II.3/ LES PERCEPTIONS DEPUIS L’HABITAT URBAIN
II.3.5/ Rive-de-Gier : vivre en ville en contrebas de l’A47.
1/ Préambule
Nous nous intéressons ici aux logements situés dans la ville de Rive de Gier en contrebas de l’autoroute. La lecture attentive des entretiens permet de retenir les principaux aspects du vécu. Nous résumons en quatre points la situation.
Situation en contrebas de l’autoroute
L’espace : les logements sont situés en contrebas de l’autoroute en pied de coteau. Les
entrées se font côté rue.
L’écoute : en contrebas, on entend moins l’autoroute et on peut dormir fenêtres
ouvertes. Le bruit de fond est « toléré ». Il est perméable, c'est-à-dire qu’il permet d’entendre les bruits de l’environnement proche (oiseaux, enfants à l’école).
Le regard : la circulation des véhicules, qui passe au dessus, est regardée au travers du
paysage végétal qui tapisse le flanc du coteau.
Mémoire : les accidents autoroutiers au sortir du tunnel sont remarquables. 2/ Synthèse des entretiens
Les raisons de l’emménagement
Parcours professionnel/résidentiel
[Habitant de Rive-de-Gier, entretien « perception embarquée »] [N’avez pas quitté la ville de votre enfance…] Si, je l’ai quittée, puis le travail a fait que j’y suis revenu, mais j’ai perdu le travail, donc je suis un peu coincé ici pour l’instant ! [rire]. Mais c’est vrai que c’est une ville où j’ai mes habitudes, tous mes amis, toute ma famille sont ici.
Les ambiances et la vie à proximité de l’autoroute
1/ le rôle de la situation géographique et topographique
En contrebas on entend moins l’autoroute
[Une habitante de Rive-de-Gier, entretien « perception embarquée »] Mes parents habitent juste derrière, là, là par contre on l’entend beaucoup. Enfin pas juste derrière les palissades ici, mais sur le quartier du Mouillon. On va voir la rue qui monte ici. C’est la rue des Roches qui monte, et ils habitent derrière la butte une belle maison
avec un grand jardin, mais on entend beaucoup plus l’autoroute que dans mon appartement en bas. Moi où j’habite, là en plein centre, l’autoroute ne me gêne
absolument pas.
2/ Le rôle de l’espace construit
Le bruit autoroutier se propage entre les façades de la ville
J’ai un premier immeuble devant chez moi qui cache les bruits directs de la rue, et mon deuxième immeuble derrière qui surplombe un peu les toits, et là j’ai le brouhaha de cette autoroute tout le temps. C’est la seule route qui est vraiment présente de chez moi, c’est ce passage du pont en fait, le pont le fait qu’il soit en hauteur, le vent ramène…
3/ L’usage des fenêtres
L’été, on peut dormir fenêtres ouvertes
Nous franchement honnêtement je ne peux pas vous dire qu’on se plaint pour le bruit de l’autoroute. Certainement que quand nous aurons nos fenêtres de changées, ce sera mieux, mais l’été quand on dort les fenêtres ouvertes, il faut s’adapter. Les premières
nuits… Mais ça s’arrête à quelle heure ? À minuit… et puis on dort aussi de toute
façon.
L’autoroute fait moins de bruit que la rue
[Vous entendez quoi en ouvrant les fenêtres ?] Je vous dirais que, comme je vous disais l’autre jour, on n’y fait plus attention, parce qu’on en a pris l’habitude. Et puis étant donné qu’on n’y est pas toujours, même quand on se couche le soir on n’entend rien. Et encore on n’a pas des doubles vitrages hein. De ce côté il y a double vitrage maintenant, ça nous a bien évité du bruit, on a même mieux du bruit par là [rue du 1er mai] que de ce côté [autoroute]. Sur la route, et avec les camions qui passent encore, et les voitures, il y a beaucoup, beaucoup de circulation là.
4/ Le regard porté sur l’autoroute et sur le paysage visuel environnant
Trop de camions
Les camions… un jour j’ai pris le temps de regarder combien il y en avait, il y en
avait 18 qui se suivaient, c’était impossible qu’une voiture se mette entre 2 camions.
Et une fois il y a un transporteur de voitures qui s’est couché juste en face… L’autoroute attire l’oeil
L’été, il y a les arbres. L’hiver ce qu’on voit, c’est circuler les camions, les camions c’est infernal. ® [Concrètement vous voyez quoi] On voit les voitures qui passent. La voie montante on ne la voit pas, que la voie descendante. On aimerait bien que ce soit caché, on en a assez de la voir l’hiver. Là ils ont mis des acacias. […] maintenant il y a beaucoup de feuilles, mais c’est l’hiver que c’est clairsemé, et on voit tout ce qui se passe. [Donc vous observez l’autoroute depuis chez vous…] Oui oui. Quand il n’y a pas d’arbres, pas de feuilles, oui ça arrive. Je ne mettrais pas ma chaise devant ma fenêtre pour regarder, mais je regarde quand même. Je ne sais pas si c’est une distraction, mais c’est une chose qui attire l’œil…
5/ L’écoute du son de l’autoroute et des autres sons environnants
La neige amortit les bruits
Ça fait cotonneux un peu, la neige, ça amortit beaucoup les bruits. Le calme engendré par les accidents
Quand il y a un accident, on l’entend. Quand ça s’est calmé, quand c’est au ralenti.
Des pauses
[…] il faut bien se dire que sur cet axe là on a vraiment des pauses où il n’y a rien. Et puis ce n’est pas une autoroute de toute façon, c’est une voie rapide. [« Pauses » ?] Ben oui, il y a des pauses. Par exemple à minuit il n’y a plus rien, on n’entend plus
rien. [ça veut dire que vous entendez le silence qui s’installe ?] Oui oui.
Les sons entendus au logement
Le bruit de l’autoroute… Il y a les oiseaux ! C’est drôlement agréable ; et l’école, les récréations…
- L’autoroute donneur sonore du temps
Beaucoup de camions le lundi matin et le vendredi soir
Le lundi peut-être, quand je fais mon ménage, c’est tout ouvert, il y a beaucoup de camions, on entend plus. Le vendredi soir, ça rentre, les camions rentrent, ceux qui vont sur Paris ou… Clermont… Roanne…
6/ S’habituer au bruit
Etre obligés de s’habituer
Non, nous on ne peut pas dire qu’on soit vraiment gênés par l’autoroute. [Donc on peut vivre avec…] Ben oui, mais on est bien obligés de toute façon ! On était devant
le fait accompli, ils ont construit l’autoroute, qu’est-ce qu’il fallait faire ?
Habitude des plus âgés
On a un bruit dans notre vie, mais on n’y fait plus attention. Je pense qu’on s’habitue.
Ma fille par contre elle ne s’habitue pas au bruit par contre, non. Elle me dit « moi
qui étais en ville avant, je ne pourrais pas dormir la nuit [ici] ». L’habitude au bruit routier manque pendant les vacances
C’est quand je vais chez A., ils ont une maison qui est toute seule au milieu d’un parc, il n’y a pas de route nationale, ils sont isolés, il n’y a vraiment pas de bruit, il n’y a rien, rien. Et quand on y allait au début, moi ça me gênait énormément parce que je
n’aime pas être enfermée […] quand j’arrivais chez eux au début j’étais mal parce qu’il y avait un trop gros silence. Et puis maintenant je m’y suis habituée, comme au reste.
Le bruit : c’est une habitude, presque une sécurité
Quand je repars dans ma campagne, de juin à septembre, les premiers jours j’ai du mal à dormir parce que je n’entends rien ! [..] Le bruit pour moi, c’est… pas rassurant, mais tout est en place. C’est presque une sécurité !
7/ Désagréments
« Pollution » de l’air
[Un habitant de Rive-de-Gier, entretien « perception embarquée »] La nuisance sonore c’en est une aussi. Mais la pollution, c’est sûr que l’air doit avoir du mal à se
renouveler dans la vallée, avec tous les gaz d’échappement qui s’y déversent toute la
journée. [Vous percevez ça de chez vous ?] Oui, par forte température ça se voit bien, l’air est gris… enfin on voit bien que c’est assombri par quelque chose qui n’est pas naturel.
8/ Déplacements
Depuis l’autoroute, on voit le toit de la maison
L’autoroute… on passait parfois par là pour voir notre maison justement. Eh ben il faut s’arrêter pour la voir, parce que où elle est, comme elle est située, elle est en
dessous, elle n’est pas tellement loin quand même, mais c’est en dessous, on ne voit que les toits.
Habitudes
Nous, on sort quand on vient de Saint-Chamond ou de Saint-Etienne, on sort vers l’abattoir de Rive-de-Gier, on traverse toute la ville de Rive-de-Gier, ou alors on continue, on passe sur le viaduc, et puis on sort à la Madeleine, il n’y a pas d’autre sortie de toute façon.
Passer par l’ancienne route pour éviter les bouchons
Ça nous arrive souvent d’ailleurs de prendre l’ancienne route. On la prend tout le
temps parce qu’il y a des bouchons entre Givors et Rive-de-Gier. Elle a été bien
refaite. Elle est plus accidentée entre Rive-de-Gier et Saint-Etienne, je trouve. Aller à Saint-Chamond en train et en vélo
[Une habitante de Rive-de-Gier, entretien « perception embarquée »] Je travaille à
Saint-Chamond, mais j’y vais en train et vélo systématiquement, sauf grosse flemme,
où là je prends le camion de mon ami ! Mais là ce n’est pas terrible. La dernière fois que j’ai pris le camion j’ai mis 3 heures et demi pour revenir de Saint-Chamond, donc ça m’a calmée ! Il y avait un gros bouchon énorme. Par contre je le prends régulièrement pour aller à Saint-Etienne, à Lyon. Mais je l’ai eu pris plus avant que maintenant.
9/ La mémoire du lieu
Un jour il n’y avait pas de bruit, c’était la grève des camionneurs
Si, une fois j’ai été réveillé, parce qu’il n’y avait pas le bruit, c’est le jour où il y avait la grève des camionneurs, il y a des années là…
Evénement remarquable
Une fois il y a un transporteur de voitures qui s’est couché juste en face… [Lui]
Toutes les voitures sont tombées dans le ravin. Ça a fait un bruit ! ça a duré ! [Lui] L’autoroute est limitée à 110, mais ça roule plutôt à 130-150 que 110 ! [Pas que les camions qui roulent vite]
Les travaux sur le viaduc : c’était une nuisance sonore horrible
Là il y a eu des travaux pendant un an et demi sur ce pont. C’était une nuisance sonore terrible. J’habite à une centaine de mètres par là-bas à vol d’oiseau, c’était une
nuisance sonore impressionnante, ils travaillaient beaucoup la nuit pour ne pas trop
perturber le trafic, et ils découpaient au jet d’eau les joints du pont, ça faisait un vacarme étourdissant. Il y a eu pas mal de plaintes, et apparemment pas mal d’accidents aussi, de chutes de [matériaux] sur les maisons en dessous. Mais enfin bon je suppose que c’est normal qu’ils fassent rénover.
10/ Les commodités de l’A47
Le sens pratique
Il ne faut pas se plaindre, il en faut des autoroutes de toute façon, parce qu’on ne pourrait plus circuler.
Ambivalence
[Un habitant de Rive-de-Gier, entretien « perception embarquée »] Je comprends la facilité d’avoir l’autoroute à portée de chez soi, mais en même temps je suis gêné par le bruit que ça procure, même par la pollution que ça amène dans la ville.