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B ] LE PROCESSUS DE RAFRAICHISSEMENT NE SERAIT PAS BASE SUR LA REPONSE MOTRICE.

LA HOULETTE DES PROCESSUS CENTRAUX.

B ] LE PROCESSUS DE RAFRAICHISSEMENT NE SERAIT PAS BASE SUR LA REPONSE MOTRICE.

Deux types d'arguments soutiennent l'idée que contrairement à la mémoire immédiate verbale, le processus qui soutient la mémoire immédiate visuo-spatiale n'est pas basé sur la réponse motrice. Ces arguments proviennent des études de corrélations et des recherches sur les paramètres qui influencent l'effet longueur de parcours dans les tâches de mémoire.

En mémoire immédiate verbale, la vitesse d'articulation à voix haute d'un sujet peut être utilisée pour prédire une proportion importante de la variance de l'empan verbal : le plus vite un individu pourra articuler, le plus d'items il sera capable de rappeler correctement en ordre (Baddeley, Thomson et Buchanan, 1975 ; Hulme, Thomson, Muir et Lawrence, 1984). Il semble que le système de réponse soutient le processus de répétition. Nous avons vu qu'en ce qui concerne la mémoire visuo-spatiale, des hypothèses ont été faites sur l'implication des mouvements, mouvements des yeux (Baddeley, 1986) ou d'autres parties du corps (Farmer, Berman, Fletcher, 1986 ; Moar, 1978 ; Morris, 1987 ; Quinn, 1994 ; Quinn et Ralston, 1986 ; Smyth et Pendleton, 1989). Ces hypothèses se sont appuyées sur les effets dévastateurs que provoquaient des tâches de mouvements lorsqu'elles étaient utilisées comme tâches interférentes. Si la répétition implique un rafraîchissement en ordre des localisations et que le temps nécessaire pour réaliser ce rafraîchissement est lié au temps de mouvements, on devrait trouver que le temps pris par le déplacement de localisation en localisation peut être utilisé pour prédire le nombre d'items qui peuvent être rappelés. Smyth et Scholey (1992) ont fait des investigations sur les corrélations en utilisant deux voies différentes, celle des différences interindividuelles et celle des modifications expérimentales sur les passations individuelles.

Dans la perspective des différences interindividuelles, leur recherche s'est intéressée à l'éventualité que la vitesse à laquelle les sujets réalisent des mouvements rapides de la main et des yeux en direction de localisations spatiales puisse prédire la performance à l'empan spatial. Les auteurs ont mesuré les temps de réalisation sur une tâche de "tapping inverse" (Fitts, 1954, cité par Smyth et Scholey, 1992) dans laquelle les mouvements sont faits continuellement entre deux cibles, sur une tâche de déplacement entre quatre cibles (Farmer et al, 1986 ; Smyth et Pendleton, 1989), sur une tâche répétitive de mouvements des yeux entre deux cibles spatiales. Dans la perspective des différences expérimentales pour un même individu, les auteurs ont mesuré l'empan spatial à la tâche des blocs de Corsi sous deux conditions de taille des blocs avant les mesures de temps de mouvements et sous une condition après ces mesures en supposant que les tâches de mesures pouvaient conduire les

sujets à augmenter leur vitesse de mouvements. Enfin, voyant à mi parcours que les corrélations seraient très faibles, les auteurs ont ajouté pour les sujets suivants une tâche d'empan de chiffres et des mesures de la vitesse d'articulation et de la vitesse de lecture.

Smyth et Scholey (1992) ne trouvent aucune relation entre le temps pris pour se déplacer rapidement entre les cibles et le nombre d'items spatiaux qui peuvent être rappelés en ordre malgré leurs mesures variées : que la précision soit importante ou non, que la tâche soit relativement nouvelle ou acquise et que le temps de mouvements soit mesuré avec la main ou avec l'oeil. De plus, le temps de mouvement réel varie entre les différentes conditions expérimentales sans que cela n'affecte le nombre d'items rappelés. Les tailles des corrélations entre les trois mesures d'empan indiquent que les sujets ne sont pas toujours consistants dans leur performance à l'empan. La classique corrélation entre l'empan de chiffres et la vitesse d'articulation est retrouvée chez les sujets pour lesquels ces mesures ont été pratiquées. Effet qui ne laisse pas de nous surprendre, le temps pris pour dire les chiffres prédit l'empan spatial. Cette corrélation n'est pas liée à une composante verbale dans l'empan spatial car les données de la littérature (Smyth et al, 1988) et une expérience complémentaire des auteurs qui confirme par ailleurs cette corrélation indiquent que la suppression articulatoire crée un effet mineur sur la tâche spatiale et seulement dans la condition de rappel de six localisations, c'est à dire quand les sujets sont à la limite de leurs possibilités. Quant à la performance de l'empan verbal, il s'avère que, contrairement à toute attente, même sous suppression articulatoire la vitesse d'articulation continue de la prédire.

La relation entre l'empan verbal, la vitesse d'articulation et l'empan sous suppression n'est pas aussi simple qu'elle ne semblait a priori. Mais surtout, il ne peut être fait un parallèle simple entre l'empan de mémoire verbale et l'empan de mémoire spatiale. S'il existe un processus de répétition dévolu au rafraîchissement des localisations, sa vitesse ne corrèle pas avec le temps de mouvement réel. Le processus de rafraîchissement visuo-spatial ne semble pas basé sur le processus de réponse motrice.

L'effet longueur de mots en mémoire immédiate verbale est classiquement attribué à la relation entre la vitesse de répétition du matériel et le temps nécessaire pour articuler les mots à retenir. Bien que les études de corrélations de 1992 n'aient pas donné les résultats escomptés, Smyth et Scholey (1994 b) tentent une nouvelle fois d'éclaircir la question de l'existence d'un processus interne lié à la réponse ouverte en mémoire immédiate spatiale.

Deux relations mathématiques sont utilisées pour rendre compte du lien entre l'amplitude d'un mouvement réel et la taille de la cible. La plus connue est la Loi de Fitts (1954) qui indique que la durée du mouvement est reliée par une fonction logarithmique à l'amplitude du mouvement divisée par la taille de la cible. D'autres modèles proposent une fonction linéaire entre la précision et l'amplitude, en particulier pour les mouvements très rapides (Schmidt, Zelaznik, Hawkins, Frank et Quinn, 1979). Mais en faisant varier la taille et

la distance entre les neuf cibles spatiales des blocs de Corsi présentées sur ordinateur, Smyth et Scholey (1994 b) n'observent aucune influence du temps de mouvement sur la performance, seulement un léger déclin lorsqu'un intervalle vide est ajouté entre le codage des stimuli et l'émission des réponses et une baisse plus sensible lorsque, lors de l'intervalle, le tableau de stimuli est ôté de la vue des sujets sans qu'il n'y ait d'interaction entre les effets de distance et la présence versus l'absence du dispositif dans le champ visuel. Ces résultats vont dans le même sens que l'absence de corrélation précédemment observée (Smyth et Scholey, 1992). En revanche, lorsque les habituelles neuf cases des blocs de Corsi sont remplacées par neuf assemblages de trois subdivisions chacun, on trouve des différences entre les conditions de taille et de distance entre les neuf assemblages. La performance est significativement plus faible lorsque les cases sont petites et éloignées par rapport aux conditions dans lesquelles les cases sont grandes et éloignées ou petites et rapprochées, de même que, dans ces conditions, le temps de mouvements est plus élevé. Les confusions se produisent entre les subdivisions d'un même assemblage et non entre assemblages. On retrouve donc le facteur qui classiquement perturbe les mouvements réels, la difficulté plus marquée pour les cibles petites et éloignées.

Smyth et Scholey (1994 b) dissocient la précision dans le mouvement réel de la précision lors du maintien. Le mouvement per se nécessite toujours une précision importante et les facteurs de taille et de distance entre les stimuli jouent un rôle dans sa réalisation. En revanche, la précision lors du maintien va dépendre de la tâche. Dans la version traditionnelle des blocs de Corsi, la nécessité de précision pendant la répétition est relativement réduite et un codage grossier est suffisant, alors que dans la version présentant neuf assemblages de trois subdivisions chacun, la réponse à maintenir doit être précise, le temps de mouvement augmente et la performance baisse.

En conséquence, Smyth et Scholey postulent l'existence d'un processus de répétition basé sur la réponse quand des localisations précises doivent être rappelées. Mais lorsque le matériel à rappeler ne nécessite pas une grande précision, les auteurs font l'hypothèse que le processus de répétition ne serait pas impliqué ou ne contraindrait pas le système car une approximation de la cible serait alors suffisante. Nous pouvons rapprocher ceci d'un résultat de Quinn et Ralston (1986) qui trouvaient une interaction entre les mouvements interférents versus l'absence de mouvement et la présence versus l'absence de la matrice au rappel dans une tâche de Mémoire de Travail visuo-spatiale, la tâche de la matrice de Brooks (1967) : quand les sujets répondaient sur des pages blanches, des mouvements incompatibles ayant un effet perturbateur sur le rappel dans une matrice ne créaient pas d'interférence. En suivant l'interprétation de Smyth et Scholey, nous pourrions dire que la réponse à produire dans la recherche de Quinn et Ralston (1986) serait moins précise lorsque la matrice est absente et que, de ce fait, la tâche s'avérerait moins sensible à l'interférence.