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En dépit des contradictions soulevées par les études sur les différentes tâches de mémoire, certains chercheurs continuent à considérer qu'il ne peut pas y avoir deux mémoires à capacité limitée distinctes. Qu'ils supposent un seul processus impliqué dans le traitement des informations et dans les épreuves classiques de Mémoire à Court Terme ou qu'ils refusent de postuler l'existence de tout processus mnémonique spécifique quel qu'il soit, ces modèles s'appuient sur le principe d'économie.

2 2 1 1 LE MODELE DE COWAN (1988).

Dépouillés à l'extrême, certains modèles postulent l'existence d'un seul registre de mémoire assimilable à la Mémoire à Long Terme ; la Mémoire de Travail est le résultat de l'activation des procédures et des informations provenant de la mémoire permanente en liaison avec les entrées sensorielles. Il n'est pas question, dans ce type de conception, d'unités de traitements pour lesquelles on essaie de définir une structure ni de lieu de stockage. Les modèles développés par Cowan (1988) ou Cantor et Engle (1993) entrent dans cette catégorie.

La figure 2 présente le modèle de Cowan (1988).

Stimuli inchangés Stimulus nouveau CHARGE SENSORIELLE BREVE a a b d Stimulus sur lequel se porte l’attention MEMOIRE A LONG TERME MEMOIRE A COURT TERME FOYER DE L’AT- TENTION ADMINISTRATEUR CENTRAL a b c d Actions automatiques Actions contrôlées L’attention peut être dirigée par

l’Administrateur Central vers des stimuli inchangés ...

ou vers la mémoire à longterme

c

Temps post-stimulus

Figure 2 : Schéma simplifié du modèle révisé de système de traitement de l’information de Cowan (1988).

Cowan (1988) étudie le stockage en mémoire, l'attention sélective, les traitements automatiques versus attentionnels et la manière de laquelle ces fonctions se contraignent mutuellement pour proposer un modèle qui tente de représenter le traitement du flux continuel des informations. Il s'intéresse longuement aux modalités sensorielles et décrit deux phases dans le stockage sensoriel. La première phase de sensation pure ne dure que plusieurs centaines de millièmes de seconde et est distincte fonctionnellement des autres formes de stockage. La seconde phase est une souvenance active des sensations où les activations

sensorielle et sémantique peuvent durer quelques secondes : les informations sont entrées dans la mémoire. Le foyer de l'attention est un sous-ensemble activé de la Mémoire à Court Terme qui, elle-même, est un sous-ensemble activé de la Mémoire à Long Terme. D'un point de vue fonctionnel, aucun filtrage sélectif n'est nécessaire, les stimuli qui ne changent pas n'activent pas l'attention à moins qu'ils ne fassent l'objet d'une attention volontaire. Les stimuli nouveaux et ceux sur lesquels l'attention s'est volontairement portée entrent dans le foyer attentionnel, une liste de mots présentée pour un apprentissage peut, par exemple, constituer un exemple de charge de la Mémoire à Court Terme. Certains traits peuvent être codés automatiquement dans la Mémoire à Court Terme sans que l'attention ne se porte sur eux mais l'intervention des processus attentionnels conduit à un codage plus élaboré, une base de données décisive pour la récupération volontaire ou la mémoire épisodique. Le processus central dirige l'attention et contrôle les traitements volontaires. Le mécanisme de répétition en boucle du matériel verbal est, par exemple, une des fonctions du processus central.

Le modèle de Cowan (1988) explique de façon assez succincte la manière de laquelle se combinent les différents processus. Cowan dit lui même que les différents types d'informations cohabitent dans la Mémoire à Court Terme, que les traitements divers sont dans le processus central sans que l'on puisse affirmer qu'une distinction ne soit nécessaire. L'avantage de son modèle est de saisir l'organisation du système en combinant quelques mécanismes spécifiques en composantes plus générales mais le fonctionnement de la Mémoire de Travail y est peu expliqué.

2 2 1 2 LA CONCEPTION D’ANDERSON.

Certains modèles séparent les processus de Mémoire à Long Terme et de mémoire immédiate mais ne font pas de la Mémoire à Court Terme et de la Mémoire de Travail des entités distinctes. La Mémoire de Travail y est conçue comme une capacité générale qui contraint les activités cognitives. La rétention à court terme de matériel dépend du système général de traitement de l'information. Les tâches de Mémoire à Court Terme et de Mémoire de Travail se partagent des ressources communes flexibles. Le modèle ACT (Contrôle Adaptatif de la Pensée) développé par Anderson (1976 ; 1983 ; 1993) est un modèle de représentation des connaissances qui décrit le stockage et l'organisation des informations dans la mémoire. Il n’y a pas de Mémoire de Travail dans le sens classique du terme mais le concept des limites de capacités est porté par le concept d’activation : la Mémoire de Travail correspond à la portion de mémoire déclarative au dessus du seuil d’activation.

Anderson et Bower (1973) ont proposé une représentation des connaissances dans un réseau d'associations sémantiques appelé HAM (Mémoire Associative Humaine). Le modèle

décrit comment sont organisées les connaissances sémantiques en Mémoire à Long Terme, l'objet de la Mémoire à Long Terme étant d'enregistrer des informations et de les rendre accessibles en cas de nécessité. L'idée de base est de représenter les idées complexes en termes de relations simples, une prémisse fondamentale des théories de l'associationnisme. Il s'agit de définir des propositions, c'est à dire des unités de connaissance minimales chargées de sens qui puissent être posées comme assertions ; concrètement, ces unités ressemblent à des phrases.

Anderson (1983) a proposé un modèle plus vaste, le modèle ACT* qui rend compte de l'organisation générale des connaissances notamment en intégrant en plus de la mémoire déclarative, un système de production et en définissant leurs interrelations et leurs relations au monde extérieur. Le système de production est semblable à la mémoire de procédures, c'est le "comment faire les choses". La mémoire déclarative est l'ensemble des connaissances dont nous disposons, c'est "ce que sont les choses". Anderson inclut implicitement la mémoire épisodique et la mémoire sémantique dans la mémoire déclarative. La représentation déclarative des connaissances accède au système sous forme de groupements ou d'unités cognitives qui peuvent appartenir à trois codes. Un code est dévolu au traitement de l'ordre des données, un autre aux représentations spatiales, le troisième au sens ou aux informations sémantiques, c'est le code abstrait. La Mémoire de Travail est l’ensemble des informations accessibles qui appartiennent au monde extérieur ou proviennent de la Mémoire à Long Terme, elle est l'interface entre le monde extérieur et les autres mémoires. C'est un processus actif au centre des processus de traitement qui permet également à des informations nouvelles d'être stockées dans la Mémoire à Long Terme déclarative.

Anderson (1993) affine sa conception en proposant le modèle ACT-R, système de production adapté à une réalisation optimale en fonction de la structure statistique de l’environnement. Anderson, Reder et Lebiere (1996) s’intéressent plus particulièrement aux limites de la récupération à partir de la mémoire déclarative : la somme des sources d’activations est une constante qui reflète la limite de la quantité d’attention qui peut être distribuée sur les objets source. L’activation réelle dépend des poids et des sources d’activation, la limitation des sources d’activation va donc l’influencer, de même qu‘elle influencera la probabilité et la vitesse de récupération en Mémoire à Long Terme. Comme les ressources sont limitées, deux tâches concurrentes qui nécessitent des sources d’activation interfèrent l’une sur l’autre. Si le concept de Mémoire de Travail désigne la quantité de mémoire déclarative à laquelle ACT-R peut accéder rapidement et de manière fiable, alors les limitations sur les sources d’activation sous-entendent les limites de la Mémoire de Travail.

Dans les modèles que nous venons de décrire, un seul processus est impliqué dans les tâches de rappel simple et dans les tâches cognitives complexes. On fait l'économie d'un second processus mais on ne tient pas compte des contradictions trouvées dans les études de

corrélations et en psychologie du développement. Une autre critique peut être lancée : ces modèles restent souvent très généraux et le fonctionnement de la Mémoire de Travail a encore un caractère amphigourique.