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Chapitre 5 : Les réseaux sociaux

5.2 La reproduction des réseaux sociaux

Un phénomène notable de la vie communautaire de la communauté virtuelle du forum est la reproduction des réseaux sociaux. En fait, plusieurs membres de cette communauté sont en mobilité, en se dirigeant d’une ville du pays de provenance vers un nombre limité de villes au Canada, et c’est eux qui reproduisent leurs réseaux. Cependant, ce phénomène ne concerne pas tous les membres de la communauté, ni tous les réseaux qui s’y forment et il ne surgit pas dans toutes les villes du Canada. Par rapport à la présence de ce phénomène, nous distinguons des « réseaux sources », des réseaux reproduits et des réseaux qui ne sont pas ni sources ni reproduits.

Les « réseaux sources » sont en fait les réseaux locaux d’usagers du forum dans les villes au pays de provenance. Dans ces réseaux, les membres de la communauté virtuelle nouent des liens entre eux, trouvent souvent des amis et influencent souvent leur choix de ville d’établissement. L’existence de ce « réseau source » les rassure qu’ils auront des amis et des connaissances à la suite de leur immigration au Canada. Il est notable que parmi notre échantillon de sept candidats à l’immigration (provenant des réseaux de Sofia et de Plovdiv, y compris un des modérateurs), tous les sept se sont montrés confiants que les membres de leur réseau local en Bulgarie vont faire partie de leur réseau social après l’immigration.

Quand certains membres de ces réseaux locaux s’établissent dans une même ville au Canada et renouent leurs liens, ils reproduisent leur réseau local de la ville d’origine. C’est ce qui c’est passé avec les ressortissants de Plovdiv et de Sofia (des deux vagues), qui ont immigré à Montréal et qui ont créé les réseaux locaux susmentionnés de Montréal. Dans plusieurs cas, les premiers arrivés à Montréal ont aidé les suivants pour leur établissement. Ils ont continué d’interagir, mais souvent de façon différente.

C’est d’ailleurs le réseau de Plovdiv qui s’est mieux reproduit à Montréal. Comme ses membres nous ont raconté, ceux qui sont arrivés à Montréal continuent à se voir très régulièrement :

« Nous nous rassemblons, chacun raconte où il est rendu, qu’est-ce qu’il a appris de nouveau, on échange de l’information, on s’invite à des soupers, à des fêtes. »

Dans ce réseau à Montréal, reproduit du réseau local de Plovdiv, ceux qui sont arrivés les premiers accueillent et aident les suivants qui arrivent. Un de nos interviewés de ce réseau nous a raconté qu’avec l’agrandissement de leur groupe à Montréal, ils ont créé de façon informelle une organisation pour l’accueil des nouveaux immigrants de leur ancien réseau de Plovdiv. Avant l’arrivée d’une nouvelle famille, ils décident ensemble chez quelle famille il sera plus opportun d’héberger temporairement la nouvelle famille, et cela, en fonction de la taille des familles et de la grandeur des appartements. En fait, ils décident ensemble comment organiser l’accueil de chaque famille arrivante, comment répartir les tâches et cette synchronisation de leurs efforts optimise les ressources de leur réseau.

En ce qui concerne le réseau à Montréal de ressortissants de Sofia (de la vague plus récente), ici c’est le même mécanisme d’aide à l’établissement entre ses membres, mais la différence est que les efforts sont moins coordonnés. Cette aide à l’établissement est organisée de façon privée entre les membres du réseau et elle n’est pas le fruit d’une dynamique collective et d’un mécanisme décisionnel centralisé. Tous les membres de ce réseau ne se voient pas comme avant sur une base régulière. Certains d’entre eux sont devenus de proches amis et se voient très souvent, mais la communication avec le reste du groupe se déroule souvent par téléphone. Même si ce réseau est moins organisé que le réseau provenant de Plovdiv, une réelle aide à l’établissement est accordée aux nouveaux venus (nous y reviendrons). En ce qui concerne la différence entre le réseau originaire de Plovdiv et le réseau originaire de Sofia, elle pourrait être expliquée par les caractéristiques individuelles de certains membres de ces réseaux (nous avons établi

qu’un des membres du réseau de Plovdiv prenait souvent l’initiative d’organiser) ou, éventuellement, par la culture locale de ces deux villes.

En ce qui concerne le réseau à Toronto, ce réseau n’est ni source, ni reproduit. C’est un réseau qui a été créé dans la ville canadienne et englobe des personnes qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas avant l’immigration. Pourquoi il n’y avait pas de reproduction de réseau à Toronto? Comme nous l’avons mentionné, selon nous, un facteur majeur pour la reproduction d’un réseau est le nombre suffisant de personnes qui immigrent d’une même ville du pays de provenance à une même ville du pays d’accueil. Comme la plupart des membres des réseaux locaux de Sofia et Plovdiv ont immigré à Montréal, il y avait là-bas une masse critique pour la reproduction de leurs réseaux. Ceux d’entre eux qui ont immigré dans d’autres villes se sont trouvés isolés des réseaux reproduits à Montréal et se sont privés du soutien qui était accordé à ceux qui se sont établis à Montréal.

En parlant des réseaux sociaux au sein de la communauté virtuelle du forum, il importe de les analyser à la lumière des concepts de communauté protégée et de communauté émancipée, introduits par Wellman et Leighton (1981).