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SECTION II : From conceptual vision to practical evaluation of biodiversity for ecological

Chapitre 3 : Deuxième étape du développement du cadre méthodologique : intégration de la

3.1. Retour d’expérience sur le succès des MC (voir section II pour plus de détails)

L’objectif de ce REX est d’identifier des facteurs contribuant au succès ou à

l’échec des MC, afin de pouvoir faire une meilleure estimation de la valeur des

indicateurs après leur mise en place et ainsi réduire l’incertitude sur le calcul des gains.

3.1.1. Organisation du retour d’expérience

Récolte de la donnée

Des MC issues de projets soumis à dérogations à la destruction d’espèces

protégées (DEP) et incidence loi sur l’eau (LSE) mises en place en Isère ont été

analysées. La recherche d’informations sur les projets a été effectuée dans les archives de

la DDT de l’Isère. Environ 90 dossiers ou arrêtés préfectoraux (lorsque les dossiers

n’étaient pas disponibles) ont été sélectionnés, mais seulement une trentaine a pu être

retenue pour l’analyse des MC. Celles-ci devaient en effet être bien caractérisées dans le

dossier (détails sur les espèces ou zones humides ciblés par les mesures, localisation des

sites compensatoires, nom du gestionnaire en charge de la mise en place ou du suivi) afin

de pouvoir en estimer le succès ou l’échec. Après contact avec les gestionnaires des sites

compensatoires, nous avons pu avoir accès (visites de terrain) aux MC de 20 projets sur la

trentaine sélectionnée (voir Annexe 8c pour une description des projets et des MC

associées). Ces 20 projets se situent principalement autour de Grenoble, Voiron et

Bourgoin-Jallieu (Figure 30). Pour ces 20 projets, un total 59 MC ont été mises en place.

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On peut supposer que les problèmes d’autorisation d’accès aux sites constituent un biais

d’échantillonnage. En effet, les opérateurs en charge de MC qui ont bien été mise en

place et suivies sont plus enclins à les faire « expertiser ». Nous avons tout de même eu

accès à des MC de moins bonne qualité.

Figure 30 : Localisation des 20 projets (sites impactés et compensatoires) étudiés pour le retour

d’expérience et localisation par rapport aux corridors écologiques identifiés dans le SRCE.

Evaluation des facteurs de succès

Le succès des MC a été déterminé en termes de présence de(s) espèce(s) ou

d’habitat(s) ciblés dans les dossiers. Cela ne prend pas en considération des paramètres

comme l’abondance des individus ou la reproduction qui permettent d’évaluer la viabilité

des populations. Le succès a été vérifié lors des visites de terrain en 2016 en présence des

gestionnaires des sites. Les MC ayant été mises en place entre 2001 et 2014 (avec une

majorité en 2012 et 2013), le recul était de 2 ans minimum. Seules deux modalités, succès

ou échec, ont été relevées :

Pour les espèces, la mesure a été considérée comme un succès lorsque des individus

ou des traces (nids, pontes, empreintes, fèces) avaient été observés sur le site

compensatoire (nos observations ou celles du gestionnaire),

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Pour les habitats, la présence des éléments abiotiques caractéristiques de l’habitat

(ex. présence d’eau), et/ou d’élément biotiques structurant (ex. bois mort), ainsi que

des assemblages de végétaux caractéristiques de l’habitat a conditionné le succès

(nos observations).

Quatorze variables pouvant potentiellement influencer le succès ou l’échec des

MC ont été relevées pour l’ensemble des mesures (Tableau 1 de la section II) :

Variables environnementales : surface du site compensatoire, type de MC (Annexe

8b et Figure 31), durée du plan de gestion, distance entre le site compensatoire et le

site impacté, distance entre le site compensatoire et le corridor écologique identifié

dans le SRCE le plus proche (Figure 30), état du site avant la mise en place des MC

et type de maître d’ouvrage.

Variables « espèces » : groupes taxonomiques ciblés par la MC (avifaune,

chiroptères, reptiles, amphibiens, mammifères, insectes et flore).

Ces données ont été soit directement récoltées dans les dossiers, soit auprès du

gestionnaire des sites lors de la visite de terrain.

Figure 31 : Exemple de mesures compensatoires étudiées dans le cadre du retour d’expérience.

A-création d’une mare, B-Plantation de haies, C-Restauration d’une zone humide, D-Création de gîte

pour les reptiles, E-Ouverture de milieu, F-Création de gîte pour les chiroptères. Crédits photos :

Marion Chataigner.

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Analyse du succès des MC

Afin de déterminer les variables qui influencent significativement le succès des

MC, un modèle linéaire généralisé (GLM) a été construit. Le détail de la construction de

ce modèle est présenté en Annexe 8d et dans la section II. Toutes les variables influençant

potentiellement le succès n’ayant pas pu être inclues, le modèle final a la forme suivante :

Succès de la MC ~ Surface du site compensatoire

+ Type de MC

+ Distance entre le site compensatoire et le site impacté

+ Distance entre le site compensatoire et le corridor

écologique identifié dans le SRCE le plus proche

L’influence de ces quatre variables sur le succès des MC en termes de présence

des habitats et des espèces ciblés a été analysée.

3.1.2. Résultats et discussion de l’analyse du succès des MC

Les résultats de l’influence des variables sur le succès des MC sont présentés dans

le Tableau 12.

Le type de MC influence significativement le succès à la fois en termes d’espèces

et d’habitats (Figure 1 section II). Les opérations de création de gîtes (principalement

pour les reptiles et les chiroptères) affichent toutes un succès en termes de présence de

l’habitat, mais les espèces ne colonisent pas systématiquement ces gîtes.

Tableau 12 : Effet des variables sélectionnées dans le modèle sur le succès des mesures

compensatoires, exprimé en tant que présence des espèces ou des habitats cibles. Les variables ont un

effet significatif sur le succès quand la P-value < 0,05.

Habitat cible Espèce cible

Chisq df P- value Chisq df P- value

Surface du site compensatoire Χ²=0.312 1 P=0.577 Χ²=6.792 1 P=0.009

Dist. site impacté – site compensé Χ²=1.162 1 P=0.281 Χ²=3.179 1 P=0.074

Dist. site compensé – corridor SRCE Χ²=0.437 1 P=0.509 Χ²=0.415 1 P=0.519

Type de mesure compensatoire Χ²=12.320 5 P=0.031 Χ²=11.299 5 P=0.046

Les mesures de gestion ayant pour objectif d’entretenir les milieux ouverts ou de

contrôler des espèces exotiques envahissantes n’affichent quant à elles aucun succès en

terme de présence (ou absence) des espèces cibles, et un succès faible en terme de

présence de d’habitat cible. Ce résultat est cohérent avec ce que l’on sait par ailleurs de

l’efficacité des moyens de lutte contre les EEE (Early et al. 2016). Quant aux milieux

ouverts, ils nécessitent un suivi régulier dans le temps avec des opérations récurrentes

d’ouverture de milieu qui n’avaient pas été mis en place dans les cas étudiés ici. L’effet

des autres types MC sur le succès n’est pas significativement différent (Figure 1 section

II).

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La surface du site compensatoire influence significativement le succès des MC

lorsqu’elles visent le maintien ou le retour d’une espèce cible. Selon notre analyse, plus la

surface du site compensatoire est grande, plus il y a de chance d’observer l’espèce cible.

Ce résultat va dans le sens de la relation Aire-Espèce (Preston 1960) qui stipule qu’un

plus grand espace permet une abondance plus importance des individus, assurant ainsi un

meilleur maintien des populations (Bender et al. 1998). La taille du site compensatoire

n’est cependant pas le seul facteur à prendre en compte pour garantir la présence des

espèces cibles. La littérature met de plus en plus l’accent sur l’importance des corridors

écologiques entre patchs d’habitats favorables pour permettre le maintien des populations

(Taylor et al. 1993; Ives et al. 2013; Tambosi et al. 2014).

La distance entre le site impacté et le site compensatoire a une tendance (non

significative ; Tableau 12) à influencer le succès des MC en termes de présence des

espèces cibles. En effet, la mise en place des MC proches du site impacté peut augmenter

les chances que les espèces impactées colonisent le site compensatoire, à condition que

les deux sites ne soient pas séparés par des barrières infranchissables pour ces espèces

(présence d’éléments de connectivité entre les deux sites). La notion de « proximité » est

dépendante du groupe taxonomique considéré car la distance qui peut être parcourue par

les espèces pour coloniser de nouveaux habitats favorables peut être variable. Les reptiles

sont par exemple peu mobiles (Sordello et al. 2013) alors que certaines espèces

d’avifaune ou de chiroptère peuvent couvrir des centaines de kilomètres (Fenton 1997).

La distance entre le site compensatoire et le corridor écologique identifié dans le

SRCE le plus proche n’a pas d’influence significative sur le succès. Les corridors

identifiés au niveau du SRCE sont des zones potentiellement intéressantes à maintenir ou

restaurer pour connecter des zones à fort enjeu écologique14 et sont à affiner au niveau

local. Un site compensatoire se trouvant proche d’elles pourrait donc potentiellement

bénéficier du flux d’espèces empruntant les corridors écologiques maintenus ou restaurés,

ou constituer lui-même l’un de ces corridors (création de haies par exemple). Cependant,

la proximité entre un corridor et un site compensatoire ne suffit pas à la recolonisation des

espèces, qui ont besoin d’éléments favorables (haies, berges de cours d’eau) à leurs

déplacements.

3.1.3. Améliorer les retours d’expérience

Ce REX mené sur des MC mises en place en Isère constitue une première

approche de l’évaluation du succès des MC. Il permet de confirmer certains résultats de la

littérature mais nécessiterait d’être approfondi pour être plus largement généralisable.

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Notamment, la définition du succès que nous avons retenue reste assez simple.

Elle est cohérente avec la règlementation française qui impose une compensation en

« like for like » (la biodiversité qui bénéficie des MC doit être la même que celle

impactée), mais pourrait mieux refléter la dynamique des écosystèmes et des populations.

En effet, la présence d’individus sur un site, bien qu’étant un premier indicateur, ne

permet pas de savoir si les individus se reproduisent sur le site et si les populations ont la

capacité de se maintenir dans le temps. De même, la présence de l’habitat cible ne

garantit pas que cet habitat soit fonctionnel. L’évaluation de critères de succès plus

complexes impliqueraient toutefois de réaliser des inventaires plus poussés.

Dans notre retour d’expérience, nous n’avons pas pris en considération le temps

depuis la mise en place des MC au moment de l’évaluation (la majorité des mesures

étaient mise en place depuis 3 ou 4 ans). Il pourrait être intéressant de suivre l’évolution

des critères de succès à plusieurs pas de temps afin d’estimer la durée nécessaire pour les

atteindre.

De plus, un nombre de MC plus important pourrait être évalué afin de pouvoir

tester l’influence de plus de variables sur leur succès ou échec. L’étude est, en effet,

limitée par le nombre de répliquas qui ne permet pas d’évaluer beaucoup d’effets. En

pratique, l’acquisition de données homogènes sur les MC s’avère difficile. En effet, d’une

part les études d’impact et autres procédures (demande de DEP, incidence LSE…) ne sont

pas standardisées, et d’autre part les dossiers ne sont pas traités et archivés de la même

manière par les différents services instructeurs (DREAL et DDT) d’une région à l’autre.

La base de données développée en France par le Ministère de la Transition Ecologique

pourrait pallier ce problème. Dans un premier temps, elle a vocation à répertorier la

localisation des MC ainsi que le maître d’ouvrage associé, et pourrait inclure à moyen

terme des données plus spécifiques.