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C ] DES GROUPES DE TACHES PRINCIPALES.

2 3 1 PLUSIEURS COMPOSANTES VISUO-SPATIALES.

C ] DES GROUPES DE TACHES PRINCIPALES.

Les résultats expérimentaux sur les tâches interférentes et sur les P.E.T. nous amènent à dissocier les tâches principales de mémoire en deux groupes. Les incohérences que l'on a trouvées dans la littérature pourraient être liées au fait qu'on n'a pas assez réfléchi à la nature des tâches : une classification des tâches visuo-spatiales s'impose. Celle que nous proposons n'intéresse que les tâches qui ne reposent à aucun moment sur un codage verbal. Les tâches visuo-spatiales principales y sont séparées en deux grands groupes selon leur nature, épreuves de mémoire de formes abstraites et épreuves de mémoire de localisations. Les premières correspondent à des épreuves de reconnaissance de configurations supposées mesurer la composante "visuelle". Les secondes sont des épreuves de rappel de localisations qui mesureraient la composante "spatiale" de la Mémoire de Travail. Cette classification est appuyée par la sensibilité différentielle à l'interférence de ces groupes de tâches. Tresch, Sinnamon et Seamon (1993) montrent une double dissociation chez des sujets normaux. La performance à une tâche de mémoire de localisation d'un point est affectée par une tâche spatiale de discrimination de mouvements alors que la performance à une tâche de mémoire de la forme d'un objet est affectée par une tâche de discrimination de la couleur d'un objet. Ce classement des tâches de Mémoire de Travail visuo-spatiales évoque également le classement effectué par Farah et ses collaborateurs sur les tâches utilisées dans les paradigmes de mémoire visuelle à partir d'études de patients de neuropsychologie. Farah, Hammond, Levine et Calvanio (1988) avaient montré une dissociation entre les tâches visuelles et les tâches spatiales.

Le rappel de localisations.

Quand on parle de tâches "spatiales", on fait référence à des tâches qui nécessitent la mémorisation de mouvements dans l'espace, que ces mouvements concernent le corps, le bras, la main ou les yeux mais ce terme recouvre aussi les tâches de localisations d'items dans l'espace, les relations géométriques entre ces items. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une entrée perceptive visuelle pour que l'on puisse parler de tâche spatiale. Une des caractéristiques

inhérente à ces tâches est la présentation séquentielle des items. Souvent la restitution est une tâche de rappel également séquentielle.

Une tâche de rappel en ordre d'items spatiaux très utilisée en neuropsychologie notamment pour les patients souffrant de désordres spatiaux impliquant les régions postérieures de l'hémisphère droit (De Renzi et Nichelli, 1975 ; Hanley, Young et Pearson, 1991) est la tâche des blocs de Corsi (Milner, 1971). Pour réaliser cette tâche, un tableau de neuf petits blocs arrangés de manière quasi aléatoire est présenté au sujet. Dans la passation originale manuelle, l'expérimentateur touche successivement une série de blocs et le sujet doit se rappeler de la séquence et la restituer en ordre. Il existe aujourd'hui des versions informatisées de la tâche des blocs de Corsi. Cette tâche est reconnue comme fiable (De Renzi, Faglioni et Previdi, 1977) et permet des comparaisons avec l'empan de mots.

Morris (1987), pour sa part, a développé la tâche de localisations de cercles qu’il voulait explicitement sans codage verbal. Mais nous avons souligné que cette tâche était peut- être trop complexe pour reposer sur un processus spécialisé.

La reconnaissance de formes abstraites.

Quand on parle de tâches "visuelles", on fait parfois référence à des tâches qui tournent autour des propriétés des items comme la forme, la couleur ou la brillance. Mais, le plus souvent, on emploie ce terme pour la rétention de configurations statiques comme les formes d'objets ou la relation interne des parties d'une scène.

Wilson, Scott et Power (1987) créent une tâche d'empan visuel adaptée aux jeunes enfants et aux patients de neuropsychologie comme aux adultes normaux en construisant un nouveau matériel. Ils s'inspirent des matrices abstraites de Phillips et Christie (1977 a ; b ; Phillips, 1983, pour une revue) et des travaux de S. Ichikawa (1982). Phillips et ses collègues trouvaient un très net effet de récence seulement sur le dernier item lorsqu'ils demandaient à leurs sujets de reconnaître des matrices, ce qui signait selon les auteurs l'existence de deux processus pour la mémoire visuelle, l'un à court terme, l'autre à long terme. Par ailleurs, Ichikawa (1982) décrit une technique de mesure d'empan visuel par des points présentés de manière globale dans une matrice et restitués par rappel libre.

Wilson, Scott et Power (1987) utilisent des configurations de cases, il s'agit de matrices dont la moitié des cases est remplie au hasard. Au lieu de demander un rappel de la configuration entière, Wilson et ses collègues utilisent une procédure de rappel partiel, la tâche de complétion14. La performance moyenne des adultes est supérieure à celle atteinte

14 Après un intervalle de rétention, la matrice est de nouveau proposée au sujet mais avec une case éclairée de moins, la tâche consiste alors à pointer la case manquante. La procédure est une procédure d'empan semblable à la procédure utilisée habituellement pour mesurer l'empan verbal. Le premier item est simple, il s'agit de deux cases l'une au dessus de l'autre dont l'une est remplie. Si le sujet réussit, on lui présente ensuite un item

dans les tâches utilisant des procédures de rappel classique. L'empan de configuration se montre sensible au déclin de la trace ; la performance est moins bonne après un intervalle de rétention de dix secondes sans tâche interférente. Une tâche interférente de comptage à rebours de trois en trois effectuée lors de la phase de rétention produit un effet dévastateur significatif.

L'approche développée par Wilson et ses collègues est prometteuse pour la mesure de la capacité de la mémoire visuelle. Elle donne un empan visuel sur une seule configuration abstraite en nombre d'éléments de la configuration qui peuvent être retenus en même temps. Cette procédure qui évite l'utilisation de plusieurs configurations permet de contourner la difficulté liée à la présentation de séries de configurations qui laissait supposer de manière non satisfaisante que la capacité de la Mémoire à Court Terme visuo-spatiale pouvait n'être que d'un seul élément (Phillips et Christie, 1977 a ; b). Logie, Zucco et Baddeley (1990) testent l'effet de tâches interférentes, addition de chiffres et construction par imagerie mentale d'un chiffre dans une grille dont les cases sont décrites comme vides ou pleines, sur l'empan de Wilson et de ses collègues et sur l'empan classique de lettres. Les auteurs trouvent une interaction entre tâches principales et interférentes. L'empan visuel est plus sensible à l'interférence par imagerie mentale alors que l'empan verbal est plus sensible à l'interférence par calcul mental. Logie, Zucco et Baddeley (1990) montrent également que le tâche d'empan visuel est sensible à une interférence par la matrice de Brooks dans sa condition imagée alors que la tâche d'empan verbal est sensible à la matrice de Brooks dans sa condition verbale. La matrice de Brooks, traditionnellement utilisée dans les études sur la mémoire visuo-spatiale, et l'empan de configurations semblent donc impliquer les mêmes ressources cognitives.

Notre classification interpelle sur le fait que le mode de présentation pourrait avoir un rôle à jouer, rôle souligné par les recherches de Frick (1985). Mais nous allons focaliser notre attention sur le fait que cette classification nous permet de distinguer, en raison de leur sensibilité différentielle à l'interférence et de l'implication d'aires cérébrales différentes, les tâches de localisations et les tâches de configurations. Si nous distinguons ces tâches, nous ne pouvons plus accepter la conception unitaire de la Mémoire de Travail visuo-spatiale car même s'il subsiste des processus sous-jacents communs, une conception composite avec des processus séparés serait plus à même de rendre compte de ces dissociations.