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Une approche paradigmatique de la conception architecturale des systèmes artificiels complexes

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Academic year: 2021

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Submitted on 29 Jan 2019

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architecturale des systèmes artificiels complexes

Jean-Luc Wippler

To cite this version:

Jean-Luc Wippler. Une approche paradigmatique de la conception architecturale des systèmes arti-ficiels complexes. Autre [cs.OH]. Université Paris-Saclay, 2018. Français. �NNT : 2018SACLX083�. �tel-01997661�

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NNT

:

2018SA

CLX083

architecturale des systèmes artificiels

complexes

Thèse de doctorat de l’Université Paris-Saclay

préparée à l’École Polytechnique École doctorale n◦580 Sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC)

Spécialité de doctorat : Informatique

Thèse présentée à Palaiseau, le 19 novembre 2018, par

Mr. Jean-Luc Wippler

Composition du Jury :

Mr. Vincent Chapurlat

Professeur, IMT Mines Alès Président

Mme. Claude Baron

Professeur des universités, INSA Toulouse Rapporteur

Mr. Eric Bonjour

Professeur des universités, Université de Lorraine, ENSGSI Rapporteur Mme. Marija Jankovic

Professeur associé, CentraleSupélec Examinateur

Mr. Olivier de Weck

Professeur, Massachusetts Institute of Technology Examinateur

Mr. Eric Goubault

Professeur, École Polytechnique Examinateur

Mr. Dominique Luzeaux

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architecturale des systèmes artificiels complexes

Jean-Luc Wippler

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Certaines images utilisées dans ce manuscrit sont protégées par une licence c (Creative Commons). Plus particulièrement :

b Gan Khoon Lay. b Lluisa Iborra.

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cui rifulge la perfezione e la proporzione di tutte le sue membra. E sia lodate il Creatore Nostro che, come dice Agostino, ha stabilito tutte le cose in numero, peso e misura.»

« Car l’architecture est, d’entre tous les arts, celui qui cherche avec le plus de hardiesse à reproduire dans son rythme l’ordre de l’univers, que les anciens appelaient kosmos, à savoir orné, dans la mesure où elle est comme un grand animal sur lequel resplendit la perfection et la proportion de tous ses membres. Et soit loué Notre Créateur qui, comme disent les Écritures, a établi toutes les choses en nombre, poids et mesure. » (traduit de l’italien par Jean-Noël Schifano)

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D’aucun disent qu’il s’agit de la partie la plus lue d’un manuscrit de thèse, et recommandent d’habi-lement peaufiner cette indispensable prose. Alors allons-y pour quelques flagorneries, flatteuses mais non obséquieuses, de circonstances.

Merci à Dominique, mon directeur de thèse qui est parvenu à me supporter pendant cette aventure. Je ne vais pas énumérer la liste interminable de ses savoirs et savoir-faire qui ont contribué à mes travaux. Dans la multitude de ses facilités, je ne citerais que sa capacité à maîtriser les langues étrangères, allant du simple allemand ou anglais, jusqu’au latin ou à l’égyptien hiéroglyphique (sic !) en passant par l’occitan ou le suédois. Alors je lui lance le défi de reconnaître les soixante différentes langues dans lesquelles je lui dis : merci !

Grazie, diolch, ευχαριστώ, dankon, mercé, mauruuru, dziękuję, takk, dhanyabad, благодарам, rahmat ou Рахмат, kia ora, köszönöm, hvala ou хвала, 謝謝, tangio tumas, waad mahadsantahay, trugarez (ou trugéré ou trugaré), go raibh maith agat, tapadh leat, spas, tashakor, motashakkeram, fofo, gràcies, gratias ago, бузныг, a dank, tualumba, terima kasih, takk fyri, chnorakaloutioun, faleminderit, natôtela, mèsi, kiitos, matôndo, marahaba, welalin, Баярлалаа, teşekkür ederim, giitu, faafetai lava, a˘ci¯u, murakoze, gha-ana, gadda gey, bedankt, paldies, niżżik ¯hajr, спасибо, dákujem, d˘ekuji, Баркал, sulpaáy, mulţumesc, jërëjëf, wado, akiba, danke

Merci à Vincent, car il est coupable. Coupable de m’avoir convaincu, au fil de nos discussions et de nos échanges, de me lancer dans cette aventure malgré mon âge quelque peu avancé.

Merci à Thierry. Les longues discussions lors de nos libations houblonesques n’ont pas réussi à épuiser le paradigme FCF d’E. Crawley dont il sera question dans ce manuscrit.

Merci à Saint Jérôme dont une magnifique gravure siège au-dessus du bureau sur lequel j’ai passé le plus clair du temps consacré à la rédaction de ce manuscrit. Je veux croire qu’un des premiers docteurs de l’histoire m’aura inspiré.

Merci à Guillaume de m’avoir éclairé et suggéré de me tourner vers saint Augustin, alors que j’étais embarrassé et confus quant à la notion de temps si primordiale en architecture.

Merci à Claude, Daniel et Nabil de m’avoir fait confiance en me confiant quelques vacations dans des cycles ingénieurs où il était question de. . . conception architecturale.

Et surtout merci à Élisa d’avoir cru en moi et de m’avoir soutenu tout au long de cette aventure.

Et puis, merci à : AC/DC, Bryan Adams, Adele, Bernard Allison, Art of Noise, B 52’s, Bach, The Bangles, The Beach Boys, Beethoven, Georges Benson, Michel Berger, Birdy, The Black Keys, The Blues Brothers, Boccherini, Michael Bolton, Joe Bonamassa, Brahms, Loonie Brooks, J.J. Cale, John Campbell, Owen Campbell, Jean-Patrick Capdevielle, Chicago, Chopin, Poppa Chubby, Eric Clapton, Gary Clark, Jr., The Clash, Joe Cocker, Coldplay, Lloyd Cole and the Commotions, Paolo Conte, Ry Cooder, Beverley Craven, The Cranberries (RIP Dolores O’Riordan), Creedence Clearwater Revival, Christopher Cross, The Crystal Method, Dead can dance, Depeche Mode, Bill Deraime, Dire Straits, The Doors, Doves, Dvořák, Bob Dylan, Eagles, Enya, Evanescence, Donald Fagen, Dr. Feelgood, Fleetwood Mac, Dan Fogelberg, John Fogerty, Robben Ford, Michael Franks, Franz Ferdinand, Peter Gabriel, Serge Gainsbourg, Gilberto Gil, Grieg, Buddy Guy, Haendel, Johnny Hallyday, Haydn, Heart, Jimmi Hendrix, John Lee Hooker, Billy Idol, Indochine, The Inmates, Chris Isaak, Jamiroquai, Jarabe de Palo, Al Jarreau, Jason and the Scor-chers, Michael Johnson, Rickie Lee Jones, BB King, The Kinsey Report, Kraftwerk, Bill LaBounty, Jonny Lang, Bernard Lavilliers, Led Zeppelin, Level 42, Liszt, M, Michael Mc Donald, Loonie Mack, Malher, Mano Negra, Marilyn Manson, Bob Marley, Maurane, John Cougar Mellencamp, Metallica, Mike + The Mechanics, Mr. Mister, Eddy Mitchell, Gary Moore, Alannah Myles, Les Negresses Vertes, Nickelback, Stevie Nicks, Nightwish, Nirvana, No Doubt, Pachelbel, The Alan Parsons project, Laura Pausini, Per-golese, Paul Personne, Lucky Peterson, Pink Floyd, Police, The Pretty Reckless, Prokofiev, Quaterflash,

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Scalarti, Schubert, Schumman, Beverly Jo Scott, The Silencers, Simple Minds, Steely Dan, Sting, Selah Sue, Big Ed Sullivan, Supertramp, Hound Dog Taylor, Koko Taylor, Téléphone, Texas, Georges Thorogood and the Destroyers, Rob Tognoni, Toto, TriggerFinger, KT Tunstall, Stevie Ray Vaughan and the Double Trouble, Verdi, Vivaldi, VRP, Wanton Bishops, Muddy Waters, Tonny Joe White, David Wilcox, Bruce Willis, Johnny Winter, Steve Winwood, Stevie Wonder, Neil Young, Zucchero Sugar Fornaciari, et ZZTop pour m’avoir musicalement accompagné durant la rédaction de mon manuscrit.

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Remerciements vii

Table des définitions xiii

1 Prolégomènes 1

1.1 Système . . . 2

1.2 Architecture . . . 4

1.2.1 Première approche . . . 4

1.2.2 Recherche plus étendue . . . 6

1.2.3 Étude synonymique . . . 7

1.3 Conception . . . 14

1.3.1 Où la situer ? . . . 14

1.3.2 Des définitions et des modèles . . . 18

1.3.3 Synthèse . . . 42

2 Faire émerger la conception architecturale 45 2.1 Le contexte initial : l’ingénierie système . . . 46

2.1.1 Historique . . . 46

2.1.2 Tentatives de définition . . . 50

2.1.3 Particularités . . . 53

2.2 Ingénierie et Architecture . . . 55

2.2.1 Système et Architecture . . . 55

2.2.2 Faire de l’ingénierie et architecturer . . . 56

2.3 Distinguer l’architecture . . . 59

2.3.1 Décisions architecturales . . . 59

2.3.2 Les modes de raisonnement de l’architecte . . . 62

2.3.3 Complexité et nécessité de l’architecture . . . 65

2.4 Viser un paradigme de la conception architecturale . . . 70

2.4.1 Des défis . . . 70

2.4.2 Des bénéfices . . . 72

2.4.3 Une démarche . . . 73

3 Construire un paradigme de la conception architecturale 75 3.1 Le paradigme FCF d’E. Crawley . . . 76

3.1.1 La fonction . . . 76

3.1.2 Le concept . . . 81

3.1.3 La forme . . . 83

3.1.4 Critique du FCF d’E. Crawley . . . 84

(13)

3.2.3 Critique du FBS de J. Gero et ses extensions . . . 93

3.3 Première bissociation : FCF ⊕ FBS . . . 97

3.3.1 Paradigme simplifié . . . 97

3.3.2 Paradigme augmenté . . . 102

3.4 Le paradigme (analytico)systémique de D. Claeys . . . 107

3.5 Deuxième bissociation : GC3FB2⊕ Paradigme (analytico)systémique de D. Claeys . . . 117

3.5.1 Tempus rerum imperator . . . . 118

3.5.2 Les différents espaces . . . 119

3.5.3 L’architecte : observateur et acteur . . . 120

3.5.4 Processus et opérations . . . 120

3.6 Synthèse . . . 122

4 Définir une démarche de la conception architecturale 127 4.1 Fondements . . . 128

4.1.1 Nature et fonction des éléments . . . 128

4.1.2 Espaces . . . 129 4.1.3 Modèles . . . 132 4.1.4 Modèles et espaces . . . 134 4.1.5 Modèles et temps . . . 137 4.1.6 Modèles et qualité . . . 138 4.1.7 Modèles et organisation . . . 141 4.1.8 Processus et opérations . . . 144 4.1.9 Processus et modèles . . . 145

4.2 Démarche de conception architecturale . . . 146

4.2.1 Conceptualisation . . . 146

4.2.2 Archétype de la conception architecturale . . . 147

4.2.3 Niveau général . . . 150

4.2.4 Retour sur la respiration . . . 156

4.2.5 Niveau particulier . . . 161

4.3 Synthèse . . . 172

5 Appliquer : Safe City 175 5.1 Vers une ville plus sûre . . . . 176

5.1.1 Le défi d’une ville plus sûre . . . . 176

5.1.2 Aborder la conception architecturale d’une ville plus sûre . . . . 177

5.2 Mise en œuvre des différents PRO Processus . . . 178

5.2.1 PRO Cadrage/Pilotage . . . 178 5.2.2 PRO Désignation . . . 180 5.2.3 PRO Contextualisation . . . 183 5.2.4 PRO Détermination . . . 188 5.2.5 PRO Clarification . . . 191 5.2.6 PRO Prospection . . . 194

5.3 Synthèse et conclusion : démarche de conception architecturale . . . 196

6 Conclusion et perspectives 199

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A.2 Frises thématiques . . . 215

B Compléments sur la forme 219 B.1 Décomposition structurelle et organisation . . . 220

B.1.1 Les trois P . . . . 220

B.1.2 Organisation récursive en sous-systèmes . . . 220

B.1.3 Holarchie . . . 224

B.1.4 Synthèse sur la structure de la forme . . . 226

B.2 Liens et relations . . . 226

B.2.1 Lien . . . 226

B.2.2 Relation . . . 227

C Description d’architecture 229 C.1 Objectifs d’une description de l’architecture . . . 230

C.2 Comment représenter une architecture ? . . . 231

C.3 Cadres d’architecture . . . 235

C.4 Élargir nos modes de représentation . . . 237

D Analyses lexicographique et sémantique 239 D.1 Système . . . 240 D.2 Architecture . . . 246 D.3 Conception . . . 250 D.4 Contexte . . . 253 D.5 But . . . 256 D.6 Capacité . . . 259 D.7 Forme . . . 263 D.8 Comportement . . . 269 D.9 Concept . . . 272 Bibliographie 275

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1.1 Architecture ' Vision . . . 5

1.2 Architecture ' Hypothèse . . . 7

1.3 Architecture ' Vision . . . 8

1.4 Architecture ' Contradiction surmontée . . . 11

3.1 Architecture (E. Crawley) . . . 76

3.2 Principe morphogénétique . . . 82

3.3 Principe exégétique . . . 82

3.4 Principe synchronique . . . 82

3.5 Principe diachronique . . . 83

3.6 Forme (E. Crawley) . . . 83

3.7 Architecture (premier paradigme simplifié) . . . 97

3.8 Architecture (paradigme augmenté) . . . 103

4.1 Processus élémentaire de la conception . . . 129

4.2 Définir la qualité d’un modèle . . . 140

4.3 Effet d’un processus élémentaire de conception (1/2) . . . 140

4.4 Ensemble des artefacts d’un modèle . . . 142

4.5 Surface d’un modèle . . . 142

4.6 Ensemble des attributs caractérisant les artéfacts d’un modèle . . . 142

4.7 Dimensions d’un modèle . . . 143

4.8 Archétype de la conception architecturale . . . 148

4.9 Convergence de la conception architecturale . . . 149

4.10 Effet d’un processus élémentaire de conception (2/2) . . . 161

4.11 Contour surfacique d’un modèle . . . 161

4.12 Contour dimensionnel d’un modèle . . . 163

B.1 Système (selon M. Bunge) . . . 222

B.2 Sous-système (selon M. Bunge) . . . 222

B.3 Système . . . 223 B.4 Sous-système . . . 223 C.1 Principe d’abstraction . . . 232 C.2 Principe de raffinement . . . 233 C.3 Principe de filtrage . . . 233 C.4 Principe partitif . . . 233 C.5 Principe restrictif . . . 234 C.6 Carte locale . . . 234 C.7 Atlas . . . 234

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Prolégomènes

« Les systèmes sont les fictions du génie de chaque philosophe. » Sénèque

Quelques concepts clés de cette thèse méritent que nous leur consacrions un examen préliminaire assez approfondi.

En nous plaçant dans le champ des systèmes artificiels complexes, nous rappellerons brièvement cette notion abstraite de système.

En focalisant notre thèse sur la conception architecturale, les notions clés d’architecture et de conception se doivent de faire l’objet d’une attention toute particulière, d’autant plus que parfois ces notions sont opposées1. Convenons pour notre part que le terme d’architecture, d’origine ancienne étant avant tout relatif aux édifices, son usage dans le domaine des systèmes artificiels complexes dépasse largement le simple recours à l’analogie ou la métonymie. Nous explorerons diverses interprétations de cette notion d’architecture et mettrons en avant son caractère polysémique.

La démarche de conception n’est pas propre à un domaine particulier, même si le terme anglo-saxon de design peut prêter à confusion : démarche ou domaine ? Si le champ de la conception architecturale des systèmes artificiels complexes reste largement à défricher, il n’en est rien pour d’autres domaines. Sans nous éparpiller plus que de raison, nous concentrerons notre effort à rassembler, puis synthétiser les contributions en matière de démarche de conception essentiellement dans les domaines de la conception de produits ou de systèmes. Notre exploration s’étalera du début des années soixante à nos jours. Notre posture systémique permettra d’en dégager des principes qui seront applicables à notre contexte.

Sommaire

1.1 Système . . . 2 1.2 Architecture . . . 4 1.3 Conception . . . 14

1. La récente révision du standard phare en ingénierie des systèmes [ISO15] a remplacé le sous-processus d’«architecural design»(une traduction anglo-saxonne possible de conception architecturale) par deux sous-processus séparés «architecture definition» et «design definition». Ce terme d’«architectural design» tend à être écarté des publications officielles de la communauté d’ingénierie des systèmes..

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1.1

Système

La notion de système est une notion très ancienne (philosophie, métaphysique. . . ). Elle a donné lieu à l’approche systémique : étude des modèles et des principes abstraits d’organisation du monde et de ses phénomènes, dans une approche indépendante de la nature physique des entités constituantes2.

Il y a maintes définitions du terme et du concept de système. Le terme a d’ailleurs tendance à être utilisé à toutes les sauces. Le lecteur pourra se reporter à l’annexe traitant des analyses lexicographique et sémantique des termes clés de ce manuscrit pour davantage de détails sur le terme système et explorer la variété des usages (cf. annexe D.1 page 240). Les théories systémiques et plus particulièrement la théorie générale du système de Ludwig Von Bertalanffy [Ber50, Ber69], et tous ceux qui vont lui succéder, sont des tentatives pour donner une sémantique plus précise à cette notion de système.

La norme ISO/IEC/IEEE 15288 :2015 définit un système comme “A combination of interacting system elements organized to achieve one or more stated purposes” [ISO15], définition équivalente à la définition de Joël de Rosnay « un ensemble d’éléments, en interaction dynamique, organisés en fonction des buts » [dR77]. Nous pouvons également la rapprocher de la définition de Jean-Louis Le Moigne : « Quelque chose qui fait quelque chose (activité = fonction) et qui est doté d’une structure, qui évolue dans le temps, dans quelque chose (environnement) pour quelque chose (finalité) » [LM90].

La définition de Joël de Rosnay condense en une seule phrase les aspects essentiels de cette notion de système :

Aspect téléologique Le système sert à quelque chose, il tend vers un but.

Aspect structurel Le système n’est pas réduit à un seul élément ou à un simple tas (ensemble) d’élément, mais un ensemble d’éléments reliés, organisés entre eux. Notons que la définition de Jean-Louis Le Moigne apporte un aspect complémentaire en déclarant le caractère dynamique de la structure.

Aspect

comportemental

Les éléments constitutifs d’un système interagissent entre eux pour produire un(des) comportement(s) (émergence) censé(s) tendre vers le but. C’est là une des différences fondamentales entre l’approche systémique qui se concentre sur les interactions entre les éléments en considérant les effets de ces interactions, et l’approche analytique qui est isolationniste en considérant les éléments un à un, et en ne s’intéressant qu’aux types ou catégories d’interactions entre ces éléments.

Premières caractéristiques essentielles :

Non-séparabilité Un système n’est pas un ermite ! Il ne vit jamais tout seul, il évolue dans un contexte environnant, il interagit avec d’autres systèmes. Il n’est donc jamais isolé. Un élément n’ayant de relations ou d’interactions avec aucun autre ne peut donc constituer a priori3 un système. Notons que cet environnement du système peut évoluer dans le temps (dynamique du contexte).

2. Les paradigmes de la systémique ont évolué au cours du temps : abandon du paradigme cartésien, au profit d’un paradigme cybernétique dans les années 40 (systèmes régulés), le plus répandu, et de ses diverses variantes, puis évolution vers des paradigmes téléonomique (systèmes finalisés) voire téléologique (systèmes évolutifs, intégrants et pouvant transformer leur propre finalité).

3. Si l’on exclut le système vide – qui ne présente que peu d’intérêt dans notre manuscrit – ou l’univers tout entier – hors du champ des systèmes artificiels complexes de ce manuscrit –).

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Non-additivité Un système ne peut être réductible à la seule somme (ou réunion) de ses éléments constitutifs. Suivant la célèbre maxime d’Aristote, tirée de la Métaphysique, « la tota-lité est plus que la somme des parties ». Certaines propriétés du tout ne peuvent pas être déterminées par la seule connaissance des propriétés de chacun des éléments (et leur simple combinaison additive), mais s’appuient également sur les interactions qui existent entre ces divers éléments. L’exemple classique est celui de la masse réelle d’un noyau d’un atome qui est toujours inférieure à la somme des masses de ses consti-tuants, le défaut de masse étant dans l’énergie de cohésion du noyau (ce qui lie les constituants entre eux). Précisons aussi que le tout peut être moins que la somme de ses parties, car la mise en relation des parties va supprimer certains degrés de liberté que ces parties étaient susceptibles d’avoir. En fait, la maxime d’Aristote doit être ici interprétée comme : « le tout est autre que la somme de ses parties ». Le célèbre article d’Anderson, More is different [And72] permet d’approfondir cette notion. Cohérence interne

et structuration

Un système possède sa propre structure : il est composé d’un certain nombre d’élé-ments entretenant des relations. L’ensemble de ces relations, certaines pouvant être statiques (ne changeant pas avec le temps), d’autres dynamiques (évoluant avec le temps), forme la structure du système. Un simple agrégat d’éléments ne constitue pas un système. En effet, les éléments du système forment un ensemble cohérent, et même si chacun de ces éléments peut être vu comme une simple parcelle du système, avec son identité propre (fonction, nature. . . ), il participe et contribue au but du système, via les relations qu’il entretient avec les autres éléments (et l’environnement). Frontière Ayant déterminé précédemment l’environnement avec lequel le système interagit, la

frontière est le lieu de séparation entre éléments internes et éléments externes. Cette frontière est perméable, le système interagissant avec des éléments externes par l’en-tremise d’interfaces. Elle est aussi mouvante, de par les évolutions du système et de son environnement (ce qui est aujourd’hui une composante externe peut être demain interne, et réciproquement).

Finalité Sans rentrer dans un débat philosophique sur la différence entre téléologie et téléono-mie, il convient de souligner l’importance de la finalité dans la définition du système.

Nous pouvons condenser tout cela en l’aphorisme suivant :

! Point important 1.1 [Un système est une émergence]

Le système est une émergence particulière. Quand des éléments sont structurés et composés entre eux au travers d’interactions, pour atteindre un but, ce qui émerge c’est un système.

(21)

Exemple

:

l’hôpital

Afin d’illustrer les notions introduites précédemment, prenons un hôpital comme exemple de système (cet exemple a été traité par l’auteur dans [LRW15]).

En tant que système il doit être considéré en relation avec d’autres éléments : les médecins, les urgentistes, les pompiers, les familles des patients, la sécurité sociale, l’état civil, les représentants des religions, les collectivités locales, des laboratoires d’analyse, des sociétés d’approvisionnement pharmaceutiques, des sociétés d’enlèvement et de traitement des déchets. . . Une ingénierie système d’un hôpital ne pourrait l’envisager comme étant un élément isolé.

Bien que l’hôpital soit constitué de différents services indépendants sur le plan organisationnel et ayant leur propre autonomie, son intelligibilité dans ses fonctions principales (prévention en termes de santé, qualité des soins aux patients, contribution à la garantie de sécurité sanitaire) ne peut se déduire de la seule énonciation ou compréhension des divers services constitutifs, mais bel et bien de la manière dont ceux-ci coopèrent.

Un hôpital possède une enceinte (frontière physique) qui marque une extension foncière ou territoriale du système, ainsi qu’un périmètre fonctionnel et de responsabilité dans la prise en charge des patients (frontière fonctionnelle et limite de responsabilité), un cadre légal et administratif (un hôpital est un établissement public de santé entrant dans la catégorie des établissements publics de l’État, employant un certain nombre de personnes sous différents statuts et contrats).

Un hôpital expose de nombreuses interfaces avec les entités externes avec lesquelles il interagit. Citons seulement à titre d’exemple l’interface (que nous connaissons bien sous le terme des urgences) entre l’hôpital et les services urgentistes, les pompiers ou les patients se présentant spontanément. Il s’agit d’un point de contact et de transfert du système ; c’est une des entremises pour entrer dans le système, le langage consacré parlant d’admission. Cette interface revêt plusieurs formes : à la fois physique (au travers d’un quai pour les véhicules d’intervention et de sas, ou de salles et de dispositifs pour l’accueil des blessés et malades), et à la fois protocolaire (protocole d’admission, protocole de sortie).

Au fur et à mesure des réformes de santé, les modalités d’accès à l’hôpital changent, le périmètre d’intervention évolue (fermeture ou ouverture de services), bref les moyens de réaliser la finalité évoluent.

1.2

Architecture

1.2.1 Première approche

La notion d’architecture est une notion très ancienne qui remonte à plusieurs millénaires. Imhotep (IIIe millénaire avant notre ère, crédité d’être l’inventeur des pyramides en pierres) est souvent considéré comme un des plus anciens architectes connus, et Vitruve (1ersiècle avant J.-C.) nous a laissé en héritage le premier

traité d’architecture connu [Vit15].

Nous nous efforcerons de vouloir donner une définition et signification formelle à ce concept d’ar-chitecture. D’emblée, restreignons-nous à notre domaine, celui de l’ingénierie des systèmes artificiels et identifions une ou des propositions adéquates. Commençons par les deux définitions suivantes qui ont une place particulière dans la littérature :

“Fundamental concepts or properties of a system in its environment embodied in its elements, relation-ships, and in the principles of its design and evolution.” [ISO11]

“The embodiment of concept, and the allocation of physical/informational function to elements of form, and definition of interfaces among the elements and with the surrounding context.” [Cra07]

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Nous reviendrons sur ces définitions de l’architecture, la dernière en particulier, dans les chapitres ultérieurs et la traduirons en un paradigme de l’architecture système.

D’après le dictionnaire de l’Académie française (cf. annexe D.2 page 246), nous retiendrons que le recours au terme d’architecture est un usage analogique et métonymique du vocable.

D’emblée, remarquons que ce substantif recouvre dans la langue française deux significations :

• l’architecture en tant que discipline4;

• une production intellectuelle, le résultat du travail de l’architecte5.

P. Boudon pointe cette différence fondamentale dans son approche épistémologique de l’espace archi-tectural : « La différence [. . . ] entre architecture comme terrain d’étude et architecture comme objet est donc une première distinction fondamentale à poser d’un point de vue épistémologique si l’on veut éviter la confusion des genres. » [Bou03]

Dans la suite, nous entendrons par architecture, le second signifié, à savoir une œuvre intellectuelle. Et dans ce cas, la question qui s’impose est : « En quoi consiste cette production ? », bref un premier pas vers son ontologie. Tentons une première esquisse.

Une architecture c’est la vision, la connaissance minimale à partager traduisant à la fois le cadrage de l’opportunité6 en question et son orientation. Une formulation de la raison d’être de l’architecture serait alors :

. Définition 1.1 [Architecture ' Vision]

Élaborer une architecture, c’est : « Cadrer l’opportunité, façonner le futur ». (“Frame the op-portunity, Shape the future” [LMW15])

De manière plus extensionnelle, le cadrage de l’opportunité comprendrait a minima les éléments de réponse à :

• Quels sont les enjeux ?

• Quelles sont les contraintes majeures et a minima de l’ensemble des différentes parties prenantes à considérer ?

• Quelles sont les tensions, les contradictions, les antagonismes, les ambiguïtés ? que révèle l’interpré-tation de la situation ?

4. Nous ne nous interrogerons pas sur le caractère de cette discipline dans ce manuscrit, et en particulier nous ne traiterons pas du caractère scientifique ou non. Nous renvoyons sur les divers ouvrages de P. Boudon [BDPS00, Bou03] qui a consacré une part importante de son travail à produire une épistémologie de l’architecture.

5. « Architecture is what architects do. » (Cedric Price).

6. Nous aurions pu utiliser plus classiquement le terme de problème. Nous avons intentionnellement choisi le terme d’op-portunité pour deux raisons. D’une part comme la définition d’une architecture implique, voire engage, un panel de parties prenantes assez vaste (dont le client et les usages, ou le marketing, la stratégie, la finance. . . ) cela donne une vision plus posi-tive. D’autre part, cela permet de ne pas d’emblée tomber dans le travers qui consisterait à réduire et cantonner la conception architecturale à une approche méthodologique de résolution de problèmes. « Architecture should have little to do with problem solving – rather it should create desirable conditions and opportunities hitherto thought impossible. » (Cedric Price, The square book) « So that is another rule for the whole nature of architecture : it must create new appetites, new hungers-not solve problems, architecture is too slow to solve problems. » (Cedric Price, Re : CP, ed. by Hans-Ulrich Obrist (Basel : Birkhäuser, 2003). p. 57.).

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• Que savons-nous ? • Que ne savons-nous pas ?

De même, l’orientation, la vision, l’idée d’un futur s’appuierait sur quelques propositions :

• Quels sont les grands principes, les grandes idées, les grands concepts qui pourraient/devraient diriger l’élaboration/le développement de la solution ?

• Pourquoi cette vision du futur est-elle ingénieuse, singulière, enthousiasmante ? Pourquoi allons-nous y adhérer ?

• Quelles sont les autres alternatives d’architectures qui envisageables ? Ou dans quel espace peuvent-elles se situer ?

• Quelles sont les autres idées envisagées par d’autres (par mes pairs, mes concurrents ?) ? • Quelles sont les décisions architecturales clés prises et à prendre ?

1.2.2 Recherche plus étendue

En butinant dans diverses sources (blogs, journaux, conférences, gazouillis. . . ), voici un florilège de définitions ou de tentatives.

Dans son article “Who needs an architect?” [Fow03], Martin Fowler se trouve embarrassé devant les termes d’architecte et d’architecture.

“[. . . ] “architect” and “architecture” are terribly overloaded words. For many, the term “software architect” fits perfectly with the smug controlling image at the end of Matrix Reloaded. [. . . ] I define architecture as a word we use when we want to talk about design but want to puff it up to make it sound important.” [Fow03]

Il relate plusieurs définitions, toutes critiquables. La première telle que proposée par un groupe de standardisation :

“The RUP, working off the IEEE definition, defines architecture as “the highest level concept of a system in its environment. The architecture of a software system (at a given point in time) is its organization or structure of significant components interacting through interfaces, those components being composed of successively smaller components and interfaces.”” [Fow03]

Celle-ci ayant un point de vue résolument développeur, et non utilisateur. Les deux suivantes sont issues d’une critique de Ralph Johnson à cette définition :

“So, a better definition would be “In most successful software projects, the expert developers working on that project have a shared understanding of the system design. This shared understanding is called ’architecture.’ [. . . ]”” [Fow03]

“There is another style of definition of architecture which is something like “architecture is the set of design decisions that must be made early in a project.”” [Fow03]

Pour conclure, sur une formule plutôt lapidaire, mais pour le moins opérante.

« So, this makes it hard to tell people how to describe their architecture. “Tell us what is important.” Architecture is about the important stuff. Whatever that is. »

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D’autres reprennent l’idée qu’une architecture est déterminée par les décisions importantes.

« All architecture is design but not all design is architecture. Architecture represents the significant design decisions that shape a system, where significant is measured by cost of change. »

Grady Booch, blog post, Mars 2006

“What decisions does the architect make?” Architecturally significant ones

“What is architecturally significant?” The architect decides!

Ruth Malan, blog post, A Trace in the Sand, 2017

« Architectural decisions are those that must be made from an overall system perspective. »

Ruth Malan and Dana Bredemeyer, Less is More with Minimalist Architecture, IT Pro, IEEE, Sep./Oct. 2002

1.2.3 Étude synonymique

Tentons d’aborder le caractère polysémique de l’architecture à travers une analyse synonymique.

Architecture, synonyme d’hypothèse

“Architecture is a hypothesis, that needs to be proven by implementation and mea-surement” [Gil13] Une architecture est une construction mentale d’un monde non encore incarné, mais pensé, imaginé, simulé, bref une hypothèse. Nous ne prendrons pas ici le terme hypothèse dans sa signification en logique formelle, c.-à-d. antécé-dent d’une proposition7. Nous nous rapprocherons plutôt de son sens en sciences : « une proposition d’explication à un phénomène donné ». Une telle hypothèse sera dite scientifique si elle peut être testée (vérifiée, réfutée. . . ). Nous tordons légèrement cette définition pour en formuler une adaptée à notre objet d’étude.

. Définition 1.2 [Architecture ' Hypothèse]

Une architecture est une proposition de changement ou d’évolution dans le futur afin de répondre à un objectif donné.

Cette proposition de modification peut recouvrir différents aspects, tous liés à la na-ture artificielle des systèmes traités : technologique, strucna-turelle, opérative, sociale, politique. . . Comme une hypothèse scientifique, une bonne architecture, en tant qu’hy-pothèse se doit :

• de permettre une forme de test ou d’expérimentation, ici nous dirions une simu-lation (cf. section 4.2.3 page 150) ;

• de permettre d’élaborer des formes de prédiction (par exemple, de type « et si ? ») par le raisonnement ;

• d’avoir un caractère économe, parcimonieux.

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Architecture, synonyme de vision, d’orientation

L’architecture est ce qui informe un ensemble de parties prenantes à la fois sur la compréhension de l’opportunité dans l’intégralité de ces dimensions et à la fois sur la manière d’apporter une réponse à l’opportunité à laquelle elles sont confrontées. Ceci implique qu’une architecture soit dans le juste nécessaire en matière de granularité et de précision de l’information (nul besoin d’informations trop détaillées qui noieraient les différentes parties prenantes), mais suffisamment large pour que chacun y trouve son compte.

. Définition 1.3 [Architecture ' Vision]

Une architecture est l’ensemble d’informations a minima qui permet à l’en-semble des parties prenantes impliquées de partager une vision commune de l’opportunité actuelle et de son(ses) futur(s).

Cette vision peut se décliner dans différentes modalités (pictographique, diagramma-tique, littéraire. . . ), toutes n’ayant pas la même valeur opérative.

Le travail ultérieur de l’ingénierie (et d’autres activités comme l’industrialisation, la production, le déploiement et la mise en service, le maintien en condition opération-nelle. . . ) consistera alors, après appropriation de cette vision gros grain de la solution, à la compléter, la raffiner, la décomposer, la transformer. . .

Architecture, synonyme d’organisation

Architecturer des éléments entre eux peut être interprété comme les organiser suivant des principes, des schémas. Un ensemble, ou simple agrégat d’éléments ne consti-tuant pas un système permettant d’atteindre un but, c’est bel et bien dans la manière de (p)lier les éléments entre eux (système compliqué), ou de les tisser, les enchevê-trer (système complexe) qu’émergera le comportement permettant d’aboutir au but escompté8.

Cette organisation peut être déclinée suivant plusieurs axes ou plusieurs niveaux d’abs-traction : opérationnel, services, fonctionnel, physique. . . Un des niveaux d’organisa-tion peut correspondre au regroupement des éléments en une partid’organisa-tion structurée (des sous-systèmes), consistant ainsi à organiser hiérarchiquement le système sur un ou plusieurs niveaux. Habituellement, de cette organisation récursive du système en sous-système découle l’organisation des ingénieries aux différents niveaux.

L’exemple ci-après (cf. figure 1.1 page suivante) montre deux partitions différentes du même ensemble d’éléments possédant les mêmes liens entre eux. D’apparence la deuxième solution est mieux organisée que la première.

En s’inspirant des propos de Weaver [Wea48], nous pouvons paraphraser cela de la sorte : « La complexité ne se simplifie pas, elle s’organise ! ». L’architecture est alors la traduction de cette organisation.

8. Étymologiquement, complexe s’oppose à compliqué : le premier a pour racine « ple » signifiant « tresser » ; le second a pour racine « pli » signifiant « plier ».

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Figure 1.1:Différentes organisations, différentes architectures Architecture,

synonyme de composition

L’architecture apparaît alors comme le résultat explicite des opérations consistant à assembler (ou exclure) des éléments entre eux, les rassembler, hiérarchiquement ou non, les lier entre eux. . . afin de composer un tout cohérent et signifiant. Le terme de composition est d’ailleurs lui-même employé pour désigner la conception d’une œuvre artistique, et particulièrement dans le domaine de la musique, où le créateur d’une œuvre musicale est un compositeur.

Poursuivant l’analogie musicale, la composition précède l’interprétation ou la réa-lisation d’une œuvre. Dans certains cas, la composition est retouchée pendant sa réalisation, ou sa production. Par exemple, il n’est pas rare que le scénariste d’un film ou d’une série retouche telle ou telle scène pendant la production. Cependant il s’agit là le plus souvent de modifications mineures n’altérant pas la cohérence ou l’intégrité globale.

Cette idée de composition renvoie à l’idée qu’il existe des principes directeurs et un art de la composition. Dans le domaine de l’architecture en bâtiment, nous trouvons des principes tels : la proportion, l’équilibre, le contraste, la symétrie, la circulation. Dans celui de la musique, les disciplines tels l’harmonie, la mélodie, le rythme permettent de bien composer.

Architecture, synonyme de principes (ou de règles)

Si l’on accepte l’idée qu’une architecture est le substrat antérieur, voire primordial, de tout développement de système faisant l’objet d’une ingénierie, alors on peut faci-lement envisager que son expression soit avant tout intentionnelle, avant que d’être extensionnelle. Dans ce cas, l’expression intentionnelle d’une architecture pourrait se résumer à un ensemble de principes (ou de principes). À ce stade, nous considérons que ces deux modalités se ressemblent, en privilégiant l’usage de principes.

Robert McKee dans son ouvrage de référence sur « Comment écrire un bon film hollywoodien » [McK14], que nous pouvons interpréter comme « comment élaborer une bonne architecture dans le monde du cinéma », établit la différence suivante entre règles et principes que nous pouvons reprendre à notre compte :

“Story is about principles, not rules. [. . . ] A rule says, “You must do it this way”. A principle says “This works. . . and has through all remembered time”. The difference is crucial. Your work needn’t be modelled after the “well-made” play; rather, it must be well made within the principles that shape our art. Anxious, inexperienced writers obey rules. Rebellious, unschooled writers break rules. Artists master the form.” [McK14]

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Exemple : Enterp rise Architecture Principles

TOGAF (The Open Group Architecture Framework) [For18] a proposé le recours aux principes pour l’usage et le déploiement de ressources informatiques dans une entreprise, constituant ainsi un catalogue de principes d’architecture d’entre-prise. Comme évoqué, nous pouvons dans une première approche confondre ces principes avec une première ébauche de l’architecture. Voici quelques exemples de principes prélevés dans TOGAF 9.2 [For18] :

• primauté des principes ; • orientation service ;

• les données sont la valeur ; • les données sont partagées ; • les données sont accessibles ; • les données sont de confiances ; • etc.

Architecture, synonyme de réconciliation

L’architecture est le lieu où l’on tente de tout réconcilier pour en produire un modèle unifié et cohérent qui permet à tout à chacun d’exposer et donc de partager son point de vue avec les autres parties prenantes concernées. Par point de vue nous embrassons ici à la fois la compréhension de l’opportunité (ce que nous en attendons, quels sont les motivations et les enjeux à s’y impliquer, quels bénéfices et désagréments nous en tirons) et la manière de contribuer à sa résolution (quelles sont les contraintes a minima que nous souhaitons imposer à la solution, quels concepts, quelle connaissance pertinente mobiliser, quels idées et points de départ pour aller vers une solution). L’architecture se doit alors de produire une synthèse opérante de ces diverses infor-mations.

Architecture, synonyme d’équilibre

“Architecture is the servant of the Priority Stakeholder Values.” [Gil13] L’architecture se doit de concrétiser sous forme d’un compromis acceptable la satisfaction en termes de valeur, des attentes des différentes parties prenantes. En ce sens, l’architecture se doit de traduire un parti-pris, explicite ou non, mais assumé, qui privilégie un ou plusieurs axes de valeur, et défavorise d’autres. Cela reprend également l’idée que concevoir se doit d’atteindre un bon équilibre, plutôt que résoudre un problème [SRE09], ce qui reprend une idée initiale d’Alexander [Ale64] : ce dernier défend une approche basée sur l’identification et l’affrontement des inadéquations (misfits) entre les attentes et les capacités délivrées par une forme (une solution) dans un contexte donné. À partir de là, est développée l’idée qu’une situation donnée peut être vue comme un ensemble de forces, potentiellement contradictoires, dont la solution (le design) proposée atteint un sorte d’équilibre. Le travail du concepteur (de l’architecte dans notre cas) serait alors d’agir sur ces forces pour favoriser (forcer ) dynamiquement un nouvel équilibre créateur de valeur pour les parties prenantes (cf. figure 1.2 page ci-contre).

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Figure 1.2: Équilibres, selon [SRE09]. En recourant à l’analogie mé-caniques des forces – ou des ressorts – la solution conçue – le point bleu plein – passe d’un état de tension, instable – à gauche – à un état d’équilibre – à droite –

Architecture, synonyme de contradiction surmontée

L’architecte fait face à des situations complexes où les ambiguïtés, voire les contra-dictions sont fréquentes. Nous connaissons tous des situations où une même partie prenante, ou plusieurs, réclament des objectifs contradictoires. Le « Il faut que cela soit plus performant et en même temps moins cher » est devenu un classique du genre. Là où les logiques classiques échouent à se sortir de ce qui correspond pour elles à des paradoxes, l’architecte est amené à mettre en œuvre des approches ne reposant pas a priori sur ces logiques classiques, bref une forme d’irrationalité au sein d’un para-digme du raisonnement hérité de la tradition aristotélicienne. De nombreux ouvrages sur l’architecture décrivent l’architecte comme un mélange et un aboutissement entre art subjectif et raisonnement objectif [Lov12]. L’architecte surmontant ces difficultés par son côté parfois irrationnel, une architecture devient une solution à une ou des contradictions établies.

Nous pouvons donner cette nouvelle définition complémentaire d’une architecture.

. Définition 1.4 [Architecture ' Contradiction surmontée] Une bonne architecture est une solution à une contradiction apparente.

Exemple : Quee n Ma ry II

L’exemple du Queen Mary II nous donne une illustration très pertinente de cette vision de l’architecture surmontant les contradictions. Le documentaire du Na-tional Geographic [Meg08] montre la première ébauche élaborée par l’architecte naval Stephen Payne. Le transatlantique a alors une forme ‘classique’ et tient dans un volume défini par les diverses contraintes. La hauteur maximale est déterminée par la hauteur sous le pont Verrazano de New-York, la largeur par celle du canal de Panama, et la longueur par la capacité de manœuvre dans la baie de Southampton. L’armateur, Micky Arison demande alors « Où sont les balcons ? ». Ce à quoi Payne lui rétorque que sur un transatlantique, il ne peut y avoir de balcona.

a. Contrairement à un paquebot qui effectue du cabotage, la traversée de l’Atlantique ou d’autres océans implique d’avoir un bateau suffisamment stable et de garantir la sécurité des passagers y compris par mauvais temps. En plein océan, un transatlantique n’a d’autres options que de continuer sa route, alors que la plupart des paquebots ne sont jamais à plus de 24h d’un port dans lequel ils peuvent se réfugier en cas de gros grain.

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Exemple : Quee n Ma ry II

Micky Arison tentant au travers du Queen Mary II de relancer le marché de la traversée de l’Atlantique, pari risqué alors que ce marché a été pratiquement anéanti par l’essor de transport aérien, veut miser sur le luxe et le côté inou-bliable. Bref, il veut des balcons pour plus de la moitié des passagers, et n’en démordra pas, menaçant d’arrêter le programme s’il n’obtient pas gain de cause. Pour augmenter le nombre de balcons, Payne n’a d’autres solutions que de ra-jouter des ponts en hauteur. Cela ne sera pas sans conséquence, et une des plus majeures sera certainement celle d’élargir le navire pour lui assurer la sta-bilité voulue, et ce en renonçant au canal de Panama, c.-à-d. en outrepassant une des contraintes majoritaires initialement posées. Nous pouvons synthéti-ser la contradiction apparente initiale, pour un transatlantique respectant les contraintes h(Verrazano) × l (Panama) × L(Southampton) de la manière sui-vante :

transatlantique → pas de balcons

pas de balcons → pas de transatlantique

Sortir de cette contradiction obligera à être illogique (dans son sens premier) et à renoncer à certains points tenus pour indispensables. Comme l’ensemble des contraintes indispensables ne peuvent être toutes satisfaites conjointement, il faudra lâcher sur une, posant ainsi un compromis de valeur entièrement assumé, ce qui ne sera pas sans conséquencea.

a. Le documentaire sur le Queen Mary II [Meg08] permet de découvrir certaines de ces conséquences, et des travaux complémentaires d’architecture et d’ingénierie que cela a néces-sité.

Architecture, synonyme d’ADN

En partant de la théorie générale du système et plus particulièrement des travaux de von Bertalanffy [Ber69], Boardman et Sauser vont proposer un renforcement du concept de système, par analogie avec la génomique [SBB08, BSV09]. Ils partent du constat que les sciences de la biologie ont largement plus profité des progrès de la systémique, que l’ingénierie système elle-même. En particulier leurs avancées en termes d’émergence et d’architecture doivent permettre d’exporter un concept pour les systèmes technologiques. Qu’est que les systèmes artificiels ont en commun ? Leur première réponse est. . . une architecture.

Du coup, nous pouvons la condenser, l’abstraire sous forme d’un ADN, c.-à-d. avec des structures de bases et des règles de composition. Refusant la démarche réduc-tionniste, et s’inspirant de la biologie, ils avancent un certain nombre de visions et de construction propre à un système. Pour eux, tout système artificiel se comprend par sa forme (éléments et structure) et sa fonction (son comportement, son utilité), et la parfaite adéquation de la forme à la fonction (systèmes bien conçus). Les systèmes artificiels ont une forme d’organisation privilégiée, conséquence de la manière dont est appliquée l’ingénierie des systèmes, à savoir la hiérarchie. Mais c’est loin d’être la seule, et d’autres structures ont su montrer des caractéristiques remarquables (flexi-bilité, robustesse, évolutivité. . . ).

Ils s’intéressent principalement à la notion de cohésion, d’unité (togetherness) ca-ractéristique essentielle qui à leurs yeux traduit une bonne architecture. Leur base conceptuelle tient en cinq éléments :

(30)

• appartenance (peut être aussi abstraite que l’est le système d’appartenance) ; • connectivité (les interactions avec autrui, indépendamment de l’appartenance à

tel ou tel système) ;

• diversité (suivant différentes dimensions : technologique, interfaces. . . ) ; • émergence.

Ils en tirent une vision holonique des éléments d’un système, chaque élément étant à la fois une partie et un tout. Ils utilisent l’analogie d’une sphère (cf. figure 1.3) pour exhiber cette continuité entre tout et partie.

Figure 1.3: L’ADN d’un système, selon [BSV09]. La sphère – ici

pro-jetée en deux dimensions – est employée comme analogie pour représenter un holon avec les caractéristiques énon-cées : connectivité, appartenance, autonomie. Les com-pétences représentent les parties constitutives du tout, ce qu’il contient, ce qu’il embarque. La diversité se tra-duit par différentes connectivités, appartenances, com-pétences. L’émergence provient de l’interaction d’un en-semble structuré d’holons.

Architecture, synonyme de (graphe causal de) décisions

Cela fait quelque temps que cette idée (re)surgit, à savoir que la conception est une activité rythmée par des prises de décisions successives et liées. Cette idée a été plus particulièrement creusée par les travaux du MIT sous la houlette du Prof. E. Crawley. Lors d’un symposium sur les futurs systèmes lunaires de la NASA, il déclare : “System Architects transform a set of needs and goals into an architecture for a sys-tem. They do this by making decisions. An architecture can be represented as a set of decisions and by doing so, the architect can gain useful insight into the space of feasible architectures.” [Cra09]

De remarquables travaux vont venir étayer cette position. B. Koo [Koo05]pose des fondements de cette démarche en introduisant OPN (Object-Process Network). L’idée éminente de sa thèse est de montrer la supériorité et la nécessité de doter les archi-tectes d’un métalangage de l’architecture.

“OPN provides three supporting aspects of architectural modeling. As a declarative language, OPN provides a diagrammatic formal language to help architects specify the

(31)

space of architectural options. As an imperative language, OPN automates the pro-cess of creating architectural option instances and computes associated performance metrics for those instances. As a simulation language, OPN uses a function-algebraic model to subsume and compose discrete, continuous, and probabilistic events within one unified execution engine.” [Koo05]

Dans les travaux qui suivirent, notons la thèse de W. Simmons [Sim08], qui ajoutera à ces fondations une démarche : ADG (Architecture Decision Graph).

“[. . . ] a computational framework for decision support called the Architecture Deci-sion Graph framework. It supports human deciDeci-sion-making by providing a method-ology for generating and analyzing architectures as the result of a set of interrelated decisions. ADG’s explicit representation of an interconnected decision problem is a bi-partite graph of decision variables, property variables, logical constraints, and property functions. The Architecture Decision Graph’s framework provides tools for reasoning about the structure of a decision problem, generating the set of feasible combinations of decisions, and simulating their outcome. The underlying computational engine used by ADG is the Object-Process Network (OPN) kernel.” [Sim08]

Cette idée qu’une architecture peut se ramener au graphe de décisions dont elle dé-coule connaît quelques défenseurs : Anton Jansen et Jan Bosh [JB05, vdVJNB06] ainsi que Jeff Tyree et Art Akerman [TA05] dans le domaine de l’architecture logi-cielle. Certains vont tenter de donner une sémantique plus formelle à ces décisions comme Philippe Kruchten qui cherchera à en faire une ontologie [Kru04] ou D. Selva, B. Cameron et E. Crawley qui chercheront à en extraire des motifs [SCC17].

Nous reprendrons cette idée dans le cadrage et le pilotage de la conception architec-turale (cf. section 4.2.3 page 153), que nous suggérons de rythmer, entre autres, par l’enchaînement causal des décisions architecturales.

1.3

Conception

« La conception est ce qui précède la réalisation, l’avènement. » Pouvons-nous nous contenter de cet aphorisme pour comprendre ce que recouvre la conception ? À l’évidence, non. Pour autant la cerner, n’est pas chose aisée, et une première étude lexicale (cf. annexe D.3 page 250) ne dégage pas d’image claire. Pour appréhender cette notion, nous allons devoir emprunter un parcours et une recherche suffisamment larges. Pour commencer ce voyage, nous soumettons au lecteur ces deux citations.

« Everyone designs who devises courses of action aimed at changing existing situations into preferred ones »

Herbert Simon, The Science of Design : Creating the Artificial, Design Issues, The MIT Press, Vol. 4, 1988

« Design is a mix of craft, science, storytelling, propaganda, and philosophy. »

Erik Adigard, WIRED, Jan. 2001

1.3.1 Où la situer ?

Souvent la démarche de conception est assimilée à une démarche de résolution de problèmes. Cette vision sera applicable et opérante dans le cadre de la conception système, mais réductrice dans le cadre de la conception architecturale. P. Boudon [Bou04] s’est interrogé sur cette notion et selon lui la conception

(32)

relève d’une forme de processus, et comporte donc un certain nombre d’opérations que tout concepteur met en œuvre (consciemment ou inconsciemment, implicitement ou explicitement, mais ceci est un autre débat).

Énonçons pour notre part qu’elle consiste à passer de la perception d’une situation courante à une ou des propositions d’orientation de futurs plausibles et possibles. En cela, l’architecture devient l’artéfact principal de la conception architecturale ; réciproquement, la conception architecturale peut être vue comme la maïeutique de l’architecture. Nous voulons ici répondre à la dichotomie habituelle entre espace du problème et espace de la solution, qui tend à promouvoir une approche spatialisée, et trop orientée résolution de problèmes, en adoptant une perspective plus temporelle : partant de la situation existante actuelle dans laquelle s’inscrit l’opportunité (ce que l’on appelle souvent suivant l’usage anglo-saxon le “as is”), visant une ou des situations attendues futures possibles et plausibles, dans un avenir à court/moyen terme (le “to be”) ou à plus long terme ou plus stratégique (le “should be”), la conception est une ou des propositions de chemins pour aller du présent aux futurs.

Cette vision ancre la conception architecturale des systèmes complexes dans le réel par son accrochage et son point de référencement à la situation actuelle : une architecture ne se conçoit pas ex nihilo et part toujours d’un point de départ existant. Cela rapproche la conception architecturale des systèmes complexes de celle des bâtiments : un bâtiment s’inscrit toujours dans un cadre, une situation géographique, historique, culturelle, politique, sociologique, environnementale, règlementaire. . .

Elle est à rapprocher d’autres pensées telles celle d’H.Simon : “designing is an activity that plans to intentionally alter the world.” [Sim69], et de J.K. Page (cité par J.C. Jones dans Design Methods [Jon70]) : “the imaginative jump from present facts to future possibilities.”,

La conception architecturale est en général une œuvre collective et coordonnée, rassemblant plusieurs acteurs de différents métiers (approche multidisciplinaire). Les pratiques de conception diffèrent suivant les entreprises, les personnes impliquées (la part du talent des concepteurs) et la nature du problème à traiter.

Nous reproduisons l’énoncé des différents types de conception tel qu’effectué dans [LRW11] Les facteurs qui influent majoritairement sur la démarche de conception sont :

• la disponibilité ou non d’une base de connaissance ; • la disponibilité ou non d’une méthodologie de résolution.

À cela nous pouvons rajouter :

• la nécessité ou non d’acquérir de nouvelles connaissances au-delà de la base de connaissance déjà acquise, pour permettre la résolution du problème.

Il peut être également intéressant de mettre cela en perspective par rapport aux classes de comportement humain, donc de celle du ou des concepteurs, suivant l’importance qu’ils accordent à l’activité mentale d’après la taxinomie des comportements humains SRK (Skill – Rule – Knowledge) de Rasmussen :

• le comportement machinal (skill-based behaviour) : reproduction de comportements maîtrisés ne nécessitant pas d’activité mentale consciente ;

• le comportement procédural (rule-based behaviour) : consistant à exécuter de manière consciente des tâches coordonnées en suivant des règles ou des procédures ;

• le comportement basé sur la connaissance (knowledge-based behaviour) : comportement basé sur une activité mentale consciente et complexe afin de planifier et résoudre quand aucune règle ne permet de la faire : c.-à-d. trouver soi-même la solution.

(33)

Tout cela nous amène à distinguer les typologies de démarche suivantes :

• la conception routinière qui fournit une solution à un nouveau problème en se basant totalement sur des solutions existantes, dans la plupart des cas cataloguées,

• la re-conception qui répond à de nouvelles exigences en partant d’une solution déjà existante dans le but d’améliorer ses performances ou de la corriger,

• la conception adaptative qui permet de garder les fonctionnalités initiales en adaptant l’architecture suite à l’apparition de nouvelles exigences,

• la conception de variantes qui permet de décliner un produit existant en une gamme,

• la conception innovante qui permet de combiner des éléments ou des connaissances existants afin de développer un nouveau produit,

• la conception stratégique qui permet de développer des connaissances nouvelles : des résultats ou des applications produits de la recherche fondamentale,

• la conception créative où l’objet à concevoir est défini d’une façon abstraite et où la connaissance et les méthodologies de résolution sont jusque-là inconnues en conception.

En utilisant et prolongeant les facteurs influençants, nous pouvons répartir les typologies de conception selon deux axes :

• un axe de la connaissance catégorisé en :

à construire les connaissances sont à découvrir ;

à s’approprier les connaissances existent, mais ne sont pas encore maîtrisées par le groupe de

concep-teurs concerné ;

connues les connaissances sont acquises ou facilement accessibles et exploitables ;

• un axe de la méthode de résolution : connue ou non.

(34)

Pour compléter cette vue, nous incluons ici un extrait de la thèse de S. Huot, Une nouvelle approche pour la conception créative : De l’interprétation du dessin à main levée au prototypage d’interactions non-standard [Huo05].

D’un point de vue global, les problèmes de conception sont par essence « mal définis » : la solution est un système qui doit satisfaire un ensemble de contraintes très peu définies au départ et spécifiées tout au long du processus. Les études et analyses de Vinod Goël9 ont permis de caractériser les démarches invariantes mises en jeux par des concepteurs lors de la résolution de ces problèmes larges et complexes :

1. Ils montrent une activité intense de structuration et de restructuration du problème. 2. Ils développent plusieurs modèles du système (traduit par des diagrammes, prototypes). 3. Les problèmes peuvent être résolus par un ensemble de solutions plus ou moins

accep-tables que le concepteur doit alors évaluer. Cela implique la mise en œuvre de fonctions d’évaluation.

4. Cette évaluation est cyclique et s’effectue par approximations successives.

5. Les concepteurs ont tendance à préciser progressivement les contours du système, laissant ainsi la place à des alternatives.

6. Ils décomposent le problème en modules perméables ayant des intersections et des liens plus ou moins forts.

7. Leur démarche évolue de buts abstraits aux spécifications concrètes en passant par des abstractions de plus en plus spécifiques.

8. Ils utilisent des systèmes symboliques ou graphiques pour décrire les résultats intermé-diaires.

[Huo05]

Nous pouvons aller un peu plus loin, au-delà du problème mal défini, par le constat que le concepteur dans le domaine de l’architecture, que nous pouvons extrapoler au domaine des systèmes artificiels com-plexes fait constamment face à l’incertain, et que la découverte d’alternatives peut également procéder de l’aléatoire, ou de la séremdipité. Il en découle une difficulté si nous cherchons à vouloir rationaliser de manière forcenée la démarche de conception. Damien Claeys met ces éléments en exergue dans un article au nom évocateur : Concevoir un projet d’architecture. Calmer les certitudes, gérer l’incertitude [Cla15], dont nous citons ici un extrait évocateur

Ce qui est découvert par le concepteur n’est pas le résultat de la simple application de savoirs disciplinaires, mais implique la capacité du concepteur à interpréter des traces et des signes. Il doit être capable de garder son esprit disponible pour respectivement percevoir, questionner, interpréter, comprendre et exploiter les données surprenantes et déroutantes qui font irruption dans le processus de projetation. [. . . ] La modélisation des effets de l’incertitude, de l’usage du pseudo hasard et de la pratique de l’abduction est une thématique de recherche encore peu de la conception architecturale. Une recherche approfondie d’identification des déclencheurs de la sérendipité ne serait-elle pas nécessaire ?

9. Vinod Goël et Peter Pirolli. Motivating the notion of generic design within information-processing theory : The design problem space. AI Magazine, 10(1) :19-36, 1989.

(35)

Encart 1.1 [Art ou Science ? La réponse de D. Claeys[Cla11]]

Une question canonique agite les théoriciens de notre domaine : « Est-ce que l’architecture est un art ou une science ? »

En effet, parallèlement aux incessants aléas socioculturels et aux changements de para-digmes, certains pensent que la conception architecturale est un acte créatif impossible à percer, tandis que d’autres pensent qu’il est possible de (re-)construire le processus scientifiquementa. Nous pensons que cette dualité apparente doit être dépassée. Outre ces deux postures théoriques récurrentes, John Ch. Jones [Jon69] avait déjà prophétisé une troisième voie possible, qui annonçait les modèles « réflexifs » de la conception. Voici ces trois postures :

1. Le « concepteur-magicien » : cette posture caricaturait les obscurantistes, les vi-talistes et les boîtes noires de la première cybernétique. Ils croient au mystère de l’acte créatif pur.

2. Le « concepteur-ordinateur » : cette posture caricaturait les scientistes, les méca-nistes et les boîtes de verre. Ils analysent des chaînes causales, pour décrire des opérations mentales.

3. Le « concepteur-auto-organisé » : dans cette posture, dont John Ch. Jones annon-çait l’émergence, le concepteur s’interroge réflexivement sur le contexte d’apparition de la connaissance.

Figure 1.5:Les trois caricatures de John Ch. Jones [Jon69]

a. « Dans son travail, l’architecte réunit ce que chacun des points de vue sépare. Ainsi faut-il plutôt envisager la conception comme un système complexe, pouvant être rendue intelligible par un travail de modélisation a priori, plutôt que comme l’addition de différents points de vue réducteurs dans une sorte de conjonction alchimique. . . la démarche architecturologique tente de rendre compte de la diversité des modalités de décision dans une cohérence globale (un modèle). » [BDPS00].

1.3.2 Des définitions et des modèles

Processus et motifs élémentaires

Avant de faire le tour de quelques démarches de conception remarquables, examinons tout d’abord les motifs élémentaires du processus de conception. Réduit à sa plus simple expression, un processus c’est un ensemble d’actions coordonnées (ou pas) qui transforme une entrée en une sortie (moyennant des ressources et du temps) (cf. figure 1.6 page ci-contre).

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Entrée Processus Sortie

Figure 1.6: Modèle basique d’un processus

Les différents motifs de bases qui vont constituer notre vocabulaire de base pour décrire les processus de conception sont énoncés ci-après.

De la magie ? Tim Brenann provoque en répondant à la question « Comment vous travaillez ? » : “Here’s how we work. Somebody calls up with a project; we do some stuff; and the money follows.” Son schéma explicatif (cf. figure 1.7) n’est pas si simpliste qu’il n’y paraît. Nous pouvons en tirer les enseignements suivants :

• la conception est un processus boîte noire irréductible, par essence ;

• la conception incorpore une part d’aléatoire, de divertissement, de non reproduc-tible. Cette part est certainement prépondérante ;

• la conception est un processus itératif (traduit par les boucles qu’il dessine).

Figure 1.7:La démarche de conception selon Tim Brennan

Néanmoins nous établirons quelques motifs élémentaires, forcément simplificateurs pour nous permettre de verbaliser des démarches de conception. Un processus étant un ensemble structuré, coordonné d’actions, regardons comment ces actions s’enchaînent et se parlent les unes aux autres. Pour des raisons de lisibilité, nous réduirons l’ensemble des actions à seulement deux actions dans la suite.

séquentialité Nous pouvons décrire deux actions comme étant successives, c.-à-d. se déroulant l’une après l’autre (cf. figure 1.8a page suivante).

simultanéité Nous pouvons décrire deux actions comme étant concourantes, c.-à-d. se déroulant l’une en même temps que l’autre (cf. figure 1.8b page suivante).

oscillations Le processus peut osciller entre les deux actions (cf. figure 1.8c page suivante). bouclage Les actions du processus peuvent boucler les unes sur les autres, c.-à-d. la sortie

de l’une sert à alimenter l’entrée de l’autre et réciproquement (cf. figure 1.8d page suivante).

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passage progressif Le processus passe graduellement d’une action à l’autre. À tout moment, les deux sont effectuées, mais l’importance relative de l’une s’accroît progressivement alors que l’autre décroît (cf. figure 1.8e).

récursivité Chaque action peut elle-même être considérée comme un processus et donc se réex-primer récursivement en tant que tel (cf. figure 1.8f).

Entrée Analyse Synthèse Sortie

(a)Actions séquentielles

Entrée Analyse Synthèse Sortie (b)Actions simultanées Entrée • • • • • • • • • Analyse Synthèse Sortie (c)Actions oscillantes Entrée Analyse Synthèse Sortie (d)Actions bouclées Entrée Analyse Synthèse Sortie

(e)Actions graduelles

Entrée – – – – – – – – Processus

Sortie

(f) Récursivité du processus

Figure 1.8:Motifs élémentaires d’actions d’un processus)

Nous avons toujours pris comme exemple de couple d’action le couple (analyse, synthèse). D’autres couples reviennent fréquemment et se révèlent être des motifs récurrents dans les démarches de conception. En voici une liste non exhaustive.

(analyse, synthèse) L’analyse consiste à partitionner la situation ou le problème en plus petites parties, pour les examiner chacune séparément, puis la synthèse réassemble la situation ou la solution basée sur les résultats et ce que nous avons pu tirer de l’examen de chacune des parties.

(décomposition, recomposition)

L’objet de départ (situation, problème. . . ) est divisé en sous-objets (dont nous es-pérons qu’ils constituent une partition cohérente et complète) jusqu’à un niveau de granularité jugé convenable, puis une fois que chaque fragment élémentaire a été transformé (par exemple, qu’une solution individuelle à un sous-problème élémentaire a été trouvée), l’ensemble résultant est recombiné pour former une proposition globale et complète.

(divergence, convergence)

Ce motif tend à devenir un motif commun et répandu de toute démarche créative. À partir d’un point de départ, différentes options, alternatives, idées sont produites (ouverture, divergence), puis au fur et à mesure cet ensemble se resserre (élimination par rejet ou sélection d’éléments) pour converger vers une situation réputée acceptable ou convenable (fermeture, convergence).

Figure

Figure 1.11: Example de phase de conception selon Archer : la phase 4, dite de développement de prototype de conception
Figure 1.12: Le processus générique de développement de produit
Figure 1.14: Le processus de conception technique d’après French
Figure 1.15: Décomposition / recomposition d’après Pahl et
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