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Première partie : le Gobir dans sa base de l’Ayar

Version 1 : elle est recueillie par Palmer

3.4. Le départ des Gobirawa de l’Ayar

3.4.3. Le Mont Bagazam

« L’aridité du Sahara remonte à la période du phanérozoïque et les périodes humides sont des fluctuations anormales dans l’histoire d’une aridité continue. Cette aridité du Sahara date de 18000 et 12000 BP » (Faure, 1999 : 421). Depuis cette date les conditions désertiques se sont installées sur 8,6 millions de km2. La mousson du golfe de Guinée et le front froid polaire ont cessé d’apporter l’humidité au Sahara (Hugot, 1990 : 620). Le massif de l’Ayar dans le Sahara était le premier espace connu occupé par les Gobirawa. Ils y auraient formé leur première structure étatique dans ce territoire qui disposait des vallées relativement humides. Le massif de l’Ayar occupé par les Gobirawa est le prolongement Sud du Hoggar. Mais il n’a pas le caractère strictement sahélien de ce dernier car « du point de vue climatique, il constitue une

avancée septentrionale très prononcée de la région sahélienne dans la zone désertique » (Boubacar, 1979 : 5 ). Ce massif couvre une superficie de 82000 km2. Sa partie occidentale est une pénéplaine avec une altitude moyenne de 700 à 800 m entaillée par un réseau hydrographique orienté vers l’Ouest (Boubacar, 1979 : 5 ). Ce milieu dispose quelques potentialités car :

« dans le massif de l’Ayar nous avons le mont Bagazam dans le centre sud couvrant 600 km2. Il s’agit d’un plateau de forme ovale de 40 kms sur 20 kms à surface sommitale hérissée de collines, de pitons et surtout de cônes volcaniques. Cette surface présente des bassins alluviaux au fond plat dans lesquels se sont fixés des villages »

(Boubacar, 1979 : 6).

Il pourrait s’agir des villages Gobirawa. Pendant la saison des pluies, un important écoulement ravitaillait les Koris orientés vers les plaines de l’Ouest. On peut citer le Kori Telwa qui passe par Agadès. Quant aux Koris de l’Est, ils se perdent dans le sable du Ténéré. Tous ces

Koris portent une végétation assez fournie et la montée de la nappe phréatique permet de

creuser facilement des puits et de pratiquer les cultures irriguées. En dehors des Koris, l’eau est trouvée dans les gueltas qui subsistent même en période de saison sèche mais aussi au niveau des sources permanentes comme le Tafedec et l’’Igouloulof (Adamou, 1979 : 7).

Les Gobirawa ayant occupé le mont Bagazam n’ont pas eu la vie facile en raison, d’abord, des fluctuations climatiques. Les précipitations ne permettent pas une agriculture sous pluie. En cas d’une aridité aigue, c’est-à-dire de sécheresse, les nappes phréatiques deviennent de plus en plus profondes rendant quasiment impossibles les cultures irriguées. Ainsi, cet environnement ne peut que supporter une population peu nombreuse. Les mêmes effets se font sentir sur l’élevage avec l’insuffisance de l’eau et du pâturage. C’est dans ces conditions que des immigrants touareg firent leur apparition dans la zone. Ils occupent la partie montagneuse de l’Ayar. Ainsi, les Touareg trouvèrent sur place ces populations avec lesquelles ils vécurent, un moment en symbiose. Les sources affirment que les Gobirawa se seraient organisés en entité politique sous la conduite d’un patriarche. Notre informateur, Jika Naino, nous raconta qu’en 2005, il aurait visité cette partie de l’Ayar dans le cadre d’un projet agricole qu’il pilotait. Il aurait rencontré un vieux marabout qui lui aurait expliqué que c’était sur ce plateau que ses ancêtres auraient vécu et qu’ils enterraient leurs morts debout et procédaient à des sacrifices humains. L’ingénieur agronome affirma également que son informateur lui aurait montré les débris de certains ustensiles comme les meules et les poteries que les ancêtres des Gobirawa

auraient utilisés pendant leur séjour dans ces lieux337. Dans une brochure qu’il a intitulée « Histoire du Gobir de 1171 à nos jours », cet ingénieur écrit : « l’existence autour et sur le mont Bagazam de plusieurs cimetières atteste du fait que plusieurs sultans ont dû être enterrés avant le déferlement des Gobirawa vers le sud du massif de l’Air… »338. La tradition orale parle de Surukal ou Gubur339, situés dans les environs d’Iferuwan comme capitale des Gobirawa dans cette partie du Sahara. Il faut relever que Surukal ou Gubur était, auparavant, signalé au Yémen. Une des listes dynastiques du Katsina signale une expédition militaire de cet État dans

l’Abzin, sous le règne du deuxième roi, Ramba- Ramba. Cette expédition aurait permis de

conquérir une localité nommée Sawata située au nord d’Agadès (Palmer, 1967 : 79). Cette affirmation signifie que les Gobirawa seraient en conflit avec les Katsinawa depuis cette période. C’est ce qui aggraverait la situation des Gobirawa qui devaient ainsi faire face à plusieurs fronts en même temps.

La cohabitation entre les communautés touareg et gobirawa devint difficile en raison de l’insuffisance des ressources naturelles. Cette cohabitation difficile est rapportée par la tradition orale selon la quelle Gintserana, un Sarkin Gobir s’était spécialisé dans la guerre contre les Touareg. Dans le mont Bagazam, les Gobirawa auraient également lutté contre les calamités naturelles. Selon une tradition recueillie à Agadès, les Gobirawa habitaient les monts Bagazam où ils furent frappés par une calamité naturelle : un vent violent qui surgit pendant une nuit épaisse et qui leur détruisit tout leur cheptel (Hama, 19767 : 34). Avant de prendre la fuite, ils enterrèrent tous leurs tambours de guerre (Dundufa).

Sur la vie politique des Gobirawa dans le Mont Bagazam, les sources écrites sont quasiment inexistantes car ces événements se seraient déroulés avant que les voyageurs arabo-berbères ne commencent leurs pérégrinations à l’intérieur de l’Afrique. Cette période devait être largement antérieure à 650 après Jésus Christ, date probable de la création de Maranda (Lothe, 1972 : 63-67). En effet, les Gobirawa qui avaient quitté la zone montagneuse auraient d’abord créé Agadès avant de créer Maranda.

Les Touareg qui avaient rejoint les Gobirawa étaient essentiellement éleveurs nomades alors que les Soudanais sédentaires avaient comme activité principale l’agriculture possible autour des vallées humides. La tension commença à monter lorsque les groupes touareg intensifièrent leurs migrations dans cette zone comme nous confirme Ibn Hawqal en ces

337 Jika Naino interrogé le 16 décembre 2015 à Maradi.

338 Il s’agit d’un document non publié.

339 Selon une autre version Gubur serait située en Arabie. Information d’Abdou Balla Marafa le 7 février 2014 à Tsibiri.

termes : « ce fut dans cette zone que le mouvement d’immigration se poursuivit avec le plus d’intensité, provoquant le départ, l’assimilation ou l’asservissement des groupes hausaphones de la zone montagneuse » (Hamani, 2010 : 47). Il s’engage donc une lutte pour le contrôle des vallées. Les Soudanais y compris les Gobirawa ainsi menacés devaient chercher une issue. Fallait-il tomber sous la coupe des Touareg, c’est-à-dire devenir leurs dépendants puisqu’ils sont plus nombreux et disposaient des moyens de guerre plus efficaces ? Ou alors fallait-il fuir vers le Sud juste au pied du massif. Les Gobirawa auraient choisi de quitter le massif montagneux pour tenter une nouvelle vie hors de celui-ci en créant d’autres foyers de peuplement en commençant par Agadès.