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Première partie : le Gobir dans sa base de l’Ayar

Version 1 : elle est recueillie par Palmer

3.4. Le départ des Gobirawa de l’Ayar

3.4.4. Le foyer d’Agadès

Selon l’explorateur Barth, la ville d’Agadès fut fondée par les cinq tribus berbères qui y résidaient depuis longtemps et chassés par Askiya Muhammad en 1515340. Ces tribus sont : les

Gourara de Touat, les Tafimata, les deux subdivisions berbères des Bani wasit et des Tesko de Ghadamès, les Masrata et la tribu d’Aoujila. Il constate que certains noms de ces tribus sont

attachés à certaines parties de la ville comme Tasko, nom d’un puits du quartier Amdit, Tafimata un quartier de même que Masrata qui a disparu. Aujourd’hui, on attribue ce nom à une mare située dans l’ancien quartier. Barth s’appuie sur la langue Tamajaq « fortement mélangée de mots berbères » mais aussi le trait physique « qui se manifeste plus clairement encore chez les femmes que chez les hommes » (Barth, 1863 : 37 ). La ville serait donc fondée au XVe siècle. Quant à Abadié, il avance la date de 920 pour la création d’Agadès (Abadié, 1927 : 156). Une version de la tradition orale rapportée par Adamou Boubacar affirme qu’Agadès fut fondé par l’arrivée du premier sultan accompagné de 400 guerriers guidés par une délégation de Sandal. Après plusieurs déplacements, la capitale fut installée en un lieu marqué par une lance miraculeuse lancée par un guerrier touareg depuis une trentaine de kilomètres au Nord. Yunus s’arrêta à l’endroit où cette lance s’était fixée après l’avoir cherché pendant sept jours. Les sorciers lui auraient donné comme conseil, de s’installer dans ce lieu et d’y installer sa résidence définitive (Boubacar, 1979 : 36). Le sultan Illisawan serait le premier à s’installer à Agadès. Le terrain ayant servi à la construction du palais aurait été acheté aux Gobirawa qui auraient, pourtant proposé de leur en offrir gratuitement. En effet, « les traditions orales tant touareg que hausa prétendent que l’emplacement de ce palais avait été acheté aux Hausa par les Touareg » (Yahaya, 2008 : 76). C’est la preuve supplémentaire qu’Agadès a été créée par les

Gobirawa341.

Mais Aboubacar qui reconnait cette création d’Agadès par les Gobirawa propose la date du XIe siècle. Il explique que le village fut créé par des Hausawa au moment de leur repli vers le sud du massif sous la pression des premières vagues touareg. Ces Gobirawa descendirent vers le sud et vinrent fonder Agadès (Boubacar, 1979 : 35). Les Touareg auraient quitté

Tadaliza, Tchin Chamane pour s’installer, enfin, à Agadès déjà habité par des Gobirawa, des Songoi et des Iberkoreyen. Le payement du terrain ayant permis à construire le palais du sultan

est un acte qui traduit leur ferme volonté d’affirmer leur plein droit sur la nouvelle capitale de leur État qui devint ainsi cosmopolite. Le mot Agadès dériverait de Tagadez ou Taqadda qui signifie visite en Tamajaq et serait lié à une visite d’amitié que d’autres groupes touareg auraient rendue à leurs parents déjà installés dans la ville. Mais quel était donc le nom de ce petit village créé par les Gobirawa avant l’arrivée des Touareg ? Aucune source ne fait cas de ce nom donné à cette localité par les Gobirawa.

Il existe un débat houleux sur la localisation de Taqadda qui semble être Agadès et qui se situerait au sud de l’Ayar. En se basant sur sa vocalisation, on peut déduire que Taqadda soit plus proche d’Agada et d’Agadès plutôt que de Tigidda et d’Azelik (Yahaya, 2008 : 196). Il semble ainsi signifier que Taqadda correspondrait à Agadès. Le premier site est situé dans l’emplacement actuel de la mare de Degi au sud de la ville (Hamani, 1989 : 121). Le nom Degi proviendrait du nom d’un teinturier Bagobiri (singulier de Gobirawa issus du Gobir). Dans le village d’Agadès, les Gobirawa vivaient en compagnie des Touareg Iberkoreyen et Igdalan et des groupes de langue Soney. Le mot Agadès n’a donc pas une origine hausa mais, apparemment Tamajak. La tradition orale rapporte que peu après l’installation du sultanat à Agadès, des conflits éclatèrent entre les Touareg et les Gobirawa. L’éclatement de ces conflits serait à l’origine du départ des Gobirawa de cette ville pour Maranda. Le village d’Agadès est certainement créé par les Gobirawa mais dès l’arrivée des Touareg, ils auraient dénommé la nouvelle capitale qui prit, ainsi, le nom d’Egedes (visite) qui se serait transformé en Agadès. 3.4.5. Le foyer de Maranda

Les Hausa appellent cette ville Maranda et les Touareg Marandet (Hamani, 1989 : 125). Les fouilles archéologiques réalisées sur le site ont permis de qualifier Maranda de ville

341 Mais certains auteurs français continuent de réfuter cette thèse. On peut citer en exemple Suzanne B. dans un article contenu dans Encyclopédie berbère II, (Yahaya, 2008 : 161). Mais Yahaya estime à 95% des mots vernaculaires de lieux (en prenant le mot Abzin en exemple) ou de fonction rapportée par Barth sont des noms et termes hausa (idem).

médiévale (Maga et al. 2007 : 35). C’est donc une ville très ancienne. Henri Lhote explique que :

«des fouilles ont permis de préciser que cette cité avait existé avant le VIe siècle, qu’il y avait fleuri un artisanat de forgeron particulièrement développé puisqu’il a été exhumé le chiffre surprenant de 42500 creusets de petites dimensions, lesquels, d’après les forgerons d’Agadès, aurait surtout servi à fondre de l’or » (Lhote, 1974 : 19).

Dans un autre article, il avance la date précise de 650 après J.C. comme date de la fondation de Maranda grâce à la datation au Carbonne 14 du charbon de bois utilisé dans les creusets (Lhote, 1972 : 67). Cette cité est située au sud du massif de l’Ayar au pied de la falaise de Tigidit à 60 km, au sud-est d’Agadès. Elle fut citée, pour la première fois, par Al Yakubi en 872. Spencer J. Trimingham note en effet, « if one sets off from land of the Ghana for Egypt one passes through a negro people called Kawkaw, then an other called Maranda…. ,342» (Trimingham, 1970 : 51). Mais ces auteurs se limitent à la mention de Maranda et d’Azbin. Il faudrait attendre le XIIe siècle pour qu’un autre arabe du nom d’Al Idrisi donne plus d’informations sur Maranda. Il affirme que c’est une ville très peuplée. Mais en dépit du nombre important de sa population, Al Idrisi, que rapporte Cuoq, écrit en 1154 que « les voyageurs passent rarement à cause du peu de marchandises, de la rareté des produits et de la pénurie de tous biens chez eux ». Pourtant, la ville constitue « un asile et un lieu de repos pour ceux qui vont et qui viennent au cours de leurs déplacements et de leurs expéditions » (Cuoq, 1975 : 159). Ce paradoxe est certainement lié à sa situation géographique d’abord, (la localité se situe sur la route Mali- Gao- Zaila- Égypte) et à son abondance en eau. La ville devait être fondée par les Gobirawa compte tenu de son nom : Maranda signifie la meilleure variété de henné utilisé par les femmes et dans certaines cérémonies. On peut d’ailleurs rapprocher ce nom à Birnin Lalle, autre capitale du Gobir située plus au Sud dans le Gobir tudu. Cette ville de

Maranda aurait été la capitale du Gobir à un moment où il se trouvait dans l’Ayar à une époque

difficile à définir343. Selon Djibo Hamani (2010 : 87), cette ville faisait partie du royaume des

Inusufa ou de sa zone d’influence. Malgré le passage des marchands musulmans dans la ville

de Maranda, la population de cette localité ne semble pas avoir été touchée par l’islam à cette période. Voici un témoignage qui en dit tout sur la religion des gens de cette ville médiévale. Les propos d’Ibn Battuta sont, ici, rapportés en ces termes :

« des gens dignes de confiance m’ont rapporté, qu’au pays des Sudan, les païens de la

342 En quittant le Ghana pour l’Egypte, on traverse le pays des Nègres appelé Kawkaw puis un autre pays appelé Maranda.

région, lors de la mort de leur roi, lui construisent un caveau et y font entrer avec lui quelques uns de ses intimes et de ses esclaves et trente fils et filles des notables, après leur avoir brisé les mains et les pieds. Ils mettent avec eux des récipients de boisson. Voici ce que m’a rapporté un certain notable des Masufa, qui résidait dans le pays de Kubar (Gobir) et qui était un des intimes du sultan. À la mort de ce dernier on avait voulu mettre le fils de ce notable avec les enfants des sudan qu’on a fait entrer (dans le caveau). » Je leur ai dit, racontait il, comment pouvez vous faire cela alors que cet enfant n’est ni de votre religion, ni de votre sang ? « Je leur rachetai (mon fils) contre une forte somme d’argent » (Hamani, 2010 : 87).

En tenant compte des propos d’Ibn Battuta qui a visité la zone au XIVe siècle, nous pouvons, ainsi, dire que jusqu’à cette date, les Gobirawa étaient entièrement et profondément animistes comme d’ailleurs la plupart des populations des autres Etas hausa à la même période. Les différents groupes Adarawa disent avoir vécu à Maranda. Il s’agit des Gazurawa, des

Mambawa, des Jibalawa, et des Magorawa (Hamani, 1975 : 29). Maranda semble avoir été un

centre de regroupement des populations noires à prédominance Gobirawa. Entre le XIVe et le XVe siècle, Maranda tomba en ruine et la ville « ne doit plus son existence qu’à la présence d’une nappe phréatique abondante qu’utilisent les nomades pour abreuver leurs troupeaux » (Lhote, 1972 : 63-67). La ville de Maranda aurait été détruite par les Touareg selon la tradition orale344. Ceux qui en restaient, c’est à dire « les rescapés auraient migré vers le sud pour fonder Maradi » (Lhote, 1972 : 63-67) ; mais cette hypothèse n’est pas acceptable, faute de preuve. Ce déclin s’expliquait par l’abandon de la route qui faisait d’elle une escale, la route Gao-Egypte au profit des routes occidentales passant par Awdaghost et des routes centrales passant par

Tadamakka et Tijidda et surtout du rôle d’intermédiaire joué par des villes comme Ghât et Ghadamès dans le commerce avec l’Egypte. Il y a également l’insécurité provoquée par les

nomades arabes du Fezzan à partir du XIe siècle et la pression des Touareg sur les Hausa (Hamani, 2010 :127).