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A partir d'études tirées de la littérature sur les performances de patients souffrant de diverses atteintes pathologiques, Farah (1984) distingue différents types de déficits de la mémoire visuelle et propose un modèle modulaire qui s'inscrit dans le cadre du cognitivisme.

Les représentations visuelles en Mémoire à Long Terme pourraient être détériorées sans que la mémoire immédiate visuelle ne soit atteinte. Farah retrace treize cas de patients dont les localisations des dommages cérébraux sont malheureusement relativement éparpillées malgré l'homogénéité de leur pattern de déficits. Ils peuvent décrire et dessiner des objets présents mais se révèlent incapables de les reconnaître, de les nommer. Ils ne peuvent pas non plus décrire ou dessiner des objets à partir de leurs seuls noms. Pour Farah, ces patients ne peuvent pas atteindre les représentations visuelles contenues en Mémoire à Long Terme nécessaires à l'identification bien que leur mémoire immédiate visuelle soit préservée. En effet, ils ne sont pas démunis d'un stockage visuel temporaire nécessaire à la réalisation de dessins puisque d'autres recherches soutiennent l'idée que pour réaliser un dessin par copie, un stockage visuel temporaire est nécessaire même si le sujet a la possibilité de revenir souvent au modèle (Van Sommers, 1989).

Les processus de génération des images peuvent être déficients en l’absence d’autres déficits. En effet, Farah (1984) dépeint huit cas de patients portant des lésions dans les régions pariétale et occipitale gauche. Ils peuvent percevoir, décrire, nommer, dessiner des objets à condition qu'ils soient présents dans leur champ visuel. Selon les mêmes arguments que précédemment, leur mémoire visuelle immédiate serait préservée (Van Sommers, 1989). En revanche, ils affirment ne pas avoir d'images mentales et se révèlent incapables de décrire ou de dessiner les objets dont on leur donne le nom, donc à partir de leur Mémoire à Long Terme. Mais ces patients ne souffrent pas d'agnosie visuelle, cette préservation de la capacité d'identification montre que le lien entre l'apparence des objets et leur nom est préservé : s’il y

a reconnaissance c’est que l’accès à la Mémoire à Long Terme s’effectue avec succès. Selon Farah, si ces patients sans déficit du registre immédiat ni du registre permanent ne peuvent pas décrire des objets à partir de leur Mémoire à Long Terme, ce n'est pas dû à un défaut d'accès du concept à la représentation imagée, les déficits porteraient sur les processus de génération des images. D'autres données soutiennent la séparation des processus de génération et des processus de maintien des images. Riddoch (1990) décrit le cas D.W. qui présente un pattern de performances semblables et peut même dessiner un stimulus dix secondes après qu’on l’ait ôté de sa vue. Les processus de génération seraient indépendants des registres de mémoire.

De plus, Cocude et Denis (1988) trouvent une indépendance entre le temps nécessaire à la génération d'images à partir d'un matériel verbal et la durée de maintien des images qui correspondent à des mots concrets, les stimuli les plus difficiles à générer ne dévoilant pas une durée de maintien raccourcie. De même, en ce qui concerne les capacités impliquées dans les questionnaires d'imagerie, les différences interindividuelles au niveau des facilités de génération ne se retrouvent pas dans le maintien d'images. Enfin, les individus qui pratiquent des activités qui améliorent la concentration, comme le yoga, pourraient également maintenir plus longtemps leurs images alors que leur faculté de génération ne serait pas améliorée par la pratique de ce sport. Les yogi débutants auraient des performances intermédiaires entre les profanes et les yogi confirmés. Il semble que des processus pour la génération et le maintien puissent être postulés indépendants puisque les facteurs qui influencent la génération restent sans effet sur le maintien et que les facteurs qui influencent le maintien restent sans effet sur la génération.

Au vu des différents déficits rencontrés, il semble que nous pouvons postuler l’implication de processus distincts pour le maintien à long terme, le maintien à court terme et la génération des images visuelles. Nous notons que le cas D.W. étudié par Riddoch (1990) souffre de déficits dans la génération et la manipulation des images après une lésion dans la région temporo-pariétale gauche, les processus impliqués dans la génération et la manipulation ne sont pas dissociables après cette étude. Mais il semble par ailleurs que les tâches d’imagerie ne dépendraient pas du registre à court terme car une étude informelle de Frick (1987) montre le cas de deux sujets qui réussissent aux tâches de Mémoire à Court Terme visuelle alors qu'ils ne peuvent générer des images visuelles conscientes. Si la tâche de rotation mentale ne dépend pas de la mémoire immédiate ni du registre permanent, elle pourrait dépendre des processus attentionnels.

Il faut souligner les problèmes liés au fait que Farah analyse des cas issus de la littérature pour lesquels les recherches initiales n'étaient pas basées sur un modèle modulaire et que les données doivent être interprétées post hoc (Sergent, 1989) et aucune analyse

complémentaire n’est possible. Néanmoins des données récentes confirment l'implication de processus multiples dans les tâches de mémoire visuelle.

Avec cette séparation des tâches, il semble que l'on comprend un peu mieux l'échec des tentatives de dissociation entre les hémisphères. Contrairement au traitement du matériel verbal qui dépend d'aires délimitées situées principalement dans l'hémisphère gauche, les tâches visuelles seraient traitées par des aires diverses en fonction de leur propre variété. Nous verrons que les patterns de déficits cadrent bien avec le modèle développé par Kosslyn (1980) dont nous allons parler dans la section suivante concernée par les recherches autour de l'imagerie mentale. Si différents aspects de l'imagerie sont détériorés dans différents groupes de patients, on peut faire l'hypothèse qu'il n'existerait peut-être pas une seule mémoire visuelle mais des processus variés. D’ailleurs, pour Farah (1988), chez le sujet normal, l'imagerie dépendrait de processus visuels et de processus spatiaux et lorsque les processus visuels sont défaillants, seuls les processus spatiaux seraient utilisés dans les tâches d'imagerie ; une étude de Kerr (1983) montre que des sujets aveugles de naissance peuvent réaliser des tâches d'imagerie avec des effets similaires à ceux que l'on trouve chez des sujets voyants, comme l'allongement du temps de réponse avec l'angle de rotation ou avec la distance à balayer mentalement.

2 L'IMAGERIE VISUELLE,

RESULTANTE DE PROCESSUS