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LES REGIMES ET LES INSTRUMENTS DE GESTION : VERS UNE

ORGANISATIONNEL AU NIVEAU INTERNATIONAL

4.3. Un cadre d’analyse pour comprendre l’agence des outils de gestion

4.3.3. Les pratiques politiques des outils de gestion

Les outils ont également une dimension politique majeure. A ce niveau, les asymétries de pouvoirs concernent non plus l’échelle individuelle mais des groupes sociaux. Les outils de gestion prennent place dans un espace politique structuré par des relations de pouvoir où les intérêts des organisations ou des acteurs sont souvent divergents. Pour certains auteurs, les outils de gestion favorisent les phénomènes de domination ou d’exploitation (Boussard et Maugeri, 2003).

Cette dimension politique prédominante des outils de gestion peut être caractérisée par deux effets propres : la réification et la légitimation. Dans ces deux formes de domination portées par les outils, la dimension « technique » de l’outil est déterminante. En effet, elle agit « comme un voile recouvrant les rapports de

force tendant à naturaliser les asymétries de façon à les faire tenir pour normales »

(Chiapello et Gilbert, 2016, p. 195).

La réification est un concept qui peut permettre d’analyser les effets des outils de gestion. Bourguignon (2005) propose « quatre composantes fondamentales pour

décrire la réification comme processus contenant 1) un glissement de la subjectivité vers l’objectivité, 2) qui a pour conséquence de masquer la nature fondamentalement

subjective du monde et, au-delà, ses conflits potentiels, 3) ce qui prévient la dispute sociale, 4) afin de préserver finalement l’ordre social » (Chiapello et Gilbert, 2016). En

objectivant seulement certaines représentations, les outils masquent certains conflits. « La plupart des outils de gestion s’appuyant sur une standardisation des

questions à gérer et sur une formalisation de règles de gestion, la réification apparaît comme un processus de base quasiment consubstantiel aux opérations de gestion ».

La légitimation est le processus par lequel une forme d’organisation, une pratique par exemple, est socialement acceptée, valorisée et devient empreinte de légitimité. La revendication de légitimité est liée à la domination. Un groupe voulant asseoir sa domination a tout intérêt à faire de ses pratiques, de futures routines pour ses concurrents et ainsi limiter les risques de contestation de sa domination. Sous une apparence technique supposée neutre, l’outil de gestion peut participer activement à ce processus puisqu’il occulte l’aspect stratégique de sa conception et véhicule certaines conventions et représentations. Ils contribuent ainsi à légitimer des asymétries sociales entre des groupes.

Face à ces effets, l’acteur est en mesure de réagir, de renforcer l’action des outils, de tenter d’y échapper ou de faire avec. Ces possibilités peuvent être résumées sous deux effets de second ordre : la domination et la confrontation. Le renforcement de la domination correspond à un succès d’une volonté politique qui passe notamment par l’augmentation de la légitimité. Dans ce cas, les effets de seconds ordres sont proches des effets propres. Dans le cas de contestations ou de mises en échec, les acteurs expriment des formes de résistance au changement qui bloque le processus d’institutionnalisation. Les acteurs peuvent détourner ou contourner l’outil en réponse à ses effets politiques.

Qu’on l’appelle outil ou instrument de gestion, l’artefact n’est pas inerte. L’outil de gestion « est empreint de forces sociales qui le dotent d’une forme d’existence et de

moyens d’action » (Chiapello et Gilbert, 2016). Les effets liés aux différentes

fonctions du cadre d’analyse proposé restent potentiels et non inéluctables dans toutes les situations et avec tous les outils. Si l’étude préalable des fonctions officielles (prévues, affichées) des instruments permet de comprendre une première forme d’effets attendus ou supposément attendus, l’étude des fonctions implicites au

prisme des concepts proposés par Chiapello et Gilbert (2016) est une opportunité de saisir d’autres dimensions de l’implication des outils dans l’activité gestionnaire. Envisager ces dimensions participe à la compréhension du rôle des instruments et des pratiques qui y sont liées dans l’instauration d’arrangements institutionnels. Une perspective comparative de ce questionnement va nous permettre d’étudier l’homogénéité ou l’hétérogénéité des pratiques liées à l’utilisation d’instruments supposés semblables dans des contextes différents.

Bilan de la section 1

Les approches institutionnalistes présentées précédemment ont pour objectif de comprendre et décrire les mécanismes expliquant l’apparition, la disparition, le maintien ou la transformation des institutions. Dans ce cadre, les institutions sont définies comme des règles et des croyances collectives adoptées par les acteurs/organisations et qui structureraient leur comportement dans un contexte institutionnel donné (Meyer et Rowan, 1977 ; Meyer et Scott, 1983 ; Zucker, 1988). Ainsi, les organisations qui parviendraient à afficher ou imiter – en surface ou en pratique – des comportements en harmonie avec les institutions influentes de leur environnement pourraient conserver leur légitimité (DiMaggio et Powell, 1991 ; Boxenbaum et Jonsson, 2008). Les phénomènes d’imitation, d’isomorphismes étudiés dans ce courant, permettraient aux institutions de faire pression sur les organisations et maintiendrait ainsi stabilité et résistance au changement dans le champ organisationnel (DiMaggio et Powell, 1983).

Pour comprendre les changements institutionnels dans notre cas d’étude sur la sélection génétique animale, nous envisageons une analyse des arrangements nationaux à deux échelles :

- Une analyse des arrangements institutionnels avec une approche par les régimes institutionnels de sélection dans les pays étudiés (section 2).

- Une analyse des instruments et leurs pratiques associées avec une approche gestionnaire des contrats de sélection et des pratiques d’approvisionnement, création et diffusion de progrès génétique (section 3) , comme révélateurs des arrangements institutionnels.

Ces deux approches théoriques vont nous permettre de construire notre cadre d’analyse en articulant deux échelles : l’échelle méso-organisationnelle des dispositifs nationaux d’amélioration génétique et, l’échelle micro-organisationnelle des pratiques et outils dans la relation entre entreprises de sélection et éleveurs.

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