• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Revue des recherches empiriques

3.2 Recherches sur les rôles d’enseignants dans l’intégration

3.2.4 Les représentations d’enseignants de classes d’accueil quant à leurs rôles

L’étude de Karanja (2007) examine, à travers les « perceptions » des acteurs scolaires, les caractéristiques d’un modèle de services pour l’apprentissage de l’anglais L2 en vigueur dans deux écoles secondaires situées dans une petite ville de Colombie- Britannique au Canada. D’après la chercheure, la présence d’un nombre réduit d’élèves allophones immigrants dans ces écoles (moins d’une trentaine d’élèves sur un nombre total de plus de 2300), représentait un défi pour l’organisation des services liés à l’enseignement de la langue seconde. Le modèle de services pour l’enseignement de la L2, dans les deux écoles ayant participé à l’enquête, était l’intégration directe avec un soutien linguistique, c’est-à-dire que les élèves allophones immigrants recevaient du

soutien linguistique à l’extérieur de la classe, dans une classe ressource avec un enseignant de L2.

La chercheure s’est servie d’une approche qualitative en procédant par études de cas, chaque cas étant l’une des deux écoles. Dix participants ont été sélectionnés sur une base volontaire, parmi eux figuraient trois élèves allophones immigrants, trois parents d’élèves, deux enseignants de L2 et deux enseignants des classes ordinaires. Les données ont été recueillies par des entrevues semi-dirigées et l’analyse a été menée suivant une approche thématique. Aux fins de la présente recension, seules les représentations des enseignants seront considérées.

Les résultats de l’étude de Karanja (2007) s’articulent autour des trois aspects suivants : d’une part, les « perceptions » d’enseignants en exercice quant à la mission des structures spécifiques pour l’enseignement de la langue seconde et, d’autre part, les « perceptions » des rôles des enseignants de classes ordinaires et des enseignants de langue seconde.

Tout d’abord, les enseignants de langue seconde percevaient les périodes en classe ressource de L2 comme des moments privilégiés durant lesquels les élèves allophones immigrants pouvaient recevoir de l’aide sur le contenu des cours disciplinaires, comme du tutorat. Ils voyaient également la classe ressource comme un milieu où les élèves allophones immigrants pouvaient s’exprimer librement et se sentir plus à l’aise dans un petit groupe composé principalement d’élèves ayant des besoins semblables. Les enseignants ont également parlé de la sécurité et du sentiment d’appartenance que pouvaient ressentir les élèves allophones immigrants dans la classe ressource en L2.

Dans son interprétation des résultats, Karanja (2007) indique que, d’une part, l’aide que les enseignants de langue seconde accordent aux élèves allophones immigrants pour l’apprentissage du contenu des cours disciplinaires est favorable à leur intégration

scolaire. Par ailleurs, elle ajoute que cet enseignement de type disciplinaire révèle que les enseignants de langue seconde connaissent le programme éducatif dispensé au régulier et qu’ils sont conscients des attentes des enseignants des classes ordinaires, ceci rappelle les résultats de l’étude de Messier (1997) pour qui l’enseignant d’accueil est amené à être un « généraliste ».

En revanche, Karanja (2007) rapporte que, dans l’ensemble, le modèle de services pour l’apprentissage de la L2 en vigueur dans les deux écoles participant à son étude semble privilégier le confort et le bien-être psychologique des élèves allophones immigrants, ainsi que les apprentissages dans les cours disciplinaires aux dépens de l’enseignement spécifique de la L2. Selon cette chercheure, il ne faudrait pas perdre de vue l’objectif d’enseigner explicitement les bases de la langue seconde. Par ailleurs, Karanja (2007) constate que la prise en charge collective des élèves allophones immigrants par l’ensemble de l’équipe-école ne semble pas se réaliser dans les deux écoles. La chercheure indique que la responsabilité de l’intégration des élèves allophones immigrants était prise en charge presque entièrement par les enseignants de L2 et par les parents. Par conséquent, Karanja critique l’absence de soutien offert par les autres acteurs scolaires, comme les enseignants des classes ordinaires et la direction de l’école.

En conclusion, Karanja (2007) rappelle que le manque de soutien pour les apprentissages en L2 serait susceptible d’entraîner des effets négatifs sur la socialisation, les apprentissages linguistiques et la réussite scolaire des élèves allophones immigrants. Elle soulève l’importance de fournir un enseignement spécifique de la langue seconde, indépendamment du modèle de services ou des caractéristiques du milieu scolaire. En lien avec la présente étude, nous retenons le fait que même avec la présence de structures spécifiques pour l’apprentissage de la langue seconde, la prise en charge des besoins des élèves allophones immigrants ne se réalise pas toujours à l’échelle de l’équipe-école. Nous nous demandons si, dans les écoles montréalaises, les enseignants des classes

ordinaires seront impliqués dans tous les aspects de l’intégration des élèves allophones immigrants.

L’étude suivante propose de porter un regard croisé sur les services éducatifs dispensés aux élèves allophones immigrants, en considérant à la fois les perspectives des enseignants de langue seconde et celles des enseignants des classes ordinaires dans le contexte d’une école secondaire.

Sharkey et Layzer (2000) ont mené une enquête sur les « attitudes, les croyances et les

pratiques » d’enseignants de classes ordinaires et d’enseignants de langue seconde. Ces

chercheures s’étaient donné comme objectif d’identifier les ressources et les obstacles susceptibles d’influencer la réussite scolaire des élèves allophones immigrants au sein d’une école secondaire de Pennsylvanie aux États-Unis, accueillant un faible pourcentage d’élèves allophones immigrants. Le modèle de services en vigueur au moment de l’enquête était l’intégration directe au régulier, avec des classes ressources en L2 où les élèves allophones immigrants étaient regroupés pour recevoir des cours d’anglais et de sciences sociales. La méthodologie utilisée lors de l’enquête a été dans un premier temps, la distribution d’un questionnaire à 48 enseignants des classes ordinaires dans diverses disciplines. Ensuite, des entrevues semi-dirigées ont été menées auprès de 10 enseignants (parmi eux, 8 enseignants du régulier et 2 enseignants de L2). Enfin, 26 périodes d’observation directe ont eu lieu dans des classes ordinaires et dans des classes de L2.

En termes de résultats, trois principaux obstacles à la réussite scolaire des élèves allophones immigrants ont été identifiés par Sharkey et Layzer (2000). Selon ces chercheures, les obstacles sont dus à l’influence des représentations sur les pratiques d’enseignants de L2 et d’enseignants des classes ordinaires. L’un des principaux obstacles identifiés par les chercheures tient au fait que les élèves allophones immigrants étaient systématiquement placés dans un parcours de formation générale au lieu du

parcours avancé menant aux études post-secondaires. Les chercheures expliquent que la personne responsable de la mise en œuvre du modèle de services en L2 a justifié ce choix en disant que les élèves allophones immigrants seraient « plus à l’aise » dans le parcours de formation générale étant donné le moindre nombre de matières disciplinaires à maîtriser. Selon cette représentation de l’enseignante de L2, réduire les exigences du milieu scolaire favoriserait l’intégration.

De plus, les chercheures rapportent certaines conséquences liées au placement des élèves allophones immigrants dans les cours de type général, une pratique qui se résume, selon Sharkey et Layzer (2000) à les diriger vers un environnement moins stimulant sur le plan éducatif. En ayant recours à une observation comparative des cours de type « général » par rapport aux cours de type « avancé », les chercheures ont pu constater que la gestion de classe occupait davantage une place prépondérante dans les cours généraux.

Un deuxième obstacle à la réussite scolaire des élèves allophones immigrants découlant des pratiques enseignantes tiendrait au fait de limiter les interactions entre élèves. En s’inscrivant dans un optique socioconstructiviste, Sharkey et Layzer (2000) expliquent que la communication entre élèves serait une source importante pour les apprentissages langagiers et disciplinaires et que les apprenants de L2 ont besoin d’avoir de nombreuses occasions de se servir des multiples aspects de la langue cible. Toutefois, en examinant les interactions entre les élèves allophones immigrants et les autres élèves de langue maternelle anglaise en classe ordinaire, les chercheures ont pu constater un problème d’isolement. Par ailleurs, les résultats d’un questionnaire administré par les chercheures sont révélateurs de cette problématique, car 69,7% des enseignants interrogés percevaient peu ou pas d’interaction entre les élèves allophones immigrants et leurs pairs de langue maternelle anglaise dans la classe ordinaire. De plus, les observations en classe menées par les chercheures ont pu corroborer les résultats des questionnaires.

Enfin, Sharkey et Layzer (2000), rapportent un troisième obstacle à la réussite des élèves allophones immigrants : la préoccupation des deux enseignants de L2 interrogés était de créer un environnement sécurisant pour les élèves allophones immigrants, parfois même au détriment des apprentissages scolaires. À partir de séances d’observation, les chercheures ont pu constater que les élèves allophones immigrants bénéficiaient d’un climat de classe plus détendu dans les cours de L2 et qu’ils semblaient plus à l’aise pour s’exprimer à l’oral, mais elles indiquent que le contenu des interactions entre élèves allophones immigrants n’était donc pas toujours de type scolaire et celles-ci ne contribuaient pas nécessairement à l’acquisition du contenu disciplinaire.

En résumé, nous retenons de l’étude de Sharkey et Layzer (2000) que les représentations d’enseignants par rapport aux besoins des élèves allophones immigrants influencent leurs pratiques et que certaines pratiques, au lieu de favoriser l’intégration, peuvent constituer des obstacles à la réussite scolaire.

L’étude suivante illustre les différentes manières selon lesquelles les enseignants de L2 « conceptualisent » leurs rôles à travers l’utilisation de métaphores, il s’agit d’une approche originale pour traduire les rôles des enseignants en images ou en représentations. Ces métaphores rappellent le caractère imageant et figuratif des représentations sociales (Jodelet, 1989; 2003).

L’étude de De Guerrero et Villamil (2000) porte sur les représentations d’enseignants de langue seconde dans le contexte d’une étude en formation continue. Les chercheurs ont identifié les métaphores que des enseignants d’anglais langue seconde utilisaient pour « conceptualiser » leurs rôles. Ils ont également exploré quelques présuppositions théoriques à propos de l’enseignement et de l’apprentissage, telles que révélées par l’analyse des métaphores produites par les enseignants de langue seconde. Les données de l’étude ont été recueillies lors d’un atelier destiné aux enseignants d’anglais L2 lors

d’un colloque TESOL (Teaching English as a Second Official Language) tenu à Puerto Rico. Les participants devaient produire une métaphore commençant par l’expression : « Un enseignant d’anglais langue seconde est comme…_________________________ ».

Par la suite, les participants de l’atelier ont pu déconstruire leurs métaphores afin de les analyser en suivant les étapes détaillées par les chercheures. Les participants de l’étude, au nombre de 22, dont six hommes et 16 femmes, étaient tous des enseignants d’anglais L2 à Puerto Rico. Au cours de l’atelier de formation continue, ils ont produit 28 métaphores différentes afin de décrire leurs rôles. Les chercheurs ont procédé à une analyse de type itérative et récursive. Lors de l’analyse, les chercheures ont groupé les métaphores produites par les enseignants de L2 en neuf catégories distinctes. Parmi ces catégories, trois d’entre elles étaient les plus fréquemment utilisées: l’enseignant comme guide, l’enseignant comme source de connaissances et l’enseignant comme agent de changement. Aux fins de la présente recension, nous allons nous limiter aux trois premières catégories.

Dans la première catégorie, l’enseignant en tant que guide, le rôle de l’enseignant était d’accompagner les élèves dans le processus d’apprentissage, mais l’accent était mis sur les actions de l’élève. À l’inverse, dans la deuxième catégorie, dans la métaphore où l’enseignant est source de savoir, l’élève aurait un rôle plus passif, l’accent étant mis sur l’enseignement. Selon cette représentation, les savoirs seraient transmis de manière unidirectionnelle de l’enseignant de langue seconde à ses élèves. Dans la troisième catégorie de métaphores, l’enseignant est vu comme agent de changement, occupant un rôle qui ressemble à celui d’un catalyseur ou d’un motivateur. Dans cette métaphore, l’enseignant vise le changement éducatif de l’une des trois façons suivantes : soit en encourageant les élèves à développer leur esprit critique, soit en essayant de changer l’attitude d’élèves qui ne veulent pas apprendre la langue seconde ou encore en favorisant

un avenir meilleur pour les élèves en leur fournissant des occasions pour qu’ils se développent et pour qu’ils puissent améliorer leur situation sociale.

De Guerrero et Villamil (2000) rapportent également une catégorie de métaphores selon laquelle l’enseignant est représenté comme cultivateur, occupant un rôle « maternant » qui l’amène à nourrir, influencer et favoriser la croissance des apprenants en visant le développement de leur plein potentiel. Dans cette catégorie, il y aurait un aspect développemental ou biologique. Par exemple, l’une des métaphores concevait l’enseignant comme un jardinier occupé à faire pousser ses plantes (faire grandir ses élèves).

Dans leur interprétation des résultats, De Guerrero et Villamil (2000) expliquent que les rôles décrits par les enseignants renvoient généralement à ceux qui leur sont traditionnellement attribués dans d’autres recherches scientifiques. Enfin, ces chercheures expliquent que l’analyse des métaphores créées par les enseignants de la L2 révèle leurs orientations théoriques en langue seconde. À ce sujet, les chercheures ont identifié trois principaux courants théoriques, parmi lesquels figurent l’approche de traitement d’information qui s’inscrit dans le courant cognitiviste, les approches sociales comme le socioconstructivisme et les approches humanistes qui adoptent une orientation plutôt affective ou psychologique.