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LES REGIMES ET LES INSTRUMENTS DE GESTION : VERS UNE

S ECTION 1 U NE APPROCHE NEO INSTITUTIONNALISTE POUR COMPRENDRE LES

1. L A THEORIE NEO INSTITUTIONNELLE ET SES CONCEPTS FONDATEURS POUR

1.1. Les institutions structurent les organisations et les comportements

Dans son approche sociologique, la théorie néo-institutionnelle cherche à expliquer que la quête d’efficience économique ne peut être le seul facteur participant à la structuration et l’évolution des organisations. Ainsi, elle étudie les habitudes de comportement, de pensée, les règles formelles ou informelles (coutumes, morales, droits, etc.) qui sont dotées d’une certaine stabilité et s’imposent aux individus. Cet ensemble correspond au concept central d’« institutions » au cœur des questionnements de la TNI.

Les institutions agissent comme des champs de forces qui structurent les comportements organisationnels. En ce sens, elles soutiennent certains choix et actions et, apparaissent comme une source de légitimité pour les acteurs (DiMaggio et Powell, 1991). Si le concept reste polysémique et peu stabilisé, différents institutionnalistes en ont proposé des définitions à la suite de la suggestion de Meyer et Rowan (1977) qui les envisagent comme des des mythes rationalisés pris pour acquis. Certains, comme Scott proposent une définition mêlant structure et action : « Les institutions sont des structures et activités cognitives, normatives et

régulatrices qui donnent une stabilité et une signification aux comportements sociaux. Les institutions sont véhiculées par différents vecteurs – culture, structures et routines – et interviennent à différents niveaux de juridiction. » (Scott, 2005, p. 33).

Greenwood et al. (2008, p.4) proposent d’envisager une institution comme un « comportement social répétitif allant plus ou moins de soi et sous-tendu par des

systèmes normatifs et des compréhensions cognitives qui donnent du sens aux échanges sociaux et permettent ainsi à l’ordre social de s’autoreproduire ». D’autres

auteurs (Phillips et al., 2004) ancrent les institutions dans les discours dominants plutôt que dans les comportements qu’ils considèrent comme une résultante de ces éléments discursifs. Pour cela, les institutions reposent sur trois piliers fondamentaux : une dimension cognitive (les représentations), une dimension

2012). Représentations, normes et règles formelles ou informelles sont autant de sources de légitimité pour les organisations.

Les institutions peuvent donc prendre différentes formes et existent également à différentes échelles : l’individu, l’organisation, le champ organisationnel, que nous présentons ci-dessous, voire la société dans son ensemble. Les organisations appartiennent à des collectifs qui peuvent correspondre à un secteur d’activité, un territoire (administratif, économique par exemple), etc. Au cœur de ces collectifs, elles partagent un certain nombre de règles, de normes et de représentations en commun. Néanmoins, les vecteurs d’institutions peuvent être divers et les influences institutionnelles peuvent dépasser ces cadres. Pour comprendre dans quel espace le changement institutionnel se réalise, la TNI s’est dotée du concept de « champ

organisationnel ». Il désigne l’ensemble des organisations qui interagissent

fréquemment entre elles et s’influencent sur le plan institutionnel. Il dépasse ainsi les notions de secteurs d’activité ou d’espace en intégrant des organisations et des acteurs pluriels (fournisseurs, clients, ressources, agence de régulation, etc.). Scott (1995, p.56) définit le champ organisationnel comme “a community of organizations

that partakes of a common meaning system and whose participants interact more frequently and fatefully with one another than with actors outside the field31”. Le

champ constitue ainsi une unité d’analyse du changement institutionnel. Il peut se former notamment autour d’une problématique partagée, d’une technologie ou encore d’un marché (Hoffman, 1999).

1.2. Le phénomène d’isomorphisme au sein des champs

organisationnels

Dans un premier temps, les recherches institutionnalistes ont porté sur l’observation, la compréhension des similitudes organisationnelles et sur les mécanismes impliqués dans ce processus d’homogénéisation des organisations. Plusieurs travaux ont montré que les organisations avaient tendance à répondre de façon identique aux pressions institutionnelles (DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977). Il s’agit du processus d’isomorphisme. Après s’être intéressés à ce phénomène de propagation à l’échelle des formes organisationnelles, des travaux

31 Que l’on peut traduire par : une communauté d’organisations qui partagent un système de sens et dont les

ont étendu ce processus d’adoption à un ensemble de pratiques et comportements constitutifs des institutions.

Certaines influences poussent des organisations à se conformer à l’environnement institutionnel du champ auquel elles appartiennent. Pour justifier de choix rationnels, le processus d’isomorphisme des organisations est ancré sur l’adoption d’éléments visibles que sont les mythes rationnels, définis comme des « prescriptions rationalisées et impersonnelles qui assimilent certains objectifs sociaux

à des objectifs techniques et spécifient, en devenant des quasi règles, les moyens appropriés de poursuivre ces buts techniques de façon rationnelle. En outre, ils sont fortement institutionnalisés et échappent ainsi, dans une certaine mesure, au pouvoir discrétionnaire des individus ou organisations.32 » (Meyer et Rowan, 1977, p343- 344). Meyer et Rowan (1977) montrent que les organisations sont influencées par ces compréhensions sociales qui définissent ce que signifie être rationnel dans leur « contexte institutionnel ». Ces mythes rationnels sont diffusés via les réseaux

relationnels (Meyer et Rowan, 1977 ; Scott, 1983).

Les recherches des néo-institutionnalistes se sont orientées vers la compréhension du changement des organisations en situation d’évolution de l’environnement institutionnel. L’étude des institutions et du phénomène d’isomorphisme (DiMaggio et Powell, 1983) à l’échelle du champ institutionnel est devenue centrale pour comprendre l’évolution des formes organisationnelles. DiMaggio et Powell (1983) définissent l’isomorphisme comme « un processus

contraignant qui force une unité de population à ressembler aux autres unités qui font face au même ensemble de conditions environnementales ». Dans un premier temps,

ils distinguent deux types d’isomorphismes : l’un concurrentiel, l’autre institutionnel. Si l’isomorphisme concurrentiel correspond à un processus de recherche d’efficience dans un contexte précis, l’isomorphisme institutionnel s’appuie sur trois dynamiques conjointes : coercitive, mimétique et normative (DiMaggio et Powell, 1983). L’isomorphisme coercitif a pour origine des pressions formelles (les lois, la réglementation par exemple) ou informelles exercées sur

32 Traduit de l’anglais : « [First, they] are rationalized and impersonal prescriptions that identify various social

purposes as technical ones and specify in a rulelike way the appropriate means to pursue these technical purposes rationally (Ellul, 1964). Second, they are highly institutionalized and thus in some measure beyond the discretion of any individual participant or organization.”

l’organisation par d’autres dont elle dépend (l’Etat par exemple). Cette force coercitive pousse les organisations à rapidement se conformer au modèle car il existe des sanctions formelles en cas de non-respect. L’isomorphisme mimétique fait référence au processus d’imitation en situation d’incertitude. Lorsqu’une organisation se retrouve dans un environnement incertain ou ne dispose pas d’objectifs et de moyens clairement définis, elle a tendance à imiter ses homologues en adoptant des réponses standard éprouvées. Enfin, l’isomorphisme normatif correspond au processus de professionnalisation des membres de l’organisation via par exemple une standardisation des formations professionnels, des réseaux, etc. (les normes, notamment professionnelles). Il peut faire écho également à des dimensions éthiques et morales qu’il conviendrait d’adopter par rapport aux préoccupations sociétales. Ces trois forces, individuellement ou de manières combinées, sous-tendent la dynamique et la motivation d’imitation.

Les travaux de recherche des années 1980 ont donc mis en avant que la propagation des formes organisationnelles les plus légitimes vient en grande partie des interactions au niveau du champ institutionnel (DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977). Par la suite, plusieurs études ont indiqué que toutes les organisations ne répondent pas de façon identique aux pressions institutionnelles. Certaines se réfèrent aux modèles dominants dans leur environnement pour maintenir leur légitimité, d’autres font preuve de résistance au changement. Si la diffusion de mythes rationnels participe au phénomène d’isomorphisme, les changements n’interviennent pas nécessairement en profondeur dans les organisations, qui ne modifient pas toutes leurs pratiques : il s’agit du phénomène de découplage.

1.3. De l’isomorphisme au découplage et à l’hétérogénéité

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