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Le domaine de la psychologie qui s'intéresse à la détection et à l'interprétation des stimuli sensoriels est le domaine de la perception. Les travaux qui s'y rapportent nous permettent de mieux comprendre la sensibilité des organismes humains aux signaux sensoriels et la manière de laquelle nous interprétons ces signaux. On emploie le terme "perception" pour désigner l'interprétation et la compréhension des "sensations" qui se réfèrent, elles, à la réception de l'énergie des stimuli en provenance du monde physique. La question de la dichotomie entre les expériences sensorielles et leurs interprétations a soulevé des débats chez les psychologues qui travaillent sur la recherche perceptive mais ces discussions n'entrent pas dans le cadre de cette recherche.

Après la phase sensorielle visuelle on décrit une "mémoire iconique". Cette terminologie donnée par Neisser (1967) désigne les stockages visuels dont la durée ne dépasse pas une fraction de seconde. On peut faire l'expérience de ce stockage sensoriel où les impressions visuelles persistent très simplement : si l'on déplace une brindille dont l'extrémité est enflammée dans la nuit, on peut apercevoir une traînée lumineuse qui suit la braise. Le déplacement d'un point lumineux dans l'obscurité met en évidence une persistance visuelle d'environ cent millièmes de secondes.

Des travaux de Sperling qui portent sur le rappel de lettres présentées en trois rangées de quatre lettres pendant une durée de cinquante millièmes de secondes remettent en question la capacité supposée de la mémoire iconique. Le rappel libre traditionnellement employé donne une performance de quatre ou cinq lettres sur les douze présentes à l'encodage. On pourrait penser que les sujets n'ont le temps de voir ou la possibilité de retenir que ces quatre à cinq lettres. Or, Sperling (1960) montre que si l'on demande au sujet de rappeler une seule ligne de lettres et bien qu'on lui indique la ligne qu'il doit restituer au moment seulement de la réponse, les sujets rappellent environ trois stimuli par ligne ce qui porte à neuf le nombre d'items qui pourraient être présents en mémoire iconique. Sperling met ainsi en évidence l'inefficacité des tâches d'empan perceptif simples à rendre compte de la capacité de la mémoire iconique. En restituant les informations textuellement, les sujets perdent une partie de ce qui semble pourtant stocké en mémoire iconique. Selon les tâches utilisées, on voit que la performance mesurée peut varier, il est donc très difficile de connaître la capacité réelle du processus. Les raisons de cette difficulté tiennent aux faits que, d'une part on ne connaît pas avec précision le rôle des indices dans les tâches de rappel partiel, d'autre part la restitution d'un item pourrait faire diminuer les chances de trouver les items suivants. En effet, la génération d'une réponse aurait un coût qui pourrait générer un effet d'interférence, ce que Tulving et Arbuckle (1963) appellent interférence de sortie (en anglais, output interference). En jouant sur le délai entre la présentation de lettres et le moment du rappel, Sperling (1963) trouve que la performance des sujets estimée d'après les résultats au test par ligne chute de neuf lettres en test immédiat à quatre ou cinq items lorsque l'indice pour la réponse est fourni à cinq cents millièmes de secondes d'intervalle. Cette performance est identique à celle du report total des expériences classiques. Pour Sperling, la durée de la mémoire iconique serait de deux cent cinquante millièmes de secondes. D'autres expériences portent sur du matériel non verbal. Une expérience de C. W. Eriksen et J. F. Collins (1967) suggère que la durée pourrait n'être que de cent millièmes de secondes dans une expérience qui porte sur un phénomène particulier, la capacité de combiner des patterns sans signification. On présente séparément au sujet deux configurations de points qui, si on les superpose, peuvent faire apparaître des lettres. La performance, mesurée par la qualité de l'identification, décline jusqu'à sa disparition à cinq cents millièmes de secondes mais marque une chute dramatique

quand l'intervalle atteint cent millièmes de secondes. Phillips (1974) propose une tâche de reconnaissance qui montre que la mémoire iconique n'est pas sensible à la complexité de la figure à mémoriser. Deux configurations de cases, la seconde étant ou non identique à la première, sont présentées successivement dans un délai très bref. L'augmentation de leur complexité de quatre à vingt-cinq cases ne modifie pas la performance tant que les deux configurations restent superposées. Une autre caractéristique de la mémoire iconique est sa sensibilité à la luminosité ambiante, il existe un effet de masquage lumineux. Un flash lumineux après la présentation de l'icône provoque un effet perturbateur sur les performances. En opposition, une présentation dans l'obscurité allonge le délai de maintien des stimuli (Sperling, 1963).

On peut s'interroger sur l'utilité de ce concept au niveau des tâches de traitement de l'information visuelle. Haber (e. g., 1983) dénie tout intérêt cognitif à la persistance visuelle. Dans la vie courante, ce codage n'est que rarement utilisé, la perception humaine normale n'implique pas de brèves fixations et les yeux restent rarement immobiles. Bien que l'existence de la persistance visuelle ne puisse être mise en doute, pour Haber, la vision normale n'est pas une suite de flashes discrets. Pour Coltheart (1983), le rôle de la mémoire iconique est d'assurer une persistance à partir de l'apparition d'un stimulus et non pas de fournir un prolongement du maintien après sa disparition, elle serait utile pour fournir un temps minimal permettant au système perceptif de traiter les informations de trop courte durée.