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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.2 Les représentations sociales

2.2.2 Définition

Depuis sa conception, la notion de représentations sociales est complexe et multidimensionnelle, intégrant un ensemble de construits dont certains sont parfois étudiés de manière isolée : éléments informatifs, cognitifs, idéologiques, normatifs, croyances, valeurs, attitudes, opinions, images, etc. (Jodelet, 1989, p.36). Alors que certains considèrent cette notion floue et difficile à opérationnaliser, notamment dans le cadre d’études empiriques, pour d’autres, cette complexité traduit sa vitalité et son caractère transversal dans plusieurs domaines liés aux sciences humaines (Jodelet, 1989, p.42; Moscovici, 1989, p.65). Dans le même ordre d’idées, Manoni (2010, p. 9) décrit les représentations sociales comme « des objets polymorphes et variables ». De plus, il explique que le fait que ces dernières ont été étudiées dans plusieurs disciplines différentes, sans appartenir exclusivement à l’une d’elles, fait en sorte qu’il est problématique de « rendre compte de leur diversité » (ibid., p.9).

Jodelet (1989) schématise le champ d’études des représentations sociales et dégage certains aspects de cette notion complexe. En simplifiant, elle décrit les représentations comme « une forme de savoir pratique reliant le sujet à son objet » (p.43). La chercheure précise que la représentation appartient toujours à un sujet, soit une personne ou un groupe et qu’il y a toujours un objet, ou une chose qui est représentée, qu’elle soit

physique ou idéelle. Jodelet rajoute que « les caractéristiques du sujet et de l’objet

auront une incidence sur ce qu’elle est ». Le rapport entre ces deux éléments est celui

d’une « symbolisation » ou d’une « interprétation » visant à accorder une signification particulière à l’objet. Il est donc possible de considérer les représentations à la fois comme un contenu ou produit et un processus (p.37), en faisant référence à l’activité de

construction, d’expression ou d’interprétation du sujet qui se représente l’objet ou le

signifié. Par ailleurs, Jodelet précise que cette forme de savoir peut être qualifiée de

pratique puisqu’elle se réfère au contexte et à l’expérience du sujet dans les cadres et conditions dans lesquels elle est produite (p.43).

La définition générale suivante est proposée par Jodelet (2003):

« Le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social, matériel et idéel. En tant que telles, elles présentent des caractères spécifiques au plan de l’organisation des contenus, des opérations mentales et de la logique. Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles découlent, aux fonctions qu’elles servent dans l’interaction avec le monde et les autres. » (ibid., p.367)

Dans la définition précédente, la nature, les principales caractéristiques et les fonctions des représentations sociales sont exposées. D’abord, il existe un lien étroit entre les représentations sociales et les connaissances : par leur nature même, elles sont une forme de savoir, mais un savoir lié à la pratique, construit par l’expérience de l’individu dans un environnement donné. Ensuite, la nature sociale des représentations est énoncée :

celles-ci sont influencées, générées et transmises par le milieu social dans lequel l’individu évolue et par les interactions qu’il a avec les individus appartenant à son groupe social. La dimension contextuelle est également présentée : les représentations étant influencées par les caractéristiques de l’environnement dans lequel le sujet ou le groupe de sujets se situe. Par ailleurs, la fonction d’adaptation à l’environnement des représentations sociales est abordée : l’individu ou son groupe d’appartenance interprète l’environnement et se l’approprie à travers les représentations. Enfin, la fonction de communication émerge puisque les représentations se construisent dans l’interaction et se transmettent par le langage.

Tel qu’évoqué dans cette définition de Jodelet (2003), les représentations sociales ont une double nature, car elles font référence à la fois à un contenu et à un processus, « touchant ainsi à la pensée et à l’action » (Moisan, 2010, p.28). En plus d’avoir une double nature de type contenu/processus, il existe une seconde complexité, à savoir que les représentations sont individuelles ou collectives. Les représentations propres à l’individu sont grandement influencées par celles du groupe social auquel il appartient : « les représentations sociales pèsent donc sur les représentations individuelles » (Courty, 2007, p.192).

Jodelet (2003), identifie cinq caractères fondamentaux de la représentation: « elle est

toujours représentation d’un objet; elle a un caractère imageant et la propriété de rendre interchangeable le sensible et l’idée, le percept et le concept; elle a un caractère symbolique et signifiant; elle a un caractère constructif et elle a un caractère autonome et créatif. » (p.371). Par ailleurs, Jodelet précise qu’il y a toujours quelque chose de social

dans les représentations, même individuelles, puisque celles-ci s’expriment par des catégories liées à la culture et aux langues.

De plus, puisque la représentation sociale est construite par un sujet, celle-ci diffère sensiblement de l’objet qui est représenté : il ne s’agit pas d’une simple reproduction. D’après Jodelet (1989), ce rapport signifiant-signifié ou figure/sens (Jodelet, 2003, p.369) entraîne un décalage avec l’objet, même si ces deux aspects sont difficilement dissociables. Ce décalage peut aussi être dû à l’influence des valeurs et des normes appartenant à un groupe de sujets et aux implications personnelles et aux engagements sociaux des individus. En somme, la représentation d’un objet se distingue de l’objet lui- même de plusieurs manières, ce qui fait en sorte que l’acte de « se représenter » un objet est infiniment plus complexe que de réaliser une simple reproduction ou une image de l’objet.

Jodelet (1989) exprime la fonction principale des représentations sociales comme servant à « agir sur le monde et autrui » (p.45). Cette fonction générale affirme le lien entre les représentations sociales et la pratique, celles-ci étant orientées vers l’action du sujet. Par ailleurs, la chercheure répertorie un nombre important de fonctions des représentations, dont la plupart sont intimement liées à la vie collective. Les représentations sociales interviennent :

« (…) dans des processus aussi variés que la diffusion et l’assimilation des connaissances, le développement individuel et collectif, la définition des identités personnelles et sociales, l’expression des groupes, et les transformations sociales. » (Jodelet, 1989, p.37)

Parmi les principales fonctions des représentations figure la « fonction cognitive » qui se réfère à l’intégration de connaissances nouvelles aux schèmes préexistants et à l’interprétation de la réalité. Les autres fonctions sont plutôt liées à la dimension sociale, à savoir la « fonction d’orientation des conduites et des rapports sociaux », la « fonction

communication ». Ainsi, le partage des représentations sociales, ou du savoir de sens commun, par les individus au sein d’un groupe quelconque, contribue à construire des

cultures, des valeurs et des croyances communes.

Cependant, il existe aussi des différences interindividuelles au sein d’un même sous- groupe qui sont dues aux caractéristiques des représentations sociales elles-mêmes, décrites plus haut par Jodelet (2003, p.371), comme leur capacité d’évoluer en fonction des interactions entre l’individu et son environnement ainsi que leur caractère créatif et autonome, ce qui entraîne des différences de représentations sociales chez les individus d’un même groupe. Jodelet (1989) explique l’importance de la dimension sociale des représentations, dans la mesure où celles-ci:

« (…) engagent l’appartenance sociale des individus avec les implications affectives et normatives, avec les intériorisations d’expériences, de pratiques, de modèles de conduites et de pensée, socialement inculqués ou transmis par la communication sociale. » (p.37)

En résumé, l’intervention des fonctions des représentations sociales dans la cognition et l’appropriation des savoirs, les rapports sociaux, la construction identitaire, la communication, l’orientation des conduites, l’adaptation à l’environnement et la justification des pratiques, selon nous, leur accorde une importance particulière dans le domaine de l’éducation.