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Chapitre 3 : Cadre méthodologique

3.13 Les critères de validation des dispositifs didactiques

À terme, nous voulions rendre disponibles des dispositifs éprouvés et validés qui seraient alors transposables dans des classes de français. Pour ce faire, il nous a semblé important de définir des critères qui permettraient de valider ces dispositifs. En nous référant d’une part aux réflexions de Dolz et al., (2001) et celles de Dolz et Lacelle (2017) à propos de la conception et l’évaluation des dispositifs didactiques, et d’autre part en prenant en compte les trois pôles du triangle didactique (Halté, 1992), nous avons déterminé trois critères de validité.

Le premier critère est lié aux objets enseignés. Rattaché aux savoirs dans le triangle didactique, ce critère vise à répondre à une question : est-ce que la transposition des savoirs a été possible ? Nous avons choisi d’étudier ce pôle objet par le biais de l’analyse du travail enseignant (Schneuwly et Dolz, 2010) : quelles sont les dimensions textuelles et langagières impliquées dans la compréhension des textes étudiés ? Quelle est la nature des activités portant sur les textes ? Quels sont les lieux possibles d’articulation langue-texte dans la fable et le slam ? Comment les enseignants s’approprient-ils et mettent-ils en œuvre des séquences d’enseignement portant sur une approche aussi difficilement appréhendable que celle de l’articulation ? Quelles modifications

apportent-ils pour rendre transposables ces séquences ? Quelles justifications donnent-ils à ces changements ?

Le second critère est lié aux élèves. Ce critère visait à répondre à la question : est-ce que les élèves progressent dans leurs apprentissages ? Puisque notre recherche n’impliquait pas la participation active des élèves dans le recueil des données, nous avons étudié ce critère avec le regard des enseignants lors du bilan collaboratif. Sans attester de profonds changements, la nature même de notre recherche ne nous le permet pas, nous souhaitons voir, dans mesure, les participantes considèrent que les notions travaillées cours après cours ont été utiles à leurs élèves. Elles peuvent se fier à leur sentiment général, aux productions des élèves ou aux apprentissages qui sont suivi la mise en œuvre des séquences, étant donné que les bilans se tiennent toujours quelques semaines après les expérimentations. Cette analyse peut permettre de justifier la pertinence des objets travaillés, donc de la légitimité même des savoirs convoqués.

Le troisième critère qui nous permet de conférer une validité à nos dispositifs est la double expérimentation. Celle-ci visait à voir dans quelle mesure des enseignants, différents de ceux ayant collaboré à l’élaboration des dispositifs, sont eux aussi capables de s’approprier ces dispositifs et de les mettre en œuvre dans leur classe. Pour ce faire, nous avons défini trois indicateurs à partir desquels nous analysons cette double expérimentation : la mise en œuvre complète ou non de la séquence, l’ampleur des modifications apportées pour conduire à terme la séquence (activités, outils et divers obstacles didactiques ou cognitifs) et le point de vue des enseignants recueilli lors de l’entretien post-expérimentation.

Pris isolément, nous sommes d’avis que ces critères ne peuvent permettre de soutenir de la validité des séquences. Nous procéderons donc à une triangulation de ces trois types de données. En effet, les deux premiers critères renvoient à la validité interne (Artigue, 1996) alors que le troisième renvoie à la validité externe puisqu’il permet d’analyser les conditions d’appropriation des dispositifs par d’autres enseignants. Faire dialoguer ces critères internes et externes conférerait une fiabilité à notre interprétation dans la mesure où nos résultats sont cohérents avec les données collectées.

3.14 Conclusion du chapitre

Dans ce chapitre, nous avons, dans un premier temps, présenté les fondements méthodologiques qui ont orienté notre travail. Ensuite, nous avons dressé le profil des enseignantes-participantes et, finalement, nous avons décrit les méthodes ainsi que les outils de collecte et d’analyse des données de notre recherche. Nous avons aussi présenté l’ensemble des données collectées et celles qui feront l’objet de nos analyses dans les chapitres suivants.

Ce chapitre montre aussi les défis auxquels nous avons fait face dans le processus de collecte de données dans un contexte de cotutelle, notamment au Québec et en Suisse. Les différents tableaux que nous avons présentés montrent une asymétrie dans les éléments recueillis dans ces deux espaces géographiques. Il convient de préciser que cette situation ne résulte pas de nos choix, mais découle des difficultés que nous avons rencontrées lors de la collecte des données sur le terrain : problèmes techniques (vidéo sans son), problèmes de santé ou désistement d’une participante à la dernière minute et processus de recrutements des participants différents dans les deux pays.

En effet, la possibilité que nous avons au Québec de contacter directement des enseignants nous permet d’avoir accès à beaucoup plus d’enseignants, donc de prévoir des plans alternatifs en cas de problème ou de désistement. Ainsi, au Québec, deux enseignantes ont participé à la recherche portant sur la fable et quatre autres à la double expérimentation de la séquence relative au slam. En revanche, en Suisse, la dynamique était différente. Comme nous n’avons pas eu un accès direct aux enseignants, la possibilité d’en recruter plusieurs était nulle. Dans certains cas, notamment pour celles qui se sont désistées avant les expérimentations, nous avons constaté que leur accord préalable était fortement dépendant de la nature de la procédure elle-même. Dans d’autres cas, lorsque nous avons essayé de trouver d’abord des enseignantes avant de nous adresser ensuite au Département de l’instruction publique du canton de Genève, la longueur de la procédure ralentissait les ardeurs des enseignants. C’est notamment ce qui s’est passé avec deux enseignants qui nous ont donné leur accord dès 2016 lors d’une présentation de notre projet à la Haute école pédagogique de Lausanne. Nous avons échangé avec ces enseignants pendant une année en attendant les accords administratifs. Et comme une année scolaire dure neuf mois, ces deux

enseignants ont par la suite renoncé à participer au projet. En clair, en Suisse, nous n’avions aucun plan B. Par exemple, à Genève, à la veille de notre première expérimentation, une de nos participantes a dû se retirer pour un congé maternité devancé.

Au Québec, les difficultés que nous avons rencontrées et qui nous ont conduit à réorganiser nos données étaient plutôt d’ordre technique. Par exemple, les images de la toute première expérimentation sur la fable étaient incomplètes, donc inexploitables. En conséquence, nous avons décidé de ne pas la garder.

Conscients des implications de ces contraintes de divers ordres d’une part, et d’autre part soucieux de garder une rigueur dans notre recherche, nous avons décidé de réorganiser autrement notre démarche avec le constant souci de répondre à nos questions de départ. Ainsi, nous avons décidé de croiser les données en conservant d’abord pour le slam, une expérimentation filmée à Genève et pour la fable, une double expérimentation filmée à Montmagny au Québec. Une telle perspective, en plus de favoriser une réorganisation des données, est de nature à nous permettre de répondre directement aux questions à l’origine et au cœur de notre démarche : comment la langue et la littérature sont-elles articulées dans ces deux genres que sont la fable et le slam et comment des enseignants peuvent-ils s’approprier et mettre en œuvre des dispositifs construits à la fois par des chercheurs et des collègues enseignants? De plus, toujours dans le but de répondre à ces questions, mais aussi de voir la résistance de nos dispositifs à l’épreuve de l’empirie des enseignants, nous avons considéré aussi une double expérimentation de la fable en Suisse et une double expérimentation du slam au Québec.

Les prochains chapitres de cette thèse seront consacrés à la présentation et à l’interprétation des résultats. Nous avons fait le choix de ne présenter ni dans le chapitre précédent (cadre théorique et conceptuel) ni dans celui-ci (méthodologie) les séquences didactiques qui ont fait l’objet d’expérimentations. Nous pensons en effet que notre posture méthodologique fait en sorte que ces séquences sont une partie de nos résultats, car elles sont le fruit d’une collaboration et d’une construction entre chercheur et praticiens. Ainsi, les chapitres 4 et 5 seront respectivement consacrés à la fable et au slam. Ces deux chapitres auront la même structure : analyse préalable de chaque genre, présentation des représentations et pratiques déclarées des participantes, description du processus d’élaboration de chaque séquence et

présentation détaillée de chacune des deux séquences. Ensuite, les chapitres 6 et 7 seront, quant à eux consacrés à l’analyse de la mise en œuvre des séquences par les enseignantes. Au terme de ces analyses, les deux derniers chapitres de cette thèse viendront dresser le bilan des différentes expérimentations (8) et servir de cadre à l’interprétation que nous faisons des résultats obtenus (9).