• Aucun résultat trouvé

Une production de connaissance génomique coordonnée par la recherche publique et les professionnels

PAYS-BAS.

S ECTION 1 C ARACTERISATION DE TROIS REGIMES INSTITUTIONNELS CONTRASTES

2. L’I RLANDE : UN DISPOSITIF NATIONAL COLLECTIF RECENT ET DYNAMIQUE 1 Un dispositif fortement soutenu par un plan national pour

2.3. Une production de connaissance génomique coordonnée par la recherche publique et les professionnels

Tout comme en France, l’évaluation génomique a pris le pas sur l’ancien système d’évaluation sur descendance (testage). Toutefois, les différentes étapes de la production d’informations génomiques sur les animaux ne sont pas assurées par les mêmes acteurs (Figure 9).

Figure 9 : Représentation synthétique des principales étapes vers la production d’index génomiques pour un animal en Irlande

Pour les animaux repérés par les entreprises de sélection, l’ICBF envoie à l’éleveur un kit de prélèvement d’ADN. Le génotypage est ensuite réalisé par le laboratoire irlandais Weatherbys qui a remporté le premier appel d’offre national pour cette activité. A partir des résultats des analyses de génotypage, l’ICBF réalise l’évaluation génomique à l’aide des modèles statistiques établis en partenariat avec les généticiens du Teagasc. Les index officiels des animaux sont ensuite diffusés par l’ICBF aux éleveurs et aux entreprises.

La mise en place et le développement de la sélection génomique en Irlande a été basée sur une collaboration entre l’ICBF et le centre de recherche semi public Teagasc. Les activités de recherche en génétique et génomique sont principalement réalisées par les équipes du Teagasc. La constitution d’une base unique de données, inexistante dans les années 1990, représentait un des défis majeurs pour la mise en

place de l’évaluation génomique en Irlande. La restructuration complète de l’organisation du système irlandais d’information a permis à l’ICBF de disposer des données venant de l’ensemble des parties prenantes de l’élevage et de la génétique. Les activités de mesures de performances laitières des vaches sont principalement assurées par les deux entreprises de sélection (Progressive Genetics et Munster IA) ainsi que par quelques petites coopératives laitières (Tipperary Co-op, par exemple). Cette situation est très différente du dispositif français dans lequel les activités de mesures de performance (contrôle laitier) sont réalisées par des établissements indépendants des entreprises de sélection et coopératives d’insémination. En Irlande, ce sont donc des coopératives d’insémination 65qui réalisent les mesures et

l’enregistrement des données de performances laitières pour les fournir à l’ICBF. La tenue du livre généalogique de la race Holstein-Friesian est assurée par le Herd- Book : IHFA. Cette organisation réalise également les mesures de la morphologie des animaux.

L’Irlande a modifié son premier index synthétique66, le RBI (Figure 10) basé

uniquement sur la production laitière, considérant qu’il ne permettait pas de sélectionner des vaches rentables : “Breeding index focused on just milk output =

unprofitable cows”67 (ICBF, 2015). A partir de 2000, l’index synthétique national EBI

a été créé et sa composition a progressivement évolué en intégrant de nouveaux critères de sélection adaptés à la situation des élevages irlandais. L’objectif était de donner une orientation singulière à la génétique laitière du pays. Dans cet index, l’accent est mis sur les matières protéiques et grasses du lait ainsi que la fertilité des vaches : “Develop EBI focused on milk solids + fertility = profitable cows” (ICBF, 2015)). Il s’agit ainsi de profiter des conditions d’élevage favorables à la pâture et de valoriser la qualité du lait produit. L’EBI a été modifié au fur et à mesure du temps pour accorder plus d’importance à de nouveaux critères de sélection (Santé, facilité de naissance, musculature etc.) tout en conservant un fort poids accordé à la fertilité.

65 En Irlande, les coopératives d’insémination réalisent l’activité d’insémination artificielle des vaches dans les

élevages.

66 Pour rappel, l’index synthétique correspond à une combinaison des principales valeurs génétiques pondérées

par leur importance économique ou stratégique.

67 Extrait de la présentation “Genetic Improvement in Cattle” réalisée par Dr. Andrew Cromie, Technical Director

Figure 10 : Evolution des composantes de l’index national irlandais (ICBF, 2015)

La Figure 11 ci-dessous illustre la composition détaillée de l’index national de synthèse utilisé depuis 2014. Chaque pourcentage représente la part occupée par le critère de sélection dans l’index global. Le principal caractère sélectionné est la fertilité (35%), suivi de la matière protéique dans le lait (19%) et la quantité de lait (11%) en troisième position.

Figure 11 : Composition de l’index de synthèse EBI depuis 2014

Cette volonté de changement dans les objectifs de sélection a dû faire face au scepticisme de certains éleveurs sélectionneurs et de certaines entreprises de sélection. L’ICBF a alors mis en place une véritable campagne nationale de communication et de sensibilisation auprès des acteurs de la sélection, dont les

éleveurs. Pour cela, le département « Knowledge transfer » du Teagasc a mis en place une méthodologie pour faire adopter ce nouvel index, « cette nouvelle technologie », sur la base du modèle d’un processus en cinq étapes développé par Rogers (2003) : “The initial stages, knowledge [step 1] and persuasion [step 2], are achieved through

mass communication methods. The later steps in the adoption process, decision [step 3], implementation [step4] and confirmation [step 5] require a more intimate level of support and encouragement” (Ramsbottom, 2012). De précédents travaux sur

l’adoption de pratiques par les éleveurs laitiers irlandais ont montré que les conseillers du Teagasc et les discussions de groupes influencent significativement l’adoption de nouvelles technologies (Kelly, 2011). Selon les localités, des groupes d’éleveurs sont constitués pour favoriser les échanges d’expérience et discuter des nouveaux sujets liés à l’agriculture. Ces groupes représentent un important moyen de communication et de création de confiance entre les éleveurs et les conseillers techniques qui transmettent de nouvelles informations et accompagnent leur analyse. LEncadré 1 retrace une partie de la manière avec laquelle l’ICBF et le Teagasc ont coordonné la promotion et accompagné l’utilisation du nouvel index de synthèse EBI.

Encadré 1 : Le Teagasc et l’ICBF coordonnent la promotion et la mise en œuvre du nouvel index génétique EBI dans les élevages irlandais.

“[…] Mass extension methodologies were employed to create an awareness of the index. Breeding competitions, initially individual farmer based, were promoted by Teagasc advisers and publicized widely in the mass media. Each year in advance of the breeding season, Teagasc advisers meet with ICBF personnel and Teagasc dairy specialists and researchers to ensure that consistent EBI messages are promoted. In the early years of the development of EBI such meetings were held with AI representatives as well. Teagasc advisers in turn supported farmers in the early adoption of EBI by selecting AI sires. Farm walks discussion group activities further persuaded farmers to adopt EBI. Teagasc specialist staff and ICBF personnel developed a suite of discussion group reports, available to their advisers, which allowed group member to compare their breeding information with that of other members of their group. Peer pressure helps to ensure that EBI is implemented on individual’s farms. In the latter stages of the adoption process, the individual finalizes the decision to continue using an innovation and may employ it to the fullest potential. Between 2008 and 2011 the breeding competition changed from being an individual farmer competition to a discussion group competition. During the three years 2008 to 2010, approximately 75 dairy discussion groups met a team of experts each year and had their breeding performance critiqued. The impact of this on members’ performance both in terms of the number of heifers born in the following years and the average EBI of the bulls used was hugely significant. Winning groups hosted breeding events where most of the information was presented by group members rather than “breeding experts”. Farmers attending the events observed that hearing the messages from other farmers was hugely effective in confirming the EBI message. To support farmers at this stage, Teagasc and ICBF personnel prepared tables showing the milk production and fertility performance of “high EBI” and “low EBI” cows from winning group members’ herds at the national and regional events that took place following the competitions.” (Ramsbottom, 2012).

Plusieurs méthodes de communication et instruments d’incitations ont été utilisés pour fédérer les éleveurs autour de ce nouvel outil de sélection. En utilisant à la fois des méthodes top-down et des méthodes bottom-up, le département

Knowledge transfer du Teagasc a pu impliquer collectivement des acteurs de la

recherche (généticiens), des conseillers techniques de la filière laitière, des représentants des coopératives d’insémination ainsi que des éleveurs pour développer l’usage de l’EBI.

Documents relatifs