• Aucun résultat trouvé

Tandis que le recours associatif initial est motivé par le cumul de situations de vulnérabilité, la stabilisation des usagères s'accompagne d'un regain d'importance accordé au secret. La figure n°5 présente les raisons de l’évolution des modes de fréquentation associative des usagères dans le temps. Nous proposons, dans ce second point, d'explorer d'abord les déterminants de la fréquentation régulière des associations, qui peut selon les cas résulter d'une gestion rigoureuse du secret ou d'une impossible stabilisation (2.1). Nous examinerons ensuite les facteurs de l'intermittence associative, répondant tantôt aux situations de vulnérabilités persistantes tantôt au poids du secret (2.2). Nous rappellerons ainsi que quelque soit le mode de fréquentation des usagères, cette décision procède d'un arbitrage complexe entre ces deux éléments.

Figure n°4. Modes de fréquentation associative des usagères

2.1. La fréquentation régulière : de la gestion du secret à l'impossible stabilisation La fréquentation régulière des collectifs sur le long terme donne un sens à la vie des usagères, leur permettant de faire face à l'isolement par la recréation d'un véritable réseau social.

« L'engagement associatif, tout comme le travail, permet de tisser des liens sociaux dont la banalité et la simplicité comportent une forte valeur sociale. » (Havard Duclos & Nicourd, 2005, p. 114)

Valeurs sociales d'autant plus fortes que, pour les femmes vivant avec le VIH, l'association se substitue parfois aux autres réseaux de sociabilité. Nous avons vu combien certaines usagères préfèrent rompre tous contacts avec leurs réseaux familiaux et amicaux afin de se soustraire aux risques de stigmatisation. Ainsi, Francine L. confie

« Moi ce que je voulais c'est avoir des amies, causer en toute liberté de ce que j'ai envie de dire, ne rien avoir à cacher. (...) Un jour, j'ai dit [que j'étais séropositive] à une amie mais elle m'a trahie ! Elle a été le dire à tout le monde. Donc moi ces amis-là, j'ai arrêté. De toute façon, je n'avais pas le choix parce que plus personne ne voulait me causer. (...) Maintenant, je ne veux même plus avoir de relations avec quelqu'un qui n'est pas comme moi. Parce que quand j'ai mes copines au téléphone, à chaque fois on en parle en toute liberté et c'est important ça ! Mes amis aujourd'hui, ils sont tous comme moi !» (Francine L., 45 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

sociaux libérés du poids du secret (Poglia Mileti et al., 2014). Face à la désagrégation de leurs relations sociales habituelles, elles retrouvent grâce aux mécanismes de l'auto-support les auto- compréhensions (Brubaker, 2001) qui vont les doter d'un sens d'appartenance collective. Tandis qu'à l'origine les trajectoires biographiques des immigrantes sont plurielles et qu'elles appartiennent à des groupes sociaux parfois fortement différenciés, notamment en termes ethniques et de classe, le collectif prend ici la forme d'une quasi-communalisation au sens wébérien du terme (Weber, 1995, p. 78) au sein duquel

« la disposition de l'activité sociale se fonde (...) sur le sentiment subjectif (traditionnel ou affectif) des participants d’appartenir à une même communauté ».

Ce sentiment subjectif d'appartenance se construit dans un premier temps à partir d'une épreuve commune - celle du VIH - et de la reconnaissance d'autrui significatifs (Berger & Luckmann, 1986) susceptibles de les accompagner dans la reconstruction de repères identitaires, comme le note Francine L. « quelqu'un qui n'est pas comme moi », « mes amis sont tous comme moi ». Ce « comme moi » ou « comme nous » revient de façon récurrente dans les discussions entre les femmes au sein des collectifs. Ce besoin d'identification à d'autres ayant traversé une épreuve similaire relève en réalité d'une quête de libération du poids du secret qui plonge les femmes dans un isolement difficile à supporter, comme le souligne cet extrait d'entretien avec Claudette E.,

« CE : Alors dès que je sortais de l'hôpital, comme personne autour n'était au courant de ma famille, j'étais à la maison, toujours enfermée à la maison, parfois je mangeais même pas. Je me laissais un peu aller, comme docteur M. disait, sans le savoir, ça c'est vrai. (...)

MGA : Et c'est important pour toi de faire partie d'une association qui est liée à la maladie ? CE : Oui ! Ça oui ! Sinon, peut-être j'allais même pas m'en sortir. Parce que tout le temps que j'étais malade, j'étais à la maison. Si c'est pas à la maison, maison de repos. Donc ça tournait dans ma tête, ça tournait dans ma tête la maladie. Donc, depuis que je fréquente les associations, on dirait que j'ai enlevé un truc sur mes épaules. Ça vraiment, si c'était pas les associations, peut- être je ne sais pas, j'allais mourir, je ne sais pas. » (Claudette E., 56 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

« Ce truc sur [l]es épaules » de Claudette E. c'est, comme pour Francine L., le poids du secret. Ces deux femmes sont les seules usagères à avoir découvert leur séropositivité tandis qu’elles résidaient en France depuis plusieurs années. La fréquentation régulière des collectifs leur assure la recomposition d'un lien social délivré des risques de stigmatisation. Nombre d'usagères régulières, à l'instar de Claudette E. et de Francine L., expliquent ainsi avoir rompu tout contact extérieur pour pouvoir paradoxalement vivre « librement » leur séropositivité.

Néanmoins, dans le cas de ces deux femmes, c’est un isolement durable provoqué par le poids du secret qui les mène à recourir aux collectifs et à continuer de les fréquenter régulièrement sur le long terme. Les associations apparaissent alors comme des espaces paradoxaux de confidence et de libération du poids du secret dans un contexte de fort isolement social.

Claudette E. comme Francine L. font ainsi état des amitiés qui sont nées de leurs contacts avec les autres usagères associatives. Leurs récits, tout comme celui de Sanya M. qui parlait précédemment de l'association comme d'une nouvelle « famille », soulignent par ailleurs la reconstitution de liens de quasi-parenté. Liens affectifs intenses qui viennent compenser les déficits de parenté réelle résultant des ruptures géographiques et sociales, provoquées par le poids du secret, comme l'évoque Mariama D.

« En dehors, je rencontre de temps en temps des parents du pays pour les évènements, les mariages, les décès, les baptêmes mais personne n'est au courant pour moi. Sinon c'est les gens des associations que je rencontre. C'est pour dire que les associations ici, c'est d'une importance capitale, elles font beaucoup de choses. C'est pas pour rien que j'ai accepté de faire les trois semaines de remplacement [de la médiatrice partie en congés] en bénévolat simple, je l'ai fait bénévolement sans rien. Parce qu'ici je me sens à l'aise, je me sens chez moi, je peux m'ouvrir aux autres en toute confiance.» (Mariama D., 62 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

Si Mariama D. « se sent chez [elle] » dans ce collectif, c'est également parce que, dans son cas, la fréquentation associative se présente comme l'unique alternative à une impossible stabilisation. Âgée d'une soixantaine d'années, cette femme d'Afrique de l'Ouest a découvert sa séropositivité lors d'une visite à ses enfants résidant en France. Souffrant de fièvres récurrentes, qu'elle attribue au paludisme ou à la fièvre typhoïdique, elle souhaite se faire prescrire des médicaments. C'est à l'occasion de cette consultation médicale, quelques jours avant son retour, que le diagnostic est posé.

« Quand je suis rentrée chez ma fille, j'ai vu qu'elle maintenait l'enfant à distance, qu'elle craignait que je le contamine. Même la plus grande, on jouait beaucoup avant, dans le lit, etc. mais là je voyais qu'elle avait peur que je la touche. Et je voyais qu'elle me parlait à distance. Alors je me suis sentie isolée. (...) Peu de temps après, elle m'a dit qu'elle logeait dans un T1 et qu'avec les médicaments, on allait pas me renvoyer en Afrique donc qu'il fallait que je cherche un logement, qu'elle ne peut plus m'abriter. Alors l'assistante sociale et l'infirmière m'ont conduit à cette association "ici, tu viens quand tu veux, tu peux manger, tu peux prendre tes médicaments librement, tu trouveras des compatriotes avec lesquels tu peux parler, échanger, ici il n'y a pas de secret." (...) Moi, à ce moment, je ne pouvais pas déménager, je ne connaissais nulle part en dehors de la maison, de l'association, de l'hôpital. L'assistante sociale de l'association m'a fait une demande d'appartement thérapeutique mais ça fait longtemps maintenant, huit mois, et je n'ai pas de réponse. Elle m'a demandé si j'avais un peu de ressources pour payer un peu mais je lui ai dit que non parce qu'Assedic n'a pas commencé à me payer donc je n'ai pas la possibilité

de prendre un logement. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas de logement (...) je vivote. Même aujourd'hui comme vous me voyez là, je vivote. Alors oui, je suis là souvent dans les associations. » (Mariama D., Ibid.)

Mariama D. fréquente régulièrement les collectifs car elle n'a ni logement, ni travail lui permettant de se stabiliser. On se souvient de l’extrait d’entretien précédemment cité où elle expliquait combien la problématique du vieillissement avec le VIH l'intéresse. En effet, le diagnostic de séropositivité en contexte migratoire pour les personnes vieillissantes se pose comme un véritable enjeu pour les institutions françaises en termes d’insertion sociale des primo-arrivant-e-s. Cette situation questionne en effet fortement les schémas traditionnels de solidarités intergénérationnelles (Attias-Donfut & Ogg, 2010). Cette génération de personnes vivant avec le VIH n'a jamais travaillé en France et n'a plus de possibilité d'insertion professionnelle. Sans projet d'insertion, les immigrantes âgées n'ont pas leur place en structure d'hébergement thérapeutique ou en Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS), tremplins vers le droit commun. Sans revenus, elles ne peuvent prétendre à un logement autonome ni à une place en maison de retraite. Sans dispositif existant, leur stabilisation sociale est impossible. Sans support familial, elles sont destinées à l'errance, à « vivoter ». L'association se pose alors comme le seul recours dont elles disposent. Si la situation des personnes vieillissantes vivant avec le VIH est aujourd'hui une véritable zone d'ombre des programmes de lutte contre l'épidémie en France, la question de la prise en charge des immigrant-e-s âgé-e-s se posent avec encore plus d'acuité.

Qu'elle intervienne comme une manière de se libérer du secret ou comme l'unique alternative à l'impossible stabilisation, la fréquentation associative régulière concerne principalement les usagères de plus de quarante ans, socialement isolées, avec ou sans enfants. Les usagères les plus jeunes en quête de (re)construction familiale ou celles dont la famille est présente en France, s'éloignent des collectifs suite à leur stabilisation sans pour autant s'en détacher complètement. Elles deviennent ainsi des « intermittentes associatives ».

2.2. L'intermittence associative : normalité, pragmatisme et obstacles en tout genre Une fois sorties de la « situation de seuil » (Calvez, 1994), nombre d'usagères s'éloignent progressivement de l'espace associatif. Le leitmotiv de cet éloignement est la quête d'une « vie normale », d'une vie au-delà du VIH.

« D'un point de vue sociologique, la "vie normale" concerne l'ensemble des rapports sociaux et s'organise autour d'un certain nombre de dimensions en s'appuyant sur des moyens ou des ressources, c'est-à-dire le contrôle de l'information et l'usage du secret, l'activité professionnelle, des formes diverses d'engagement et les rapports avec les soignants et la médecine » (Pierret, 2006, p. 80).

D'une manière générale, une fois stabilisées, les usagères éprouvent le besoin de s'éloigner des collectifs pour réduire les effets sociaux du VIH sur leur vie quotidienne car, comme le souligne Marie F., les associations sont irrémédiablement liées à l'épreuve de la pathologie.

« Mais moi l'association, c'est vrai que quand j'ai besoin de m'évader un peu, j'y vais, je rencontre des amies, je passe des bons moments. Et je peux disparaître comme tu m'as vu hein. Moi, c'est comme ça ! (...) C'est-à-dire, que par moment j'ai pas envie de parler de cette maladie, j'ai pas envie de quoi que ce soit, j'ai envie de vivre ma vie comme tout le monde ! Et quand c'est comme ça, les associations non ! Parce que quand tu y vas, tu es obligée d'en entendre parler. Et puis, tu ne vois que des gens qui ont ça et moi, ça me déprime par moment ! » (Marie F., 46 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

Ce qui est notable dans le récit de Marie F. c'est le lien paradoxal qu'elle établit entre « évasion » et « association ». Selon elle, si l'éloignement lui assure de « vivre [sa] vie comme tout le monde », le retour ponctuel à l'association lui permet de « s'évader ». Cette idée d'évasion renvoie directement aux réflexions précédentes autour de la libération du poids du secret permise par la fréquentation régulière des collectifs. Mener une « vie normale » comporte donc un coût particulier, celui du maintien du secret, qui enferme les femmes et s'avère par moment incompatible avec leur quête de liberté. C'est ainsi que les rencontres associatives vont permettre « l'évasion » dont parle Marie F. puisqu'entourée d'autres « comme elles » elles pourront simplement « être » sans faux semblant. Le secret est en effet lourd à porter au quotidien puisqu'il implique de nombreux efforts, qui mobilisent énergie et inventivité, afin de dissimuler son mal.

Cependant, « vivre normalement » ne relève pas d'un modèle unique et homogène mais implique que les femmes effectuent

« (...) des choix en fonction de leur âge, de leur histoire, de leur situation et de la période à laquelle elles ont appris leur infection pour (re)contruire une vie avec le VIH et (ré)aménager leur biographie » (Pierret, 2006, p. 81).

Pour la majorité des usagères, le retour à une vie normale consiste en la redéfinition de projets familiaux et professionnels, ce qui implique de réduire la pathologie à sa dimension

purement médicale. La redéfinition de projets familiaux se présente comme l'objectif principal des usagères les plus jeunes n'ayant pas encore d'enfants (Pourette, 2006). Le VIH éprouve en effet les normes sociales de féminité et de masculinité. Des recherches menées dans des pays d'Afrique Subsaharienne (Desgrées du Loû, 1998; Héritier, 1994) ainsi qu'auprès d'immigrantes d’Afrique Subsaharienne (Pourette, 2006, 2008a, 2010) ont souligné combien la maternité se pose comme un élément constitutif de l'identité féminine, suite au diagnostic de séropositivité lorsque les capacités reproductives des femmes sont mises en jeu. « Gage de survie », l'enfant prend une

« (…) dimension particulièrement importante dans la migration et dans un nouvel espace social, où cette descendance doit s'inscrire et prendre racine. (...) il s'agit pour elles de projeter leur avenir dans l'espace migratoire et de construire des liens sociaux et familiaux dans ce nouveau contexte de vie » (Pourette, 2008a, p. 190).

Dans ce sens, l'aboutissement des projets familiaux concourt à éloigner les usagères des structures associatives tant pour des raisons objectives, elles n'ont plus le temps de fréquenter régulièrement le collectif, que pour des raisons subjectives, l'injonction au secret pour protéger leur famille des risques de stigmatisation. Élise T. explique en ce sens que son époux, un français séronégatif occupant un poste important, refuse de la voir fréquenter de telles associations car il craint pour sa « réputation » et sa position sociale. Élise T. continue cependant de participer à certains événements publics aux côtés des actrices associatives. On peut imaginer ici qu'elle considère les événements publics comme des lieux anonymes nourrissant son désir de suivi des évolutions scientifiques de la pathologie. L'histoire d'Élise T. est symptomatique des obstacles à la participation sociale et politique des femmes (Barreto Gama, 1997). Les réflexions de J.Barreto (1997) autour des obstacles « dichotomisant » et « culpabilisant » de la participation des femmes, nous mènent à envisager que l'engagement associatif dans le domaine du sida, en les éloignant des normes traditionnelles de féminité, les assigne au rang de « transgresseuses » et rend difficile toute relation conjugale. Dans un contexte où ces relations sont fragiles, les usagères choisissent donc de privilégier les responsabilités familiales qui leur sont assignées. Ces injonctions de genre, qui peuvent être vécues par certaines femmes comme des contraintes, permettent à d'autres faisant le choix conscient de s'y soumettre de réaffirmer leur adéquation aux normes traditionnelles de féminité.

Si la fréquentation régulière des associations est difficile à maintenir dans la durée, c'est par ailleurs du fait que le recours initial soit orienté par une situation de flottement à laquelle la stabilisation met fin, notamment par l'obtention d'un logement personnel et le retour à l'activité

professionnelle. Le travail participe du sentiment d'utilité sociale notamment pour les immigrantes qui vivent dans la culpabilité de « profiter »66 du système français pour se maintenir en vie. Si les sociologues ont souligné la dimension identitaire de l'activité professionnelle pour les personnes vivant avec le VIH (Lhuilier, Amado, Brugeilles, & Rolland, 2007; Pierret, 2006), l'habitat est également un vecteur de construction identitaire67 pour les femmes confrontées pendant plusieurs mois au temps liminaire. D'un point de vue objectif, le temps de la stabilité s'avère parfois difficilement compatible avec une fréquentation associative régulière, comme le souligne Marie F. à propos d'une activité associative à laquelle elle aime participer.

« À une époque je n'y allais plus parce que les horaires ne correspondaient pas à mon travail.

Mais là, oui, maintenant, j'ai le temps donc j'y vais et j'irai tout le temps quand j'ai le temps. » (Marie F., 46 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

De la même manière, l'éloignement géographique du logement et le coût des transports peuvent se poser comme un obstacle à la fréquentation associative. Dans quelques cas, l'éloignement associatif résulte de pressions reçues par les usagères, en phase de stabilisation, des équipes professionnelles qui les accompagnent. C'est notamment le cas de plusieurs femmes, qui hébergées au sein d'une structure collective doivent contourner le contrôle des travailleurs sociaux pour pouvoir fréquenter les associations. L'obstacle à la fréquentation associative procède alors de tensions entre les associations communautaires et les autres structures d'action sociale, qui perçoivent les premières comme des concurrentes potentielles pouvant mettre en cause la légitimité de leurs fonctions. C'est notamment le cas lorsque les structures sociales ont également un statut associatif. Dans ce cas de figure, l'usagère se trouve au centre de tensions institutionnelles qui la dépassent mais qui freinent irrémédiablement ses possibilités de fréquentation associative68.

Cependant, la permanence des conditions de vie précaires de certaines femmes les mène à recourir ponctuellement aux services associatifs, comme l'explique clairement Édith P.

66

De nombreuses usagères ont tenu ce discours à propos d'elles-mêmes ou de personnes qui les entourent. Ce sujet génère par ailleurs régulièrement de vifs débats entre les usagères.

67

Le lien entre habitat et construction identitaire a été développé tant par les philosophes (Bachelard, 1957; Bernard, 2005; Heidegger, 1973) que par les anthropologues (Segaud, 2010; Segaud, Bonvalet, & Brun, 1998) et les sociologues (Bonetti, 1994; Fijalkow, 2011).

68

« Je continue d'aller à l'association parce que je n'ai pas assez de revenus donc je prends le colis, et en même temps je rencontre les filles et on bavarde. » (Édith P., 53 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

Ce mode de fréquentation répond donc, dans ce cas, à un usage pragmatique des ressources associatives face aux difficultés socio-économiques que les usagères traversent. Si, à l'instar d'Édith P. et de Marie F., la plupart des intermittentes associatives profitent de ces visites ponctuelles pour « bavarder » avec le groupe, certaines femmes participent aux activités ponctuelles tout en évitant le contact avec les autres usagères des structures. Un seul entretien a pu être mené en profondeur avec l'une d'elles ; cependant, des contacts dans le cadre des activités en question ont révélé leurs attitudes et réactions face au groupe. Ces femmes ne se reconnaissent plus parmi les nouvelles usagères isolées et aux conditions socioéconomiques précaires. Cependant, elles ne s'identifient pas non plus aux aidantes car leur rapport à la maladie reste emprunt de cette stigmatisation intériorisée. La réussite de leur parcours

Documents relatifs