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L ’ ORGANISATION DE LA SELECTION GENETIQUE ANIMALE AU CŒUR DE MULTIPLES EVOLUTIONS

GENETIQUES ET LEUR GESTION EN BIENS COMMUNS

3.3. Une remise en question des droits de propriété des ressources génétiques

Jusqu’à présent il n’existe pas de droit de propriété individuelle sur les races animales, contrairement au domaine de la sélection végétale où les objectifs et les critères de performances assignés aux variétés sont définis par les entreprises privées qui les produisent. Dans le régime de sélection animale coopératif et public en France (Labatut, 2009), les objectifs de sélection assignés aux races et traduits dans des index génétiques qui estiment la valeur génétique de chaque animal selon ces objectifs, sont définis collectivement au sein des OS.

Si le rôle des innovations technologiques et des changements politiques dans l’évolution des droits propriétés concernant les variétés végétales a été largement documenté (Kloppenburg, 2005; Bonneuil et al., 2006 ; Bonneuil et Thomas, 2009), ce n’est pas le cas pour les races animales, qui sont pourtant des ressources largement menacées alors qu’elles sont un composant essentiel de la biodiversité globale en termes de sécurité alimentaire et de durabilité des systèmes agricoles (Rege et Gibson, 2003 : selon la FAO, dans les pays industrialisés, 17% des races sont considérées dans une situation à risque30).

Par ailleurs, nous avons montré que les dispositifs de sélection peuvent être envisagés comme des systèmes complexes de ressources communes (Allaire, Labatut et Tesnière, 2018. D’une part, les ressources génétiques qui composent les races animales « sont produites, gérées et utilisées dans des systèmes complexes

associant des acteurs hétérogènes de différents statuts (privés, associatifs, publics) et régis par des règles qui s’établissent à plusieurs niveaux » (ibid.). D’autre part, l’action des utilisateurs et des gestionnaires relève de systèmes de droits et de devoirs que l’on peut décomposer en plusieurs catégories qui sont superposables, ce que traduit la notion de faisceaux de droits (Orsi, 2013). » (ibid.). Des formes de privatisation

peuvent être créées par la capacité de nouvelles technologies à « capter » et produire des ressources qui étaient auparavant sans propriétaire ou inutilisables (Hess et Ostrom, 2006).

Les changements technologiques et politiques qui bouleversent les cadres de gestion des ressources génétiques animales peuvent déstabiliser la dimension commune de ces « races animales ». Si ce caractère « commun » repose sur la dimension collective des activités de sélection, les évolutions de l’organisation des dispositifs de sélection et de la répartition des activités entre les parties prenantes sont également susceptibles de faire évoluer le statut de ces ressources vers des formes de privatisation par exemple.

Dans cette introduction, nous avons fait part de formes de dislocation de la coopération entre acteurs et de l’émergence de stratégies privées (privatisation de données, développement de technologie privée etc.). Dans notre analyse, nous nous intéresserons également à la question de droits de propriété sur les ressources génétiques, au sein desquelles il est important de distinguer plusieurs types qui sont inter-reliés :

- Les ressources biologiques (animaux, embryons, gamètes)

- Les ressources informationnelles (données brutes de génotypes, index…) - Les ressources technologiques (d’accès à la connaissance, de reproduction

etc.)

Ces ressources sont impliquées dans le système de production de progrès génétique mais aussi dans sa diffusion via différents flux et différents marchés.

Ainsi nous cherchons à comprendre de nouvelles formes de division du travail de sélection modifient les rapports entre les acteurs et le niveau d’intégration de ces activités. Avec le développement de la sélection génomique couplée aux technologies de la reproduction, de nouvelles règles et de nouveaux droits apparaissent dans la gestion des flux de ressources génétiques entre les acteurs (éleveurs, entreprises) et remettent en question la propriété des ressources biologiques et « informationnelles » (Hess et Ostrom, 2003).

4. NOS QUESTIONNEMENTS ET OBJECTIFS DE RECHERCHE

Le secteur de la génétique animale est en évolution sous l’effet de plusieurs facteurs d’ordres technologiques, politiques et règlementaires. Ces facteurs et leurs effets sont souvent réunis sous la bannière abstraite d’un phénomène général de

libéralisation du secteur de la sélection génétique. Ces changements que nous avons présentés ont contribués à faire évoluer les arrangements institutionnels dans le champ de la sélection génétique animale. Nous avons choisi de placer notre questionnement à l’articulation entre changement technique et changement institutionnel. Pour cela, nous nous intéressons aux situations organisationnelles et institutionnelles établies autour d’une même technologie – la sélection génomique - dans différents pays. Quels arrangements institutionnels caractérisent les

dispositifs nationaux d’amélioration génétique à l’ère de la sélection génomique ? Quels sont les rapports entre les différents acteurs au sein des pays ?

Dans le contexte règlementaire en évolution vers une harmonisation européenne, le développement de la technologie génomique a-t-il conduit à un régime de sélection similaire dans tous les pays ? Les évolutions récentes traduisent-elles au contraire une spécificité d’arrangements institutionnels dans chacun des pays, caractéristiques d’une diversité de régimes institutionnels de sélection ?

A notre connaissance, il n’existe pas de travaux traitant des configurations organisationnelles et institutionnelles de la sélection génomique dans d’autres pays que la France. Partant de l’hypothèse que, dans un contexte de libéralisation et de changement technologique, la réorganisation des dispositifs de sélection et des rapports entre acteurs pourrait conduire à une forme d’harmonisation des organisations et des pratiques de la sélection, nous avons choisi d’engager une démarche comparative entre trois pays européens (France, Irlande, Pays-Bas). Pour étayer notre questionnement, nous choisissons de nous intéresser à deux niveaux d’étude :

- l’organisation nationale des dispositifs d’amélioration génétique.

- les relations entre éleveurs et entreprises de sélection dans la production et les échanges de ressources génétiques.

Le premier niveau d’étude nous permet d’analyser l’organisation des dispositifs d’amélioration génétique dans chacun des pays pour y caractériser les arrangements institutionnels. Ces arrangements institutionnels nous permettent de comprendre comment est gérée la production de progrès génétique entre les acteurs (l’Etat, la

recherche publique, la profession composées des entreprises de sélection, des organismes de sélection, des éleveurs etc.) et comment est gérée la race. En effet, les races animales sont des ressources sont créées et maintenues par des activités de sélection dans l’objectif de créer un « progrès génétique ». Elles sont également continuellement transformées du fait de ces activités et des pratiques d’élevage. Ces activités sont interdépendantes et relèvent de différentes échelles et organisations : individuelle (des agriculteurs et éleveurs), collective (des coopératives), privée (entreprises, firmes) et publique (organisations publiques, Etats).

Les arrangements institutionnels sont également liés au marché de la génétique et donc à la production, la régulation, la diffusion mais aussi l’appropriation des ressources génétiques animales. Ces activités concernent majoritairement deux types d’acteurs : les éleveurs et les entreprises de sélection. Pour mieux saisir les nouveaux rapports et organisations entre les acteurs de la sélection, nous choisissons d’étudier, à un second niveau d’analyse, les modes d’organisation du travail de sélection entre les entreprises et les éleveurs. Ce travail de sélection génétique animale, correspond à l’ensemble des activités depuis l’identification d’un reproducteur d’intérêt à la création de la génération suivante. Dans les dispositifs de sélection basés sur le testage sur descendance, il était largement réparti entre les éleveurs et les entreprises de sélection. La sélection génomique permet désormais de connaitre le potentiel des animaux dès leur naissance et offre des perspectives nouvelles en matière de gestion des activités de sélection. En établissant des contrats de sélection auprès des éleveurs, les entreprises s’approvisionnent en nouvelles ressources génétiques qui sont nécessaires à leurs activités de commercialisation de progrès génétique. Nous étudierons donc les pratiques de contractualisation pour caractériser les modes d’organisation de la production et des échanges de ressources entre entreprise et éleveurs.

5. LE PLAN DE LA THESE

Nous avons retenu un plan en deux parties (Figure 2). La première partie présente le cadre théorique et analytique (cf. chapitre 1) et la méthodologie (cf. chapitre 2) de notre travail de recherche. La seconde partie rassemble les deux

chapitres de résultats et discussions (cf. chapitre 3 et 4) correspondant aux deux niveaux de notre analyse.

P

ARTIE

I

CADRES THEORIQUE, ANALYTIQUE ET

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