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L ’ ORGANISATION DE LA SELECTION GENETIQUE ANIMALE AU CŒUR DE MULTIPLES EVOLUTIONS

GENETIQUES ET LEUR GESTION EN BIENS COMMUNS

3.1. La race animale : notion centrale en sélection génétique bovine

Selon les espèces domestiques, l'amélioration génétique ne porte pas sur les mêmes regroupements d'individus. On parle de « lignées » en génétique porcine ou de « souches » en aviculture par exemple. Pour les bovins, comme pour les ovins ou les caprins, c'est la notion de « race animale » qui est centrale pour les activités de sélection génétique. Au sein d’une même espèce, il est possible de distinguer différentes races, c'est à dire des ensembles d’animaux présentant un grand nombre de caractéristiques héréditaires communes. A titre d’exemple, plusieurs races bovines laitières existent en France : la Normande, la Montbéliarde, la Brune, la Vosgienne, la Tarentaise… et la race Prim’Holstein, la plus répandue. Si cette notion fait l’objet d’acceptions multiples (Pellegrini, 1999), elle est définie dans le code rural en France comme « un ensemble d’animaux qui a suffisamment de points en

commun pour pouvoir être considéré comme homogène par un ou plusieurs groupes d’éleveurs qui sont d’accord sur l’organisation du renouvellement des reproducteurs et des échanges induits, y compris au niveau international. » (Décret n° 2006-1662 du

21 décembre 2006)26. Historiquement, la création des races est le fait d’éleveurs,

tels que Robert Bakewell, célèbre éleveur anglais du XVIIIème siècle, qui a mis en place des pratiques de sélection en accouplant des animaux spécialisés (Russel, 1986). Au XIXème siècle, les premiers livres généalogiques ont été créés par des groupes d’éleveurs pour suivre les filiations des animaux et gérer ces races animales (Denis, 1981).

Chez les bovins, cette notion de race animale est restée la clé de voûte des activités de « sélection dite en race pure ». Des organisations sont chargées de gérer les livres généalogiques et pilote le progrès génétique à l’échelle des races. Elles intègrent deux dimensions importantes des activités de sélection : d’une part, l’appartenance à la race et d’autre part la définition des objectifs de sélection de la race. L’appartenance d’un animal à une race est conditionnée par sa généalogie et par sa conformité au standard27 de la race. Le standard peut évoluer et les critères de

sélection sont fréquemment actualisés afin de prendre en compte les objectifs des éleveurs. Pour améliorer le potentiel génétique de son troupeau, un éleveur dit

26 Décret n°2006-1662 du 21 décembre 2006 relatif à l'identification et à l'amélioration génétique des animaux. 27 Le standard d’une race correspond à un ensemble de critères morphologiques et esthétiques, définit

« éleveur sélectionneur » conserve les meilleurs animaux et se sépare des autres (moins productifs par exemple). L’apport d’une génétique nouvelle dans le troupeau s’effectue essentiellement par la voie mâle, c’est-à-dire par l’insémination artificielle. L’achat de nouvelles femelles ou d’embryons venant d’autres troupeaux participe également au renouvellement des ressources génétiques de l’élevage.

La sélection génétique du poulet de chair est basée sur la notion de « souche » comme l’explique Selmi et Joly (2014) :

« Contrairement à la situation qui prévaut en bovins, ce n’est donc pas la notion de

race qui structure l’offre de génétique avicole par les sélectionneurs, mais la capacité de ces derniers à proposer un catalogue de souches destinées à différents types d’exploitations. À l’image du monde végétal, les sélectionneurs obtiennent des formules génétiques nouvelles et les reproduisent de façon stable et homogène. Les souches hybrides assurent un monopole technique pour les sélectionneurs. Ce monopole est accentué par l’adoption d’un modèle de production fordiste, marqué par une standardisation des tâches et par une forte division du travail. »

En effet, le travail de sélection est divisé en trois rôles distincts : les « éleveurs » qui achètent des poussins de un jour aux « couvoirs » qui dépendent eux-mêmes soit des sélectionneurs soit des industriels de la transformation. La sélection avicole est « l’affaire d’acteurs privés » et « les souches génétiques parentales sont considérées

comme relevant du secret d’entreprise » (ibid., p. 239).

L’histoire de la génétique porcine est celle de « la transition rapide entre un

système où prédominait des races d’intérêt général et un système de production d’hybrides à partir de lignées issues de ces grandes races ou de lignées composites. »

(Selmi et Joly, 2014, p.231). Une lignée « est issue d’un croisement de reproducteurs

issus de races différentes dans une même espèce. Le croisement vis à opérer des combinaisons qui maximisent l’apport génétique de chacune des deux races. Le progrès génétique est ainsi obtenu plus rapidement que par simple sélection en race pure. »

(ibid., p. 228). Une lignée correspond donc à « un processus intensif de sélection qui

conduit à spécialiser chacune des races en lignées caractéristiques d’un progrès génétique bien défini » (ibid., p.232) : le Large White pour ses qualités de

races pures étaient principalement utilisées, « les hybrides se sont progressivement

imposés et représentent pratiquement 100% de la production de porcs industriel depuis les années 1990. » (ibid., p.232). Deux types d’organisation existent dans la sélection génétique porcine : une privée et une collective. Elles développent toutes les deux des lignées commerciales. Dans le cas de la sélection privée, l’accès au progrès génétique est « fermé » par les firmes de sélection qui le limitent à leurs clients. Dans le cas de la sélection collective, il s’agit d’orientations de sélection définies collectivement et chaque membre du groupement a un accès « ouvert » au progrès génétique. (Selmi et Joly, 2014, p.241)

Les différences entre espèces se traduisent donc par des différences d'organisation et d'appropriation du progrès génétique. Contrairement aux « souches » en aviculture ou aux principales « lignées » en génétique porcine qui la propriété d’acteurs privés, les « races » de ruminants (bovins, caprins, ovins) ne sont pas la propriété d’entreprises de sélection mais elles correspondent à un accord entre un collectif d’éleveurs et d’autres acteurs de la sélection. Jusqu’à présent, en 2017, la sélection des bovins n’est donc pas basée sur une organisation à forte intégration verticale. Elle mobilise une diversité d’acteurs qui définissent ensemble l’orientation qu’ils souhaitent donner à la race, au sein d’une organisation par race (en France : l’Organisme de Sélection (OS)). On peut résumer la division du travail de sélection génétique bovins entre :

- des entreprises de sélection (ES) qui achètent les meilleurs reproducteurs mâles aux éleveurs pour diffuser ce progrès génétique en commercialisant des paillettes de semences ;

- des éleveurs dits « sélectionneurs » qui possèdent des troupeaux de femelles de haut niveau génétique et qui vendent certains veaux mâles aux ES ;

- de nombreux éleveurs qui achètent des semences de taureaux sélectionnés proposés par les ES pour améliorer le potentiel génétique de leur cheptel. Ils participent au schéma de sélection de la race et peuvent ainsi espérer faire naître des animaux à haut potentiel génétique.

Enfin, le produit des activités de la sélection n’est pas soumis à des droits de propriété intellectuelle. Les races animales bovines continuent jusqu’à présent d’être reconnues comme la propriété commune des collectifs d’éleveurs.

3.2. Une remise en question des dimensions collective de la gestion

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