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Chapitre 4 : Résultats des deux premières phases de la recherche portant sur la fable

4.2 Représentations et pratiques déclarées d’Isabelle et Jade

4.2.1 Isabelle de Lévis : représentations et pratiques déclarées

Lors de l’entretien pré-expérimentation mené auprès d’Isabelle, nous avons abordé différents sujets dont ses représentations de la discipline, ses pratiques et sa conception de l’articulation langue-texte.

Dans un premier temps, à la question de savoir les activités qu’elle réalise le plus en classe, Isabelle a répondu consacrer beaucoup de temps à la lecture, un peu moins à la grammaire, à l’écriture et à l’oral. Cette question en lien avec ses pratiques déclarées nous permettait de fait de voir l’importance relative qu’elle accorde à chacune des composantes de la discipline. Isabelle poursuit en ces termes :

On dirait que je suis comme en train de changer dans ma pratique. J’ai toujours pensé que c’était l’écriture. Je pense parce qu’on me l’a dit souvent à l’université. Mais là, je suis en train de me demander si ce n’est pas la lecture qui est plus importante. Parce que je trouve que l’écriture, de toute façon, ça passe par une bonne lecture. Je ne pense pas qu’on puisse bien écrire sans savoir bien lire. Je pense que c’est pour ça… Je pense, ça serait la lecture en premier. Mais, c’est vraiment en train de changer. Je ne sais pas si je vais changer ça ou si je vais continuer à le penser. Je me rends compte dans ma pratique que je fais beaucoup de lecture. J’imagine que ce n’est pas pour rien.

On constate à travers cette réponse qu’il y a un lien évident entre la manière dont cette enseignante conçoit la discipline, ses finalités et ce qu’elle déclare faire au quotidien dans sa classe. Nous avons donc voulu savoir comment se réalisaient concrètement ces différentes activités de lecture, d’écriture et de grammaire :

C’est toujours en lien avec le genre que je travaille. À partir de textes, puis de l’observation. Donc je n’ai pas un cours où je donne des règles. C’est vraiment à partir de l’observation de textes. On se fait des tableaux. On voit si c’est la même chose dans un deuxième texte. Je fais des séquences sur l’observation de textes.

Deux constats importants émergent de cette réponse : (1) l’enseignante s’inscrit dans une approche générique et (2) elle travaille avec ses élèves dans le cadre de séquences didactiques. Nous avons donc voulu savoir si elle établissait des liens entre les différentes composantes de la discipline dans le cadre de ces séquences didactiques. Isabelle a déclaré en faire tout le temps. Nous lui avons donc demandé de nous en donner un exemple précis.

Par exemple, pour le travail avec la subordonnée, on a commencé par lire un texte. Ensuite, on s’est posé des questions : on a essayé de le comprendre. Ça, c’était mon volet lecture. Ensuite, dans mon volet grammaire, on s’est posé différentes questions : on a relevé la fonction de la subordonnée, on a rempli un tableau. Ça, c’était la portion grammaire. Puis, ça nous a menés à des phrases qui étaient liées entre elles sans subordonnant. Les élèves avaient à les ajouter. Ça, c’était ma partie écriture. Ils avaient à rajouter les subordonnants pour faire les liens entre les phrases. Puis dans le prochain texte qu’ils vont écrire, ils auront à relever leurs subordonnées dans le texte et à dire de quels types ils sont.

Cette réponse montre la volonté d’Isabelle d’établir des liens entre les différentes activités de la séquence. Toutefois, ceux-ci semblent boiteux dans la mesure où le texte semble plutôt servir ici de prétexte pour l’étude d’une notion grammaticale. D’ailleurs l’enseignante admet elle-même que les activités grammaticales réalisées ne permettent pas toujours aux élèves de mieux comprendre les textes étudiés.

4.2.2 Jade de Montmagny : représentations et pratiques déclarées

Nous avons, lors de l’entretien pré-expérimentation, cherché à connaitre les pratiques déclarées de Jade, ses représentations et sa conception de l’approche d’articulation.

Pour Jade, la lecture, l’écriture, la grammaire et l’oral sont les composantes de la discipline français. Elle considère que les compétences en lecture et en écriture sont les plus importantes de la discipline. Toutefois, elle reconnait que le travail grammatical est au cœur de la discipline, car il permet d’acquérir des outils permettant soit de mieux comprendre ce qu’on lit soit de mieux écrire. Quand on lui demande l’importance qu’elle accorde à chacune de ces composantes, Jade répond :

Difficile d’établir une hiérarchie parce que la lecture et l’écriture sont liées… Mais, je vous dirais, peut-être l’écriture en premier. Chaque jour, je travaille l’écriture à travers la dictée donnée. Et mes élèves ont aussi un moment de lecture chaque jour. Donc, je dirais pas mal les deux en premier.

Par contre, quand on lui demande de classer par ordre les composantes qu’elle travaille le plus, elle répond faire beaucoup de grammaire, puis des activités d’écriture et en troisième lieu des activités de lecture. On voit que, pour Jade, le travail grammatical est une porte d’entrée vers les activités d’écriture. D’ailleurs, elle considère que l’une des principales finalités de l’enseignement grammatical, c’est de rendre les élèves capables de préciser leur pensée et de réfléchir sur les textes. Toutefois, l’enseignante reconnait, avec son expérience, que cet enseignement grammatical peine à atteindre ces finalités-là. Elle soutient que cela est dû au fait que les élèves retiennent peu ce qu’ils apprennent. Pour les aider, elle reconnait enseigner les notions sous une forme spiralaire, mais constate que le transfert des connaissances ne se fait pas, surtout pour les élèves réputés plus faibles. Nous avons ensuite voulu savoir si Jade faisait des liens entre les différentes composantes :

Parfois oui, mais pas toujours. Par exemple, en analysant un texte, je peux relever des mots et demander aux élèves la signification de ceux-ci ou leur demander de faire des remarques sur l’accord ou l’orthographe. Par exemple, si je prends le groupe nominal aucuns frais, je peux demander aux élèves d’en justifier l’accord. Donc je vais faire de petites interventions comme ça. C’est à peu près ça.

Ici, Jade essaie de faire des liens, mais il apparait clairement qu’il ne s’agit pas d’articulation. Ces analyses ponctuelles qu’elle fait ne sont pas de nature à favoriser une meilleure compréhension des textes. Elles semblent plutôt dirigées vers la compréhension décontextualisée de faits de langue. Comme les instructions officielles promeuvent cette articulation, nous avons voulu savoir dans quelle mesure cette enseignante les exploite.

Pour elle, « le programme du MELS est très flou et ne propose rien ». Toutefois, elle reconnait que « la progression des apprentissages est beaucoup mieux structurée, même si elle ne propose pas de pistes visant à accompagner les enseignants pour mieux articuler ». Elle admet qu’elle doit établir seule des liens, ce qui explique que cela ne se fasse pas toujours.