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Chapitre 1 : Problématique

1.2 Contexte scientifique

1.2.3 Les représentations d’enseignants dans le contexte québécois

1.2.3.1 Recension d’études menées dans le contexte de l’intégration d’élèves allophones immigrants au Québec

Dans le contexte propre au système scolaire québécois, les études recensées portent généralement sur les « perceptions » d’enseignants quant à l’intégration des élèves allophones immigrants. Aux fins du présent mémoire, les perceptions des enseignants sont considérées comme faisant partie d’un construit plus général, les représentations sociales. Cette section de la problématique de recherche présente le bilan de l’intégration dressé par des enseignants québécois, en faisant ressortir les thèmes clés qui préoccupent ces acteurs et les défis et conditions favorables à l’intégration d’élèves allophones immigrants à partir d’études menées au Québec.

Depuis la loi 101, le bilan de l’intégration des élèves allophones immigrants et plus largement celui des élèves issus de l’immigration a été dressé en se basant sur les perceptions d’acteurs scolaires et sur des données quantitatives (Mc Andrew, 1996; Mc Andrew et Proulx, 2000; Mc Andrew, 2001; Armand, 2005). À travers une recension

d’études gouvernementales et de recherches provenant du milieu universitaire menées au cours des années 1980 et 1990, Mc Andrew (1996) identifie quatre problématiques en rapport avec l’intégration des élèves allophones immigrants dans les écoles de langue française au Québec : à savoir le pluralisme structurel ou l’isolement intercommunautaire, l’intégration linguistique, l’égalité des chances et l’adaptation systémique à la diversité (ibid., p.3).

En dressant le bilan des interventions de l’école québécoise sur ces questions, Mc Andrew (1996) relève un nombre important d’études faisant état des perceptions des intervenants scolaires qu’elle qualifie comme quelque peu « alarmistes » (ibid., p.7) étant donné l’état actuel de la situation. Rappelons-nous qu’à l’époque de son bilan en 1996, à peine une quinzaine d’années se sont écoulées depuis que la loi 101 a abouti à des changements marquants dans la clientèle scolaire des écoles francophones publiques et surtout, montréalaises. Selon Mc Andrew, les perceptions des enseignants quant à l’intégration linguistique des élèves allophones immigrants s’articulent principalement autour de trois enjeux : les faiblesses des compétences en langue française des élèves allophones immigrants, la baisse de la qualité de l’enseignement du français en classe ordinaire en réponse aux faiblesses des élèves allophones immigrants et la modification du climat sociolinguistique de l’école en raison de la présence accrue de l’anglais et d’autres langues maternelles dans des écoles traditionnellement francophones (ibid., p.7).

D’autres travaux plus récents se penchent également sur l’analyse des perceptions d’enseignants autour de la question de l’intégration linguistique des élèves allophones immigrants, par exemple, Mc Andrew et Proulx (2000), Mc Andrew (2001; 2010), Armand (2005a). Cependant, à la lecture de ces derniers, nous constatons, à l’instar d’Armand, que « du côté des enseignants, les thèmes clés restent toujours la place du

français en contexte de pluriethnicité et, plus largement, la question des différences culturelles entre la famille et l’école » (ibid., p.150).

À ce sujet, Mc Andrew (2001) fait état d’un « hiatus » persistant entre le discours des intervenants scolaires et les données de recherches empiriques sur les thèmes liés à l’intégration des élèves allophones immigrants. En fait, il semblerait que certains enseignants soient mus par leurs préoccupations en lien avec la situation de la langue française au Québec. En particulier, dans le débat entourant le choix des modèles de services pour l’apprentissage les élèves allophones immigrants, Mc Andrew fait l’analyse suivante concernant l’intérêt des enseignants pour le maintenir de services spécifiques :

« Cette tendance reflète une certaine déresponsabilisation des enseignants face à l’intégration linguistique des élèves nouveaux arrivants, qu’on voudrait voir entièrement réalisée par la classe d’accueil. Des craintes plus générales sur la situation sociolinguistique et les attitudes des allophones à l’égard du français au Québec ont probablement aussi une influence, plus discrète (…)» (p.31)

Le projet de recherche actuel sur les représentations de 17 enseignants du secondaire quant à l’intégration d’élèves allophones immigrants a été mené lors d’une étude sur le terrain d’écoles secondaires montréalaises en 2007, soit trente ans après la loi 101. Nous nous demandons si les bilans de l’intégration dressés par les enseignants seront différents, c’est-à-dire moins « alarmistes » que ceux recensés par Mc Andrew (1996). Nous nous interrogeons aussi à savoir si les préoccupations en lien avec l’intégration seront différentes de celles rapportées par Mc Andrew et Proulx (2000), Mc Andrew (2001) et Armand (2005a)? Les enseignants manifesteront-ils plus de recul étant donné le temps écoulé? À notre connaissance, il n’existe pas d’études récentes menées au Québec ayant pour objet de recherche les représentations sociales d’enseignants quant à l’intégration des élèves allophones immigrants.

En outre, la présente étude considère les enseignants comme faisant partie d’un groupe social particulièrement engagé dans un projet de redéfinition des frontières ethniques amorcé depuis plus d’une quarantaine d’années, à l’instar de chercheures comme Juteau, (2000) et Hohl et Normand (2000). Nous considérons également le système éducatif québécois comme étant l’une des cibles privilégiées de ce projet social (Mc Andrew, 2010). En ce sens, l’étude des représentations sociales d’enseignants québécois ressort comme un angle d’analyse intéressant qui offre la possibilité d’éclairer un facteur systémique susceptible d’influencer la réussite d’élèves allophones immigrants.

Ce que nous retenons…

x Des études recensées au Québec sur les perceptions d’enseignants caractérisent celles-ci comme « alarmistes » en ce qui concerne l’intégration d’élèves allophones immigrants (Mc Andrew, 2001)

x Il existerait un « hiatus » entre les données quantitatives généralement positives et les données qualitatives qui sont plus négatives (Mc Andrew, 2001)

x Les thèmes récurrents qui préoccupent les enseignants québécois sont : la place du français en contexte pluriethnique; les différences culturelles entre l’école et la famille (Mc Andrew, 1996; Armand, 2005)

x Des chercheures considèrent les enseignants québécois comme un groupe social engagé dans un projet de redéfinition des frontières ethniques (Hohl et Normand, 2000; Juteau, 2000; Mc Andrew, 2010)

Pour toutes ces raisons, l’étude des représentations d’enseignants quant à l’intégration d’élèves allophones immigrants dans des écoles secondaires nous paraît comme un sujet de recherche pertinent, car il est susceptible d’amener une meilleure connaissance d’un facteur systémique qui influence la réussite d’élèves allophones immigrants. Dans la section suivante, nous présentons notre objectif et notre question de recherche générale.