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4.2 Démarche de conception architecturale

4.2.4 Retour sur la respiration

Nous allons nous intéresser et mettre en exergue un aspect significatif de la conception architecturale, son côté respirant. La démarche de conception architecturale (cf. figure 4.6 page 151) vise à atteindre un point de convergence, c.-à-d. un état critique des modèles manipulés ayant atteint un niveau de qualité voulu. Ce processus de convergence est itératif. Chaque itération donne lieu à une ou plusieurs respirations. La figure ci-après replace ces différentes notions de convergence, itérations et respirations illustrées dans le cas d’une convergence monotone.

temps Qualité état initial état intermédiaire état critique itération 1 itération 2 itération 3 itération 4 itération 5

Qcrit

Point de convergence

Respiration(s)

Figure 4.11: Convergence, itérations et respiration

Pouvons-nous trouver des formes canoniques de ces respirations ? Deux formes classiques peuvent prétendre à être candidates : la boucle PDSA et la boucle OODA.

Encart 4.2 [le cycle PDSA]

Le cycle PDSA (une évolution de la roue de Deming), souvent confondu avec le PDCA de Ishikawa (déclinaison japonaise de la roue de Deming) est un cycle d’amélioration continue qui trouve sa source dans les travaux de Shewhart ([MN10]). Voir figure ci- après.

Figure 4.12:Évolution de la méthode scientifique et cycle PDSA

(d’après[MN10])

Deming chercha à introduire une approche et une méthode scientifique à la résolu- tion de problèmes dans le domaine industriel. Sa démarche de résolution de problème reste aujourd’hui une des plus populaires et se retrouve comme outil de base dans de nombreuses approches (amélioration continue, lean. . . ). Elle joue principalement sur la complémentarité et l’interaction entre déduction et induction.

Figure 4.13:Le cycle PDSA

Nous ne retiendrons pas ce cycle comme étant une forme canonique d’une respiration pour deux raisons majeures. Premièrement, il s’agit principalement d’une démarche de résolution de problèmes. Or, et c’est un de nos postulats de départ, la démarche de conception architecturale n’en est pas une. Deuxièmement, elle est essentiellement basée sur le couple (induction, déduction) alors que nous avons posé l’inférence abductive comme étant l’inférence majeure dans la démarche de conception architecturale.

Encart 4.3 [la boucle OODA]

La boucle OODA (Observe - Orient - Decide - Act) est une approche pour prendre des décisions dans l’incertain. Elle a été développée par John Boyd, un colonel, stratège militaire, de l’armée de l’air des États-Unis, qui combattit durant la guerre de Corée. Il fut un des premiers à formaliser les tactiques de combat en se basant sur un schéma conceptuel : la boucle OODA.

Figure 4.14: Le cycle OODA

Depuis, elle s’est diffusée dans de nombreux domaines, ne se restreignant pas à un outil d’aide, voire proposant une démarche complète de prise de décision. Elle peut également être vue comme un processus d’apprentissage, une manière d’avancer dans l’inconnu et d’affronter l’incertain. La boucle initiale a été complétée et détaillée par Boyd pour aboutir au schéma ci-après.

Figure 4.15:Schéma complété de la boucle OODA de Boyd

La boucle OODA semble être une meilleure candidate dans le cadre de la conception architecturale. Elle possède quelques caractéristiques plus adéquates à notre propos. Elle est une démarche que nous pourrions qualifier de située, l’interprétation (ou la perception) du monde (l’étape d’orientation) étant relative à un certain nombre de facteurs liés aux acteurs, leurs origines, leurs expériences, à la situation. . . La décision

dans le modèle de Boyd est imparfaite et il rajoute entre parenthèses le terme d’hypothèse. Elle est fondée sur une observation et orientation qui sont incomplètes, et incertaines. Cela nous rapproche d’une inférence abductive que nous avons mise en exergue dans la démarche de conception architecturale.

En revanche le périmètre d’application semble trop large pour s’appliquer à la granularité d’une respi- ration d’un modèle. Nous pourrions cependant trouver une analogie, probablement grossière, avec notre niveau général du processus, et ainsi interpréter ce niveau général de conception architectural par le prisme de la boucle OODA. Cela pourrait donner l’analogie suivante :

• Observe & Orient(partiellement) ↔

PRO Perception ;

• Orient(partiellement) & Decide ↔ PRO Élaboration ;

• Act ↔ ACT Évaluation.

En ce sens, la boucle OODA, surtout dans sa version complétée et détaillée qui indique les interactions et rebouclages entre les différentes activités, pourrait devenir une source d’inspiration pour la synchronisation entre les différentes activités de la conception architecturale.

Ayant évacué deux formes classiques, vers quelle autre forme pouvons-nous nous tourner ? Le couple et l’enchaînement divergence/convergence apparaissent comme une forme récurrente, voire peut-être même archétypale (cf. section 1.3 page 14). Nous allons la trouver dans l’ouvrage Gamestorming [GBM10] : cet ouvrage propose une collection d’outils et méthodes plus ou moins connues (comme le SWOT, les 5W. . . ) qu’il revisite en proposant de les pratiquer sous forme de jeux collectifs. Dans le chapitre où les auteurs expliquent comment concevoir de tels jeux, ils utilisent un motif amélioré de divergence/convergence que nous allons reprendre à notre compte.

Encart 4.4 [Conception de jeux]

Pour les auteurs de Gamestorming [GBM10], un jeu est une manière efficace pour atteindre collectivement une cible donnée à partir d’un point de départ. La forme générale est celle, selon leurs dires, d’un crayon taillé des deux côtés. Cette forme indique 3 étapes, ou actes dans le déroulé d’un jeu.

Acte 1 : L’ouverture, acte dans lequel ouvrir son esprit, comme ouvrir les possibles doit

amener le maximum d’idées. Ce temps n’est pas celui de la pensée critique, ou du scepticisme. Le maître-mot pour l’ouverture est divergence.

Acte 2 : L’exploration, au cours de laquelle les idées générées doivent maintenant être

mises au défi. Il faut les tester, les évaluer, les combiner, les classer de manière à faire surgir la plus-value. Le maître-mot pour l’exploration est émergence.

Acte 3 : La fermeture, acte où les décisions sont prises (qu’est-ce que nous gardons,

qu’est que nous rejetons ?), et les conclusions érigées. C’est à ce moment que doivent réapparaître l’esprit critique et l’esprit de synthèse. Le maître-mot pour la fermeture est convergence.

Figure 4.16:La conception et la forme d’un gamestorming (extrait de [GBM10])

En s’inspirant de ce motif et le déclinant sur une respiration d’un processus élémentaire de la conception sur un modèle, cela nous donne l’enchaînement suivant :

• l’ouverture (l’inspiration) se traduit par une action d’expansion sur le modèle concerné ;

• l’exploration se traduit par une combinaison d’actions du genre reformulation, évolution ou transfor- mation, ce que nous avions généralisé sous le terme de modification ;

• la fermeture (l’expiration) se traduit par une action de contraction sur le modèle concerné.

Cela nous donne le profil d’évolution de la surface d’un modèle, lors d’une respiration, représenté par la figure ci-après.

´

etatk ´etatk+1

Divergence Émergence Convergence

Expansion Modification Contraction

Surface(Mik) Surface(Mik+1)

Surface0(Mi k+1)

Surface(Mi (t))

Figure 4.17:Respiration basique

Nous remarquons qu’à la suite de cette respiration, ou d’une suite de respirations formant une itération de la conception architecturale, la surface du modèle a soit augmenté, soit diminué. Cela nous permet de compléter la caractérisation de l’effet d’un processus élémentaire de la conception initié précédemment (cf. 4.3 page 140), avec les définitions suivantes.

. Définition 4.10 [Effet d’un processus élémentaire de conception (2/2)] Soit Pi un processus élémentaire de la conception agissant sur le modèle Mi , avec i ∈ [1..7]. L’effet de la transition de Mik vers Mik+1, résultat de l’exécution de ce processus Pi , sera dit :

• expansif, si et seulement si surface(Mik+1) > surface(Mik) • restrictif, si et seulement si surface(Mik+1) < surface(Mik) • stable, si et seulement si surface(Mik+1) = surface(Mik)