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Première partie : le Gobir dans sa base de l’Ayar

Version 1 : elle est recueillie par Palmer

3.1. Les problèmes de sources

L’absence des sources fiables fait que l’histoire du Gobir est compliquée, en particulier pour ce qui concerne la période antérieure au X ème siècle. Mais, il semble que cela est valable pour toute l’histoire précoloniale de l’Afrique. C’est pourquoi les historiens parlent de siècles obscurs dans l’histoire de cette partie du monde (Ki-Zerbo, 1978 : 85). La principale raison est que pendant tous ces siècles, les contacts entre l’intérieur du continent et le monde arabo-berbère et même européen sont restés périphériques, limités aux côtes maritimes. Il a fallu attendre le Xe siècle et les siècles suivants pour que ces contacts soient intensifiés, notamment, parce que l’intérieur de l’Afrique, en particulier le Soudan occidental, disposait des richesses comme l’or, les épices et les esclaves alors très prisées en Asie et en Europe. Les deux Soudans occidental et central attirèrent les marchands arabo-berbères, les hommes de culture islamique, les hommes de sciences ou de simples aventuriers. Tous ces voyageurs ont laissé une masse de documents, des sources utilisées par les chercheurs dans le cadre de la rédaction de l’histoire du continent. Encore, pour l’histoire du Gobir de l’origine à 1515, les sources font largement défaut. Le premier auteur à faire cas du Gobir fut Al Yakubi en 872 qui fait mention des deux Soudans300. Il s’agit de Tarikh écrit en 872 et de Kitab al Buldan écrit en 889. Il y mentionne

Maranda. Un autre auteur, Al Idrissi (1110-1166) dans son Kitab Rudja301 du nom de Roger roi de Sicile, parle également de la ville de Maranda. Ibn Abdal Faqih, dans son Mukhtasar Kitab

al buldan en 903, signale l’itinéraire Ghana- Égypte par Gao et Maranda. Quant au nom de Gobir, c’est Sham al Din Abu Abdallah Muhammad (Ibn Battuta) (1304-1377) dans sa Rihla302,

qui est le premier à l’évoquer après avoir visité l’Ayar. Abu al Hasan Ali B. al Husayn al Mas’udï, dans son ouvrage écrit au X ème siècle303, évoque également Maranda. Il existe d’autres auteurs qui ont écrit sur le Gobir : Ibn Hauqal304 et Léon l’Africain305. Ce dernier écrit

300 Le premier est traduit en français sous le titre Les pays édité au Caire en 1937.

301 Le titre original de l’ouvrage était Nuzhatal-Mushtaq fi ikhtiraq al-afaq. Le document était traduit par De Goeje sous le titre de Description de l’Afrique et de l’Espagne par Edrisi, Leiden, 1886.

302 Le titre original du livre est : Tuhfat al-Nuzzar fi ghara’ib al-Amsar wa adja’ib al Asfar traduit sous le titre de Présent offert aux observateurs : choses curieuses et merveilleuses vues dans les pays et les voyages.

303 Muruj al Dhahab Wadine al jawhar, Waziri Junaidu culture and history bureau, Sokoto.

que « ce royaume est à 300 miles306 à l’est de Gao ». L’auteur poursuit en affirmant que « ce royaume est situé entre des montagnes très élevées » et que « les gens sont, en général, très civilisés » (L’Africain, 1956 : 472). En dehors d’Ibn Battuta et de Léon l’Africain, aucun de tous ces voyageurs arabes n’a visité l’Ayar. Ils s’étaient contentés de recueillir des informations auprès des négociants qui traversaient cette zone dans leurs transactions commerciales. Ibn Battuta a voyagé du Maroc à l’Ouest du Soudan, puis à Abzin en 1352/53. Son voyage lui a permis de visiter Takadda et d’évoquer le nom de Kubar sans donner plus de précision. Quant à Léon l’Africain, il traversa l’Afrique de l’Ouest entre 1513 et 1515 et décrit les royaumes

hausa dont le Gobir. Seulement deux pages sont consacrées à ce royaume (l’Africain, 1956 :

472-473). Il affirme qu’Askia Muhammad a conquis le Gobir et les Etats hausa de Kano, du

Katsina, de Zazzau et du Zamfara (L’Africain, 1956 : 472-478). Dans le même ouvrage de

Léon l’Africain, le traducteur précise que le « Gober vient du mot Gobir, nom d’une des premières tribus libyennes qui émigra en Air vers le VIIème siècle et qui serait d’origine copte » (L’Africain, 1956 : 472). Il ajoute que les Gobir seraient arrivés du Tibesti et de Bilma avant de se mêler aux autochtones hausa dans l’Ayar au point où ils sont « complètement négroïdisés de sang et de mœurs »307.

Ces sources ne fournissent pas plus de détails sur la ville de Maranda, encore moins sur le Gobir. À notre avis, cela est dû au peu d’intérêt qu’ils affichaient à Maranda qui fut, pourtant, une étape nécessaire, un passage obligé pour tous les voyageurs en provenance de Gao pour l’Egypte ou de ce dernier pays, à destination de Gao ou des autres villes du Soudan. Les informations commencèrent à filtrer à partir du XIVe siècle avec Ibn Battuta (1304-1368) qui visita l’Ayar et écrit à ce propos que « la ville de Kubar se trouve entre Zaghay et Borno qui se trouve à 40 jours de marche de Takkada » (Cuoq, 1973 : 357). Quant à Léon l’Africain, il parle de la langue de Gobir en 1528 (l’Africain, 1956 : 9). Nous constatons ainsi que les sources écrites sont rares et que les informations qu’elles véhiculent sont parcellaires sur le

Gobir. Quant aux sources européennes, elles sont l’œuvre des explorateurs et des colonisateurs

comme Barth308, Monteil309, Clapperton310, Richardson311, Landeroin312, Périé313, Séré de

305 Jean Léon l’Africain, 1956, Description de l’Afrique. Traduction de A. Epaulard, Paris, A. Maisonneuve, 319 + 306 p.

306 Cela correspond à 482.79 km.

307 Notes de bas de page n°74 (L’Africain, 1956 : 472).

308 Barth, 1963, Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale pendant les années 1849-1855, T. 1, Paris, F. Diderot, 361p.

Rivière314, Urvoy315 et Abadié316, entre autres. Tous reprennent les différentes versions des traditions orales et mettent en valeur l’origine orientale comme pour blanchir un peuple originellement noir et africain. Ils reconnaissent, par contre, l’antériorité du peuplement noir dans le Sahara.

Les listes des rois du Gobir inventoriées par la tradition orale varient selon les auteurs. La version recueillie par Périé et reprise par Boubou Hama donne comme premier roi du Gobir une femme dénommée Tawa, fille d’un sultan d’Istanbul alors que la légende de Bayajidda propose Duma ou Uban Doma comme premier roi du Gobir. Il s’agit d’un des enfants de Bawo Gari lui-même fils de Bayjidda venu de Bagdad en Irak. Le détenteur officiel de la tradition historique du Gobir, Dan Akali et descendant du Sarkin Gobir Akal, affirme que les deux premiers Sarakunan Gobir seraient Canana et Lamarudu, tous grands personnages cités dans la bible. La même source donne la liste des rois du Gobir ayant conduit leur peuple dans l’Ayar. Le premier de cette liste serait le 264e, c’est-à-dire Maijigajiga, puis Bartuwatuwa, Zabarma et Ginste Rana. De tous ces souverains du Gobir, retenons deux d’entre eux dont les noms ont été accompagnés de quelques commentaires. Le premier est Sarkin Gobir Zabarma. Ce nom n’est accompagné d’aucune indication chronologique et généalogique. On affirme tout simplement qu’il « a donné une de ses filles en mariage à un prince Zarma » (Hama, 1967 : 31). Selon cette tradition, la parenté à plaisanterie entre les Gobirawa et les Zarma découlerait de cette alliance matrimoniale. Le deuxième de la liste serait Gintserana, spécialisé dans la guerre. Cette spécialisation signifie que le caractère guerrier des Gobirawa serait forgé depuis l’Ayar. Nous

accompli pendant les années 1890-1891-1892.,, Paris, Télix Alcan, 464 p.

310 Clapperton H., 2005, Hugh Clapperton the interior of Africa. Records of the second expedition 1825-1827. Edité par Lockard et Lovejoy, Leiden, KBNV, 558 p.

311 Richardson, 1970, Narrative of a mission to central Niger. (réédition) London, Frank Cass.

312 Tilho, 1909, Documents scientifiques de la mission Tilho. 2 vol., Paris, imprimerie nationale, 631p.

313 Périé, 1939, ‘’Notes historiques sur la région de Maradi (Niger)’’, IFAN, N°2, pp. 377-395. --1945, Carnets monographique du cercle de Maradi, cote : 14.1.2. aux ANN.

314 De Rivière, 1965, Histoire du Niger, Paris, Berger-Levraut, 231 p.

315 Urvoy, 1936, Histoire des populations du soudan central (colonie du Niger). Paris, Larose, 350p.

savons que ce peuple a dû lutter contre principalement deux fronts pour assurer sa survie : la lutte contre les difficultés liées à la nature et le conflit né de l’arrivée des Touareg. En effet, l’aridité du Sahara posait d’énormes problèmes aux Gobirawa, dernières populations soudanaises à rester encore dans l’Ayar à cette époque. Le manque ou l’insuffisance de l’eau aurait entrainé des déficits dans la production agricole autour des vallées humides mais aussi des déficits fourragers pour le bétail. C’est pendant que les Gobirawa luttaient contre ces calamités naturelles que les Touareg infiltrèrent cette zone. Les sources affirment que les deux groupes de populations auraient vécu, d’abord, en symbiose, c’est-à-dire sans grands problèmes. Mais lorsque le nombre des nouveaux immigrants serait devenu important, il se posa un problème de gestion de ressources naturelles. Les nouveaux venus étaient de véritables éleveurs de chameaux. Il fallait ainsi, leur assurer le pâturage devenant de plus en plus rare. La trame de toutes ces sources tend à démontrer que le Gobir a fondé son État dans l’Ayar mais que celui-ci a été importé d’Asie. C’est la fameuse thèse hamitique.