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SECTION II : From conceptual vision to practical evaluation of biodiversity for ecological

Chapitre 3 : Deuxième étape du développement du cadre méthodologique : intégration de la

2.3. Exemple théorique de prédiction

Afin d’illustrer la manière dont l’effet des impacts et des MC peut être prédit, un

exemple simple est détaillé dans les Tableaux 10 et 11. La prédiction tient compte des

critères préalablement identifiés (§ 2.2.) et se base sur notre expertise d’écologue.

Considérons un site de 1,2 ha avec une mare et un milieu boisé. Un bâtiment doit

être construit à l’emplacement de la mare et d’une partie du milieu boisé. Il y a donc une

zone artificialisée sans mesures de réduction (comme de la végétalisation) et une zone de

chantier avec des mesures de réduction (travaux hors période de nidification). A long

terme, des réhabilitations sur les zones de chantier sont réalisées. Les impacts sont donc

(Tableau 9) :

 pour le bâtiment, permanents, avec modification de tous les compartiments de

l’écosystème et ponctuels de faible surface

 pour la zone chantier, temporaire de courte durée, de modification peu intense des

compartiments de l’écosystème et ponctuels de faible surface.

Seulement quatre indicateurs du niveau général (NG) sont présentés pour

déterminer l’état initial, car l’exemple se veut simple : Surface de milieu boisé, Diversité

spécifique des amphibiens, Diversité spécifique de l’avifaune, Proportion d’espèces

menacées sur LR France et Surface de milieu non artificialisé.

Considérons également un site compensatoire de 2.5 ha localisé à proximité du

site impacté, acquis pour répondre aux besoins de compensation et évalué avec les mêmes

indicateurs que pour le site impacté (Tableau 11). Deux MC sont prévues :

 la gestion conservatoire du milieu boisé existant : action permanente, avec

modification peu intense des compartiments de l’écosystème et ponctuelle de faible

surface,

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Tableau 10 et Tableau 11: Exemple théorique de prédiction sur le site impacté et sur le site compensatoire.

Indicateur Etat initial Prédiction CT Après impact CT Prédiction LT Après impact LT

Surface de milieu boisé

(ha) 1

0.5 ha sont défrichés pour la construction du

bâtiment et des voies d’accès 0,5

0.1 ha sont reboisés sur les zones de

chantier 0,6

Diversité spécifique des

amphibiens (nombre

d’espèces)

3

Les espèces, qui avaient besoin de la mare et

du milieu boisé pour leur cycle de vie n’ont

plus les conditions favorables à leur maintien

0

Des espèces peuvent recoloniser le milieu

boisé car une mare a été créée en guise de

MC à proximité

2

Diversité spécifique de

l’avifaune (nombre

d’espèces)

8

A CT, le dérangement lié aux travaux de

défrichement fait fuir la plupart des espèces,

mais certaines plus ubiquistes arrivent à

subsister

2

Des espèces peuvent recoloniser le milieu

boisé moins perturbé mais pas au niveau de

la diversité initiale étant donné la réduction

de l’habitat

6

Proportion d’espèces

menacées sur LR France

(%)

27,2

(2 espèces

d’amphibiens

et 1 d’oiseau)

Les espèces menacées font partie des espèces

qui ne trouvent plus d’habitat favorable sur le

site suite aux impacts.

0

Les espèces d‘amphibien qui recolonisent

la mare sont des espèces communes. Seule

une espèce d’oiseau menacée recolonise le

milieu boisée qui lui est particulièrement

favorable.

12,5

Surface de milieu non

artificialisé (ha) 1,2

Seule la partie restante du milieu boisé n’est

pas artificialisée 0,5

La partie réhabilitée de milieu boisé n’est

plus considérée comme artificialisée 0,6

Indicateur Etat initial Prédiction CT Après impact CT Prédiction LT Après impact LT

Surface de milieu boisé

(ha) 2 Pas d’évolution de surface 2

Les caractéristiques du milieu changent (non

présenté dans cet exemple) mais la surface

n’évolue pas

2

Diversité spécifique des

amphibiens (nombre

d’espèces)

0 Un amphibien présent sur le site impacté

réimplanté 1

le réseau de mares à proximité du milieu boisé

est favorable à plusieurs espèces communes

d’amphibien qui peuvent potentiellement

coloniser la zone.

5

Diversité spécifique de

l’avifaune (nombre

d’espèces)

10 Pas de colonisation à CT car pas de

changement notable du milieu 10

Le vieillissement du milieu boisé est favorable à

des nouvelles espèces 13

Proportion d’espèces

menacées sur LR France

(%)

10 (1 espèce

d’avifaune)

L’espèce d’amphibien réintroduite est

l’une des espèces menacées du site

impacté.

18 ,1

Une espèce d’oiseau menacée recolonise le

milieu boisé qui lui est particulièrement

favorable, en plus de celle déjà présente. Les

espèces d’amphibien sont communes.

16,7

Surface de milieu non

artificialisé (ha) 2,5

Tout le site (2 ha de milieu forestier et

0.5 ha de prairie mésophile) 2,5

Tout le site (2 ha de milieu forestier et 0.3 ha de

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 la création d’un réseau de trois mares dans la prairie mésophile (à proximité de ce

boisement), avec introduction d’une espèce d’amphibien menacée : action temporaire

longue durée, d’effort conséquent et ponctuelle de faible surface. A LT, les milieux

évoluent suite à l’impulsion donnée par les MC.

Cet exemple simple montre comment la prédiction des valeurs des indicateurs

après impacts et MC peut être réalisée en tenant compte du type de perturbation, de la

dynamique des milieux et de la réponse de l’indicateur considéré. On peut voir que la

portée spatiale des impacts des MC est similaire, mais que les deux autres caractéristiques

des perturbations ne concordent pas exactement. Pour la forêt, les deux actions (impacts

et MC) sont permanentes, mais les MC sont d’intensités différentes (par exemple, une

restauration d’un milieu forestier serait d’intensité similaire). Pour la mare, les intensités

sont similaires, mais la MC est temporaire de longue durée tandis que les impacts sont

permanents.

On notera que dans cet exemple, les mares sont créées sur un milieu existant

(prairie mésophile) pouvant avoir un intérêt propre (milieu favorable pour la biodiversité

ordinaire, fonction de pollinisation, corridor écologique etc.). Ces aspects sont pris en

compte avec les indicateurs sélectionnés dans le cadre d’évaluation (critères de

fonctionnalité, de connectivité, de diversité). Le choix de privilégier un type de milieu par

rapport à un autre (ici les mares par rapport à la prairie) peut être discutable. Le cadre

d’évaluation permet d’en évaluer les conséquences sur l’ensemble des composantes de

biodiversité.

Ces exemples de prédictions ne tiennent pas compte des incertitudes liées au

décalage qui peut exister entre les effets attendus des impacts ou des MC et leurs effets

réels. Dans le cas présenté, l’avifaune pourrait par exemple ne pas recoloniser le milieu

boisé qui serait trop proche de l’activité généré par la construction du bâtiment, ou les

mares récréées pourraient ne pas être favorables aux espèces d’amphibiens (végétation

inadaptée, assèchement en période de reproduction…).

Pour être rigoureuse, la prédiction de la valeur des indicateurs devrait prendre en

compte le taux d’incertitude associé, qui devrait être fondé, entre autre, sur des

connaissances des probabilités de réussite des MC. Cela rendrait le calcul des pertes et

des gains plus réaliste. Dans le cadre de cette thèse, nous ne sommes pas en mesure de

proposer une façon aussi rigoureuse d’intégrer les incertitudes directement au calcul des

pertes et des gains, cela exigerait en soi un travail bibliographique approfondi et un retour

d’expériences à grande échelle sur toutes les mesures compensatoires réalisées sur tous

types d’écosystèmes. Dans un premier temps, nous proposons d’intégrer les incertitudes

au cadre méthodologique de manière qualitative.

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3. Incertitudes associées à la prédiction de la valeur des

indicateurs après impacts ou MC

La prédiction de la valeur des indicateurs est confrontée à de nombreuses sources

d’incertitudes, comme le manque de garantie quant à la pérennisation des MC, le manque

de connaissance de la durabilité des impacts et des recolonisations spontanées des sites…

Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes focalisés sur les incertitudes liées à un

manque de connaissance de l’effet réel des impacts ou des MC sur la biodiversité. Ce type

d’incertitude est donc épistémique, c’est à dire dû à la part de variabilité des écosystèmes

dans l’espace et le temps qui n’est pas encore connue (Elith et al. 2002; Kujala et al.

2013). La capitalisation de données relatives à la mise en place de la compensation peut

permettre de réduire ces incertitudes pour les MC (Tischew et al. 2010). Afin d’avancer

sur cette question, nous avons effectué un retour d’expérience (REX) sur le succès de MC

réalisées en Isère entre 2001 et 2016 dont les résultats sont détaillés ci-après.

3.1. Retour d’expérience sur le succès des MC (voir section II pour