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4-3-2 Deuxième protocole : mise en perspective des textes et des gestes

Lucie 1 retranscription de passages de son

discours découpés en douze unités verbales. Gestes de Lucie 1, mes observations Thème de l’intervention, « l’intégration de la

théorie dans une réflexion sur la pratique ». 1. Introduction :

L : Ce qui est intéressant c’est comment on peut rendre compte de l’aspect théorique d’un événement, d’un phénomène, à votre avis qu’est-ce qui est à l’origine finalement de la théorie, comment elle se construit ? Mais le théoricien pour créer une théorie, je veux dire, pour faire un ensemble d’affirmations, pour poser des postulats comment il s’y prend à votre avis ? La théorie elle naît de la pratique mais comment de la pratique on va vers la théorie ?

E : A partir de la pratique, à partir d’une démarche inductive, un regard critique sur ce qui est mis en place.

L : Tout à fait, … absolument.

L : elle redit ce qui vient d’être dit par une étudiante et écrit les trois points.

2. Si on laisse un peu vaguer notre imaginaire comment on crée, comment on produit, comment on invente, comment une théorie devient reconnue par d’autres.

E : j’imagine que c’est une multiplication de situations et, hop, émerge un concept, ce qui marche et ce qui ne marche pas, je dirai comme cela.

O : rires des étudiants

L : un trait commun, un peu procéder par tâtonnements, oui, voir ce qui marche et ce qui ne marche pas et puis on déduit.

Dans ce que vous dites oui c’est important cette espèce de tâtonnement, d’induction vous avez dit,

Douze registres de gestes : une sorte de synthèse du contenu de l’intervention récapitulant les points forts de l’intervention.

1. De 001 à 0020 : comment de la pratique

Introduit la thématique du jour sous forme de questions adressées au public face à lui, le regarde Avec les deux mains, feutre à la main, doigts ouverts secoue ses mains, se tourne vers le tableau.

Un échange a lieu à partir de la prise de parole d’une étudiante puis d’une autre.

2. De 0043 à 2.38 :

-Ecrit, liste les mots clés (une démarche inductive, un regard critique…), se retourne vers le public avec les mains, écarte les doigts, feutre main droite, scande ce qu’elle dit, ouvre mains et doigts tout en esquissant un cercle, yeux tournés vers elle-même et autrui. Mains lancées vers le public, feutre toujours entre l’index et le pouce de la main droite. Lève main et doigts gauches puis main et doigts droits, fait un rond avec sa main droite puis gauche.

-De 2.40 à 13.16 :

on déduit et c’est là justement dont tout part et qu’on arrive à mettre en forme la théorie.

ETC.

« Tâtonnement, induction » a la main gauche dans la poche, à moitié tourné vers le tableau et moitié tournée vers l’étudiante qui s’est exprimée tout en écrivant, « tout part d’une question », avec ses bras et ses mains forme un cercle.

Soutient ce qu’elle dit avec une main puis l’autre. Roule le feutre entre le pouce et l’index droits, …

ETC.

Le début du tableau numéro 10 de Lucie 1 donne à voir ses gestes et ses mouvements grâce à l’usage de verbes d’action utilisés par le chercheur, au regard d’extraits de chaque unité verbale du discours de Lucie 1. Il a permis un récapitulatif des parties du corps mobilisées dans les gestes.

LUCIE 1 LUCIE 1 Actions marquées par des verbes

1. Dans la première unité verbale Agit

Dit Ecrit

Secoue ses mains Se tourne vers le tableau

2. Dans la deuxième unité verbale Met la main gauche dans sa poche Est à moitié tournée vers

Ecrit les points forts Reprend

Ecrit à nouveau Etend ses bras

Tire un trait dans l’espace Scande ce qu’elle dit Ouvre mains et doigts Esquisse un cercle

Tourne ses yeux vers elle-même puis vers autrui Lance ses mains vers

Met en relief certains mots qu’elle prononce : 3. Dans la troisième unité verbale

Avec les bras et les mains fait un cercle Ouvre son bras et sa main gauche Ecrit au tableau

4. Dans la quatrième unité verbale

Dessine un cercle avec les mains et les doigts 5. Dans la cinquième unité verbale

Fait encore un cercle, bouge les deux mains

Texte à partir de passages de discours 1. Dans la première unité verbale

Comment on va de la pratique vers la théorie

2. Dans la deuxième unité verbale

A partir d’une démarche inductive Un regard critique

Procéder par tâtonnements

Ce qui marche et ce qui ne marche pas Trouver un point commun

Tout à fait, absolument, c’est important, exactement, ça peut être ceci ou cela

3. Dans la troisième unité verbale

Tout part d’une question

4. Dans la quatrième unité verbale

S’inclure dans la question

5. Dans la cinquième unité verbale

Les différentes facettes

6. Dans la sixième unité verbale Tourne les mains vers elle 7. Dans la septième unité verbale

Exécute un rond avec le pouce et l’index, bouge les deux mains

ETC.

6. Dans la sixième unité verbale

Puis on a sa propre question

7. Dans la septième unité verbale

C’est une question de méthode ETC.

d)Résultats du deuxième protocole d’observation : une mise en perspective des textes, des gestes repérés via le film, la retranscription des textes et des verbes d’action que j’ai utilisés pour désigner comment le formateur s’y est pris pour entrer en communication avec son auditoire et ainsi impulser le mouvement de ce geste professionnel que j’ai nommé comme chercheur l’offre de présence.

Le texte en tant que discours est toujours là ou plutôt il se déroule. Texte et gestes sont des modes d’expression que les formateurs associent en fonction de leur personnalité et du contexte, avec une amplitude qui varie : beaucoup, toujours, de façon plus ou moins ostentatoire ou discrète…La diversité s’expose mais le corps du formateur est toujours là. Ce tissage entre discours et gestes contribue, semble-t-il, à impulser un rythme et participe du sens que le formateur souhaite donner à son intervention. Cependant la force expressive des gestes ne se mesure pas à la quantité mais au sens que leur donne le formateur.

Les résultats de l’analyse opérée à partir de ce deuxième protocole d’observation ont fait bouger ma représentation des gestes et confirmé les résultats du premier protocole d’observation. Un geste est toujours associé à une action mais une action est souvent constituée de plusieurs gestes pouvant former une gestuelle accompagnant le discours ou se trouvant mêlée, incorporée à lui. En ce sens les gestes ne sont pas que des parties du corps qui bougent ou s’agitent mais ils signifient (Alin, 2010, p. 49). Les gestes peuvent être désignés par des mots illustrant des parties du corps (comme la main, les doigts, les bras…) ou par des verbes (regarder, écouter, expliquer…).Ainsi donc les gestes et les actes trouvaient à « s’articuler symboliquement autour de la dimension énonciative du texte », (Alin, 2010, p. 50).

Tous ces gestes ont été repérés comme se produisant à l’intérieur d’un métier, d’une profession, celle de formateur (Alin, 2010, p 49), d’où son appellation de gestes professionnels. Ils font partie de l’ordinaire de la pratique de formateur en présentiel. J’en ai repéré cinq à partir des verbes d’action que j’ai utilisés au cours de mes observations ou qui ont pu être prélevés des passages de discours/texte de formateur. Ils disent beaucoup des actes fondamentaux du métier de formateur, « introduisent une action ou des actions dans une catégorie, une classe d’action qui appartient à un référentiel » (Alin, 2010, p 49) possible de formateur en Travail social. Ils sont aussi porteurs des valeurs et des symboles ancrés dans le champ du social.

J’ai repris une partie de la terminologie de Christian Alin pour les désigner, du fait qu’elle était en accord avec mes propres observations. Certains gestes désignent « des actions génériques universelles comme parler, écrire,

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Dans les deux protocoles d’observation l’expérimentation que j’ai menée en séparant gestes et texte puis en les associant montre qu’ils ont un même destin, même s’ils peuvent par ailleurs signifier de manière autonome. Reste que ce détour par les gestes seuls reste insatisfaisant, l’arrêt sur image par définition ne pouvant rendre compte que d’une partie du mouvement d’un geste. Or le geste de l’offre de présence cherche avant tout à inclure les gestes dans le mouvement qu’elle impulse, offrant à voir et à entendre les récits de pratiques de communication de formateurs dans des contextes différents, pris dans un continuum de verbal et de gestuel. Dans l’analyse de mes observations ce sont plusieurs gestes qui s’enchaînent et qui expriment la même idée, associés au discours, même si certains à eux seuls expriment une idée ou un point précis. La comparaison avec les résultats des entretiens de confrontation montre une concordance entre mes observations et les propos tenus par les formateurs eux-mêmes, à une exception près, celle de Désiré 2 qui n’a pas mentionné sa gestuelle en petit groupe, absorbé qu’il était par le thème abordé en groupe.

Les résultats de mes observations ont conforté mon hypothèse que l’offre de présence n’est pas qu’un geste de plus pour communiquer, c’est un geste professionnel qui porte en lui-même ce caractère matriciel déjà mentionné (cf. p 7 de ce chapitre), accueillant d’autres gestes. Il n’est pas auto-suffisant mais par vocation il est ouvert sur le monde. Il a à la fois des racines et des ailes, des racines, une histoire, pour lui permettre d’exprimer une forme de permanence à travers des gestes récurrents, des ailes car il est aussi toujours en mouvement et s’invente dans le cours et la durée de l’intervention. C’est ce qui exprime aussi son côté éphémère, il s’arrête dès lors que l’intervention est terminée mais on peut augurer des résonances possibles auprès des formés tant il exprime une qualité relationnelle de formateur avec les formés mais qui n’est pas proportionnelle à la quantité de gestes effectués. Les contours visibles de l’offre de présence ont été rendus possibles par les gestes, les gestes parlent autant que le discours.

CHAPITRE V

INTERPRETATION DES RESULTATS