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SECTION II : Ecological Equivalence Assessment Methods: What Trade-Offs between

1.3. Objectifs du chapitre 2

Le but de ce chapitre est de formaliser une mesure de la biodiversité sur les sites

impactés et compensatoires, à partir de laquelle les pertes et les gains induits par les

impacts et les MC pourront être calculés, et l’équivalence écologique évaluée. L’approche

suivie illustre le choix des composantes de biodiversité évaluées dans le cadre

méthodologique, fait en cohérence avec le contexte règlementaire et écologique français,

ainsi que la sélection des indicateurs utilisés pour mesurer cette biodiversité. Afin de

répondre aux critères de construction du cadre méthodologique identifiés au chapitre 1,

cette approche se décompose en quatre étapes qui permettent de combiner les trois défis

(opérationnalité, bases scientifiques et exhaustivité ; Figure 18) :

Etape 1 : Définition d’une manière d’évaluer la biodiversité partagée par les acteurs

impliqués dans le processus de compensation (maîtres d’ouvrage, bureaux d’études,

services instructeurs), à partir de la conception scientifique de la biodiversité.

Etape 2 : Identification des exigences règlementaires européennes et françaises

relatives à la compensation écologique ainsi que les recommandations à prendre en

compte pour l’évaluation de la biodiversité.

Ces deux étapes permettent de justifier le choix des composantes de biodiversité à

évaluer.

Etape 3 : A partir des résultats issus des deux premières étapes, construction d’un

cadre concret d’évaluation de la biodiversité permettant une lecture des indicateurs

organisée et cohérente. L’ensemble des indicateurs retenu est exhaustif, c’est-à-dire

qu’il intègre les dimensions écologiques et spatiales (évaluation de la biodiversité en

lien avec le paysage environnant) et un des aspects de la dimension temporelle

(évaluation de la maturation et la dynamique des milieux naturels) de l’équivalence.

Etape 4 : Recherche et sélection d’un panel d’indicateurs pertinents à placer dans ce

cadre concret d’évaluation par application de filtres « bases scientifiques » et

« opérationnalité » successifs.

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Figure 18 : Etapes du choix des composantes de biodiversité à évaluer et du lot final d’indicateurs

utilisés, sur lequel se base le calcul des pertes, des gains et de l’équivalence écologique.

2. Etape 1 : Conception partagée de la biodiversité et de

son évaluation

Comme décrit en introduction générale de ces travaux, la biodiversité est un objet

d’étude complexe pouvant être évalué de nombreuses manières. Il est donc important que

les acteurs en lien avec la compensation, qui ne sont pas tous formés à l’écologie,

s’accordent sur une conception de la biodiversité et une manière de l’évaluer partagée par

tous, afin de pouvoir travailler sur des bases communes. La définition de la biodiversité

issue de travaux scientifiques et faisant consensus actuellement est décrite dans la

Convention sur la Diversité Biologique de 1992 et des travaux de Noss (1990). D’après

cette définition, la biodiversité peut être évaluée à différents niveaux :

Génétique : diversité des gènes qui constituent la singularité de chaque individu.

Spécifique : diversité des espèces, ensemble des populations d’individus

génétiquement différenciées des autres pouvant se croiser entre elles (Couvet &

Teyssèdre-Couvet 2010).

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Ecosystémique : diversité des écosystèmes, complexes fonctionnels formés d’une

partie biotique (êtres vivants) et abiotique (milieu physicochimique ; Levin 1998).

Paysagère : ensemble d’écosystèmes en interaction, plus ou moins façonné par les

activités humaines actuelles ou passées (les bocages sont par exemple des paysages

issus des pratiques agricoles ; Butet et al. 2004).

D’après Noss (1990) la biodiversité peut également être évaluée pour chaque

niveau sous trois angles principaux:

la composition, qui concerne l’identité et la variété des éléments d’un ensemble

(diversité spécifique par exemple ; Magurran 2005),

la structure, qui est l’organisation physique ou le schéma suivi par un système, par

exemple l’assemblage de communautés (Drake 1991), la structure paysagère, (Turner

1989; Walz 2015),

la fonction, qui implique les processus écologiques et évolutifs comme des flux de

gènes (Mech & Hallett 2001), les perturbations (Dornelas 2010), ou les cycles

biogéochimiques (Beare et al. 1995).

A partir de ces principaux éléments, les acteurs impliqués dans ces travaux de

thèse ont conceptualisé l’évaluation de la biodiversité comme présenté en Figure 19.

Cette conception partagée a été déterminée en concertation entre chercheurs et validée en

« groupe de partage opérationnel9 ». Nous ne considérons pas le niveau génétique car il

demande des techniques (séquençage en laboratoire notamment) et des méthodes

d’évaluation des données non adaptées au contexte actuel de la compensation (Weir

1990). La réduction des coûts de séquençage et l’utilisation accrue de l’ADN

environnemental (Miaud et al. 2012) pourrait potentiellement permettre d’inclure ce

niveau d’évaluation dans le futur. En revanche, il nous a paru important de faire

apparaître les interactions spatiales et temporelles qui opèrent entre les différents niveaux

observés sous les différents angles (Figure 19), afin de refléter l’aspect multidimensionnel

de la biodiversité.

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Ce groupe est composé d’acteurs en lien direct avec les questions opérationnelles liées à la

compensation (DREAL, entreprises, bureaux d’études, associations…) et s’est réuni deux fois au cours de

la thèse. Son objectif était de confronter les orientations méthodologiques de la thèse avec des visions

opérationnelles des membres afin d’enrichir les réflexions en se basant sur leurs expériences.

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Figure 19 : Conception de la biodiversité. Les flèches bleues représentent les interactions dans

l’espace (pouvant se faire à chaque niveau et quel que soit l’angle pris en compte) et les flèches rouges

représentent les successions dans le temps.

3. Etape 2 : Exigences règlementaires européennes et

françaises et recommandations

En Europe et en France, la règlementation concernant la séquence ERC s’est

construite et complexifiée depuis les années 1970 (Annexe 1). Elle doit être appliquée

pour tous les projets, plans ou programmes soumis à étude d’impact (décret n° 2011-2019

du 29 décembre 2011 portant sur la réforme des études d'impact des projets de travaux,

d'ouvrages ou d'aménagements). Les impacts résiduels significatifs doivent ainsi faire

l’objet de MC équivalentes permettant d’aboutir à la « non perte nette » (NNL) de

biodiversité (obligation de résultats).

La détermination de cette significativité reste assez floue pour la biodiversité dite

« ordinaire », c’est-à-dire celle qui n’est pas sujette à des procédures particulières. Les

composantes de biodiversité concernées par ces procédures (Tableau 4) sont les espèces

protégées au niveau européen et national, les zones humides, les milieux forestiers et les

habitats faisant partie du réseau européen Natura 2000 (dits d’intérêt communautaire).

Bien que non précisément définie de manière générale, la significativité des impacts sur

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ces composantes est mieux cernée (notamment l’évaluation de l’état de conservation pour

les espèces et habitats d’intérêt communautaire ; Bensettiti et al. 2012), et c’est donc

principalement sur elles que porte la compensation (voir la section II pour plus de

détails).

Les lois n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en

œuvre du Grenelle de l'environnement et n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant un

engagement national pour l'environnement (dites lois Grenelles I et II), instaurent la mise

en place des Trames Vertes et Bleues au niveau national, déclinées au niveau régional

dans les Schéma Régionaux de Cohérence Ecologique (SRCE). Des acteurs phares

comme le Ministère et le CNPN recommandent alors que les impacts sur les continuités

écologiques soient également compensés. Cela va dans le sens d’une prise en compte

accrue des impacts sur la biodiversité ordinaire, support de nombreuses fonctionnalités

écologiques (dont les contituités), encouragée par les scientifiques (Doremus 2001).

Tableau 4 : Procédures spécifiques dans lesquelles la séquence ERC doit être mise en œuvre selon les

composantes de biodiversité identifiées dans l’étude d’impact

4. Etape 3 : Cadre concret d’évaluation de la biodiversité

Suite aux réflexions menées aux deux premières étapes, nous avons cherché à

construire un cadre concret permettant une évaluation de la biodiversité fidèle à sa

conception scientifique et qui prend en compte les contraintes règlementaires ainsi que les

recommandations des acteurs phares (scientifiques, Ministère, CNPN…). Les étapes de

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cette construction sont détaillées dans la partie II, mais globalement, le cadre d’évaluation

a été structuré sur la base des réponses à quatre questions :

 Quelles composantes particulières de biodiversité doivent être prises en compte dans

l’évaluation de la biodiversité ?

 A quelle(s) échelle(s) spatiale(s) la biodiversité doit-elle être évaluée ?

 Sous quel angle (composition, structure, fonction) la biodiversité doit-elle être

évaluée ?

 Comment intégrer les aspects non règlementaires mais recommandés ?

Le cadre d’évaluation ainsi construit se décline en trois niveaux et deux échelles

d’évaluation avec sept critères pour évaluer la biodiversité (Figure 20).

Figure 20 : Lien entre les éléments identifiés aux étapes 1 en vert (évaluation de la biodiversité

partagée se basant sur sa conception scientifique) et 2 en bleu (exigences règlementaires et

recommandations) et la construction du cadre d’évaluation de la biodiversité.