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LES REGIMES ET LES INSTRUMENTS DE GESTION : VERS UNE

ORGANISATIONNEL AU NIVEAU INTERNATIONAL

4.1. Le retour au premier plan de la matérialité en TN

Les études néo-institutionnalistes se sont longtemps structurées autour du dualisme classique structure vs. agence en sciences sociales. Comme nous l’avons souligné dans la première section de ce chapitre, les travaux institutionnalistes ont d’abord mis en évidence l’influence des institutions sur les organisations avant de donner une importance plus grande au rôle des acteurs dans le changement. Pour expliquer les influences du contexte institutionnel sur les choix et préférences des acteurs, la TNI a mis en avant l’encastrement social à travers la prégnance des structures sociales sur les individus. Une des critiques majeures de cette vision macro-sociologique réside dans sa vision déterministe des changements organisationnels. En effet, l’adoption de modèles et de pratiques institutionnalisées dans le champ ou plus largement dans la société serait le moyen pour les

organisations de maintenir leur légitimité et donc leur présence. Ce phénomène conduit notamment à l’existence de mythes et pratiques tellement ancrés dans les organisations qu’ils en sont devenus imperceptibles pour les acteurs (par exemple, les routines). Pourtant, ces institutions influencent les modes de pensée et d’action des acteurs. C’est cette vision structurante et écrasante des institutions qui a été remise en question par les recherches mettant en avant la perspective agentielle en TNI. En effet, l’idée de pressions institutionnelles structurant les choix des acteurs vient en opposition avec l’idée de capacités individuelles des acteurs à créer, maintenir ou déstabiliser les institutions. Dans les années 2000, plusieurs auteurs ont donc mis en avant les capacités stratégiques et le volontarisme des acteurs dans la transformation de leur environnement institutionnel (stratégies des entrepreneurs institutionnels, dynamiques d’institutionnalisation et de désinstitutionalisation, travail institutionnel). En mettant l’accent sur les systèmes de signification et la dimension symbolique qui sous-tendent l’évolution des organisations, ces recherches restent inscrites dans une perspective discursive du changement (Phillips et al., 2004).

De fait, cette perspective d’analyse a écarté la dimension matérielle, les objets et leur performativité politique notamment : « although technology was in the saddle during

organizational analysis prior to new institutionnalist insights, it appears largely irrelevant in current sociological research on organizations ». (Scott, 1991, p. 165)

Boxenbaum et al. (2016, p.3) précisent aussi que « […] les recherches focalisent

l’analyse sur les structures de sens, les scripts et les idéologies, laissant en marge la dimension « artefactuelle » de la vie organisationnelle ». Ces auteurs décrivent le

retour de la matérialité en TNI en deux temps. L’intégration de la question des

pratiques au sein de la TNI a constitué une première étape de mobilisation de la

dimension matérielle. Une seconde étape de mobilisation de la dimension matérielle en TNI a été marquée par la prise en compte des objets et des artefacts. Pour Blanc et Huault (2014), les objets représentent un domaine d’extension des pratiques. Les

artefacts constituent un moyen de suivre l’institutionnalisation de pratiques

(Rao et al., 2005). Ils sont considérés comme « des instanciations de pratiques

institutionnalisées ou de logiques institutionnelles » (Boxenbaum et al., 2016 ;

et ainsi des objets peuvent véhiculer de nouvelles pratiques. Les artefacts ont donc également un rôle de vecteur en opérant comme des « mobiles immuables » (Latour, 1985). Ils peuvent ainsi véhiculer une pratique, une conception qui est institutionnalisée par ce biais.

Bien que peu explorés dans la littérature s’intéressant aux entrepreneurs et au travail institutionnel, les artefacts comprennent une dimension stratégique qu’il est important de mettre en avant pour comprendre leur participation aux processus institutionnels. Certains auteurs se sont néanmoins intéressés aux interactions entre les acteurs et les artefacts pour comprendre des processus institutionnels (Lanzara et Patriotta, 2007). D’autres ont montré comment les artefacts pouvaient influencer la perception de l’environnement par les acteurs. Ils peuvent ainsi être mobilisés par des acteurs en cours de travail institutionnel. Le rôle central des artefacts dans les processus d’institutionnalisation a notamment été analysé par Gawer et Phillips (2013) qui soulignent l’utilisation d’artefacts par des acteurs pour diffuser un projet institutionnel.

D’autres travaux institutionnalistes envisagent les artefacts comme des obstacles au changement institutionnel (Rowland et Rojas, 2006). Les artefacts ne sont alors pas « seulement considérés comme des formes d’instanciation et des porteurs (carriers) des

institutions (Scott, 2003) mais [comme] des dispositifs matériels qui peuvent s’opposer à la sphère institutionnelle » (Boxenbaum et al., 2016).

Ces différents travaux institutionnalistes montrent que la question des artefacts est mobilisée avec différentes approches. Dans cette dynamique de réflexion sur les dimensions micro dans l’analyse institutionnelle, l’étude des pratiques des acteurs dans le changement nous paraît être un cadre fécond pour comprendre le changement institutionnel à l’œuvre. Afin de comprendre ces pratiques, nous envisageons d’étudier un objet stratégique mobilisé par les acteurs à travers le concept d’ « instrument de gestion ». Il mêle en effet une dimension conceptuelle (« produit d’une opération de pensée » ; « doctrine d’usage »), une dimension politique implicite ou explicite (« non neutre » ; « visée d’action » ; « produit des

effets ») et une dimension matérielle (« inclue des outils » ; « visée opérationnelle »)

Ainsi, dans notre cas d’étude, les contrats de sélection, qui sont au cœur des activités de création de progrès génétique, ne peuvent être considérés comme des matériaux neutres. En tant qu’instruments de gestion, ils ont fait l’objet d’une conception et portent en eux une visée performative dans leur champ d’application. Ils sont tantôt structurés par le contexte institutionnel et participent à sa structuration également. Leur analyse peut nous permettre de mieux comprendre le changement institutionnel à l’échelle des pratiques d’acteurs.

4.2. Comprendre le changement institutionnel en pratique grâce

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