• Aucun résultat trouvé

SECTION II : From conceptual vision to practical evaluation of biodiversity for ecological

Chapitre 3 : Deuxième étape du développement du cadre méthodologique : intégration de la

1.2. La dynamique des écosystèmes

La prédiction d’un état futur de la biodiversité implique la mobilisation de

connaissances et de concepts scientifiques liés à la dynamique des systèmes (Couvet &

Teyssèdre-Couvet 2010). Cette dynamique est schématisée de manière générale comme

un cycle dans les théories écologiques récentes (Figure 24). Ce cycle comprend des

alternances entre deux périodes :

 Des successions de végétation et de faune associée (1 et 2 de la Figure 24), qui

suivent des trajectoires écologiques pour atteindre des états d’équilibre. Ces états

peuvent être stables (milieu forestier tempéré par exemple) ou alternatifs, c’est-à-dire

qu’un état stable n’est pas clairement identifié (comme pour l’alternance forêt et

savanes en milieux tropicaux). De plus, les écosystèmes peuvent suivre des

trajectoires multiples pour passer d’un état à l’autre (Connell & Slatyer 1977).

 Des réorganisations suite à des perturbations (3 et 4 de la Figure 24). L’écosystème

peut ainsi repartir dans le même cycle ou bien suivre un cycle différent. Certaines

successions n’atteignent pas d’état d’équilibre car elles sont perturbées trop souvent

et suivent un cycle d’états transitoires (berges de cours d’eau par exemple).

120

Figure 24 : Représentation cyclique de

l’alternance entre succession (flèches

bleues) et réorganisation des écosystèmes

suite à des perturbations (flèches orange).

Les flèches proches les unes des autres

représentent des changements rapides

tandis que les flèches éloignées

représentent des changements lents. La

flèche en gras à gauche matérialise le

possible changement de système suite à

des perturbations trop importantes.

Schéma adapté de Bengtsson et al. (2000).

La durée d’alternance de ces périodes dépend de la fréquence et de la nature des

perturbations. D’après White and Pickett (1985) « une perturbation correspond à tout

phénomène discret dans le temps qui déstabilise un écosystème ou la structure d’une

population, et qui modifie les ressources, la disponibilité du substrat, ou l’environnement

physique » (traduit de l’anglais). Les perturbations peuvent être naturelles (feu de forêt,

crue etc.), ou anthropiques (fauche, exploitation forestière etc.). La manière dont un

écosystème répond aux perturbations est globalement caractérisée par sa résilience et sa

résistance (Holling 1973 ; Gunderson 2000). La résilience est la capacité d’un système à

revenir à son état initial après une perturbation. La résistance est la capacité d’un système

à ne pas changer d’état en subissant une perturbation (Figure 25).

Selon Connell (1978), la diversité spécifique est maximale quand la fréquence de

la perturbation est moyenne, tandis que lorsque les perturbations sont fréquentes, elle est

plus faible (les espèces à cycle vital court et à forte capacité d’expansion sont favorisées).

Lorsqu’une perturbation est trop importante (plus de résilience ni de résistance) les

écosystèmes entrent dans des états « non désirables » (c’est-à-dire en mauvais état de

conservation, voire ci-après), on dit qu’ils sont dégradés (Figure 26). Des interventions

humaines (restauration, réhabilitation, substitution) sont alors des solutions envisageables

pour qu’ils évoluent selon une trajectoire souhaitée (Figure 26). La réalisation de

scénarios grâce à des outils de prédiction permet d’appréhender l’évolution des milieux

suites à diverses actions, par exemple l’application de différentes charges de nitrates dans

les sols (Sverdrup & Belyazid 2015).

La trajectoire dans laquelle se trouvent les écosystèmes peut notamment être

évaluée avec leur état de conservation, notion introduite dans la Directive Faune Flore

121

Habitat (EEC 1992, 2009). L'état de conservation pour un habitat naturel est défini

comme « l'effet de l'ensemble des influences agissant sur un habitat […] qui peuvent

affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la

survie à long terme de ses espèces typiques [...] ». Des critères de détermination de l’état

de conservation ont été définis pour quelques habitats d’intérêt communautaire (Bensettiti

et al. 2012).

Figure 25 : Représentation

schématique de la résilience

(courbe pointillée) et de la

résistance (courbe pleine) d’un

écosystème à des perturbations

(flèches vertes). Ces

caractéristiques peuvent

s’observer sur n’importe quel

attribut d’un écosystème

(diversité spécifique, couvert

végétal…). Source :

www.forestry.sfasu.edufacultystovallsil

vicultureindex.phpsilviculture-textbook-sp-9418167-disturbances

Enfin, les changements globaux modifient le rythme et l’ampleur des

perturbations sur les milieux naturels, impactant ainsi leur dynamique (trajectoires,

équilibres, résilience, résistance…) « naturelle », c’est-à-dire sans perturbation

anthropique. Ces changements sont à prendre en considération pour la prédiction de

l’effet des impacts et des mesures compensatoires, bien que certains effets ne puissent

être visibles que sur des longues périodes de temps.

Au regard de la complexité des dynamiques des écosystèmes dans un contexte en

évolution rapide, la prédiction d’un état futur de la biodiversité est donc très incertaine.

L’incertitude est, de manière générale, un manque de connaissances ou de certitudes sur

un sujet donné (Knight 2012). Elle provient aussi de la part intrinsèque de stochastique

dans les systèmes naturels. Kujala et al. (2013) ont identifié trois grands types

d’incertitudes à partir de la littérature existante : epistemic (connaissance incomplète sur

des faits qui pourraient être connus mais qui ne le sont pas), linguistic (incertitude sur le

langage et le sens des mots) et human decision (incertitudes provenant des préférences

humaines subjectives, de jugements ou de croyances). Une fois le(s) type(s) d’incertitude

lié(s) à la prédiction identifié(s), il est alors plus facile de les réduire au maximum lors de

la prédiction des valeurs des indicateurs après impacts ou MC.

122

Figure 26 : Représentation schématique de quelques actions envisageables sur un système qui a été

dégradé suite à une perturbation trop importante (Barnaud 2015). D’après la Society for Ecological

Restoration International : « la restauration écologique est une action intentionnelle qui initie ou

accélère l’autoréparation d’un écosystème en respectant sa santé, son intégrité et sa gestion

durable.[…] La réhabilitation insiste sur la réparation des processus, de la productivité et des

services de l’écosystème, tandis que le but de la restauration vise aussi à rétablir l’intégrité biotique

préexistante en termes de composition spécifique et de structure des communautés ».