• Aucun résultat trouvé

LES REGIMES ET LES INSTRUMENTS DE GESTION : VERS UNE

ARRANGEMENTS INSTITUTIONNELS

3.4. Régime de propriété des ressources communes

Le développement de la sélection génomique participe à renouveler le régime de propriété sur les ressources génétiques animales.

L’analyse des régimes de propriété dans la compréhension des structures de gouvernance des biens communs a fait l’objet de plusieurs études. Toutefois, la majorité de ces travaux se sont attachés à décrire ces structures et ces régimes de manière statique, considérant notamment comme fixes les contraintes physiques ou technologiques qui sont liées aux ressources pendant l’analyse. Ainsi, la dynamique des régimes de propriété associés aux ressources communes est restée peu étudiée (Labatut et al., 2013a) au profit d’études de la diversité des régimes de propriété et des cas empiriques variés (Ostrom, 1990 ; par exemple). Les régimes de propriété, au sens de Schlager et Ostrom (1992) font référence à un ensemble de droits de propriété comme droits d’action sur une ressource (« property rights »). Ils se distinguent du seul droit d’aliénation (« ownership »), souvent utilisé pour parler de propriété.

Ostrom propose une conceptualisation de la propriété commune à partir de ce qu’elle appelle un « bundle of rights », un faisceau de droits (première source). Elles considèrent que ce faisceau est au cœur des régimes de propriété qui organisent les communs des ressources naturelles. Dans leurs travaux, Schlager et Ostrom (1992) ont identifié cinq types de droits pertinents pour l’analyse des communs. Dans un cas de gestion d’un système de ressources, leur analyse via ce faisceau permet de

comprendre les arrangements de droits de propriété entre les acteurs de cette gestion :

§ les droits d’accès : le droit d’entrée dans un espace physique défini, mais aussi l’accès à un réseau ou à un domaine d’information par exemple.

§ les droits de prélèvement : celui d’obtenir des unités de ressources produites par un système de ressources.

§ les droits de gestion (gestion/participation) : ils correspondent au droit à réguler l’utilisation de la ressource, mais aussi de la transformer et de l’améliorer. Il s’agit par exemple du droit à déterminer les règles de prélèvement de la ressource.

§ les droits d’exclusion : ils déterminent qui a accès et peut extraire, et comment ces droits peuvent être transférés.

§ les droits d’aliénation : qui permettent de vendre les droits de management et d’exclusion.

Deux niveaux de gestion sont distingués parmi ces droits. Les droits d’accès et d’usage correspondent à un niveau de droits qualifiés d’opérationnels. Les droits de gestion, d’exclusion et d’aliénation de la ressource (en tant que système) constituent l’ensemble des droits de choix collectifs sur la ressource envisagée comme système complexe. Les droits collectifs peuvent notamment modifier les droits dits opérationnels.

Pour répondre à des situations de gestions de plus en plus complexes, Galik et Jagger (2015) se sont interrogés sur les possibilités d’évolution du cadre de faisceaux de droits de Schalger et Ostrom (1992) en portant une attention particulière au changement institutionnel. En effet, les situations de gestion de ressources naturelles font aujourd’hui face à de nouveaux enjeux (technologiques, politiques,…) qui créent des contextes nouveaux et complexes. Ces auteurs font état de plusieurs travaux utilisant des typologies appropriées pour la conceptualisation des droits de propriétés formels afin de dépasser la classification traditionnelle de la propriété privée, communautaire ou appartenant à l’Etat. Leur objectif est de proposer une révision de ce cadre qui permette une meilleure adaptation aux situations de changement institutionnel pour mieux y accéder l’analyser et le

comprendre. Ils suggèrent notamment d’ajouter un sixième type de droits au faisceau initial, qu’ils nomment « alteration », pour mieux rendre compte des diverses situations de gestion de ressources naturelles.

« We begin with the argument that the issue of resource alteration, defined as the

ability to change the goods and services provided by a resource, is a special case, and one that at present has a difficult time fitting cleanly into the existing Schalger-Ostrom framework." (Galik et Jagger, 2015, p. 77).

Ils distinguent ce droit d’altération de la ressource de celui du “management” (Tableau 2) qui selon eux établit des règles pour l’utilisation de la ressource mais qui implique une forme d’amélioration de la ressource (par exemple : la mise en place de règles pour une gestion durable du bois, le choix de l’emplacement de zones de pêche pour éviter l’épuisement de la ressource etc.)

Le droit d’altération implique quant à lui une transformation importante de la ressource et de ses attributs, qu’il s’agisse d’une transformation positive ou négative (par exemple le déboisement d’une forêt pour l’agriculture, ou au contraire la plantation d’arbres dans des zones de pâtures marginales). Il correspond au droit de changer l’ensemble des biens et des services fournis par une ressource (« a change

in the flow of goods and services associated with the resource »).

« We argue that alteration is a necessary distinction in the Schlager-Ostrom

framework owing to the unique situation leading up to, and the far-reaching implications resulting from, a change in fundamental resource attributes. […] Alteration, on the other hand, involves the complete transformation of the resource from its current state in ways that may be positive or negative depending on perspective and the outcome of interest […].” (Galik et Jagger, 2015, p. 78).

Tableau 2 : Les types de droits et leurs définitions

Niveaux d’action Droits Définitions

Droits opérationnels

Accès (Access) « The right to enter a defined physical property. » Prélèvement

(Withdrawal)

The right to obtain the ‘products’ of a resource”

Droits de choix collectifs

Management « The right to obtain internal use patterns and transform the resource by making improvements » Altération

(Alteration)

« The right to change the set of goods and services provided by a resource

Exclusion « The right to determine who will have an access right, and how that right may be transferred » Aliénation

(Alienation)

« The right to sell or lease[some] or [all management, alteration,] and [exclusion] rights » (D’après : Schalger et Ostrom ,1992, ; Galik et Jagger,2015)

A partir de ces droits, différents rôles des parties prenantes (individus et/ou collectifs) sur la ressource peuvent être définis : entrants, utilisateurs autorisés, requérants («claimants »), propriétaires (« proprietors ») ou pleins propriétaires («

full owners »). Le Tableau 3 indique les positions d’acteurs définies selon les différents droits.

Tableau 3 : Répartition des droits en fonction des détenteurs

Full owner Proprietor Authorized

claimant Authorized user Authorized entrant Access X X X X X Withdrawal X X X X Management X X X Alteration X X Exclusion X X Alienation X

(D’après : Schalger et Ostrom ,1992, ; Galik et Jagger,2015)

L’intérêt de cette approche est d’analyser conjointement la forme que prennent les différents droits du faisceau et la répartition de ces droits selon les individus et/ou

les collectifs qui les détiennent. Cet ensemble définit un régime de propriété sur les ressources qui met en lumière des changements institutionnels importants dans la gestion des ressources génétiques animales. Nous allons mobiliser ce cadre de faisceaux de droits de propriété, en termes de droits d’actions sur la ressource pour comprendre en quoi des changements importants à l’échelle des unités de ressources peuvent impacter les régimes de propriété sur la ressource en tant que système.

Nous inclurons donc dans notre cadre d’analyse une dimension sur les régimes des droits de propriété sur les ressources génétiques animales, interreliée avec les autres dimensions. Ces ressources communes sont « produites, gérées et utilisées

dans des systèmes complexes associant des acteurs hétérogènes de différents statuts (privés, associatifs, publics) et régis par des règles qui s’établissent à plusieurs niveaux » (Allaire, Labatut et Tesnière, 2018). Quels droits et règles caractérisent les

régimes de propriété dans les différents pays étudiés ?

Documents relatifs