’à arriver au Borno puis à Daura.

lui que sa femme et son cheval, il tenta, à son tour, de le tuer. Mais sa femme obtint, très tôt, l’information qu’elle communiqua à son mari. Pour échapper à la mort, ils décidèrent de fuir à

Gabas où la femme accoucha d’un garçon qui prit le nom de Burkima. Celui-ci devint Sarkin Gabas. Quant à Bayajidda, il continua son chemin, arriva à Daura et trouva une femme,

Daurama au pouvoir. C’était un pays dirigé par une dynastie féminine. C’est pendant une nuit qu’il arriva dans cette ville et frappa à la porte d’une vieille femme nommée Ayana278. Il lui demanda de l’eau mais, celle-ci lui dit qu’il était impossible d’en avoir car, le seul puits qui ravitaillait le village était habité par un serpent appelé Sarki. L’eau n’était disponible que chaque vendredi. Il demanda à la femme de lui donner un récipient afin de puiser l’eau. Il partit au puits, tua le serpent et se ravitailla en eau qu’il apporta, même, à la vieille femme. C’est grâce à cet exploit que la reine accepta de l’épouser. De ce mariage, il y eut un enfant appelé

Bawo Gari279 dont les descendants seraient les fondateurs des Hausa bakwai. Quant à Mu

Karbi Gari, fils de la concubine de Bayajidda, il aurait eu sept enfants qui auraient fondé les Banza bakwai280. Uban Doma ou Duma l’un des fils de Bawo serait le fondateur du Gobir. Ainsi, tous les fondateurs des Etats hausa seraient des frères, d’où le lien de sang qui existerait entre eux. Cette légende confirme l’origine commune des Etats hausa y compris le Gobir. 2.4.2. Le Gobir fraternise avec le Daura

Mais le Gobir, pour des raisons essentiellement économiques, se querella avec beaucoup de ces Etats hausa. Nous savons qu’il a affronté le Katsina pendant plusieurs siècles. Le dernier conflit entre les deux Etats s’est déroulé en 1796 sous le Sarkin Gobir Yakuba. Mais cette parenthèse de conflits se ferma avec le jihad d’Usman Dan Fodio du début du XIXe siècle. Le Zamfara fut également attaqué par le Gobir qui occupa une bonne partie de son territoire. Des raids sont lancés contre Kano par Babari entre 1743 et 1753 (Urvoy, 1936 : 55) et le Borno. Le Daura fut épargné parce qu’il aurait des relations plus étroites avec le Gobir. D’ailleurs, d’aucuns pensaient que les deux Etats étaient les mêmes, c’est-à-dire que le Daura se confondait au Gobir281. Ils sont donc des frères. Plusieurs raisons expliquent cette fraternité entre le Gobir et le Daura. Dans la liste officielle des souverains du Gobir figurent Magajiya

278 Cette femme s’appelait également Waira (Urvoy, 1936 : 44).

279 Daurama donna à son nouveau mari, une esclave qui tomba enceinte et mit au monde un enfant dénommé ‘’Mun karbi gari’’ ou’’ prenons la ville’’. Quelques temps après, Daurama eut un enfant qu’elle appela ‘’Bawo Gari’’ ou ‘’reprenons la ville’’

280 Il s’agit de Zamfara, Kabi, Yawuri, Nupe, Yoruba, Bargu, Gurma ou encore de Zamfara, Kabi, Yawuri, Gwari, Nupe, Yoruba et Jukum.

Rakiya et Abawa Jibda (Dan Koussou, 1969 : 18). Le premier nom peut être assimilé à Magajiya de Daura et le second à Bayajidda (Augi, 1984 : 167-168). Les deux Etats montrent ainsi, leur origine commune. Aussi, dans un document intitulé « ’kune ya girmi kaka »’282, l’auteur explique l’origine des Hausa et accorde une place centrale au Gobir tout en affirmant que les Etats hausa furent fondés par les descendants de Huwaisu. Le même document affirme que Daura aurait été fondé par Rabayo, un prince du Gobir comme Sabon Birni l’a été dans les années 1859 et 1860 par Dan Halima. Malam Dan Akali, « l’historien officiel » du Gobir affirme, avec force, que le Daura est son second « chez » et que les Daurawa sont des

Gobirawa à part entière (Augi, 1984 : 167-168) 283. Ainsi, Gobirawa et Daurawa sont des cousins ; d’où leur cousinage à plaisanterie qui persiste jusqu’à nos jours284. En réalité, le rôle central qu’a joué Daura dans la légende traduit également son rôle historique. En effet, les

Daurawa sont les premières populations à se fixer dans leur zone d’habitation actuelle et à

constituer l’une des premières organisations politiques. C’est de là que les autres groupes hausa ont migré pour peupler les régions sud (Kano, par exemple) (Hamani, 2010 : 49).

2.4.3. L’Origine orientale ou moyen de diffusion des valeurs intrinsèques

Plusieurs autres versions de la légende de Bayajidda ont été recueillies, notamment, par les administrateurs coloniaux (Tilho, 1909 : 469) et (Urvoy, 1936 : 42-45). Ces mêmes versions sont encore racontées par les détenteurs de la tradition orale285 dans le Kasar Gobir. Selon ces légendes, les Gobirawa auraient vécu dans plusieurs localités du Moyen Orient avant de migrer vers l’Ouest et atteindre l’Ayar : Gubar, Karbala, Bagdad, Istanbul et Misr en Égypte. Ainsi, les Gobirawa seraient originaires du Yémen, de l’Irak et même de l’ancien empire ottoman pays situés en Asie, dans le berceau de l’islam. Deux cent soixante trois (263) Sarakunan Gobir auraient vécu en Asie. Selon la dynastie royale de Tsibiri, le Gobir a connu 380 rois286. Le premier et le deuxième seraient respectivement Canana, et Lamarudu. Il s’agit des personnages

282 Il s’agit d’une brochure de 46 pages écrite par Alhadj Sa’ad Haruna Gobir qui nous a été offerte par Pr. Aliyu Muhammad Bunza de l’Université Usman Dan Fodio de Sakkwato le 16 décembre 2015 à Maradi.

283Note infrapaginale n°13.

284 Bongo Abubakar, le 05 mai à Sabon Birni.

285 A chaque entretien les personnes interrogées reviennent sur ces différentes versions. Nous pouvons citer en exemple, Mahammadu Sambo Waliyi à Sakkwato le 09 octobre 2015, Abdou Balla Marafa le 16 février 2014 à Tsibiri, Bongo Abubakar, le 06 mai 2016 à Sabon Birni et Halilu Sani Shinkafi, le 10 novembre 2015 à Katsina.

286 Abdou Balla Marafa, sultan du Gobir interrogé le 16 février 2015. Il précise bien qu’il est le 380 ème sultan du Gobir.

légendaires dont parle la bible. Le troisième souverain serait une femme, Magagia Retia et le quatrième serait un fils du roi d’Égypte, Abawan Zibda. Les conteurs tenteraient ainsi de montrer qu’il existerait des liens de sang entre l’Egypte pharaonique et le Gobir. Le cinquième roi, serait Bawa Na Tourmi287 et le septième serait Goberu. Ce dernier aurait d’ailleurs donné son nom à son royaume. Le 247e Maribou était :

« musulman et compagnon du prophète. Il a reçu une lettre du prophète en même temps que le roi de Misra, Makaou Késsou. Les deux rois préparèrent deux jeunes filles et une mule chargées d’objets pour signifier leur adhésion à l’islam288. Le prophète les bénit tous les deux et les accepte parmi ses compagnons ». (Hama, 1967 : 31).

Les Gobirawa auraient ainsi très tôt embrassé la nouvelle religion. Le dernier de la liste des rois de l’Est jusqu’à l’Égypte fut le 263e, Ourouwati. L’islam était en pleine expansion, à l’époque dans les deux Soudans africains289. Malam Dan Akali Dan Bagwari que Boubou Hama a pu interroger en 1965 à Tsibiri affirme que les Gobirawa sont originaires de Bagdad,

Kudus (Jérusalem), Gubar, Karbala, Égypte, Surukal situé à l’Ouest de la mer Rouge, Tunas, Bilma et Abzin (Magagi, 1978 : 2-3). En Asie, cette expansion s’est déroulée à travers des

guerres de conquête qui sont, d’ailleurs relatées dans le coran et les Hadiths. C’est la raison pour laquelle la légende assimile les Gobirawa aux guerriers musulmans ayant épaulé le prophète dans son combat contre les infidèles. Ils auraient ainsi, participé aux guerres de Badr,

Uhud, Kaibara, etc. En Égypte, ils auraient connu le déluge et ils auraient eu la vie sauve grâce

à Moise…Ils auraient également subi la tyrannie du pharaon, d’où leur fuite en direction de l’Ouest dans le Sahara central où ils auraient créé un empire avec Ghoula comme capitale (Hama, 1967 : 42). Enfin, notons cette version selon laquelle les Gobirawa auraient pour aïeule

Tawa, une fille du sultan d’Istanboul de l’ancien empire ottoman. L’on peut retenir à travers

287 Il serait le sarki ayant montré sa duplicité lors de la bataille de Badr.

288 Cette assertion confirme que les Gobirawa, quoique musulmans, seraient restés fidèles à leur ancienne religion car en islam une cérémonie de conversion ne se passe pas de la sorte.

289 Nous savons qu’il a fallu seulement une trentaine d’années pour que des musulmans arrivent au Niger. C’est, en effet, en 666 que Uqba Ibn Nafi fit une incursion jusqu’’au Kawar. C’est dire que les concepteurs de toutes ces légendes connaissent bien l’histoire de cette nouvelle religion. En Afrique soudanaise, la diffusion de cette religion s’est faite de manière diffuse grâce, notamment, aux marchands arabo-berbères et surtout aux hommes de culture islamique et autres architectes qui s’installent progressivement en Afrique soudanaise. Les pèlerinages pompeux de Kakan Moussa en 1324 et de celui de Askiya Muhammad en 1496 ont permis de faire connaitre cette partie de l’Afrique au monde asiatique et d’accompagner ses dirigeants dans leurs jihad. C’est ainsi que beaucoup des connaisseurs de la nouvelle religion et des architectes sont venus dans cette partie du monde et ont contribué à créer de nombreux centres d’enseignement de l’Islam comme à Tombouctou.

toutes ces légendes que les Gobirawa voulaient se montrer résolument et anciennement musulmans contrairement à ce que racontent les adeptes du jihad du XIXe siècle et à certaines idées véhiculées jusqu’à nos jours.

2.4.4. Origine pharaonique ou subterfuge

Au XVIIIe siècle, le Sarkin Gobir Umaru Dogo dit Bawa Jan Gwarzo (1771-1789), l’un des plus puissants souverains du Gobir, avait nié la descendance de Bawo et donc l’affiliation aux autres Etats hausa pour créer une nouvelle légende s’attribuant une autre origine à sa dynastie en se référant aux coptes, c’est-à-dire aux Egyptiens (Tilho, 1910 : 469) et (Labarun

Hausawa da Makwabtansu, 1978 : 8). En même temps, il renonce au payement des tributs au

tout puissant Borno qui tenait jusque là en « vasselage » tous les Etats hausa. Les Gobirawa « sont originaires du pays de Kibti ou Guibti dont les chefs étaient appelés pharaons » (Tilho, 1910 : 469). Le pays était habité par les gens de Moussa ou Moïse qui quittèrent le pays pour échapper à la tyrannie. Mais dans leur fuite ils furent bloqués par un Gulbi. Le passage de ce

Gulbi n’a été possible que grâce à la main tendue de Moussa. La légende précise que seuls les « Guibtaouas, ancêtres des Gobiraouas » qui n’étaient pas engagés dans ce chemin furent sauvés (Tilho, 1910 : 469).

Pour Bawa Jan Gwarzo, il s’agit de sacraliser son pouvoir afin de renforcer son pouvoir. En effet, il a hérité d’un pays en guerre permanente contre ses voisins. Cet état de guerre demandait beaucoup de sacrifices aux sujets en termes de réquisitions et autres impôts. Aussi les dirigeants augmentaient-ils la pression « fiscale » sur les sujets pour maintenir haut leur niveau de vie. La propagation d’une nouvelle légende d’origine copte serait un moyen de règlement de cette crise (Augi, 1984 :144). Cette référence à l’Egypte nous renvoie donc à cette période pharaonique. Les pharaons étaient considérés comme des dieux connus pour leurs puissances divines. C’est pourquoi Bawa Jan Gwarzo affirmait provenir des pharaons ; ce qui lui permettait de créer un mythe autour de sa personne. Il parvint à réaliser cet objectif car, de son vivant, Bawa Jan Gwarzo était très craint à l’intérieur et à l’extérieur du Gobir. Mais cette puissance avait ses limites dans la mesure où il n’a pas pu assujettir le Katsina qu’il a tant rêvé de conquérir. Ce dernier État fut à l’origine de sa chute en 1789.

2.4.5. La légende, moyen de propagande

Pendant et après le jihad, d’autres versions auraient été créées avec comme objectif principal de ternir l’image des Gobirawa et de leurs dirigeants. Les concepteurs pouvaient ainsi, justifier leur entreprise jihadiste. Ces légendes imaginées par les jihadistes avaient pour objectif d’accuser les Gobirawa de deux maux majeurs : la duplicité et les manquements à

l’islam.

La duplicité des Gobirawa : Comme ils étaient de véritables guerriers, le prophète Muhammad aurait demandé à leur roi, Bana Turmi, de l’aider à combattre son ennemi Haibura, un infidèle. Le roi Bana Turmi, doutant de l’issue de la bataille et désireux de se trouver du côté du vainqueur envoya la moitié de ses hommes aider le prophète Muhammad et l’autre moitié à Haibura. Mais ce dernier fut battu à Badr290. Après la bataille, le prophète vit une bande de

Gobirawa qui fuyait. Ceux-ci furent capturés et conduits chez lui. Il leur demanda la raison de

leur fuite, eux qui furent victorieux. Ces fuyards avouèrent qu’ils avaient combattu contre lui et dévoilèrent ainsi, leur duplicité mais aussi celle de Bana Turmi, leur chef. Le dirigeant de la

Umma islamique aurait déclaré que jusqu’à la fin des temps les Gobirawa connaitraient des

divisions internes et les disputes (Hama, 1967 : 11)291.

Une autre version affirme que c’est à la bataille de Kaibara que le chef des Gobirawa s’est rangé du côté du prophète et son Galadima était du côté des infidèles (Hama, 1967 : 27). La bataille s’était déroulée avec les Gobirawa qui se trouvaient dans les deux camps. À la fin de celle-ci, on s’aperçut que les Gobirawa morts couchés sur le dos étaient des musulmans ayant combattu aux côtés du prophète et ceux étendus sur le ventre étaient des païens ayant donc combattu aux côtés des païens. C’est pourquoi, le prophète dit « à partir d’aujourd’hui, votre peuple restera divisé, la mésentente s’installera parmi vos tribus » (Hama, 1967 : 27.). Il s’agit donc d’une accusation formulée par les cousins à plaisanter des Gobirawa en particulier les Daurawa et les Zarma.

Les manquements à l’islam : Les premiers griefs adressés aux dirigeants du Gobir et qui ont justifié le jihad sont, avant tout, les manquements aux principes de l’islam. Il s’agit, d’abord, de la pratique du Bori, de la polygamie excessive et des injustices diverses. Le Bori est un culte de possession qui met l’homme en relation directe avec les dieux. Il est encore pratiqué dans beaucoup de sociétés africaines. Au Gobir, ce culte est principalement pratiqué à Tsibiri. À

Sabon Birni, depuis la mort de la dernière Inna en 2005292, l’administrateur du district de la ville a bloqué la nomination d’une nouvelle293. Le poste est donc resté vacant depuis ce blocage. Ensuite, nous avons le non respect de certaines règles en matière de l’islam comme le fait d’avoir plus de quatre femmes, les impôts illégaux et les spoliations des biens des sujets.

290 Cette bataille de Badr a réellement eu lieu en 624 pendant que la communauté des croyants était installée à Yatrhib qui allait devenir plus tard Médine, c'est-à-dire la ville du Muhammad.

291 Cette même version nous a été racontée par Abdou Balla Marafa, le 16 mars 2015 à Tsibiri.

292 Bongo Abubakar, le 06 mai 2016 à Sabon Birni.

C’est pour décrier de telles pratiques que cette version recueillie par Samuel Johnson a été imaginée. Elle affirme que les rois du Gobir, des Yoruba (Oyo) et de Kukawa (Borno) descendent de Lamarudu qui fut un roi païen des Gobirawa pendant qu’ils étaient au Moyen orient. Les Gobirawa ont quitté la Mecque après un conflit entre Lamarudu et ses alliés païens d’une part, et les musulmans d’autre part. Lamarudu fut vaincu (Johnson, 1920 : 3). Il faut signaler qu’Oyo, Borno et surtout le Gobir furent les plus ardents résistants contre les jihadistes de Sakkwato. Les faire descendre de Lamarudu signifierait les assimiler aux infidèles.

2.4.6. Exploitation de la légende à des fins racistes

L’une des raisons avancées par les Européens pour justifier leur entreprise coloniale fut l’incapacité des Noirs à se gérer car vivant dans la barbarie. Très tôt, il s’est développé une certaine théorie selon laquelle la race noire n’était capable de rien et qu’elle n’a rien donné à l’Humanité. C’est ainsi que se développa le racisme contre les Noirs. Des hommes de science comme le philosophe Hegel, l’historien Charles André Julien et Eugène Pittard, entre autres, en étaient les promoteurs (Ki-Zerbo, 1978 : 10). Les colonisateurs prenaient cela à leur compte. Ils s’appuyaient sur les légendes des Gobirawa pour développer des idées qui frisent le racisme. On pouvait lire dans leurs littératures que : « les races africaines proprement dites – celle de l’Egypte et d’une partie de l’Afrique mineure mises à part – n’ont guère participé à l’histoire, telle que l’entendent les historiens » (Pittard, 1953 : 505). De telles idées véhiculées par des hommes de science avaient un seul objectif, celui de nier aux Africains toutes capacités humaines. Tous les empires Ouest-africains sont le fait des populations indoeuropéennes. Les colonisateurs prennent à leurs comptes les légendes des origines des Gobirawa pour développer la thèse selon laquelle ces populations sont d’origine asiatique arrivées dans l’espace nigérien