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Le rapport à la vulnérabilité, un vecteur de l'orientation associative des aidantes

SECTION II. D EVENIR AIDANTE ASSOCIATIVE : DES RESSOURCES FACE AU SECRET ET AUX SITUATIONS DE VULNÉRABILITÉ

1. Le rapport à la vulnérabilité, un vecteur de l'orientation associative des aidantes

La présentation, en introduction, du paysage associatif de lutte contre le sida en France pointe deux directions principales des associations communautaires, la prévention auprès des populations immigrantes et le soutien aux personnes vivant avec le VIH45. Dans son enquête auprès des militants de l'association Act Up46, C. Broqua (2006) présente trois motifs de l'engagement associatif : la proximité directe au VIH ou le fait d'être soi-même infecté par le virus ; la proximité affective ou le fait d'avoir des proches infectés ou morts du sida ; l'analogie de la souffrance ou l'expérience d'une souffrance personnelle renvoyant par analogie à l'épreuve du VIH. L'anthropologue évoque par ailleurs la proximité cognitive des homosexuels masculins à l'expérience du VIH en raison de leur appartenance à un groupe social particulièrement touché par l'épidémie. Partant de ces éléments, notre analyse des profils de vingt-six aidantes47 fait ressortir quatre types d'expérience du VIH : l'expérience directe du VIH, l'expérience affective

45 Afin d'alléger le texte, nous parlerons d'associations de prévention et d'associations d'entraide 46

Act Up est une association de lutte contre le sida de seconde génération (Barbot, 2002; Pinell, 2002) symbolisant l'engagement homosexuel face à l'épidémie et mobilisant un registre symbolique de contestation politique. 47

Huit actrices de prévention et dix-huit intervenantes dans le domaine du soutien aux immigrantes vivant avec le VIH.

du VIH, l'expérience personnelle analogue au VIH et l'expérience cognitive du VIH. L'examen approfondi de ces profils montre que la nature de l’expérience du VIH renvoie à l'identification d'un type de vulnérabilité - individuelle ou communautaire - qui appelle une réponse particulière - la prévention ou le soutien -, déterminant l'orientation associative des aidantes. La figure n°4 met en lumière les liaisons subjectives qui sous-tendent les deux directions associatives prises par les aidantes, l'engagement dans le soutien aux personnes vivant avec le VIH et l'engagement dans le domaine de la prévention communautaire. Le sens de l'engagement associatif des aidantes procède donc du type de situation de vulnérabilité identifié et de la direction choisie pour y répondre.

Figure n°3. Le rapport à la vulnérabilité, un vecteur de l'orientation associative des aidantes

Tandis que l'engagement dans le domaine de la prévention se pose comme une réponse à l'identification d'une situation de vulnérabilité communautaire, consécutive à l'expérience cognitive du VIH (1.1), les trois autres types d'expérience du VIH tendent vers l'identification de situations de vulnérabilité individuelles que le soutien interpersonnel vise à atténuer (1.2).

1.3. La prévention comme réponse à une vulnérabilité communautaire

Les actrices de prévention rencontrées au cours de l'enquête sont principalement des femmes séronégatives confrontées au VIH à un moment de leur parcours biographique, parce qu'elles appartiennent à un groupe populationnel particulièrement exposé à l'épidémie : en tant

qu'Africaines Subsahariennes, femmes et immigrantes. Cette expérience cognitive du VIH, et notamment l'identification de ce virus comme une menace pour leur communauté d'appartenance, est à l'origine de l'investissement des espaces de prévention comme l'illustrent les trajectoires associatives suivantes.

Arrivée en France au début des années 1980 dans le cadre d'un regroupement familial, Djeynaba S., aujourd'hui présidente d'une association de femmes, n'avait jamais fait partie de collectifs dans son pays natal d'Afrique de l'Ouest.

« L'Afrique et ici, c'est pas pareil ! Là-bas tu es plus libre, ici ce n'est pas ton pays, tu n'as pas les mêmes coutumes. Les femmes en France, on se sentait isolées, on ne sortait pas beaucoup. » (Djeynaba S., 50 ans, aidante associative, séronégative au VIH)

Pour faire face à l'isolement et au besoin de s'approprier l'environnement d'accueil, « espace étranger non maîtrisé », Djeynaba S. et les femmes de son quartier font appel à la « solidarité de voisinage » (Quiminal, 1998) et créent une association au début des années 2000. La vie associative est alors rythmée par des rencontres hebdomadaires et échanges multiculturels entre femmes du quartier car « dans l'association, il y a des Maliennes, des Sénégalaises, des Algériennes, des Marocaines, etc. ». Le profil de Djeynaba S. et l'histoire de son association font écho à la littérature de la seconde moitié des années 1990 autour des associations de femmes immigrantes, notamment d'Afrique Subsaharienne (Quiminal et al., 1995), soulignant leur potentiel intégrateur au sein de la société française (Timera, 1997) et les processus d'individuation qui en découlent (Veith, 1999, 2005). À l'occasion d'une journée mondiale de lutte contre le sida, Djeynaba S. et ses associées, invitées par la Mairie, découvrent les réalités du VIH suite à l'intervention d'un médecin. Profondément touchées par ce qu'elles entendent, elles décident d'élargir leur champ d'action et de s'investir dans la diffusion d'informations de prévention.

« C'est notre choix, c'est pas les médecins qui nous ont demandé de faire ça. Je leur ai bien dit que ça venait de nous. (...) Je suis une femme, mes enfants sont nés ici, certains maris sont polygames, c'est une réalité. On ne peut pas échapper à la maladie. Il faut que les gens sachent les moyens de se protéger ». (Djeynaba S., Ibid.)

Cet extrait du récit de Djeynaba S. souligne le raisonnement syllogistique à l'origine de cette décision collective ; les éléments épidémiologiques présentés par le médecin étant directement mis en lien avec les réalités vécues par les femmes du quartier. Djeynaba S. et ses associées découvrent en effet, durant cette conférence, que les femmes d'Afrique Subsaharienne résidant en France sont particulièrement exposées à l'épidémie, notamment au sein des ménages polygames. Or, de nombreuses femmes de leur quartier sont nées en Afrique Subsaharienne,

dont elles-mêmes, et certains maris sont polygames. Donc, par déduction, elles s'aperçoivent qu'elles appartiennent à un groupe social vulnérable au VIH. C'est par ce processus cognitif que Djeynaba S. et ses associées identifient l'épidémie de VIH comme une menace communautaire, pouvant potentiellement les atteindre et toucher leurs proches, et décident d'y répondre par la diffusion d'informations de prévention. Néanmoins, elles manquent de connaissances sur le sujet et sont intimidées par l'idée de parler publiquement de « sida ». Elles s'appuient alors sur le collectif et sur la réputation qu'elles ont acquis dans le quartier pour partir en quête d'information. Elles se rendront collectivement au CRIPS48 pour se former, puis au CIPRES49 pour informer les professionnel-le-s de leur démarche. La présentation d'une pièce de théâtre autour du travail des femmes les encouragera à développer, sur ce modèle, leur propre outil de communication.

Évelyne C. est, quant à elle, bénévole depuis plusieurs années dans l'association au sein de laquelle nous la rencontrons. Elle quitte l'Afrique Centrale au début des années 2000 pour soutenir sa fille hospitalisée pendant près de deux ans en France. « Isolée », « seule en France », passant ses après-midi au chevet de son enfant, le personnel hospitalier lui propose de rencontrer une association qui rend visite aux malades. C'est ainsi qu'elle intègre le groupe de parole du collectif et l'équipe bénévole du matin. Elle acquiert au fil des ans, par le biais du bénévolat, un certain nombre de connaissances sur le VIH qui lui font prendre conscience de la nécessité d'agir au sein de son environnement social. D'abord engagée dans le soutien aux personnes hospitalisées, Évelyne C. se réoriente ainsi vers la conduite d'actions de prévention. Ayant intégré, dans son lieu de résidence, un groupe de tontine50 déjà constitué, elle entreprend de sensibiliser les femmes aux réalités de l'épidémie, en diffusant des informations et en incitant ses pairs au dépistage. Tandis qu'elle légitime son engagement bénévole au sein de l'association par son expérience affective du VIH, elle justifie la conduite de projets de prévention par une prise de conscience de la vulnérabilité générale des femmes immigrantes à l'épidémie.

« Comme les femmes sont très vulnérables pour cette pathologie, j'ai appris avec l'association à incorporer la prévention à mon groupe de tontines. C'était mon initiative de mener ces actions car j'ai été formée par l'association et j'ai vu les tableaux statistiques. Et quand on voit les

48 Centre Régionale d'Information et de Prévention du Sida 49 Centre d'Information et de Prévention Sida

50 Les Tontines sont des associations collectives d'épargne réunissant des groupes d'amis, voisins ou collègues afin de proposer, sur la base de la confiance, des aides à chacun des membres. Les cotisations des membres et les remboursements permettent de financer des projets. Les tontines sont notamment mobilisées au sein de

statistiques, on voit que les femmes sont très touchées par cette pathologie » (Évelyne C., 60 ans, aidante associative, séronégative au VIH)

Le discours d'Évelyne C. atteste du glissement d'une proximité affective au VIH vers une expérience cognitive de la pathologie ; glissement impulsé par l'assimilation de données épidémiologiques concernant son groupe d'appartenance. C'est, comme dans le cas de Djeynaba S., l'identification d'une vulnérabilité communautaire qui soutient son initiative. La démarche d'Évelyne C. sera par ailleurs récompensée à l'occasion d'un concours de prévention51 organisé par l'association dans laquelle elle est bénévole.

Les trajectoires de Djeynaba S. et d'Évelyne C. illustrent le processus par lequel les femmes, dont l'expérience du VIH est cognitive, identifient cette pathologie comme une menace communautaire et développent des projets de prévention pour y faire face. C'est à la fois le sentiment d'appartenance à cette communauté menacée et l'identification des ressources dont elles disposent pour agir qui leur permet de concrétiser leur entreprise. L'appartenance associative préalable s'articule ici à l'ancrage des aidantes dans des réseaux communautaires extérieurs à la lutte contre le sida, pour impulser la matérialisation de tels projets. On perçoit alors comment « l’étude des trajectoires militantes articule l’analyse des parcours individuels à celle des espaces et des groupements dans lesquels les activités sociales sont considérées » (Broqua & Fillieule, 2001b, p. 72).

1.4. Le soutien aux personnes infectées : atténuer les vulnérabilités individuelles Les aidantes rencontrées au sein d'associations de soutien aux personnes vivant avec le VIH disposent pour la plupart d'une expérience directe de la pathologie, elles sont elles-mêmes infectées par le virus52. Néanmoins, comme l'a souligné la trajectoire associative d'Évelyne C., certaines justifient également ce type d'engagement par une expérience affective de l'épidémie. Que l'expérience du VIH soit directe ou affective, c'est l'épreuve traversée et le besoin personnel de faire face à l'extrême, à « une situation d'ébranlement de la vie » (Fischer, 2014), qui

51 Ce concours a pour but d'encourager les « femmes africaines vivant en France » à mobiliser leurs « réseaux communautaires » face à l'épidémie. Il est à noter que ce concours récompense a posteriori les projets mis en œuvre, soumis à un jury extérieur à l'association, mais ne présente pas un levier préalable à la conduite d'action de prévention.

52 Treize des dix-neuf aidantes rencontrées au sein d'associations de soutien aux personnes vivant avec le VIH vivent elles-mêmes avec la pathologie (voir chapitre 1, tableau n°7). Les six autres justifient ce type d'engagement par une proximité affective au VIH ou par une expérience personnelle de la souffrance analogue à celle du VIH.

détermine la direction de l'engagement associatif. Le récit d'Évelyne C. ainsi que sa participation au groupe de parole de l'association révèlent à la fois son inquiétude face à l'état de santé de sa fille et à la fragilité de son existence mise à mal par le virus, et sa propre souffrance face à l'expérience affective du VIH que l'on perçoit notamment au travers des mentions à l'isolement et à l'impuissance. L'expérience affective du VIH renvoie ainsi à l'identification de deux types de situations de vulnérabilité individuelles, celle de la personne malade et celle de son accompagnant, que le soutien associatif permet d'atténuer. Ainsi Évelyne C., intégrant tout d'abord le collectif en tant qu'usagère, deviendra rapidement bénévole au sein de l'équipe des visiteuses hospitalières.

Les itinéraires associatifs des aidantes vivant avec le VIH suivent cette même logique. L'analyse de deux trajectoires permet d'affiner l'étude de ce phénomène. Le premier cas de figure est celui de femme découvrant leur statut sérologique au cours des années 1980, alors qu'elles résident en France. Arrivées dix ans plus tôt pour suivre des études ou accompagner leur conjoint, elles jouissent d'une situation administrative régulière et sont bien insérées - socialement et professionnellement - dans la société française au moment de l'annonce de leur séropositivité. La découverte du VIH va provoquer une rupture de leur équilibre biographique en les plongeant dans le temps de l'incertitude. Cette temporalité particulière - l'incertitude - renvoie pour ces femmes à l'absence de maîtrise thérapeutique du VIH. Les premiers traitements antirétroviraux arrivent en effet en France en 1996. Jusque là, les manifestations physiques de la pathologie et sa probable évolution vers la mort, sans aucune certitude temporelle, sont les seules données dont disposent les personnes découvrant leur séropositivité. La distinction entre séropositivité au VIH et sida n'est alors pas encore clairement intégrée. Hortense W. est l'une des aidantes répondant à ce profil. Engagée dans une association de première génération (Barbot, 2002) au début des années 1990, elle fonde une décennie plus tard sa propre structure. Arrivée en France au début des années 1980 avec son époux et ses enfants afin de poursuivre un projet d'études, Hortense W. rêve ce voyage depuis l'enfance. Née sous l'Empire colonial au début des années 1950 de parents fonctionnaires, elle envisage alors son séjour en France comme un temps intermédiaire de formation et d'apprentissage,

« (…) un pays où on allait pour apprendre donc pour le savoir intellectuel, les études. Voilà, faire des bonnes et des hautes études pour pouvoir rentrer chez nous travailler, se préparer à retourner définitivement » (Hortense W., 62 ans, aidante associative, séropositive au VIH).

C'est à l'occasion d'une nouvelle grossesse qu'elle découvrira son statut sérologique. Dépistée sans être consultée « parce qu'[elle] fai[t] partie d'un groupe à risque », à une époque

où « il n'y avait pas beaucoup de femmes », cette annonce fera l'effet d'une bombe, ses projets de retours devenant irréalisables et son équilibre conjugal s'écroulant. Éduquée dans la foi catholique, elle dit méconnaître les questions relatives à la sexualité bien qu'elle soit mère de plusieurs enfants.

« J'étais pas au courant qu'est-ce-que c'était une IST et surtout l'homosexualité. Je savais vaguement mais très peu. Moi l'homosexualité je ne savais pas. Et, comme à l'époque, c'était dit que c'était un cancer gay, là ça m'a beaucoup perturbé parce que j'ai cru que j'étais homosexuel (...) donc que moi, j'étais quelque part un garçon. Et ça m'effrayait beaucoup parce que du coup, (...) j'avais fait des enfants et que j'avais la maladie des gays. Donc ça, ça a été très difficile et au fait, j'ai été beaucoup isolée par manque d'informations.» (Hortense W., Ibid.)

L'expérience directe du VIH dans les premiers temps de l'épidémie provoque pour Hortense W. un ébranlement de sa vie biologique comme de son existence sociale. À l'incertitude thérapeutique vient s'ajouter un questionnement identitaire ici présenté comme résultant de l'absence de toute forme de socialisation préalable aux questions de sexualité. L'histoire d'Hortense W. souligne combien la sexualité peut traditionnellement être éloignée d'univers féminins centrés sur la fécondité, comme dans le cadre d'une socialisation religieuse. L'incertitude constitue pour Hortense W. le facteur principal d'identification de sa propre vulnérabilité face à la vie. Par le biais de son médecin, elle prend connaissance de l'existence d'un collectif de soutien aux personnes infectées qu'elle contacte, animée par le « désir de voir grandir [s]es enfants ». Elle participe alors aux premiers groupes de parole ouverts pour les femmes puis en devient progressivement co-animatrice, et s'investit en parallèle dans le groupe « migrants ». Les autres femmes de l'association l'encouragent à « retourner dans sa communauté » pour « faire changer les mentalités » car Hortense W. déplore le tabou et les « fausses-croyances » qui entourent le VIH parmi les populations d’Afrique Subsaharienne. Très croyante et ne trouvant pas dans l'association d'espace où pratiquer sa foi, elle décide de « réunir, rencontrer d'abord les femmes touchées qui [ont] une recherche spirituelle » tout en poursuivant pendant plus de dix ans son travail bénévole. L'obtention de subventions lui permettra progressivement d'enrichir l'offre d'activités proposées aux femmes du groupe de prière et d'officialiser son initiative en fondant une structure dédiée au soutien des « femmes migrantes » vivant avec le VIH.

Le second cas de figure concerne les femmes dépistées en Afrique, au cours des années 1990-2000, suite au décès de leurs conjoints ou à l'occasion d'une grossesse alors qu'elles mènent une vie professionnelle et familiale confortable dans leur pays d'origine. Comme pour les femmes dépistées en France, elles s'engagent dans leur pays dans le soutien aux personnes

infectées pour atténuer le temps de l'incertitude auquel elles sont confrontées en l'absence d'informations et de perspectives thérapeutiques. Née française avant la chute de l'Empire colonial dans un pays d'Afrique Centrale, Marie-Françoise B. réalise un séjour d'étude en France à la fin des années soixante-dix, à l'issue duquel elle rentre au pays, fonde une famille et occupe un emploi dans le secteur social. Son époux est assassiné pour des raisons politiques, au début des années 1990. C'est suite à ce décès que Marie-Françoise B., prise d'une toux persistante, sera dépistée séropositive au VIH.

« On m'a fait le test sans mon consentement, à l'époque j'étais naïve. Mais c'est mon action militante qui m'a permis de connaître tout ça. Donc j'ai été voir le médecin, il m'a fait une prise de sang. (...) Quand j'ai été chercher les résultats, je sentais que le médecin n'osait pas me dire, il tournait autour du pot. Donc à un moment, comme ça sans même y penser, spontanément, je lui ai dit « Docteur, même si c'est le sida s'il vous plaît dites-le-moi ! » Mais je ne pensais vraiment pas, j'ai dit ça comme ça. Et là, c'est comme s'il avait pris du courage, alors il m'a dit que c'était un petit microbe qui pouvait donner le sida mais il m'a pas dit que c'était le sida ». (Marie- Françoise B., 65 ans, aidante associative, séropositive au VIH)

Marie-Françoise B. découvre sa séropositivité à une époque où le sida fait des ravages en Afrique et est alors associé aux pratiques déviantes.

« J'entendais parler du sida dans les média mais je ne pensais pas que ça pouvait m'arriver. On était marié, on représentait un couple « exemplaire ». On avait déjà une fille et puis mon mari m'aimait, il ne pouvait pas me tromper. À l'époque, on reléguait ça aux personnes qui n'avaient pas d'hygiène, qui utilisaient des objets souillés donc je ne pensais pas que ça pouvait m'arriver. (...) Quand je suis partie après cette annonce, sur le chemin du retour j'ai failli perdre la tête. Je ne me rendais même pas compte qu'il y avait des voitures, j'aurais pu mourir sur le chemin, j'avais perdu la tête. Je pleurais, je pleurais! Quand je suis arrivée à la maison, ma mère m'a demandé "qu'est-ce que tu as ?" J'ai dit que j'ai le sida. À l'époque je ne connaissais pas la différence entre sida et VIH, séropositif, les microbes, tout ça. Alors quand j'ai fait l'annonce à ma famille, ça a été une veillée de larmes. "Mais comment c'est possible ? Comment ça a pu t'arriver à toi ?! Tu es mariée ?!"» (Marie-Françoise B., Ibid.)

Ignorant comment faire face à ce diagnostic, elle s'en remet au médecin qui, faute de traitements, l'oriente vers un tradipraticien. S'en suit alors une cascade de tisanes et autres remèdes qui ne concourent qu'à dégrader son état de santé. Désespérée, elle se confie alors à une amie qui l'orientera vers l’hôpital.

« J'ai rencontré une personne, on a eu un entretien où je lui ai fait le récit de ce que j'avais traversé et il m'a orienté vers l'unité de l'hôpital où j'allais être prise en charge. Comme j'étais très motivée et que je ne voulais pas que les gens qui découvraient leur séropositivité passent par

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