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Chapitre 2. La construction du rapport au territoire chez les jeunes migrants

2.7 Représentations sociales et phénoménologie des mondes vécus

2.7.2 Représentations sociales de la migration, de l’intégration et du développement du milieu

Comme les représentations sociales se forment dans un groupe, un lieu et une époque particulière, il est possible d’identifier leurs origines sociales. Les représentations des migrants qui s’installent dans les MRC d’Avignon et de Bonaventure peuvent être un indicateur du processus de socialisation qu’on connut ces individus à travers leur parcours de vie. Depuis les études du GRMJ, l’évidence est établie que les jeunes ont différentes représentations du territoire selon leur région d’origine et que la ville constitue un milieu particulier de socialisation dans les sociétés modernes et postmodernes. Étudier les représentations des nouveaux arrivants permet de comprendre les fondements sociaux de leurs rapports à la Baie-des-Chaleurs comme milieu de vie. De plus, ces

étrangers ou ces [individus] qui rentre[nt] au pays agissent sur le milieu, car ils y introduisent une

nouvelle vision du monde. Comme souligné précédemment, les transformations dans la structuration du territoire, la démographie, l’économie et la vie rurale et urbaine des MRC d’Avignon et de Bonaventure sont des phénomènes qui ne semblent pas indépendants de la migration des jeunes. Puisque le développement de ce milieu et même de la région est intimement lié à la migration, l’étude

des représentations sociales des migrants apparaît comme un exercice important afin de comprendre et expliquer les nouvelles tendances observées.

À partir des études du GRMJ et d’une sociologie de la ville et des représentations de l’espace, la suite de cette étude sera attentive au fait que les jeunes qui s’installent dans Avignon et Bonaventure contribuent à l’existence d’une plus grande diversité sociale. Il est fort probable que ces jeunes migrants aient des représentations différentes du milieu visé par la migration et que les représentations des jeunes « natifs » — ceux et celles qui n’ont jamais quitté le milieu — en soient relativement distinctes. Si l’étude des représentations sociales cherche à trouver les fondements sociaux d’une vision du monde dans des groupes sociaux au caractère « homogène », il est difficile de considérer les migrants qui s’installent dans Avignon et Bonaventure comme un groupe monolithique. Par contre, une opérationnalisation du questionnement sociologique sur la migration des jeunes permet de désigner trois groupes à l’étude afin de mieux comprendre les représentations et rapports distincts à un espace régional en développement. Ainsi, la Baie-des-Chaleurs accueille des « migrants de retour » qui ont une expérience vécue du milieu et qui ont partagé à un moment de leur jeunesse la mémoire collective du lieu. Ensuite, il est possible d’identifier les migrants qui ne sont pas natifs de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, et qui, pour la plupart, ont en commun d’être originaire d’une région métropolitaine et d’avoir une connaissance première de la région d’après des représentations saisies de l’extérieur, sans expériences du quotidien ni références à la mémoire collective des habitants. Aussi, une étude qui s’intéresse à la jeunesse ne peut faire abstraction de la présence de jeunes « non-migrants » ou « natifs » sur le territoire. Ces jeunes, qui n’ont jamais migré hors de la région, constituent un groupe comparatif dont l’étude révèle des distinctions entre les perspectives des nouveaux arrivants et celles des habitants de longue date en ce qui concerne la région et son développement.

Par ailleurs, le champ d’investigation de cette étude a été restreint afin de se focaliser sur la compréhension du développement du milieu à travers les représentations des nouveaux arrivants. Ce ne sont pas toutes les « représentations du réel » en général qui sont pertinentes pour saisir la participation de ces jeunes dans les transformations du milieu, mais plutôt les représentations du

développement sous ses diverses formes. Aussi, le développement n’a pas la même signification à

l’échelle régionale, des MRC ou municipale. Les représentations du développement peuvent aussi se décliner en plusieurs champs qui relèvent les divers degrés de réalités du milieu. L’ordre de

préoccupation des enjeux de développement qui apparaissent dans les représentations des nouveaux arrivants donne alors un indice de leur rapport au milieu et de la façon dont ils agissent ou pourraient agir sur ce développement.

Aussi, pour saisir l’intégration et l’interprétation de ces migrants par rapport à leur nouveau milieu de vie, il est nécessaire de mobiliser leur réflexivité. En ce sens, l’étude des représentations de leur parcours migratoire et de leur intégration au milieu met en évidence des possibles « crises » ou « chocs » dans leurs « manières de penser habituelles » (Schutz, 2003, p.17). Cela permet d’évaluer leur degré d’intégration au milieu et met en lumière le caractère social des représentations. Étudier ces représentations est indispensable dans la mesure où l’intégration et le rapport au groupe social d’accueil jouent un rôle de premier ordre dans la transformation des dynamiques régionales. De plus, étudier les représentations des natifs sur les enjeux du développement peut mettre en évidence des disparités liées à des manières de penser, de sentir et d’agir qui sont distinctes. En somme, une telle analyse contribue à mieux définir le type de modèle régional que tendent à devenir les MRC d’Avignon et de Bonaventure.

Conclusion

Le Chapitre 2 a proposé un cadre théorique pour analyser des processus sociaux à la source des représentations de l’espace et du territoire. Les études du GRMJ permettent de comprendre l’existence des différentes dynamiques migratoires selon la région d’origines des migrants au Québec. Cela amène à penser les différents rapports possibles au territoire et à l’espace « social », déterminés par des éléments d’ordre sociologique. Les transformations sociales dans les milieux jugés traditionnellement « ruraux » rendent difficile la désignation de migrants comme « néo-ruraux » par assimilation. Ce chapitre a plutôt proposé un cadre théorique dans lequel l’approche des représentations sociales et de la sociologie phénoménologique fournissent des outils conceptuels essentiels à la « compréhension » du phénomène migratoire en région où la ruralité rencontre l’urbanité à travers les transformations du milieu liées au tourisme et à l’établissement de migrants venant des régions métropolitaines. Le caractère « social » des représentations peut être saisi dans des expériences de vie commune, notamment celle du passage par la ville et des représentations construites depuis les régions métropolitaines.

Si la migration des jeunes a des effets sur la morphologie sociale d’un milieu comme la Baie-des- Chaleurs, ces changements ne touchent pas seulement la « forme » de la population, mais aussi sa

mémoire collective, car la société d’accueil intègre des individus ayant une « mémoire » différente

de la leur. Aussi, le rapport d’un individu ou d’un groupe à l’espace de la Baie-des-Chaleurs doit être compris par les différents « types de rapport » que propose Henry Lefebvre. La triplicité de l’espace

perçu, conçu et vécu permet de comprendre comment se forment les types de représentations du

milieu à partir de la diversité d’expériences qu’ont les individus à l’égard de ce même milieu. En ce sens, nous avons étudié les transformations d’un milieu jugé traditionnellement « rural » et « périphérique » à partir des représentations d’individus qui sont des acteurs de ces transformations. Les différentes représentations à l’égard des MRC d’Avignon et de Bonaventure et de leur développement orientent et motivent les actions des individus dans cet espace où ils se retrouvent tantôt en contexte d’interactions, tantôt dans des activités parallèles et tantôt dans des situations de cohabitation plus ou moins conflictuelle sur le même territoire.

Enfin, une analyse des représentations sociales des migrants peut contribuer à une meilleure compréhension des motivations ayant mené à la migration dans la Baie-des-Chaleurs et non dans une autre région du Québec ou une autre MRC de la Gaspésie. Les représentations du parcours des migrants, de leur intégration et de leur vision du développement doivent être analysées afin de mieux comprendre le phénomène migratoire dans la Baie-des-Chaleurs et le rapport à la société d’accueil. Aussi, il ne faut pas sous-estimer la contribution de l’analyse des représentations des jeunes natifs, qui indiquent des distinctions sociales dans le rapport au territoire.

Chapitre 3. Question de recherche, objectifs et méthodologie

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